11. Aux photos accrochées au mur


Tu ne m'avais pas dis que tu voulais faire un tour du propriétaire? J'crois que c'est le moment.

Alors il avait sourit, ses joues colorées d'avoir trop ri, ses yeux dissimulés sous son rideau de cils sombres.

Je n'avais jamais été aussi heureux de rater mon train et de voir mon sac de cours tracer sa route sans moi.

J'avais fini par acquiescer, ne sachant plus trop où me mettre. J'étais en terrain inconnu à présent. J'étais chez lui. Dans son royaume. Et ma timidité que j'avais réussi a dissimuler jusqu'ici revenait au triple galop.

Par quoi on commence, alors? avait-il demandé, s'étant approché de moi, mon coeur ratant des dizaines de battements.

On garde le meilleur pour la fin? avais-je proposé, relevant le visage pour planter mon regard dans le sien.

Honnêtement, j'espérais qu'il n'y ait jamais de fin à tout ça. J'aurais voulu rester là pour toujours, le laissant me couver de son regard si doux, si gentil, son visage toujours penché du même côté; heureux.

On fait comme ça, avait-il conclu, m'ouvrant les portes de son monde sans aucune hésitation.

Et je l'avais suivi, m'émerveillant des vagues de fleurs qui nous entouraient, des pétales voletant dans la brise, du soleil qui faisait étinceler ses cheveux noir nuit, et de l'immense vallon qui nous enveloppait de vert à perte de vue.

C'est magnifique, avais-je soufflé, alors que nous longions les rails.

Oh, ça, c'est pas grand chose tu sais. Je garde le meilleur pour la fin, avait-il rit, son visage se tournant vers moi, alors qu'il me faisait un clin d'oeil. 

Mes joues s'étaient aussi mises à brûler, mais j'avais pressé le pas, pour marcher à côté de lui, nos deux épaules s'entrechoquant parfois, ce qui avait le don de le faire sourire en silence. Ses yeux tournés vers le sol, et ses mains dans les poches de son pantalon.

À vrai dire, je le regardais plus que le paysage autour. Il avait l'air de sortir tout droit de mes rêves. Adorable, dissimulant ses émotions comme il pouvait, son sourire venant toujours illuminer ses traits parfaits, son nez se plissant légèrement lorsqu'il riait. Et je trouvais ça bien trop beau. Bien plus beau que tout le reste.

D'habitude, je coupe par-là, m'avait-il expliqué en pointant un doigt vers le milieu du champs, indiquant un chemin qui menait au village, à vol d'oiseau. Mais.. si on passe là, tu vas salir tes vêtements.

Tu sais, avais-je ris, j'en ai plein d'autres.

Ah oui? m'avait-il lancé, son sourcil droit se soulevant dans une expression joueuse que je ne lui connaissais pas.

Puis son regard brillant de malice, encré dans le mien, il avait fini par rire, une de ses immenses mains se glissant sur mon poignet.

J'avais l'impression de retomber amoureux à chaque fois qu'il faisait ça.

L'autrefois dans le train, je m'étais sentit défaillir.

Aujourd'hui, c'était plus que ça. Il cherchait à me tuer. Et je l'aurais laissé faire cent fois.

Alors viens!

Il s'était mis à courir, m'entrainant dans son sillage, alors que je riais, emporté dans la joie de notre escapade, m'amusant à mettre mes pas dans les siens, des milliers de frissons me parcourant, lorsque sa main lâchait finalement mon bras.

Qu'est-ce-que je me fichais de déchirer mon pantalon en courant derrière lui. Qu'est-ce-que je me fichais de tout. De mon dos qui hurlait de m'arrêter. De Mark qui m'attendrait toute la journée. Il n'y avait plus que lui. Sa silhouette se découpant dans les blés. Son sourire lorsqu'il tournait son visage vers moi.

Il n'y avait que lui.

Nous y voilà, avait-il annoncé, ralentissant le pas, pour revenir près de moi.

Essoufflé, mais grisé par notre fuite. Par le souvenir de ses doigts contre ma peau. Je souriais.

J'avais mal. Mal partout. Et contenir mon corps tremblant était une épreuve. Une épreuve que le sourire de ses yeux m'aidait à surmonter.

Jaemin-ah, ça va? m'avait-il demandé, se penchant vers moi, affichant une mine désolée qui m'avait fait fondre en un instant.

Je ne me suis jamais sentit si bien, avais-je souris.

Et je le pensais.

Son rire chaud m'avait enveloppé, rassuré, et semblait me dire qu'il ressentait les choses comme je les ressentais moi.

Je l'espérais.

Finalement il m'avait aidé à me redresser, et nous avions marché jusque chez lui.

Il avait maintenu que c'était l'endroit qu'il aimait le moins. Et que conformément à ce que je lui avais demandé, il commençait par ce qu'il y avait de moins bien dans sa vie.

Je l'écoutais, sans jamais poser de questions. Il était trop tôt pour ça et je n'osais pas le couper. L'interrompre. De peur de le faire fuir.

Enfin, nous étions arrivé devant une maison modeste. Sous le toit, il y avait une immense vitre, en forme de hublot. Qui donnait sur une partie plus basse de toit, depuis laquelle Jeno m'expliqua qu'il sortait pour ne pas réveiller sa mère.

Lorsqu'elle était là.

*

Bienvenue chez moi, avait-il murmuré en m'ouvrant la porte de sa chambre.

Elle aussi, je l'avais imaginé des dizaines de fois, me demandant ce qu'elle pouvait bien cacher.

Et elle cachait des centaines de petites anecdotes. De petits fragments de souvenirs qui n'appartenaient qu'à lui.

Je me sentais étranger dans cette chambre. J'avais l'impression de percer sa bulle. Pourtant, il m'y accueillait comme si nous nous connaissions depuis toujours.

Fais comme chez toi, m'avait-il dit, voyant que je restais debout sans bouger. J'vais te faire de la place sur le lit, tu seras mieux.

Il avait rit en voyant la masse de cahiers en tous genres sur son matelas et s'était frotté la nuque du bout des doigts, comme souvent lorsqu'il était mal à l'aise.

J'avais rit avec lui et l'avais aidé à faire de tout son bazar, des piles, que nous avions poussées sous son bureau.

Finalement, je m'étais assis, et il m'avait demandé, sa tête de nouveau basculée sur le côté, affichant cette expression adorable dont il était maître; et qui chaque fois faisait cogner un peu plus mon foutu palpitant :

Tu veux boire quelque chose?

J'avais fait signe que « oui » de la tête, et il était redescendu, ses épaules disparaissant dans l'encadrement de la porte.

Doucement, je m'étais levé, l'entendant farfouiller dans la cuisine, et je m'étais approché de son bureau. Sur tout le mur auquel il faisait face, il y avait des photos épinglées. Des textes. Des articles de journaux. Des lettres. Des timbres. Et au centre, mon mot.

Je l'avais relu, et comme la première fois, je me sentais honteux de le lui avoir donné. Mais je ne regrettais rien.

Autour, il y avait des dizaines de photo de Jeno tout petit. Je crois que même enfant, je l'aurais aimé. Il n'avait pas changé.

Avec lui, il y avait toujours le même petit garçon roux avec un visage rond, des lèvres rondes, et un nez tout aussi rond. Son sourire était radieux, et la plupart du temps, il embêtait son ami.

Sur les photos les plus proches de mon mot, les deux enfants étaient plus complices que jamais. Et plus grands aussi. Une dizaine d'année. Le rouquin lui sautait sur le dos, et tous les deux se regardaient avec une joie que la photo retranscrivait à merveille.

Lorsqu'il était de nouveau entré dans sa chambre, j'avais retenu un sursaut.

Et doucement, il était venu derrière moi, posant sur son bureau, un plateau avec de quoi grignoter un peu.

Qu'est-ce-que tu regardes? m'avait-il demandé en se penchant pour suivre mon regard.

Les photos de toi petit.

J'avais tourné mon visage vers lui, et il avait rit, ses joues prenant une couleur rosée que j'adorais voir briller sous ses yeux.

Puis, il était partit s'affaler dans son lit, le dos contre le mur, tourné vers moi, les yeux toujours rivés sur le petit enfant soleil.

Comment il s'appelle? l'avais-je questionné.

Plus je le regardais, plus son visage me disait quelque chose. J'avais comme une impression de déjà vu. Pourtant, je n'arrivais pas a remettre ses traits enfantins sur un nom que je connaissais.

Donghyuk.

Vous aviez l'air tellement heureux ensemble, lui avais-je dis, émerveillé.

Ouais, c'était mon meilleur ami.

C'était?

Il est partit. Il y a longtemps... Et la photo que tu tiens dans la main... c'est la plus récente.

Je n'avais rien répondu, et j'étais venu m'asseoir près de lui. Je saisissais enfin la raison de la tristesse dans son regard. Je saisissais enfin le sens de ses traits fermés lorsqu'il attendait, seul, sur le banc de sa gare.

Et je m'en voulais de lui avoir rappelé tout ça.

C'est la seule personne que je connaisse à être monté dans ce foutu train, avait-il dit, amer. Sans en être jamais descendu.

Alors c'est lui qu'il attendait. Depuis tout ce temps.

Depuis leurs dix ans.

J-Je suis désolé, avais-je murmuré. Je n'aurais pas dû parler de ça..

Il avait sourit, la tête basse, comme toujours lorsqu'il essayait de dissimuler la clarté de son bonheur. Puis il s'était penché en avant, tournant le visage vers moi, nos regards se rencontrant à nouveau :

C'est pas grave, je me sens moins seul maintenant. Maintenant que t'es là.

Ses yeux m'avaient ri, et comme au premier jour, j'étais tombé amoureux.

Amoureux de lui.

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ALORS. J'ai dû couper ce chapitre, parce qu'en fait, là, il commençait à être un peu trop long.
+1500 mots. Et j'veux pas que la longueur des chapitres vous rebute. DONC.
Vous aurez la suite au prochain épisode.
Il arrive! ♡

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