21. À eux
— Alors? m'avait-il demandé. Qu'est-ce-qu'il a dit?
— Qui? avais-je répondu, faisant mine de ne pas comprendre.
— Jeno.
— Rien. Il n'a rien dit.
— Tu lui en as parlé au moins?
Non. Bien sur que non. Mais je n'avais pas répondu, enfonçant mon visage dans mes mains, cachées dans les manches de son sweat.
— Tu l'as vu aujourd'hui?
— O-Oui.. de loin.. avais-je balbutié, sachant que je ne pouvais pas mentir à Mark. Parce qu'il savait toujours quand je lui mentais.
— De loin? Tu te moques de moi?
Il s'énervait. Et je détestais lorsqu'il haussait le ton. Je détestais lorsqu'il se mettait à crier. Et je ne voulais pas que ça aille mal entre lui et moi.
Mais tout était de ma faute..
— J-je lui avais dis de ne pas m'attendre.. avais-je marmonné, honteux. M-Mais.. il était là. Comme d'habitude.. et il avait l'air.. il avait l'air...
Et je revoyais son regard glacial me transpercer. Je revoyais sa mâchoire se serrer à ma vue. Et je revoyais ses cernes, sa peau bien trop pâle, et ses poings serrés.
Je revoyais celui que j'aimais, me détester. Me haïr une fraction de seconde. Alors que je lui avais souris, tellement heureux de le revoir.
Alors que j'avais pleuré, le coeur en miettes à cause de la décision que j'avais prise.
Je ne voulais plus descendre du train.
Il devait m'oublier.
Parce que je ne voulais pas créer un monde sans futur avec lui.
Parce que je ne voulais pas que son futur se résume à ma perte.
— Super, avait lâché Mark, en se levant du canapé. Génial.
Je l'avais regardé, incrédule. Et il avait continué, me crachant au visage des mots que je n'oublierais jamais :
— Tu devrais te jeter sous ton putain de train si t'es tellement persuadé que tu vas crever!
Je n'avais rien dit.
Il tremblait.
— Pourquoi t'es là? Pourquoi tu les prends tes médocs de merde? Pourquoi t'es mon ami? Pourquoi t'as passé 8 mois de ta putain de vie à l'aimer sans jamais rien faire? Pour te laisser crever quand t'es enfin heureux avec lui? Mais merde! Merde, Jaemin!
Il s'était arrêté un moment, arpentant son minuscule appartement de long en large, me laissant muet sur son sofa. Détruit.
— Explique-moi pourquoi t'es encore là? Pourquoi tu t'es battu si longtemps? Pour rien? Pour te dire que s'est fini? Pour laisser la maladie t'abattre? Au meilleur moment de ta vie? Mais qu'est-ce-que t'es con!
Il avait laisser tomber son verre par terre, se coupant en jurant bruyamment, alors qu'il partait dans la cuisine, continuant de hurler :
— Me répond pas surtout! Laisse ton meilleur ami s'inquiéter tout seul! Laisse-le derrière toi! Meurs! Meurs et laisse-le te pleurer! Il sera beau à ton enterrement, il sera heureux, il se sentira bien! Et puis, lui aussi, il sera heureux tiens! Laisse-nous derrière toi, ouais! Laisse-toi crever! Alors que ça fait des années que t'es si fort! Des années que.. que..
Et je l'avais entendu sangloter, sa voix se brisant alors qu'il se chuchotait que tout irait bien, enroulant un bandage autour de sa paume tranchée.
— Mark.. je..
— Casse-toi! Dégage! J'm'en fous de toi! J'm'en fous, t'as compris? T'façon, tu vas mourir, tu l'as dis toi-même, alors autant qu'on se sépare maintenant! Qu'est-ce-que t'en dis?
— Mais Mark.. je peux pas te laisser..
— Mais tu peux laisser Jeno? Tu peux le laisser lui? Alors qu'il te rendait tellement heureux? Alors qu'il a une putain de vie de merde sans toi?
— Arrête de parler de lui! Ferme-la! T'en sais rien! Qu'est-ce-que tu comprends à l'amour, toi? T'es amoureux toi? N-
— OUI!
Il était revenu, furieux. Son bandage couvert de sang.
— Et moi, à ta place, j'le laisserais pas! J'continuerais de me battre comme j'l'ai toujours fait. Et j'vivrais longtemps. Avec lui, près de moi. Mais toi, t'es égoïste. Tu t'en branles de c'qu'il ressent! Tu t'en branles de c'que je ressens! T'en as rien à foutre que ton meilleur pote voit le sien perdre foi en la vie! Tu t'en fous! T'es égoïste. Voilà c'que t'es. Maintenant casse-toi. Faut que j'fasse mon deuil..
Je ne bougeais pas. Figé dans le canapé. Incapable de décrire le moindre geste.
Il s'était alors approché, avait attrapé mon bras de sa main ensanglantée, et il m'avait traîné devant la porte.
Il pleurait.
— Tires-toi! Tires-toi, putain!
Alors j'étais sortit. Il avait claqué la porte derrière moi. Et j'avais marché jusqu'à la gare, silencieux. Vide.
J'avais attendu le train qui me ramènerait chez moi. Vide.
Je ne pouvais plus pleurer. Je n'avais plus rien à pleurer. Plus rien. Plus personne.
Vide, je m'étais rendu compte que je ne pouvais plus rentrer chez moi, parce que mes parents m'avaient forcé à dormir chez Mark. Parce qu'ils avaient quelque chose à faire à la maison. Et que je ne devais pas être là.
Je n'avais nulle part où aller, alors, vide, j'étais monté dans mon vieux wagon.
Et vide, je m'étais résigné.
Assis à ma place habituelle, j'avais écouté Mark.
J'avais compris.
Et comme d'habitude, il avait raison.
Je m'étais battu si longtemps. Je ne pouvais pas les laisser seuls. Ils avaient besoin de moi.
Jeno avait besoin de moi.
C'est ce qu'il m'avait dit.
Dans le message qu'il avait laissé hier soir.
Alors, j'étais descendu au quai de notre gare.
Et il était là.
Son regard s'était posé dans le mien, et nous n'avions pas décrit un geste, de peur de faire fuir l'autre.
Puis, il s'était levé.
Ses yeux s'étaient découpés en deux croissants de lunes, ses longs cils caressant ses joues. Et ses lèvres s'étaient étendues en un sourire. Un sourire superbe. Rassurant. Tendre. Dénué de toute haine.
Il ne m'en voulait pas.
Il me pardonnait tout.
Et j'avais pensé à Mark. Mark qui avait eu raison. Mark que je remerciais de m'avoir secoué. De m'avoir fait réaliser que je n'avais besoin que d'eux pour survivre. Jeno et lui. Et rien d'autre.
Puis, il m'avait prit dans ses bras, et je m'étais laissé aller. J'avais enfouit mon visage contre son torse, tremblant.
Et il m'avait étreint sans rien dire, son sourire contre mes mèches brunes.
Et je l'avais serré un peu plus fort. Plus fort que toutes les fois précédentes.
Alors il avait rit, murmurant au creux de mon oreille, tendrement :
— Jaemin-ah.. tu m'étouffes..
Alors je l'avais lâché, gêné. Mais heureux.
Le train avait sifflé dans la nuit.
Et les wagons avaient disparus derrière nous.
Alors je m'étais tourné vers lui. Voulant m'excuser. Pour tout ce que je lui avais fait endurer. Mais il ne m'avait pas laissé le temps :
— T'es déjà pardonné.
J'avais baissé les yeux, honteux.
Et il avait rit, glissant maladroitement ses doigts entre les miens :
— Allez, viens, on rentre..
Et je l'avais suivi, m'agrippant à sa main comme à un pilier. Comme à une encre, qui m'empêcherait de reproduire les mêmes erreurs.
Alors j'avais souris. Parce que je ne voulais plus le quitter. Parce que je voulais qu'il croit en moi. Parce que je lui avais promis de toujours descendre de ce train.
Et c'est exactement ce que j'allais faire.
*
Nous étions monté dans sa chambre.
Il était tard. Et nous ne réfléchissions plus. Nous profitions juste du moment.
Assis sur son lit, je l'avais regardé retirer son t-shirt, mes oreilles me brûlant horriblement, ainsi que mes joues, à la vue de son torse nu.
— Ça te dérange si.. je dors comme ça? m'avait-il demandé, parfaitement innocent.
Et il avait ce don. Ce don de rendre à la vie sa simplicité. Sa beauté.
Il faisait les choses sans arrière pensées. Il les faisait parce qu'il était seulement lui, et qu'il vivait ainsi.
J'avais acquiescé, le trouvant magnifique dans son jogging, ses cheveux charbon en arrière, dégageant son front que j'aurais voulu embrasser. Comme ses lèvres.
Mais nous n'avions plus évoqué ce moment.
Nous avions fait comme s'il ne s'était rien passé.
C'était mieux ainsi.
Il m'avait finalement prêté un de ses t-shirt, et son second jogging, et je les avais enfilé, pendant qu'il regardait par la fenêtre. Pudique.
Puis, il s'était retourné, me jetant un coup d'oeil rapide, un sourire fier éclairant son visage.
Puis, naturellement, nous nous étions glissés sous ses couvertures, illuminés par la seule lumière de la lune.
Dos à moi, il m'avait écouté raconter ma dispute avec Mark. Il m'avait écouté, sans jamais m'interrompre.
Je ne lui avais pas parlé de ma maladie.
Je n'étais pas prêt.
Mais j'étais prêt à vivre avec lui. Partageant un bonheur simple. Et ça, je lui avais dis.
Et il avait sourit dans le noir, se tournant sur le dos, ses bras croisés sous sa nuque :
— Jaemin-ah.. avait-il murmuré.
— Oui? lui avais-je répondu, tourné vers sa fenêtre, laissant entre nos deux corps une distance de sécurité que je jugeais appropriée.
— Moi aussi.. moi aussi j'suis prêt à être heureux avec toi.
J'avais sentit mon coeur s'évanouir dans ma poitrine.
Ce n'étais pas un « je t'aime » mais ça voulait dire bien plus.
Je l'avais alors sentit bouger dans mon dos, et lentement, il avait posé son visage contre mon épaule, son nez dans mon cou, passant un bras autour de moi, me serrant contre lui.
J'avais ri doucement, et son sourire contre ma peau m'avait fait frissonner.
Je lui avais alors demandé, cherchant son approbation pour toute chose que j'accomplirais à présent :
— Je peux?
— Tout ce que tu voudras, avait-il répondu.
Alors je m'étais retourné face à lui, et il avait resserré notre étreinte, nos visages à quelques millimètres douloureux l'un de l'autre.
J'avais passé une main sur sa joue, la caressant doucement, mes yeux plongés dans les siens.
Et il m'avait embrassé.
Alors, mes mains avaient glissé avec un plaisir incontrôlé dans ses cheveux, répondant à son baiser, amoureusement, du mieux que je pouvais.
Nous avions fermé les yeux, en harmonie parfaite.
Et il avait continué de m'embrasser, encore et encore.
Dérivant parfois dans mon cou, nous faisant sourire tous les deux, bien trop effrayés par la passion que nous ressentions.
Alors, j'avais déposé mes lèvres sur sa joue, et il m'avait offert une place contre son coeur.
Et il s'était endormi, sa joue plongée dans mes cheveux, son sourire infini toujours étendu sur son visage apaisé.
Et j'étais resté contre lui, inspirant son odeur qui m'enivrait. Son odeur que je ne voulais jamais oublier.
Heureux.
Me sentant plus vivant que jamais.
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Et voila.. la double update tant attendue~
J'ai respecté ma parole je crois?
( d'accord, il est ULTRA tard mais bon )
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