16. À la vague qui m'anéanti
Le soleil qui cognait contre mes paupières m'avait tiré de mon sommeil, et lentement, je m'étais retourné dans mes draps.
Je n'avais pas envie de me lever. Je ne bossais pas aujourd'hui. Demain non plus. Et je n'avais envie de rien. Je voulais seulement passer ma vie dans ce lit, et ne jamais en sortir.
Peut-être parce que les draps portaient encore son odeur?
Je n'en savais rien. Et je ne voulais plus réfléchir. Parce que je passais déjà tout mon temps libre à réfléchir.. et que je commençais à en avoir assez.
J'étais perdu.
Plus perdu que lorsque Donghyuk était partit. Plus perdu que lors de ces 7 dernières années que j'avais passées à errer, seul, dans les champs, le long du ruisseau, dans les bois, faisant les cent pas à la Gare Abandonnée.
Perdu, parce que je ne savais pas ce qui m'arrivait. Je me sentais oppressé par une joie horrible et tenace, qui se mêlait bien trop vite à une espèce de tristesse indicible, qui enserrait mes entrailles et me donnait juste envie de ne jamais sortir de ce foutu lit.
Sauf s'il prenait le train.
Mais ce matin, ce n'étais pas le cas. Parce qu'il était chez Mark. Et que Mark était son meilleur ami. Et que je ne l'étais pas.
J'avais enfoncé mon visage dans mon oreiller en grognant, tendant un bras vers mon téléphone que j'avais mis en charge toute la nuit.
Chose qui avait été une idée brillante puisqu'elle m'avait permis de découvrir une petite enveloppe à laquelle je n'avais pas fais attention au premier déballage du cadeau de Jaemin.
Dedans, il y avait notre photo.
Imprimée sur du papier brillant.
Je l'avais aussitôt attachée au mur, jetant sans aucun remords une photo de moi et Donghyuk pour lui trouver une place.
Toujours caché sous mes draps, j'avais déverrouillé l'appareil et avait lu avec un grand sourire les notifications que j'avais reçues pendant la nuit. Et tôt ce matin.
Jaemin-ah❤️ | 07:34
Jaemin-ah❤️ | 00:57
Jaemin-ah❤️ | 00:43
LongAssRide_Mark vous a ajouté!
J'avais renommé le contact de Jaemin, pour quelque chose de plus personnel. Quelque chose qui me faisait penser à nous.
Et j'avais ajouté un coeur...
Parce qu'il m'en avait envoyé un hier.
Et parce que ça lui allait bien.
J'avais regardé les photos qu'il m'avait envoyé.
Sur la première, il avait pris un gros plan de Mark en train de dormir, la tête entre deux coussins. Sur la deuxième, il y avait son visage, souriant, décoiffé, les joues rouges, éclairées par un puissant flash.
Et il avait écrit : « Tu me manques. J'espère que tu fais de beaux rêves. J'vais me reposer maintenant, promis. »
Et mon coeur avait fait quelque chose de bizarre. Quelque chose que je ne pouvais pas expliquer. Il avait bondit dans ma poitrine. Et toute la marée de sentiments dont j'essayais de nier l'existence était revenue, me noyant sous son écume.
J'avais secoué la tête, et regardé sa troisième photo.
Il avait l'air en meilleur état. Ses cheveux caramel brillaient, comme son sourire, et il avait sur le dos son fameux sweat rose et sa veste en cuir. Il devait aller en cours.
Et il avait écrit : « Pardon pour hier soir.. j'crois qu'on avait un peu bu! J'ai hate d'être ce soir.. »
Je ne lui en voulais pas. Comment aurait-on pu lui en vouloir? Et puis.. l'alcool faisait toujours révéler aux gens des vérités dissimulées. Et, je n'oublierais jamais que je lui avais manqué ce soir là.
Pourquoi? Pourquoi est-ce que j'y portais tant d'importance? Pourquoi est-ce que j'étais amer en pensant à Mark? Pourquoi je trouvais son sourire si beau? Pourquoi est-ce que je l'avais pris dans mes bras?
À cause de la vague. Cette foutue vague qui me perdait, qui m'assaillait, qui m'étouffait dans ses remous. Des remous d'émotions violentes. Des émotions qui me rendaient égoïste. Des emotions qui m'enserraient le coeur. Des émotions sur lesquelles je n'osais mettre un nom.
Je ne voulais pas.
Mais j'avais fini par trouver de quoi il s'agissait.
Alors je les ignorais. Ces fichues émotions. Parce qu'elles auraient tout ruiné. Tout anéanti. Tout réduit au chao.
Et je ne voulais pas le perdre. Alors je les laissais derrière moi.
Parce qu'on me l'avait déjà répété. Des milliers de fois. Même plus encore.
Un garçon ne pouvait en aimer un autre.
Pourtant c'était ce qu'il m'arrivait.
Je tombais désespérément amoureux de Jaemin.
Et je m'en voulais.
Parce que j'aurais voulu l'aimer comme un ami. Rire avec lui sans le trouver merveilleux. Sans que sa voix me fasse irrémédiablement sourire. Sans que sa simple présence me rende heureux. Sans qu'un simple contact de ses lèvres sur ma joue ne me rende fou.
Mais je ne pouvais pas.
Je n'y arrivais pas.
Et plus je pensais à oublier à quel point je tenais à lui. Plus je l'aimais.
Finalement, j'avais répondu à ses snaps, tendant le téléphone au-dessus de ma tête, à bout de bras, cadrant mon visage encore endormi, mes épaules nues dépassant largement des couvertures.
Et j'avais écrit : « Je t'attendrais, Jaemin-ah. Fais attention à toi. »
Et je lui avais envoyé, sans réfléchir.
J'en avais marre de réfléchir.
Alors je m'étais recouché.
Parce que j'avais cet horrible pincement au coeur qui m'empêchait de sortir.
Parce que je m'en voulais d'être différent.
Et de lui infliger ça.
*
J'étais assis sur mon banc. La nuit était profonde. Son train était en retard. Ça voudrait dire qu'il ne s'arrêterait pas longtemps. Alors il me manquait déjà.
J'attendais, bercé par le chant des insectes qui frottaient leur ailes dans les hautes herbes. Bercé par le sifflement du vent qui s'engouffrait sous le toit. Bercé par le hululement d'un oiseau.
Réveillé par le tonnerre de wagons sur les rails.
Parfaitement réveillé à la vue de son sourire, étendu au creux de ses joues roses, ses cheveux dont je devinais à peine la couleur voletant dans la brise.
Nous n'étions que deux silhouettes dans la nuit.
Je m'étais levé.
Vivant plus fort, chaque fois qu'il se tenait près de moi.
Et il m'avait dit, triste :
— Le train va déjà partir, le controleur m'a dit qu'il s'arrêtait exprès pour moi...
J'avais ri, gêné que les gens aient remarqué notre petit manège, et il avait planté son regard dans le mien, souriant à nouveau.
Nous n'avions plus rien dit, nous fixant seulement, droit dans les yeux.
Et je sentais nos deux corps se rapprocher, tout seul. Malgré nous.
Puis le train avait hurlé dans le soir.
Jaemin avait soupiré.
Il avait reculé.
Et je lui avais alors demandé :
— Ça te dirait pas de rater ton train demain matin?
Et son visage avait illuminé ma nuit.
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