12 - Paris : Folie peureuse

À ton ami, dis-lui le mensonge,

et s'il garde le secret, dis-lui la vérité.

PROVERBE PORTUGAIS

MERCREDI 26 DÉCEMBRE

11 : 46

IRIS

— Barre-toi !

Iris s'approcha plus près de la porte, il fallait qu'elle parle à cet homme. Lui seul pouvait l'aider à en apprendre plus sur Nathalie. Presque collée au battant, l'odeur du vernis de bois neuf assaillant ses narines, elle tenta de nouveau :

— Je veux juste entendre ce que vous avez à dire.

— J'ai rien à te dire !

— Vous en voulez à Nathalie, et à moi aussi mais... Je ne la connais pas. À part tout à l'heure devant votre maison, elle a toujours fait semblant que tout était normal. S'il vous plaît, je vous demande juste de m'expliquer le problème...

— Le problème ? s'égosilla l'homme en tapant derrière la porte. Tu veux savoir le problème ? C'est toi, toi et l'autre folle, et son pseudo fils. Vous trois vous formez une belle équipe... Tous aussi lâche les uns que les autres !

Pseudo fils. Parlait-il d'Aaron ? Pourquoi pas de Marie ? Quel rapport y avait-il entre eux ?

— Monsieur...

— Je ne te répondrai plus ! Je... je pourrais être dangereux. Barre-toi !

Des pas lourds résonnèrent à l'intérieur. Elle avait une clé, une solution qui lui échappait. Une image lui sauta à l'esprit. Des clichés. Ce front blond. Cet époux qui serrait Nathalie dans ces bras. Ce profil familier qu'elle retrouvait dans celui qu'elle entrevit rapidement sur cet homme. Athaïs devait être le père du petit garçon, et peut-être même celui de Marie.

— Alors, parlez-moi de votre fils.

Silence. Elle touchait le point faible. Les pas se firent entendre en sens inverse. La porte s'ouvrit. Le visage déconfit de l'homme apparut sur le seuil. Il portait une chemise à carreaux terne sur laquelle était épinglé un cristal marron.

— Tu... connais mon fils ?

— Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ? Il était malade ?

Bluffer était dans son caractère. Mentir aussi. Les photos qui bouleversaient Aaron la veille, ces photos où cet enfant maigrichon disparaissait subitement, ces photos lui permettraient de convaincre cet homme.

— Il avait... un cancer, tenta-t-elle.

Athaïs paraissait troublé, au bord des larmes. Prise d'un élan de confiance, Iris fit un pas vers lui.

— Aaron et lui étaient très proches, pas vrai ?

— Parle pas de lui !

En un instant, le médecin s'était transfiguré. La haine et la peine déformaient ses traits las.

— D'accord, d'accord, temporisa-t-elle en continuant d'avancer, les paumes en évidence. J'en parlerai plus...

Il s'écarta assez pour lui indiquer qu'elle pouvait entrer. Maladroitement, Iris se glissa dans l'intérieur agréablement décoré. Les murs de pierres irrégulières côtoyaient le lambris blond, les huisseries noires relevaient les lignes graphiques qui ornaient le plafond. Épurée et élégante, la maison s'associait mal avec l'image atypique de son hôte. Elle repéra une porte-fenêtre entrouverte, sortie de secours si les choses dérapaient.

— Il s'appelait Adam. C'était un enfant... génial. Un petit prodige.

Un sourire naissant des souvenirs brassés s'éleva sur ses lèvres. Bulles pétillantes d'une joyeuse époque passée. Il s'assit dans l'un des canapés beiges. La tête maintenue dans ses grandes mains. Iris l'imita, malaise.

— Je pensais qu'il s'en sortirait. Je pensais qu'on pourrait le protéger du monde...

— Vous ne pouviez rien faire...

— Oh si ! Oh si j'aurais pu faire quelque chose. J'ai été stupide. Stupide et lâche ! J'ai été aveuglé par elle, par sa pseudo-bonté. J'ai cru en elle, j'ai cru qu'elle savait ce qu'elle faisait ! J'ai été stupide.

Malaise.

— Elle ?

Il plongea ses yeux brillants dans les siens. Éclat de folie. Pétrifiée.

— Nathalie, comme elle aime se faire appeler... Nathalie et son avorton pas net. C'est eux qui ont détruit ma vie.

— Aaron n'est pas responsable. La mort de votre fils vient de sa maladie.

Sursaut. D'un bond, l'inconnu s'était levé, projetant le sofa quelque centimètre derrière lui.

— Ils l'ont tué !

Sursaut. Tachycardie. Oxygène absent. Debout, elle lui faisait face. Leurs membres tremblaient à l'unisson. Sortir.

— Va-t'en, Iris. Je veux pas te faire du mal à cause d'elle.

Sortir.

— J'en ai raz-le-cul de vos conneries ! s'écria-t-elle en contournant la table. Vous êtes encore plus taré qu'elle !

Dans sa poche, sa main fébrile se referma sur sa dague. Rythme terrifié de son cœur pulsant dans ses tempes. Dans ses doigts. Flot de sang affolé dans les capillaires de ses yeux. Sortir.

— Fuis avant qu'elle te détruise aussi, implora l'homme en reculant.

Panique.

Haine.

Colère.

Elle courut. 

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