19. À nos sanglots


Le soleil déclinait derrière les arbres, et nous marchions. En silence. Regardant droit devant nous, observant les derniers rayons écarlates de l'astre disparaitre à l'horizon.

Je le suivais, observant la courbe de ses épaules se dessiner sous son t-shirt noir. Ses cheveux tout aussi sombre reflétant le peu de lumière qu'il nous restait, et cette vue me suffisait.

Personne ne parlait. Mais ce n'était pas un silence habituel. C'était un silence endeuillé. Un silence à fendre l'âme. Un silence que je détestais mais que je renforçais. Parce que si je parlais, il entendrait ma voix brisée, affaiblie, à cause de cette boule coincée dans ma gorge.

La même qui m'avait étouffée ce matin.

J'avais besoin de Mark.

Parce que j'avais fait une connerie.

Je savais qu'il m'aiderait. Il avait toujours raison. Et quand il ne faisait pas des blagues nulles, il était de très bon conseil.

J'avais avalé péniblement ma salive, mes yeux parcourant ses courbes que je connaissais par coeur. Détaillant la structure charpentée de ses bras à la peau dorée. Le voyant jouer avec ses doigts, cachés dans ses poches, nerveux.

Je ne voulais pas que cette journée se termine. Il me manquait déjà.

Mais à la fois, j'étais pressé de remonter dans le train. Et d'être loin de lui. Parce qu'il me rappelait à quel point je l'aimais. Et à quel point je regrettais d'avoir céder le pas à mes sentiments.

J'avais été bien idiot.

Pourtant, je ne pouvais m'empêcher de repenser à notre baiser. Notre tout premier baiser. Et je sentais encore une fièvre folle m'étreindre alors qu'il se pressait contre moi.

Il avait été incroyable, comme toujours.

Il ne m'avait même pas repoussé. Et je me demandais toujours pourquoi. Pourquoi moi. Pourquoi il n'avait pas hurlé, en me demandant de me tirer. Pourquoi il n'avait pas été dégoûté.

Ça aurait été tellement plus simple.

Il n'aurait eu qu'à me demander de partir.

Je l'aurais fait. Et tout irait bien.

Mais non. Il avait caressé mes lèvres des siennes, avec tellement de passion et d'attention que j'aurais voulu qu'il ne s'arrête jamais. J'aurais voulu passer plus de temps encore à glisser mes doigts dans ses mèches douces. J'aurais voulu le sentir encore sourire contre mon visage. J'aurais voulu sentir son coeur battre contre le mien. J'aurais voulu sentir nos nez s'effleurer encore. Et notre baiser reprendre.

Mais non. Je n'avais pas le droit.

Je n'avais pas droit de le faire souffrir. Je n'avais pas le droit de le laisser tomber amoureux de moi.

Triste. Abattu. Mes yeux gonflés de larmes que je refoulais, j'avais fini par revenir à ses côtés, m'appuyant doucement contre lui, parce que je sentais mes jambes fléchir. Et que je ne voulais pas qu'il sache que je me sentais mal. Tellement mal.

Il avait sourit, fixant toujours le sol, ses cheveux lui tombant dans les yeux.

Et j'adorais quand il souriait tout seul parce qu'il était trop heureux pour se retenir. Ça le rendait si beau.

Il était toujours beau.

Puis nous étions arrivé à la gare, sans lâcher un mot.

Les wagons s'étaient assoupis dans la nuit.

Alors, je m'étais levé du banc et il m'avait suivit, attrapant mon poignet, comme toujours, avant que je ne mette un pied sur les marches. Et il avait plongé son regard clair dans le mien, sondant mes prunelles brillantes de larmes que je peinais à retenir.

Il avait entrouvert les lèvres, comme pour dire quelque chose. Mais mon visage triste l'avait fais taire.

Il avait secoué la tête, me lâchant en m'indiquant d'un coup de menton que je pouvais partir.

J'étais resté sur les marches, et il n'avait pas attendu que le train parte.

Il avait tourné le dos. Et je l'avais vu disparaitre dans les hautes herbes, mon coeur se serrant douloureusement dans ma poitrine.

J'avais tout gâché.

Je l'avais embrassé. Je l'avais rejeté. Et je l'avais blessé.

Alors j'étais partit m'asseoir dans le train, sentant des larmes rouler sur mes joues, alors que je m'enfonçais dans son sweat, inspirant son odeur pour me réconforter.

Mais j'étais seul. Tout seul. Et c'est seul que je devais finir.

Pas avec lui. Parce qu'il méritait d'être vraiment heureux.

Et je ne rendais personne heureux.

Les wagons avaient fini par se bouger, alors j'avais appelé Mark, ravalant mes sanglots, honteux.

Mark?

Il avait tout de suite entendu à ma voix que quelque chose n'allait pas. Que quelque chose clochait.

Nana.. qu'est-ce-qu'il y a? Il t'a fait du mal?

N-Non, avais-je bégayé. C'est moi.. j-je.. je fais n'importe quoi.

T'es pas le seul, avait-il sourit, m'arrachant un rictus. Ecoute.. on se voit chez toi? Si je prends un taxi maintenant, j'arriverais peut-être en même que ton train, avait-il proposé.

Et j'avais accepté parce que j'avais besoin de lui.

*

Nous nous étions assis dans le parc en face de la gare, sous un arbre où nous allions souvent, ces soirs où rien n'allait.

J'avais laissé tomber ma tête contre le tronc, m'emmitouflant dans l'immense pull de Jeno, rabattant sa capuche sur mon visage en soupirant.

C'est à lui? avait demandé Mark, regardant le ciel, avec l'air aussi perdu que moi.

Oui. Il me l'a prêté pour qu'on puisse courir sous la pluie.

Il s'était alors tourné brusquement vers moi. Me fusillant du regard. Et je savais très bien ce qu'il pensait. Mais il n'avait rien dit. Il s'était contenté de soupirer, avant de me demander :

Qu'est-ce-qu'il s'est passé, alors? Puisqu'il est adorable. Puisqu'il prend soin de toi..

Il avait grincé des dents en prononçant ses mots. Et je pouvais l'entendre penser la même chose que juste avant. Mais il faisait comme si de rien n'était.

Je.. Je l'ai embrassé.

C-Comment ça?

Euh.. bah.. j-je sais pas. Je sais pas ce qu'il m'a pris. Je sais plus rien, Mark. J'comprends plus rien. Et ça m'fait chier, putain.

J'avais envoyé voler mon poing dans ma cuisse, si fort que j'avais eu mal.

Alors le blond m'avait attrapé dans ses bras pour me calmer, me tenant tout de même moins proche qu'habituellement. Sans doute parce que je portais l'odeur de Jeno. Sans doute parce que Jeno faisait partie de moi. Et que Mark avait l'impression qu'il me faisait souffrir.

Alors que j'étais le seul à merder dans cette histoire.

Le pire, avais-je continué, hors de moi, des larmes coulant de nouveau, ne s'arrêtant plus de noyer mon visage, c'est qu'il ne m'a pas rejeté. Il m'a gardé contre lui. Pourquoi? Pourquoi, Mark? Il ne pouvait pas être comme tous les autres! Me repousser. Me traiter comme un monstre! Pourquoi est-ce-qu'il est comme ça? Mark! Mark.. j'en peux plus.

Il ne disait rien. Il se contentait de me bercer doucement. Mais ça ne marchait pas. Pas ce soir. Parce que j'aimais ce garçon qui regardait passer les trains. Et que j'étais tiraillé. Entre ma vie. Entre ma vie et la sienne.

Nana.. écoute-moi, s'il te plait.

J'avais obéis. Sans me poser de questions, essayant de calmer mes sanglots.

Ton Jeno là.. je crois qu'il t'aime. Qu'il t'aime vraiment.. et je dis pas ça pour te donner de faux espoirs. Et je suis persuadé que tu peux être heureux avec lui.. alors, pourquoi t'essayes pas de profiter un peu? Pourquoi t'essayes pas de te lâcher..? Tu le laisses déjà te faire courir derrière lui.. alors que t'as pas le droit. Alors continue, non? De toute façon, le mal est déjà fait. Et s'il était seulement un ami, il t'aurait jeté. Tu le sais aussi bien que moi.. alors, profite. Ça fait tellement longtemps que t'attend ce moment.. que t'attends la bonne personne. Laisse-le t'aimer. Tu verras.. ça ira mieux.

Mais j'peux pas.. avais-je murmuré, essuyant mes yeux d'un revers de main.

Bien sur que si.. regarde-toi. Sans lui t'es plus rien. Y'a plus que lui dans ta vie. Ça se voit. Laisse-le te rendre heureux.. t'en as besoin.

Mais j'suis malade Mark! Malade. Malade comme un chien! J'vais claquer. Claquer comme une merde. Et il sera tout seul! Tout seul, comme Haechan l'a laissé. Et j'lui briserais le coeur. Et j'veux pas.. j'veux pas, tu comprends?

Je m'énervais. Tout seul. Et je pleurais en continu. Intarissable. Et Mark restait calme, compréhensif, et je ne savais pas comment il faisait. Comment il faisait pour rester là. Depuis tout ce temps.

Alors dis-lui. Arrête de lui mentir. Explique-lui. Et s'il ne peux vivre avec ça, il te laissera partir.

Alors je repensais à sa main qui voulait me retenir. Sa main qui voulait me garder au près de lui. Et j'avais peur qu'il veuille endurer cette douleur à mes côtés.

Il était tellement gentil. Il était tellement attentionné. Il n'oserait jamais m'en vouloir d'être malade. Il n'oserait jamais m'en vouloir d'être faible. Et il accepterait de souffrir. Encore une fois.

Et je ne voulais pas.

T'y réfléchiras, avait soupiré Mark, préoccupé par mon silence. Et je sais que tu le feras.

Et nous étions restés là, écoutant les voitures gronder dans les rues voisines, nos visages éclairés par les panneaux publicitaires alentours.

Et toi, alors? avais-je demandé, certain qu'il n'était pas venu pour rien. Qu'est-ce-qui ne va pas?

Il avait soupiré. Son souffle s'élevant dans la nuit en un nuage de cristaux blancs.

Je m'étais écarté de lui, pour voir son visage, mais il s'était levé, me laissant entrevoir l'espace d'une seconde, le reflet humide de ses prunelles.

À demain, Nana, avait-il soufflé.

Et je l'avais vu s'engouffrer dans un taxi. Et je m'inquiétais. Pour lui. Pour Jeno. Pour nous trois. Et je m'étais redressé, rentrant chez moi, la tête basse, trainant des pieds.

Souriant tendrement à la lueur des réverbères, alors que je pressais mon nez dans les manches de son sweat.

Qu'est-ce-que je l'aimais...

________

[ wah, j'viens d'finir le chapitre a 23:49, donc théoriquement j'suis pas en retard pour ma publication quotidienne.. mais j'l'ai pas encore relu. Alors.. excusez-moi pour le tout petit retard? ]

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