Chapitre VII - Procrastination
Dans la salle du conseil, le général Apep prit la parole afin d'expliquer en quoi consistait la guerre au prince et à la princesse des Nóthis. Iâh et Baâl étaient attentifs puisqu'ils avaient attendu depuis longtemps des réponses à leurs questions sur ce conflit qu'ils avaient toujours connu. Le général avait une voix si rauque que ses cordes vocales semblaient avoir été endommagées. Il n'hésitait pas dans le choix de ses mots. Il avait l'air si sûr de lui qu'un aspect autoritaire se dégageait de sa personne alors qu'il n'avait pas une carrure imposante étant trapu et assez âgé pour apparaître quelque peu fragile. Iâh se dit qu'il devait être beaucoup plus impressionnant lorsqu'il était jeune. Aujourd'hui, il inspirait le respect par sa voix ferme et son âge qui rappelait celui de la sagesse. Iâh avait appris à se méfier des apparences alors elle fit abstraction de tout cela et écouta les paroles d'Apep qui l'intéressaient au plus haut point :
— Pour commencer, la guerre fut déclarée pendant un jour, si funeste, où de nombreuses galeries souterraines furent découvertes et révélées à la brûlante lumière. Mais ça, vous le saviez déjà. Nous ne voulions pas intervenir dans la guerre ; à quoi bon ? Nous savions que nous n'avions aucune chance de les battre et comment affronter un peuple aux antipodes du notre ? Mais trop, c'est trop ! Pour résister, nous avons perfectionner nos équipements. C'est d'ailleurs notre grande force, les équipements. Nous pensons que c'est grâce à notre intelligence et notre capacité à fabriquer des outils que nous pouvons prendre le dessus sur ces monstres. Quoiqu'il en soit, nous progressons chaque nuit vers leur cité la plus importante, celle qui abrite le palais, pour y faire des attentats, en faisant exploser quelques bâtiments, en sabotant leurs matériels de survie. La nuit, nos ennemis illuminent leur cité pour survivre et pour nous tenir à l'écart, mais grâce à nos ingénieurs, nous avons des combinaisons qui limitent les effets de la lumière sur nos corps. Plus particulièrement des lunettes qui ne laissent pas passer la lumière. Cela nous rend plus ou moins aveugles mais de cette manière nous pouvons nous approcher de leurs habitats. Nous créons aussi des leurres, de faux villages souterrains et posons des pièges à proximité de notre cité et de nos villages. Le but de tout cela est évidemment de nous protéger mais également de leur faire comprendre que nous ne sommes pas un peuple faible, que nous sommes capables de riposter et que leur domination n'est pas réelle.
Apep fit une pause dans son monologue laissant le temps à Baâl et à Iâh d'intégrer ces informations avant de passer à la suite.
— Quant à eux, ils détruisent nos logements comme nous l'avons dit et redit. La grande différence avec nous est qu'ils n'innovent pas. Ils ont trouvé une technique efficace, certes, mais cela ne sera pas suffisant pour nous battre.
— C'est tout ? intervint Baâl surpris que les Daagis ne luttent pas autrement.
— Non, quand je dis détruire, ils sabotent aussi nos matériels qui se trouvent à l'extérieur, qui ne sont pas les plus importants heureusement. En réalité, ils ne font que reproduire nos ripostes puisqu'elles s'avèrent efficaces. Nous appréhendons seulement qu'ils se perfectionnent dans ce système et qu'ils parviennent à nous exterminer en un seul jour. C'est pourquoi nos attaques dans leur cité et aux alentours sont importantes car elles peuvent sûrement contrer cela, si nous détruisons tout.
Baâl était un peu déçu par ces révélations. Il trouvait ça pauvre. Il pensait que cette guerre était bien plus active en vérité. Iâh restait aussi sur sa faim. Elle comprenait mieux comment son peuple luttait mais elle aurait voulu en savoir encore plus sur les Daagis. Elle se risqua à poser la question qui la démangeait :
— Avez-vous déjà aperçu des Daagis ?
Toute l'assemblée la fixa, dont son père.
— Non, jamais. Comme je le disais, à proximité de leur cité, nous sommes quasiment aveugles. Et puis, pardonnez ma curiosité Iâh, mais pourquoi cette question ?
— Je me disais que rencontrer un Daagis pourrait nous permettre de mieux comprendre leurs intentions, d'anticiper leurs mouvements, en connaissant leurs points forts et points faibles. Tout ce que nous savons sur eux finalement c'est qu'ils ne peuvent pas vivre sans lumière. Je trouve que cela fait peu d'informations. Il me semble nécessaire de connaître notre ennemi pour pouvoir le vaincre. Non ?
— Comment voulez-vous que en sachions plus sur eux ? interrogea l'un des membres du conseil.
— Pourquoi ne pas en capturer ? intervint un autre.
— Impossible. Ils ne sortent jamais la nuit et si nous les capturons le jour, ils seront morts quand nous les récupérerons la nuit, répondit Mehen.
— Et si le piège les acheminaient sous terre dans une de nos bases ?
— Cela serait le même problème, déclara Mehen une nouvelle fois, ils ne peuvent vivre sans lumière ! Cela nous servirait à rien de les capturer morts.
— En tout cas, cela pourrait réduire leur effectif, fit remarquer Apep.
— Alors capturons-les en prévoyant de leur garder une source de lumière à proximité pour qu'ils puissent survivre, proposa Iâh.
— Êtes-vous folle ? Manipuler de la lumière ?
— C'est audacieux, j'aime l'idée, s'exprima le général qui regardait avec attention la princesse.
— C'est trop dangereux. Et si le prisonnier se sert de cette lumière contre nous ?
Les paroles, les indignations, fusèrent dans la salle du conseil. Iâh était fière d'elle pour avoir lancer un débat et proposer une idée qui plaisait au général. Elle eut l'impression qu'elle pourrait être utile à son peuple et cela la rendait heureuse, en plus de se dire qu'elle parviendrait peut-être à rencontrer un être de lumière.
Le crépuscule se faisait plus insistant. Petit à petit Thaashnet prenait une autre couleur, n'étant plus orangée, rougeoyante, tandis que la chaleur quittait cette contrée. L'obscurité s'installait en même temps que l'appréhension des Daagis due à la venue de la nuit. Ce n'était pas la première fois que ces êtres de lumières vivaient en compagnie d'un ciel sombre et de tout ce que celui-ci amenait avec lui, mais ils n'étaient jamais confiants, sereins. Plus les minutes passaient, plus Thaashnet était agrémentée de petites lumières, dans un premier temps discrètes, mais qui prenaient ensuite plus d'importance. La cité des Daagis était rayonnante de nouveau, éclairant de mille feux les alentours. Du haut de son orbite, Nóth devait apercevoir une boule de lumière qui essayait sans doute de ressembler à son partenaire divin.
Dans sa chambre, Harmakhis était allongé, les bras ouverts, absorbant les rayons des ampoules diffusant la lumière du jour stockée depuis plusieurs journées. Cela ne faisait même pas quelques heures que Nóth avait pris possession du ciel mais cela suffisait aux Daagis pour se sentir plus faibles. Atoum entra soudainement dans la pièce et s'adressa à son ami, excité :
— Je suis impatient ! Maintenant qu'il fait nuit nous allons enfin savoir si nos dossiers seront acceptés ! J'espère qu'ils nous donneront les réponses rapidement, j'ai tellement...
— Oh non ! l'interrompit Harmakhis qui s'était soudainement relevé. Oh non c'est pas possible !
— Qu'est-ce qui t'arrive ?
— J'ai oublié de rendre mon dossier ! hurla-t-il pétrifié en montrant du doigt un tas de feuilles en bazar sur son bureau.
— Non t'as pas fait ça ! La boulette...
Atoum essaya de retenir tant bien que mal un rire nerveux.
— Mais comment t'as pu oublier ça franchement ? C'était le seul truc important à se rappeler.
— Je rêve, c'est un cauchemar là, désespéra Harmakhis qui prit sa tête dans les mains.
— Bah écoute, c'est pas la mort. Ta procrastination et ton bordélisme se sont retournés contre toi.
— Merci du soutien, vraiment, j'apprécie.
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
— Je sais pas, me rassurer et me dire qu'il y a peut-être une chance qu'ils me mettent chez les combattants après tout !
— Désolé mais il y a peu de chances. Tu l'as dit toi-même, c'est le meilleur poste, tout le monde le demandera.
Harmakhis cria, ce qui fit intervenir une sentinelle qui passait par là en sommant le jeune homme de se taire. Le garçon s'effondra dans son lit en se maudissant lui-même. Atoum dut s'endormir en entendant pendant plus de trois heures son camarades maugréer, s'insulter, pester, marmonner des injures dans son oreiller.
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