30. Au compte à rebours


Nos doigts entremêlés ne s'étaient plus quittés. Parce que j'avais besoin de le savoir contre moi. Et parce que son sourire lorsque je les serrais un peu plus suffisait à mon bonheur.

Il avait fait beau ce jour là. Et je m'étais laissé guider dans cette immense cité, apprivoisant lentement ces buildings qui m'étouffaient, supportant bien mieux la présence de tant d'inconnus autour. Parce qu'il était là.

Il m'avait fais visiter quelques boutiques, me poussant à essayer des tas de fringues qui, à ses yeux qui brillaient, semblaient m'aller à ravir. Et j'avais eu beau refuser, il m'en avait payé une dizaine, prétextant que ça m'éviterait d'en piquer à Mark.

Ça le rendait tellement heureux de m'offrir tout ça, que je ne résistais jamais trop longtemps. Car rien que pour sentir son coeur battre si fort, je l'aurais laissé faire n'importe quoi.

Et je l'avais laissé faire tellement de choses qu'il était même parvenu à me faire manger dans un petit restaurant à la quietude agréable. Où nous avions partagé un plat, bien trop copieux pour nous deux.

Et il avait passé son temps à se moquer de moi parce que je m'en mettais partout — ma mâchoire ne voulait plus s'ouvrir correctement à cause des coups que j'avais reçu. Et chaque fois, il m'avait embrassé, m'assurant que ça faisait disparaitre les tâches de sauce au coin de mes lèvres fendues.

Et on avait rit. Bien trop. Pas même intimidé par tous ces gens autour qui pensaient sans doute que deux garçons n'avaient pas le droit de s'aimer. Comme l'avait pensé ma mère. Et comme le pensaient beaucoup de gens, encore. Mais je me fichais d'eux, et de leurs regards sur nous.

Parce que Jaemin n'était pas qu'un simple garçon différent. Non.

Il était tout ce dont j'avais besoin. Le seul être qui suffisait à mon existence. Et pour rien au monde je n'aurais cessé de l'aimer.

Même si la terre entière m'en avait défendu.

*

L'après-midi s'était écoulée de la même façon. Dans la même joie enfantine. Pas même interrompue lorsque nous avions dû passer à la pharmacie m'acheter des anti-douleurs.

Et alors que la soleil commençait sa lente chute, il avait resserré son emprise sur ma main, et nous avions marché. Assez longtemps. Arpentant des rues de plus en plus étroites, alors que nous gravissions des escaliers à n'en plus finir. Me faisant tousser, et lui aussi.

Mais rien ne nous arrêtait.

Nous avions continué d'avancer, arrivant devant un vieil immeuble délabré, couvert de végétation, totalement abandonné, surplombant la vague de gratte-ciels de la ville.

J'avais contemplé l'endroit, l'interrogeant du regard, et il m'avait sourit, m'entrainant à l'intérieur sans rien dire.

Encore une fois, nous avions monté des volées de marches interminables. Puis, il m'avait arrêté au bord d'une baie vitrée, dont la dite vitre n'était plus. Et nous nous étions assis, les jambes dans le vide.

Le panorama était grandiose. Et nous nous sentions ridiculement petits, cachés dans la carcasse de ce monstre de béton.

D'ici, la ville s'étendait à perte de vue. Et nous pouvions voir l'immensité d'un dédale de rues à n'en plus finir. Des parcs fleuris. Et des gens, invisibles vu de si haut.

Mais ce n'était pas pour ça qu'il m'avait amené ici. Et je le savais.

C'était simple, elle occupait tout l'espace.

Sa gare. Immense. Ses si nombreux rails disparaissant à l'horizon, le soleil couchant faisant éclater la terre battue sous le fer. Rougissant les wagons assoupis. Illuminant ceux qui s'enfonçaient dans son halo, animés d'une vitesse qui semblait les doter de vie.

Silencieux, j'observais cet endroit dont il avait si souvent foulé les quais.

Puis il avait posé sa joue contre mon épaule, sa main glissant sur mes doigts agrippés au bord du bâtiment.

Ça te plait? avait-il murmuré, un adorable sourire éclairant son visage alors que ses yeux me détaillaient, comme si j'avais été la plus belle chose qui soit.

Et j'espérais que pour lui, je l'étais. Car c'était précisément ce que je ressentais lorsque je posais mon regard dans ses yeux. Sur son visage. Et le reste de son corps.

Il était la seule merveille de mon monde.

Oui, avais-je répondu, ébahit.

Tu sais, avait-il rit tendrement, cet endroit.. c'est devenu le tiens, il y a.. 7 mois je crois.

Je l'avais regardé sans vraiment comprendre. Nos visages se penchant l'un vers l'autre, naturellement, nos nez se frôlant, nous plongeant dans cet univers qui n'était que le notre. Et que notre proximité rendait toujours fabuleux.

Ce jour là, quand je t'ai vu.. tu portais le sweat que tu m'as donné. Et tu avais coiffé tes cheveux en arrière, mais quelques mèches te tombaient sur le front...

Il s'était arrêté, souriant tout seul, alors que je le regardait, pendu à ses lèvres :

Tes épaules avaient l'air immenses..

Il rit timidement, poursuivant aussitôt :

Ne me demande pas c'que j'ai avec tes épaules.. je.. elles sont justes.. enfin, t'as compris!

J'avais sourit, baissant les yeux, comme chaque fois que j'étais gêné d'être trop heureux.

Ce jour là.. avait-il répété, j'ai sentit quelque chose au fond de moi. Un truc qu'on peut pas vraiment décrire. Un truc qui a retourné mon ventre dans tous les sens quand tes yeux s'étaient tournés vers mon wagon. Au début.. j'ai pas vraiment compris, alors j'ai juste continué de te regarder.. parce que tu me captivais.

Mon coeur flottait dans ma poitrine. Et je l'imaginais, me fixant derrière sa vitre. Depuis le début. Et je trouvais ça beau.

Le soir, avait-il continué, quand je suis rentré chez-moi, c'est la première fois que j'ai espéré te revoir sur ton banc. J'avais pensé à toi toute la journée... J'me trouvais ridicule à rêvasser en classe, le nez par la fenêtre, avait-il rit de nouveau. Mais j'arrivais pas à penser à autre chose. Et c'était si facile de t'imaginer.. je connaissais ton visage par coeur. Alors, quand j'me suis couché ce soir là, j'ai compris. Et je me suis sentit.. tellement vivant.

Ses derniers mots m'avaient percutés de plein fouet. Et sa voix s'était serrée.

Quand je me suis réveillé le lendemain, j'étais à l'hôpital. J'avais l'habitude à l'époque.. j'faisais souvent des crises.. à cause de mes médicaments. Mais c'était pas grand chose, juste de l'insuffisance respiratoire. Rien de bien méchant.. enfin par rapport au reste.

Il avait inspiré, ses doigts attrapant ma main plus fermement alors qu'il détournait son regard du mien, le plongeant dans le vide sous nos pieds :

On m'avait fait tout un tas d'examens pendant la nuit.. et à l'heure où, habituellement je te voyais à la gare, mon médecin était venu me donner une date.

Il tremblait. Mais je ne bougeais pas. Incapable de dire quoi que ce soit.

Mon compte à rebours en quelque sorte..

Ma gorge, nouée, me lançait, alors que tout à l'intérieur de moi semblait s'auto-détruire. Voler en éclats.

J'avais la vérité sous les yeux. Et elle faisait bien plus mal qu'un coup, tellement mal, que l'encaisser était une épreuve.

Quand j'ai su.. que.. enfin.. qu'un jour tout ça serait fini, j'ai demandé à mon médecin une feuille et un crayon. Et j'ai fais une liste. Une liste de toutes les choses que je voulais faire avant de.. partir. Et toutes ces choses.. je voulais les faire avec toi. Alors.. je.. je voulais te demander si.. malgré tout, malgré la date.. tu voulais m'aider à la compléter.

Muet, la voix éteinte par cet horrible noeud dans ma gorge, je n'étais pas parvenu à répondre. Alors, j'avais relevé son menton doucement, et nos lèvres s'étaient rencontrées. Se caressant comme si c'était la dernière fois. Ses mains disparaissant dans mes cheveux, me pressant contre lui.

C'était la seule manière que je trouvais pour lui dire oui.

Et il la comprenait toujours.

Doucement, nous nous étions séparés, et j'avais regardé ses yeux brillants. Alors, il avait sourit doucement, sa main effleurant ma joue pour ne pas me faire mal, son pouce glissant contre ma lèvre inférieure, dans un geste qui m'avait presque fait oublier, qu'à l'intérieur, je saignais abondamment.

Tu te souviens.. quand.. je t'ai réveillé pour répondre au téléphone l'autre jour? m'avait-il demandé à mi-voix. C'était l'hôpital..

Plus il parlait, plus la réalité des choses m'arrachait le coeur. Je n'arrivais pas à intégrer, qu'un jour, il ne serait plus là. Je n'y croyais pas. J'avais envie d'espérer que son médecin s'était trompé. Que son traitement serait efficace. Qu'il resterait avec moi. Toujours. Mais il avait continué :

Quand je suis allé au rendez-vous qu'on m'avait donné.. j'ai bien sentit que quelque chose clochait.. pourtant, depuis ce jour, il y a 7 mois.. je n'avais plus eu de crises. Tout allait bien.. depuis que t'étais là.

Et sa voix s'était brisée.

M-Mais, hier.. i-ils m'o-ont donné u-une autre date.. je.. j-je.. i-il me rest-tait d-des années p-pourtant..

Alors je l'avais pris dans mes bras, serrant son visage contre mon épaule, le laissant sangloter, ma main caressant son dos pour le réconforter alors que j'embrassais ses cheveux, le sentant se détendre légèrement à mon contact.

T-Tu veux savoir l-la d-date.. J-Jen..? avait-il soufflé, me serrant fort. Trop fort.

Non, avais-je dis. Je m'en fous. C'est pas important.

Il avait alors relevé son visage vers le mien, ses larmes s'étant tarries brusquement.

Je veux pas vivre en comptant les jours qu'il nous reste. Je veux juste qu'on soit heureux. Qu'on se foutent de tout. J'veux qu'on prenne tout notre temps pour compléter chaque point de ta liste. J'veux qu'on profite de ce qu'on a, sans s'inquiéter. J'veux pouvoir t'aimer comme tu le mérites, sans m'éloigner à cause de la fin. J'veux t'aimer, t'aimer toute ma vie, et me laisser surprendre. Alors, seulement, je connaitrais la date. Pas avant.. jamais avant.

Et nous nous étions fixés, plongés dans ce silence qui nous rassurait. Dans ce silence qui voulait toujours dire bien plus que n'importe quel mot.

Et il avait sourit, sa tête retombant sur mon épaule, alors que nous regardions le soleil se coucher, serrés l'un contre l'autre.

Nos deux coeurs souffrant sans bruit.

Je suis tellement heureux d'être tombé amoureux de toi ce jour là.. avait-il dit alors, son corps toujours secoué de sensibles sanglots.

Et j'avais souris, ne sachant pas vraiment quoi répondre. La gorge serrée.

J'aurais voulu lui dire que je l'aimais. Mais j'attendais le bon moment.

Alors je m'étais tu. Et nous étions resté là, savourant notre bonheur éternel, les yeux perdus sur les rails.

Ces mêmes rails qui nous avait permis d'en arriver là.

Et j'aurais voulu que ce jour ne se termine jamais.

J'aurais voulu arrêter le temps.

Et le garder contre moi.

Toujours.

_______

J'voulais juste vous remercier. Pour tout c'que vous m'apportez tous les jours. J'en crois vraiment pas mes yeux.
On est déjà au chapitre 30, c'est juste dingue.
Et vous êtes tout aussi dingue.
La dernière fois que j'ai posté, vous avez explosé mes notifications :

Et pour ça, votre soutient tout au long de cette aventure, vos commentaires, vos votes, vos messages, j'serais toujours reconnaissante.
Prenez-soin de vous.
On s'retrouve très vite

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