Chapitre 6

Nous marchons silencieusement. Je m'apprête à lui dire que je n'ai pas réellement pas besoin qu'il me ramène lorsqu'il lance:

- Tu es vraiment très belle ce soir, déclare-t-il.

Je me retrouve momentanément sans voix, cherchant mes mots pour répondre simplement par un "merci". La gêne s'installe et je sens son regard sur moi. Voyant mon inconfort, il rajoute :

- Je veux dire tu es toujours belle, mais ce soir particulièrement.

Je reste figée, sentant mon visage s'empourprer davantage. Je lutte toujours pour trouver les mots justes.

- Tu es pas mal non plus, lâchais-je d'un ton plus sensuel qui prévu.

Non mais sérieux? C'est quoi mon problème? Je rougis instantanément en réalisant ma maladresse. Face à son air indéchiffrable, je tente de rattraper le coup en ajoutant précipitamment :

- Enfin, merci... c'est gentil.

Je m'attends à une réponse plutôt malaisante de sa part étant donné la situation, mais il me sourit, simplement. Je lui en suis si reconnaissante.

- Alors je te ramène chez toi? me questionne-t-il.

Je cherche Jessica du regard, mais je me résigne à l'idée que je ne la reverrai pas ce soir et décide de lui envoyer un message pour l'informer de mon départ.

- Oui, merci encore de me ramener Thomas.

- Ça me fait plaisir Alice, plus que tu ne peux t'imaginer, ajoute-t-il avec douceur.

Sur cette phrase, nous sortons de la maison de Charlie. Il possède ce don unique de me faire sentir spécial. Les quelques échanges qu'on a eu depuis le début de la soirée me donne l'impression d'être le personnage principal d'un de mes livres d'amour. Pourtant ce ne sont que quelques phrases, mais c'est sa façon qu'il a de me regarder, de dire les choses et de toujours être présent quand je souhaite qu'il le soit. Dès que cette pensée s'empare de moi, je me ramène en pensant à toutes les autres filles qu'il fait aussi sentir spécial. C'est le problème avec lui. Il est charmeur. À moins de protéger mes émotions, je pourrais facilement succomber à son charme, me laisser tomber amoureuse et même croire que ses sentiments sont réciproques. J'ai compris ça assez rapidement, alors j'ai toujours été en mesure de ne jamais éprouver des sentiments pour lui. Peut-être que le bon mot serait plus tôt, contrôler mes sentiments afin de ne pas tomber amoureuse, mais peu importe, ça toujours fonctionné et je compte que ça reste ainsi. Cependant, malgré mes précautions, il y a des moments où je me demande si je suis réellement immunisée contre ses charmes. Parfois, lorsqu'il pose son regard sur moi d'une manière si intense, je sens mes défenses s'effriter légèrement. Mais je me rappelle rapidement les leçons du passé et je m'efforce de garder ma distance émotionnelle. Après tout, il est préférable de préserver mon cœur que de risquer de le briser.

Nous roulons depuis quelques minutes déjà et il brisa le silence.

- Où habites-tu déjà?

- 6 rue Des...

- Desrosiers c'est vrai, me coupe-t-il. Je me rappel maintenant.

Ma maison n'est plus très loin et j'appréhende déjà le moment où je devrai sortir de la voiture. Ça me fait presque regretter de ne pas être restée à la soirée. J'aurais pu lui dire de ne pas ramener et de passer la soirée avec moi. Juste lui et moi. Je décide de garder cette dernière pensée pour moi.

- Si tu n'es pas trop fatiguée, nous pourrions aller marcher un peu, qu'est-ce que tu en dis ?

Je lui adresse un sourire et répond que ça me ferait plaisir. S'il pouvait entendre les cris de joie qui se font entendre dans ma tête au moment où il me dit ça, je pense qu'il partirait sur le champ. Je m'efforce de reprendre mes esprits. Depuis le début il agit exactement comme je pensais. Je connais son petit jeu par cœur. Ça ne m'empêche pas de tout de même apprécier mon temps avec lui, mais sans plu. Je trouve plus facile de me détacher en me remémorant la douleur que j'ai ressentie lorsqu'il a cessé de me parler. Ça fonctionne, je retourne dans une stabilité émotionnelle qui selon moi est acceptable, mais pour combien de temps encore ?

Nous sortons de la voiture et nous commençons à marcher dans les rues près de ma maison.

- Alors...commence-t-il, comment aimes-tu la vie universitaire?

- J'aime bien mon programme, je ne pensais pas avoir les nerfs pour devenir infirmière, j'ai toujours eu peur des piqûres, mais étonnamment, le fait d'aider les gens a atténué cette crainte. Je m'arrête. Excuse-moi, je parle peut-être trop, dis-je timidement.

- Non bien sûr que non, se presse-t-il à dire, ça faisait un moment que je voulais prendre de tes nouvelles, alors je suis content de t'entendre parler.

Un moment qu'il veut prendre de mes nouvelles ? Il plaisante ? Est-ce une simple excuse pour atténuer la culpabilité de ne jamais avoir pris contact avec moi malgré mes tentatives? Cette seule phrase réussie à me refroidir à son sujet. Je m'efforce un léger sourire et nous restons un moment sans parler.

- Et toi, que fais-tu exactement ?

- Après le secondaire, j'ai fait une session au collège, mais j'ai rapidement réalisé que ce n'était pas fait pour moi. Pas du tout. J'ai alors trouvé un emploi dans le bureau d'une amie de ma mère. J'apporte mon aide au niveau administratif en attendant de découvrir ma véritable passion et d'envisager un retour aux études.

-Oh c'est bien, j'espère que tu trouveras bientôt, répondis-je.

-Tu sais, j'espérais te voir ce soir, dit-il timidement, mais Jo m'avait dit que tu n'y serais probablement pas.

En entendant le prénom de Jonathan, je relève les yeux et j'en oublie son début de phrase.

-Eh bien, c'est la preuve que Jonathan n'est pas parfait, répliquais-je d'un ton glacial.

- Oh désolé, j'avais oublié que tu ne l'appréciais pas.

- Ouais, je n'apprécie pas les personnes qui baisent ma meilleure amie et en plus de ne pas la rappeler, répandent des rumeurs à son sujet.

Je regarde vers lui et je vois qu'il est inconfortable. Ce n'était pas mon intention, mais je déteste ce gars.

- Excuse-moi, je me suis emportée, je sais que c'est ton ami, je ne voulais pas te rendre mal à l'aise.

- Non je comprends, il peut être assez con parfois Jo.

- Contente que nous nous entendions là-dessus, rétorquais-je en riant malgré moi.

Il me sourit. Nous passons pour la deuxième fois devant ma maison, mais il ne s'arrête pas. Je me retiens de lui demander ce qui se passe entre Gen et lui. Après tout, il m'a parlé de Will et moi, donc pourquoi je ne pourrais pas en faire autant ? Mais quelque chose me retient, une sorte de prudence mêlée à une pointe de jalousie.

-Sinon comment va ta...

-Tu n'es plus avec Gen c'est vrai? l'interrompis-je.

Il s'arrête et me regarde. Oh non, pourquoi je n'ai pas pu me retenir ?

- Qui t'a dit ça ?

- C'est Jess...je m'excuse je ne voulais pas...dis-je en perdant peu à peu toute la confiance que j'avais en moi.

- C'est correct, je ne pensais juste pas que notre rupture avait déjà fait le tour de tout notre secondaire, lâche-t-il.

-Alors c'est vrai? le questionnais-je d'un air innocent.

- Oui c'est vrai, depuis quelques semaines maintenant.

- Je sais comment tu peux te sentir, je vis pas mal la même chose que toi.

- Oui, mais Gen et moi, ça ne fonctionnait simplement plus. Aucun de nous deux n'a blessé l'autre, du moins je ne sais pas si Gen dirait la même chose, mais de mon côté il n'y a aucune rancune, ajoute-t-il d'une voix réconfortante. Alors j'imagine que ça été encore plus difficile pour toi.

-En effet...

Il prend ma main, me retourne et m'enlace. Mon cœur arrête de battre pour un instant. Je voudrais rester dans ses bras de cette manière indéfiniment.

- Tout va bien aller, me chuchote-t-il à l'oreille.

Je me détache doucement de son étreinte et je continue à marcher vers ma maison. Une fois arrivé devant la porte, nous nous arrêtons. Malgré certaines pensées qui me trottent dans ma tête en raison de nos échanges de la soirée, je décide de terminer le tout sur une note positive. De toute façon, je ne compte pas le revoir. Le connaissant, il va disparaître de ma vie comme il sait si bien le faire.

- Merci beaucoup de m'avoir ramené, en fait, merci pour la soirée. Ça faisait un moment que je n'avais pas passé autant de temps sans penser...eh bien, tu sais.

- Il n'y a pas de quoi. On doit se revoir bientôt, il y a trop de temps perdu à rattraper.

Perplexe, je prends un court moment pour réfléchir, puis nous échangeons nos numéros de téléphone. Je ne voyais pas trop comment lui refuser cette demande. Il m'enlace une dernière fois. Je me retire, avance vers ma maison et je me retourne en souriant comme réponse à son signe de main. J'entre dans ma chambre et m'étends sur mon lit. Je ne sais plus quoi penser, un tourbillon d'émotions se bascule à l'intérieur de moi. Je tente d'analyser tout ce qui vient de se passer, mais ça ne fait pas de sens pour moi. On passe deux ans à presque pas se voir et se parler. On se croise une soirée et tout à coup, il décide de m'accorder de l'attention ? Et pas seulement de l'attention, il prend soin de moi et me dit des choses que j'aurais aimé entendre il y a si longtemps. Le pire dans tout ça, c'est que moi je suis ici à tout ruminer pendant que lui doit juste avoir passer à un autre appel. Je dois me protéger et ne pas trop donner d'attention à tout ça, mais je sais que ça ne sera pas simple.

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