12. À sa simple présence


Depuis tout petit, j'avais toujours détesté ma chambre. Pas toujours pour les mêmes raisons, mais du plus loin que je me souvienne, elle représentait tout ce qu'il y avait de pire, ici, au coeur du vallon.

Mais à cet instant précis, j'aurais voulu ne jamais en sortir. Elle me paraissait être l'endroit le plus agréable du monde, et j'aurais pu y rester des jours entiers à ne rien faire.

Tout ça, parce qu'il était allongé sur mon lit, et que sa simple présence suffisait à mon bonheur.

La veille, lorsque je l'avais laissé monter dans le train, son prénom m'avait hanté toute la nuit, et je n'avais pas beaucoup dormi.

Je ne comprenais pas grand chose à ce qui m'arrivait. Et je ne cherchais même pas à comprendre finalement. Je savais seulement que lorsque je le voyais, j'étais heureux.

Que lorsque je le voyais, des bribes du vieux Jeno, celui qui riait tout le temps, remontaient à la surface, et éclataient bruyamment comme les bulles des remous de notre ruisseau.

Alors, je profitais seulement du moment, regardant ses cheveux caramel briller sous les rayons chauds qui filtraient par la fenêtre.

Jaemin-ah, l'avais-je interpellé doucement.

Oui? avait-il répondu, son immense sourire s'étendant sur un visage dont j'apprenais lentement à connaitre les traits.

C'est ton tour maintenant, l'avais-je paraphrasé, un sourire taquin sur les lèvres.

Alors comme ça, Monsieur Lee utilise mes propres phrases, contre moi?

Il parait, oui.

Il avait éclaté de rire, se redressant pour s'asseoir plus près de moi, et il m'avait demandé, dégainant son téléphone de la poche de son pantalon :

À mon tour de te parler de mon meilleur ami? C'est ça?

Perspicace, l'avais-je taquiné, son sourire s'étendant de plus en plus sur ses lèvres, à mon plus grand plaisir.

Il avait allumé son portable, se penchant un peu sur mon épaule pour qu'on puisse le voir tous les deux.

Quand il faisait ça, j'avais l'impression d'être frappé par la foudre. En continu. Tout mon corps s'électrisait. Et cette sensation inconnue était la plus douce que je connaisse.

Tu fais bien de me rappeler son existence, il doit se demander où je suis.

Il avait sourit, amusé par sa propre phrase. Puis, son téléphone s'était mis a vibrer pendant un moment :

Mark est en train d'écrire...

Mark | 07:36

Mark | 07:48

Mark | 07:54

La file de notification était bien plus grande encore, et dissimulait totalement son fond d'écran.

Oups, avait-il rit. J'aurais peut-être dû le prévenir.

C'est vrai que ça aurait pas été une si mauvaise idée, avais-je remarqué, amusé.

Bon, t'as du t'en rendre compte, il s'appelle Mark, avait-il commencé à expliquer, en lisant rapidement ce qu'il lui avait envoyé. On est à l'école ensemble. Mais il étudie la musique. Il voudrait devenir rappeur, d'ailleurs, il est vraiment très doué pour ça!

C'est lui? avais-je demandé en voyant une photo s'afficher sur l'écran.

Ouais. En fait, cette appli, ça te permet de discuter par photo avec tes amis.

Il s'était tourné vers moi, le regard brillant d'une lueur emballée qui lui donnait quelque chose d'enfantin.

Ça lui allait bien.

Quand j'te donnerais mon téléphone demain, faudra que tu la télécharges!

Je ne savais pas vraiment quoi répondre à ça, étant donné que je n'avais jamais tenu de téléphone portable entre mes mains. Mise à part celui de ma mère, une fois. Et il était à touches.

Regardes, c'est super simple d'utilisation!

Il avait fait glisser la photo de son ami sur le côté, et à l'écran maintenant, apparaissaient nos deux visages. Vraiment trop proches l'un de l'autre.

Quand nous nous en étions rendu compte, nous nous étions écartés légèrement. Ses joues ayant pris de nouveau la couleur des fleurs. Et mes yeux s'étant mués en croissant de lunes.

Il avait fini par me mettre le téléphone dans les mains, et m'avait dit, tout sourire :

Tiens, tu vas comprendre tout seul!

J'avais alors tourné la caméra dans un angle qui nous mettait plus à notre avantage, et il s'était mis à rire. Alors, pour immortaliser nos deux sourires, j'avais appuyé sur le bouton au centre de l'écran.

C'est ainsi que nous avions pris notre première photo ensemble.

Tu me l'enverras? j'avais demandé.

Il avait hoché la tête, et l'avait posée sur mon épaule. Et une autre décharge électrique m'avait transpercé, faisant monter à mes lèvres un sourire que je ne pouvais réprimer.

Tu crois que je peux lui envoyer? m'avait-il demandé, tournant comme il pouvait son visage pour croiser mon regard, nous mettant dans une position qui faisait cogner un peu plus entre mes cotes ce qui me servait de coeur.

À Mark?

J'avais pesé le pour et le contre, en vitesse, et j'avais finalement approuvé :

Au moins, il saura où tu te caches.

T'as raison, avait-il rit, et il m'avait montré comment envoyer à un ami, ce qu'il appelait un « snap ».

C'est comme ça que nous avions passé toute la journée, assis dans mon lit, puis couchés, puis étendus en diagonale, puis roulés en boule, puis les jambes en pêle-mêle.

Lui me montrant toutes les photos qu'il prenait. Cachant son visage dans les draps chaque fois qu'on tombait sur une qu'il avait prise de moi sur mon banc.

Puis, m'expliquant comment me servir d'un téléphone. Me racontant des anecdotes sur Mark, et leur vie à l'école.

Nous avions tellement parlé, que nous en avions oubliés de manger.

À sa demande, je lui avais parlé de mon enfance avec Donghyuk. Et il enviait nos souvenirs, nos jeux dans le ruisseau, nos conneries. Puis, il m'avait dit, un sourire étrange sur le visage, un sourire qui le rendait beau. Et c'était bien la première fois que cette pensée me traversait l'esprit.

Moi, je descendrais toujours de ce train.

Il me l'avait promis.

Puis, alors que le soleil commençait à décliner, je l'avais raccompagné jusqu'à la gare, l'observant du coin de l'oeil grignoter un sandwich que nous avions eu bien du mal à faire.

D'ailleurs, il avait encore du beurre sur le nez, résidu d'une de nos bataille dans la cuisine.

Je souriais, regardant mes pieds, qui trainaient sur le chemin du retour. Quelque chose au fond de moi aurait voulu qu'il ne remonte jamais dans ce foutu wagon.

Puis, nous étions arrivé.

On s'était assis sur le banc, et nous avions attendus en silence.

Un silence qui témoignait de quelque chose un peu trop fort pour nous.

Quelque chose que je ne connaissais pas bien.

Mais que je voulais qu'il m'enseigne.

Et le train était arrivé.

Jaemin s'était levé, je l'avais suivi, jusqu'au bord du quai.

Il était monté sur une ou deux marches, et il m'avait sourit.

J'avais relevé mes yeux dans les siens.

Merci...Jeno, avait-il murmuré.

Et son wagon l'avait emporté.

Alors, de nouveau seul, enveloppé par la nuit, je m'étais assis, les jambes dans le vide, touchant presque les rails du bout des pieds.

Et j'avais souris, comme lorsqu'on se réveille d'un rêve merveilleux.

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