35. Aux vies réparées


Le hurlement strident d'une machine m'avait réveillé. Un long cri, douloureux. La plainte infinie, l'agonie lente de la ligne droite d'un électrocardiogramme paralysé. Le gémissement insoutenable de la mort qui bourdonnait dans mes oreilles.

Le coeur battant, j'avais ouvert les yeux, tremblant, inquiet, et je m'étais découvert au chevet d'un malade. Allongé entre des draps immaculés. Le visage pâle. Les paupières et les lèvres bleues. Les yeux injectés de sang, fixant le plafond sans jamais fermer les paupières. Ses cheveux s'étalant sur son oreiller, immobile.

Je m'étais levé, mes doigts tremblants effleurant le corps froid, dur. Sans vie.

Le cri retentissait toujours. Et j'avais reconnu ses traits qui ne souriraient plus jamais.

Alors j'avais sentit mes jambes se dérober sous mon poids.

Et le cri était toujours là, si puissant que j'en devenais sourd.

Puis il s'était mué en une sonnerie de portable.

La mienne.

Et cette fois, je m'étais réveillé. En sueur, incapable de décrire le moindre geste. Paralysé par la peur. Sentant ma cornée me bruler, alors que je tournais les yeux difficilement vers l'écran de mon téléphone, répondant à l'appel de Mark, sans décrocher un mot, muet, les jambes parcourues de frissons douloureux.

Putain, qu'est-ce-qui venait de m'arriver?

Jeno?

Je n'avais pas répondu, incapable de parler. Revoyant son visage, creusé, faible, des milliers de veines parcourant ses bras amaigris. Et ses yeux grands ouverts. Vitreux.

Et j'avais fondu en larmes, bruyamment, le corps secoué d'horribles sanglots qui me nouaient le ventre. Qui m'oppressaient. Et j'avais entendu la voix du blond, comme un écho à travers les hurlements des machines qui hantaient mon esprit.

J-Jeno..? Est-ce-que ça va?

Qu'est-ce-que je pouvais lui répondre?

Non. Ça n'allait pas.

Qu'est-ce-qui aurait pu aller alors qu'il ne nous restait que quelques jours?

Et j'avais lâché mon portable, hurlant entre mes lèvres closes, frappant tout ce que je trouvais, frappant les murs, jetant des coups de pieds dans le canapé, dans la table basse, avec l'envie de tout briser.

Qu'est-ce-que j'avais cru?

Qu'il vivrait éternellement?

J'avais hurlé de nouveau, tirant sur mes cheveux, la mâchoire crispée, jetant des regards furtifs autour de moi, mon visage inondé de larmes. Des larmes de souffrance. Comme autant de gouttes de sang.

J'avais mal.

Mais au fond de moi, un petit espoir se fichait d'être tombé sur cette putain de feuille de merde.

Cette foutue feuille qui m'avait donné la date précise.

La date réelle.

Celle que j'avais fuis.

Jeno! Réponds-moi! avais-je entendu, depuis le sofa. Jeno! Qu'est-ce-que tu fous!

Résigné, laissant des perles amères couler sur mes joues, j'avais finalement attrapé le petit appareil dans lequel Mark s'égosillait.

Rien n'allait.

Mark? avais-je répondu, la voix éteinte, plate, sans émotion.

Mais il n'avait rien dit. Soupirant seulement au bout du combiné. Nous enveloppant dans un silence que mes reniflements brisait parfois.

Je t'ai entendu.. avait-il finalement murmuré.

Et moi aussi je l'avais entendu.

Il pleurait.

Et il n'était pas rentré ce matin.

Jaemin était partit.

Et depuis j'étais seul. Seul avec mes démons.

Ces démons qui avaient monté de toutes pièces ce cauchemar. Plus vrai que nature.

T'es où? avais-je marmonné, en essayant d'enfiler des chaussures, mes doigts tellement fous qu'ils glissaient sur mes lacets sans les attraper.

Pas loin..

Il avait eu du mal a continuer sa phrase, mais il l'avait fait tout de même, au prix de longs efforts :

Dans le parc juste en bas.. je.. t-tu peux venir, s'il te p-plait?

J'arrive, bouge-pas.

Et j'avais raccroché, jetant sur mes épaules ma veste dans laquelle le paquet de cigarettes que j'avais acheté avec Mark était resté.

Et j'avais refermé la porte derrière-moi dans un claquement brutal, essuyant mes yeux avec hargne, ne pouvant ôter cette image horrible de mes souvenirs.

Et j'avais couru jusqu'en bas de l'immeuble, traversant entre les voitures, inconscient, comme enveloppé dans mes songes dont je ne parvenais plus à me dégager.

Je l'avais cherché à la hate parcourant les allées en vitesse, avant de le trouver là, recroquevillé sur un banc, ses cheveux blonds tombant sur son front en mèches tristes, collées par la pluie qui s'était abattue sur la ville très tôt ce matin.

Je l'avais salué presque sans bruit, et il avait relevé ses yeux gonflés vers moi.

Et nous nous étions toisés sans un mot.

Lui, scrutant mon visage tuméfié, creusé de sillons secs, la muqueuse des yeux écarlate, mes longs cils empaquetés par des vestiges de larmes d'effroi.

Moi, détaillant son corps anéanti par la tristesse, dont il était entouré comme d'un halo.

Qu'est-ce-qui s'est passé? lui avais-je demandé, sans aucun tact, presque violemment.

Et il avait ri, comme possédé, me montrant d'un coup de menton et du doigt :

Toi!

Je l'avais observé, sentant ma vie se décomposer. La lettre que j'avais trouvé ce matin consumant mon être entier, alors que ses paroles avaient rajouté une cascade de diesel sur le brasier qui me réduisait en cendre.

Ouais, toi...

Il avait soupiré avant de se lever, venant frapper mon torse du plat de son poing, sans me faire mal. Le frappant encore et encore, alors que je sentais des milliers de choses se briser au fond de moi.

P-Putain de merde.. j'y croyais t-tellement.. j-j'avais tout fait. TOUT!

Et il avait abattu sa main une nouvelle fois, me faisant reculer brusquement alors que je l'attrapais contre moi, son visage venant cogner contre mon épaule avant qu'il ne se mette à pleurer. Ses doigts agrippant mon pull au niveau du col, comme s'il avait voulu me tuer. Me tuer en me protégeant dans son bras libre qu'il avait passé autour de moi dans une étreinte fraternelle.

J'ai t-tout donné pour qu'il se sente mieux. P-Pour qu'il t-t'oublie et te v'là.. ah.. j'ai espéré que ça soit une coincidence. Que tu sois un a-autre « Jeno ».. mais y'en a pas des milliers des gars c-comme toi..

J'avais laissé tomber mon front contre lui, revoyant Donghyuk se confier à moi hier. Revoyant le cadavre de celui que j'aimais choir dans un océan immaculé. Essayant de me dire que tout irait bien.

Mais rien n'allait.

C-C'est toi qu'il a-aime.. qu'est-ce-que j'y peux? M-Moi j'suis j-juste un rappeur.. t-toi t'es Jeno, mmh? Y-Y'a que toi qui fait briller l-leurs yeux comme ça..

Dis pas n'importe quoi..

Il avait rit encore, se dégageant de mon emprise avec brutalité :

Oh arrête! Il ne voit plus que toi depuis que t'es revenu..

Mark..

Et doucement, il avait laissé ses bras tomber le long de son corps, avant de s'affaler sur le banc.

Il ne voit que ses souvenirs en moi.. il ne reste plus rien du Jeno qu'il a connu.. je te promets qu'il n'aime plus celui que tu connais toi.. crois-moi.

J'aimerais te croire.. j'aimerais tellement te croire.. Mais t'étais pas là quand il m'a dit qu'on devrait tout arrêter!

Et j'avais jeté mon pied dans son banc, sans sentir la douleur qui avait transpercé ma jambe :

Vous me faites chier! Vous me faites tous chier!

Et j'avais redonné un coup dans le banc, le faisant sursauter, alors qu'il me fixait, sans comprendre :

Donne-moi ton téléphone, lui avais-je dis en tendant ma main vers lui.

J'avais insisté, finissant par le lui attraper des mains en cherchant Donghyuk dans ses contacts.

Qu'est-ce-que tu fous? m'avait-il demandé, en me tirant sur le banc.

Laisse! avais-je grogné en retirant mon bras, plaçant son appareil contre mon oreille.

Et il m'avait lâché, juste quand le surnommé FullSun avait décroché :

Mark?

Je n'avais rien dis.

Mark! E-Excuse-moi.. j-je n'aurais pas du f-faire ça.. é-écoute-

Et avec un sourire, mi-fier, mi-brisé, je lui avais rendu son portable, le plaquant contre son oreille en articulant une phrase en silence :

Tu rentres après, promis?

Et il avait hoché la tête, écoutant bien plus attentivement la douce voix de son ami que la mienne.

Et lorsque j'étais partit, j'avais jeté un coup d'oeil derrière mon épaule.

Il était de nouveau heureux.

Et je me sentais mieux, parce que j'avais réparé ce que j'avais détruit.

Du moins.. en partie.

Alors maintenant, je m'en allais ravir Jaemin à son lycée.

Parce que c'était à nous d'être heureux.

Nous n'avions plus de temps à perdre.

Et les mains dans mes poches, j'avais marché, impatient de le revoir.

Me fichant de la date que j'avais aperçu dans ses affaires avant qu'il ne parte.

Me fichant de cette date qui ne voulait rien dire.

Cette date qu'il allait vaincre.

Il devait la vaincre.

Parce qu'il allait vivre.

Tout allait bien.

N'est-ce-pas?

________

Petit chapitre de transition huhu, j'espère qu'il vous a plu autant que les autres.
J'trouvais important d'vous renseigner sur l'état du Markhyuk.
J'vous rassure, le prochain, c'est Jeno le génie de la lampe qui exhaussera les voeux de Jaemin. Promis!

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