Un gros cadeau
Sur la table, une boite carrée d'environ un mètre vingt sur un mètre, trône fièrement et est recouverte de papier cadeau. Sur ce dernier figure un père noël noir surfant un traîneau, guidé par des rennes.
— Alors, t'attends quoi pour l'ouvrir ?! hurle ma mère, surexcitée.
Je ne préciserais pas que sa main est toujours soudée à la caméra et que le bouton rec est sûrement enclenché depuis ma sortie des toilettes.
— Si tu te magnes pas les fesses, je l'ouvre avant toi, ce putain de paquet !
Mes poils se hérissent. Cher Lecteur, je sais que je ne suis pas le plus poli des hommes, mais je n'aime pas la vulgarité. Et mon frère est le symbole même de ce mot.
Avec toute la délicatesse qui m'est permis, j'attrape un morceau de papier et commence à déchirer lentement ce qui ressemble au king, dans le royaume des cadeaux. Ce qui a pour excellent effet d'agacer mon frère, réputé pour son impatience. Lentement, je déballe le présent de mes parents tout en regardant avec un malin plaisir la souffrance que le visage de mon frère dépeint.
Petit à petit, je découvre le cube métallique et les quelques éléments qui le recouvrent, jusqu'à ce que la machine apparaisse dans son plus simple appareil, nue devant moi.
— Qu'est-ce que c'est ? questionné-je, confus.
Cela fait quelques années maintenant que les évolutions technologiques ont chutées. Nous sommes arrivés à un pic en l'an deux-mille vingt-quatre et depuis, il n'y a pas eu grand-chose de nouveau. Nos ressources se sont épuisées et nous sommes revenus à l'électronique des années deux-mille dix. Welcome back Iphone X, go-pro et instax ! Adieu réalité virtuelle et Omo-visuo (qu'on nous avait vendu comme le futur, censé améliorer tous les problèmes du monde et qui, au final, avait fait un flop après un scandale mondial.)
— Essaye de deviner, annonce mon père, avec le sourire le plus fier que je ne lui ai jamais vu.
L'engin est trop lourd pour que je puisse le porter seul. Je caresse l'outil et frôle les boutons du bout des doigts.
— NON ! crie mon père.
J'arrête mon geste, curieux.
— Bon, t'as le droit de regarder, mais touche pas. Tu comprendras après.
Sur la défensive, je recule d'un pas. Quelle est la particularité de cette machine pour effrayer autant mon père avec un simple bouton ?
— Donne-moi un indice au moins, quémandé-je.
Il regarde ma mère, avec un sourire facétieux et annonce :
— Je suis le premier inventeur à avoir réussi l'impossible.
Mes sourcils se froncent. Mon père travaille pour l'OMTRV (Organisation Mondiale de la Technologie Restante et à Venir), c'est un grand ingénieur à qui la France doit beaucoup. Il a été récompensé à de multiples reprises et nous avons été invités tellement de fois à l'Élysée, qu'il est devenu pote avec notre présidente Rosa Alvarez.
— C'est le rêve de milliers de gens ! lâche Anna, au bord de l'implosion.
Son regard brille à chaque fois qu'elle pose son regard sur la machine, ou sur son mari.
Ils sont tous les quatre en train de sauter autour de moi, comme des gamins devant un magasin de confiserie et me lancent des regards comme si la réponse était évidente. Mais lorsque je vois le machin gris sur la table, je pense juste à un prank, que n'importe qui aurait pu me faire.
— Sérieux, je ne vais pas trouver, alors achevez le suspense et dites-moi ce que c'est !
Alain Picardier se lève avec un air solennel. Une nouvelle fois, il observe l'assemblée, avant d'annoncer :
— Ceci, mon poussin, est la première machine à remonter dans le temps.
La seule chose qui résonne dans mon crâne est le « poussin ». Je revois les vidéos des petits zoziaux jaunes, broyés pour faire des nuggets que ma sœur m'avait montré pour me dissuader d'en manger. Bien sûr, ça n'a pas marché. Je prends peut-être même plus de plaisir à en manger depuis, puisque je sais à quel point ça lui fait horreur.
— Adolphe ! Tu es avec nous ?
Une vision de mon père déguisé en poussin devant une énorme broyeuse achève mes rêveries.
— Hmm oui oui.
Le silence a empli la pièce. Tous s'attendent à une réaction, or je ne me rappelle même plus du sujet de conversation initial.
— Ton père a inventé la machine à remonter le temps ! hurle Anna, comme si Jésus venait de s'incarner dans cette foutue machine.
J'approche de l'espèce d'antiquité - on ne va pas se le cacher, ce truc est très laid - qui ressemble plus à un amas de métal, plutôt qu'à un outil hautement technologique.
— Quelqu'un l'a essayée ? questionné-je simplement.
Non parce que, des soi-disant avancées, il faut savoir qu'en deux-mille quatre-vingt-six, ça court les rues. Les inventeurs crient chaque semaine à l'invention du siècle et lors de la première, c'est toujours la même histoire : il ne se passe rien. Plusieurs théoristes pensent même que le monde est désormais une sorte de « zone blanche » à nouvelles technologies. Comme si Dieu avait décidé de nous confisquer nos joujoux, parce qu'on foutait n'importe quoi avec (ce qui serait plutôt intelligent quand on y réfléchit bien.)
— Pas vraiment, mais, commence mon père.
Sans le laisser finir, je lâche un long souffle entendu. Si cette machine fonctionnait vraiment, elle ne serait pas actuellement dans mon salon et serait encore moins à moi. Ce genre d'outil, aujourd'hui, pourrait valoir des millions, peut-être même des milliards.
— Ok, c'est quoi l'histoire ? je demande.
L'expression de mon père s'effondre. Il s'était sûrement attendu à de la joie et à des remerciements, pas à un interrogatoire.
— Disons que pour l'instant, cette machine est ce qu'on peut appeler clandestine.
Bingo.
— Je suppose qu'elle a été construite à partir de matériaux « empruntés » à ton travail, derrière le dos de tes boss ?
Il se gratte le cou.
— On peut dire ça comme ça.
Ses doigts sont maintenant occupés à tapoter la table.
— Et que tu as besoin de moi comme cobaye ?
Soudain, la liesse qui les parcourait seulement quelques minutes auparavant, a fait place à l'embarras.
— C'est que, on pensait que ça te ferait plaisir...
Voilà comment votre famille planifie de se débarrasser de vous proprement.
En vous offrant une machine à remonter le temps, clandestine.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top