22. À son retour


Le grincement de la porte d'entrée m'avait réveillé. Des pas avaient foulé le parquet du salon. Monté les escaliers jusqu'à l'étage.

Et j'avais resserré mon emprise sur son corps si frêle, qu'on aurait pu briser sans mal. Je l'avais étreint contre mon coeur, sachant ce qu'il m'attendait.

J'avais caressé doucement son dos de ma main blessée d'avoir frapper le mur de notre gare. Et j'avais enfouis mon nez dans ses cheveux, respirant son odeur dont je tombais éperdument amoureux, un peu plus chaque jour.

J'avais serré les paupières, crispé contre lui, voulant le protéger. Voulant nous protéger. Voulant protéger ce que nous avions construit ensemble.

Et la porte de notre chambre s'était ouverte.

Elle pensait sans doute ne pas me trouver là. Elle pensait sous doute que j'étais déjà partit, comme tous les matins lorsque j'étais seul. Parce que je ne dormais jamais.

Jeno était insomniaque.

Mais depuis qu'il était là, je dormais. Je dormais, parce que mon coeur était apaisé. Parce que je n'étais plus seul.

Mais ça, elle n'en savait rien.

J'avais fait mine de dormir, sentant son souffle doux contre mon torse, ses mains recroquevillées contre moi, nos jambes entremêlées.

J'avais attendu. Attendu qu'elle parte. Attendu, paralysé, mon monde se décomposant lentement sous son regard assassin.

Il ne se doutait de rien. Il était si paisible.

Et elle avait parlé.

J'suis rentrée.

Sa voix avait fait exploser mon coeur d'une peur incontrôlable. Je n'avais pas bougé, priant pour qu'il ne se réveille pas. Qu'il n'ait pas à vivre ça. Qu'il reste protégé de tout le mal que portait ce monde.

Et j'avais pensé à mon père.

J'aurais besoin de son courage pour l'affronter.

Je pensais qu'elle partirait maintenant. Qu'elle nous laisserait, qu'elle accepterait, mais non.

Elle avait donné le coup final. Le coup fatal. Plantant un poignard dans mon dos. Crachant mon prénom comme s'il s'agissait d'une insulte.

Et toi, Jeno, tu te casses.

J'avais serré la mâchoire, une main plongée dans ses cheveux, pressant son visage contre moi, incapable de faire autre chose que de le câliner, pour qu'il reste endormi.

Mais elle avait hurlé :

Tu prends tes affaires. Et tu te tires, t'as compris?

Et elle avait claqué la porte.

Réveillant en sursaut l'ange qui avait trouvé la paix au creux mes bras.

Celui-ci avait relevé son visage, plongeant ses grands yeux voilés de sommeil dans les miens, la bouche entre-ouverte, surpris :

Qu'est-ce-que s'était?

J'avais souris, dégageant avec tendresse quelques mèches caramel de son front, enfonçant mon visage dans un oreiller, las, mais heureux de l'avoir contre-moi :

Rien. Ça devait être le vent.. j'ai dû oublier de fermer une fenêtre hier.

Oh.. j'ai eu peur, avait-il rit doucement en se blottissant de nouveau contre moi.

J'ai vu ça.. avais-je répondu, jouant avec les cheveux de sa nuque. Mais tu peux te rendormir si tu veux...

Il ne devait pas choisir cette option. Elle ne devait pas toucher à un seul de ses cheveux.

Elle n'avait pas le droit de le blesser.

Alors il devrait partir.

Non, je préfère être éveillé... comme ça, je sais que je ne suis pas en train de rêver..

Et un de ses immenses sourire s'était étendu sur ses lèvres.

J'avais ri, attendri. Attendri par sa façon d'être, si adorable. Attendri par la quantité de choses tellement mignonnes qui sortaient de sa bouche sans qu'il n'y ait réfléchit. Attendri par ses joues aux couleurs des roses, lorsqu'il se rendait compte de ce qu'il avait bien pu dire.

Attendri par son visage qu'il avait dissimulé entre ses mains et son rire qui me faisait oublier que je devais me tirer d'ici au plus vite. 

Tu dois prendre le train ce matin? lui avais-je demandé, le coeur serré a l'idée de devoir le laisser partir.

Oh.. oui, avait-il soupiré, n'ayant aucune envie de quitter notre lit. J'dois aller en ville, pour prendre un taxi et rentrer chez moi.. puisque mes parents pensent que j'ai dormi chez Mark..

Alors, il faut qu'on y aille maintenant.. j'voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose s'ils apprenaient que tu as passé la nuit chez un inconnu..

Il m'avait répondu que je m'inquiétais pour rien. Mais au fond, je voulais seulement qu'il parte. Pour qu'il ne voit pas ma mère. Pour qu'il ne sache jamais ce qu'il venait de m'arriver. Pour qu'il reste heureux.

Alors nous nous étions habillés, et j'avais profité qu'il me tourne le dos pour mettre quelques vêtements dans mon sac, y enfonçant aussi mon portable et son chargeur.

Quand il s'était approché de moi, il m'avait demandé, taquin :

Tu vas enfin te remettre à bosser? Ça fait longtemps que je n'ai pas vu l'ombre d'un cahier sur ton banc..

Ça, c'est parce que t'es bien plus interessant que mes révisions, lui avais-je avoué en le poussant légèrement, tout sourire.

Bien sur que j'suis plus intéressant, avait-il rit, en faisant la moue. Une moue qui le rendait bien trop mignon.

Une moue qui ne m'avait pas fait oublier l'heure qui tournait.

Tu vas rater ton train si on traine trop.. lui avais-je dis, pinçant doucement sa joue.

Ouais.. avait-il soufflé, déçu. J'le raterais bien moi, ce train... c'est tellement mieux quand on reste ensemble.

Je sais.. mais... tu pourras en profiter pour aller voir Mark, qu'est-ce-que t'en pense? Il doit s'en vouloir d'avoir agis comme ça.. et je crois que tu as des choses à lui expliquer.

J'avais marqué une pause, avant d'ajouter, un sourire qui en disait long sur le visage, attrapant sa taille pour le tirer contre moi :

Comme par exemple, le fait que tu aies suivis ses conseils.. et passé la nuit dans mes bras, mmh?

Il avait sourit de nouveau, et m'avait remballé habilement, se dégageant de mon emprise :

Oui, j'lui rappèlerais que j'suis tout à toi, bien sur..

J'avais baissé la tête en riant, gêné.

Gêné, parce qu'il menait toujours la danse dans cette histoire. Parce qu'il avait ce pouvoir sur moi. Parce qu'il pouvait faire n'importe quoi. Parce qu'il avait eu le courage de me donner son numéro. Puis de revenir me parler.

Et le courage de m'embrasser le premier.

Et je l'admirais pour ça. Pour sa facilité à assumer ce qu'il ressentait quand nous étions ensemble.

Il avait alors relevé mon visage, et m'avait regardé un instant.

Lentement, il avait glissé ses mains sur mes joues, m'embrassant de nouveau, avec douceur.

Il avait l'air de n'être fait que de douceur. De tendresse. De légèreté.

Il était si fragile. Et si fort à la fois.

Capable de me maitriser, et de créer la joie où il n'y en avait plus.

Et je l'aimais pour ça.

Alors j'avais répondu plus intensément à son baiser.

Et cette fois, nous ressentions ce même besoin. D'être plus proche encore.

Parce que nous redoutions son départ.

Moi, bien plus encore qu'il ne pouvait l'imaginer.

Alors, nous avions reculé, et je m'étais retrouvé contre le mur, et nous avions sourit, surpris par nos propres gestes.

Puis, il avait mordillé ma lèvre inférieure. Désireux de plus.

Et j'avais compris.

Alors, j'avais légèrement entre-ouvert mes lèvres, et nous nous étions laisser guider par nos désirs les plus fous.

Mes mains se glissant sur ses hanches, touchant sa peau de mes paumes brûlantes.

Puis nous nous étions séparés, ébranlés par une euphorie incontrôlable.

Nos visages l'un contre l'autre, le souffle court.

Et il avait dégagé des mèches noires de mon front, y déposant ses lèvres en murmurant doucement :

J'crois qu'on doit y aller maintenant...

Alors nous étions partis. Discrètement.

Sans bruit.

Puis, je l'avais guidé jusqu'à la gare, et il était monté dans son vieux wagon qui l'emporterait encore une fois, loin de moi.

Il avait agité sa main en courant vers le train.

Et j'avais moi aussi levé la mienne. Dans un geste amical, banal, parce que nous avions encore du mal à nous laisser envahir totalement par nos sentiments.

Parce que c'était dur d'accepter une telle passion.

Parce que quelque chose le retenait.

Quelque chose dont il ne m'avait jamais parlé. Cette même chose qui l'avait fait pleurer. Et qui avait poussé Mark à l'expulser de chez lui.

Parce que quelque chose me retenait.

Quelque chose dont j'avais parfaitement connaissance. Et que ma mère m'avait rappelé en me jetant dehors.

Seul, les mains agrippées à mon sac, j'avais regardé les wagons disparaitre à l'horizon.

Et quand je ne les avais plus vu, mes jambes s'étaient dérobées sous moi.

Et j'étais resté là, au sol.

Avec nulle part où aller.

Seul, comme mon père l'avait été avant moi.

Parce qu'il avait eu tord d'aimer un autre homme.

Parce qu'il avait trahit ma mère. Pour lui.

Seul, parce que j'avais reproduis son parcours.

Seul, parce que ma mère me détestait à sa place.

Seul, parce que c'est tout ce que je méritais.

Même Donghyuk l'avait compris, il y a bien longtemps.

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