Chapitre 5

 Le lendemain matin, je suis encore en retard. J'entends le klaxon incessant d'Alvin et j'accoure partout dans la maison pour être vite prêt. Je dévale les escaliers et me précipite à l'extérieur pour éviter ma famille. Je manque de me ramasser mais me voilà dans la voiture d'Alvin qui me taquine encore et toujours à propos de mon retard. Il nous conduit ensuite au lycée et la journée se passe le plus normalement du monde. En marchant dans les couloirs, je sens quelques regards sur moi. Je sais que j'ai un bleu près de l'oeil et le dessus du nez écorché. C'est peut-être à cause de ça. C'est la pause de midi. Alvin et moi sommes installés dans la cour extérieure sur une des tables en bois pour déjeuner, comme à chaque fois qu'il fait beau. Et vous pouvez me croire, quand il fait beau à Londres, on en profite. Nous finissons de déjeuner. Les cours vont bientôt reprendre. Nous nous dirigeons vers nos casiers pour prendre nos affaires de cours. Une fois devant nos casiers, nous sommes attirés par des élèves qui regardent tous dans la même direction au fond du couloir. Alvin demande ce qu'il se passe et je hausse les épaules. Alvin me chuchote qu'il aperçoit Kyle. Kyle, pour votre information, est un crétin fini. Il brutalise tout le monde et ça flatte son égo. Il aime se sentir supérieur et il joue de son charme pour avoir le plus long tableau de chasse possible. Depuis la primaire, il se moque de moi. Je ne sais pas vraiment quel est son problème avec moi mais il aime bien me ridiculiser. J'essaie à chaque fois de ne pas rentrer dans son jeu et il est vraiment très provocateur. Qui est sa victime aujourd'hui ? Nous restons à distance parce que se mêler des affaires de Kyle ne fera que vous attirer des ennuies. Alvin n'y accorde pas plus d'attention tellement c'est normal. Nous percevons la voix de Kyle.

- Nan mais d'où tu sors toi ? D'un livre de Tim Burton sérieux ?

Mon attention est étrangement captivée.

- Je sais, on va désormais t'appeler Scarface.

Je lève les yeux. Je ne vois que Kyle appuyé contre un casier, cachant sa victime. La victime de Kyle se révèle lorsqu'elle veut s'en aller mais Kyle lui fait un croche-pied. Lauren tombe sur les genoux. Je claque mon casier un peu trop fort et m'avance. Alvin a bien tenté de me stopper en attrapant mon bras. Je me libère en levant le bras. Je me plante devant Kyle, le regard noir.

- C'est quoi ton problème ?

- Regardez qui voilà, dit Kyle assez fort pour que tout le monde l'entende. Q'est-ce que tu vas faire Walker ? Regarde ton visage. Tu t'es déjà pris une raclée, ne m'oblige pas à te rendre ta symétrie.

Je me mords l'intérieur de la joue. Je ne veux pas me battre avec lui, ça lui ferait trop plaisir. D'un autre côté, il a brutalisé Lauren et c'est la principale raison qui m'empêche de tourner les talons.

- Tu ne t'approches plus d'elle, dis-je tout bas.

- Ou sinon ?

Je serre fermement les poings mais une main attrape un de mes poignets. Je sens la tension dans mes bras se relâcher d'un seul coup.

- Laisse tomber Jayden, me dit Lauren en me tirant en arrière.

Je recule doucement sans rien dire et sans lâcher Kyle du regard. Celui-ci ne trouve rien de mieux à faire que de se marrer. Alors que nous nous apprêtons à sortir, Kyle me lance :

- Elle a beau être bien foutue, elle reste un monstre !

Un mot déclenche une rage que je n'arrive pas à décrire. Tout devient noir. Je lâche Lauren et saute au cou de Kyle. Je le plaque contre les casiers et maintiens mon emprise autour de son cou. Il parvient à me donner un coup dans les côtes. Je résiste à la douleur et cours dans ses jambes. Nous tombons par terre et je le frappe plusieurs fois au visage. Il me rend quelques coups et j'entends à peine les voix d'Alvin et de Lauren qui me supplient d'arrêter. Un surveillant arrive en courant et m'attrape par les deux bras. Un éléve aide Kyle à se relever qui saigne du nez.

- Tu vas aller te calmer chez le proviseur, Walker, me dit le surveillant sans me lâcher.

Deux heures ont passé et le proviseur n'a pas cessé de répéter les mêmes choses pendant notre entretien de quinze minutes : il regrette que je tourne aussi mal alors que j'ai d'excellents résultats scolaires, il ne veut pas me voir sombrer dans le mal et dans la violence alors que j'ai un avenir prometteur dans le sport. Des banalités. Je n'ai pas jugé utile de me justifier. Je n'ai fais qu'hocher la tête. Je suis alors assis sur les marches extérieures, devant le lycée. J'ai été renvoyé pour le reste de la journée et j'ai deux heures de colle pour mercredi prochain. Je frotte mes mains encore un peu rouge et je tapote ma joue qui me fait encore plus mal.

- Deux bagarres en deux jours.

Je me tourne. Lauren vient de s'assoir à côté de moi. Elle me sourit. Je ne peux pas détourner le regard d'elle.

- On va commencer par croire que tu es un voyou, finit-elle.

- Si tu savais comment le regard des autres m'importe peu.

Elle rigole et fouille dans son sac. Elle me sort alors un mouchoir en m'indiquant que je saigne près de l'arcade sourcilière. Elle me dit alors de la laisser faire. Elle pose doucement le mouchoir sur ma peau et tapote très délicatement. Elle est concentrée sur son geste tandis que je la détaille entièrement. Je plonge ensuite dans son regard. Comment peut-on la traiter de monstre ? C'est étrange : lorsque les élèves la fixent comme ça, elle détourne les yeux mais quand je la regarde, elle ne dit rien.

- Evite de te retrouver dans une troisième bagarre demain. Tu es en train d'abîmer un doux visage.

Elle termine son geste et jette le mouchoir dans la poubelle derrière elle. Je ne la quitte pas des yeux alors qu'elle me refait face. Je laisse échapper un léger sourire.

- J'attendrai après-demain alors, je réponds.

Elle rigole. Un klaxon retentit et nous interrompt. Je lève les yeux en face de moi et je reconnais la voiture de ma mère. Je soupire discrètement et me lève. Lauren m'imite en ramassant son sac. Elle marche à mes côtés jusqu'au trottoir.

- Tu veux que l'on te ramène ? je demande.

- Non merci. Je ne vais pas loin.

Elle me sourit encore une fois et m'adresse un signe de la main en s'éloignant. Je la regarde tourner au coin de rue et monte dans la voiture. Je ne regarde pas une seule seconde ma mère mais je sens son regard sur moi. Elle inspire et expire bruyamment avant de démarrer et de s'engager dans le trafic. Elle ne dit rien jusqu'à ce que l'on arrive au premier feu rouge.

- Qu'est-ce qui t'arrives Jay ? C'est la deuxième bagarre. Tu as des problèmes ?

- Non.

Je sens arriver ses impérissables reproches comme quoi je ne change pas, que je deviens mauvais, que je dois passer à autre chose, que je dois arrêter de faire souffrir notre famille et j'en passe.

- Jay s'il te plait. Parle moi. Il faut que tu avances maintenant. Ne regarde plus derrière toi. Apprends à pardonner.

- Non maman. J'en ai assez de tes reproches. Tu ne cesses de dire que je dois tourner la page mais est-ce tout ça est vraiment réglé ?

Le feu rouge passe au vert elle reprend la route. Elle reste focalisée sur la route mais me jette sans cesse des coups d'oeil.

- De quoi tu parles ? demande-t-elle, inquiète.

- Je te parle du fait que tu es la seule à ne pas t'être regarder dans un miroir. Moi au moins j'ai accepté le fait que j'ai changé et que je suis devenu quelqu'un d'affreux avec vous. Je l'admets. Mais toi, tu ne cesses de reporter la faute sur moi. Remets toi en question.

- Tu n'as pas la droit de dire ça Jay. Si quelqu'un a bien brisé notre famille, c'est toi enfin. Tu ne fais que noircir notre quotidien avec ton mauvais comportement.

Je tourne brusquement la tête vers elle quand elle prononce les mots c'est toi. Ma mâchoire se serre. Je dois sortir de là. Je n'ai plus d'air. Je vais exploser. Je lui dis doucement d'arrêter la voiture.

- Quoi ? Non Jay. Cette fois, tu ne traîneras pas dehors.

- Arrête cette voiture bon sang ! je hurle.

Elle me regarde et je vois la peur dans ses yeux. Mais à ce moment précis, je n'en ai rien à faire. Elle a dit ce qu'il ne fallait jamais dire. Elle se gare rapidement sur le côté et je sors en furie. Je claque la portière et marche à grandes enjambées dans la direction opposée. Je marche sans réfléchir encore une fois. J'en ai tellement marre. Je ne veux plus entendre ces reproches, ces accusations, ces faux propos. Je ne suis responsable de rien dans ce qui s'est passé. Comment peut-elle tout me mettre sur le dos ? J'ai envie de hurler. Je pense directement à aller à la salle de sport où je vais chaque semaine. Je pourrais au moins frapper sur quelque chose et ça me fera du bien. C'est au bout d'une heure trente que j'y arrive enfin. Je me change grâce aux vêtements dans le casier qui m'a été attribué puis me trouve un coin où un pushing-ball est libre. J'enfile des gants et commence à frapper de plus en plus fort. Ma colère doit sortir. Je ne m'arrête de frapper qu'au bout de cinquante minutes. J'ai ensuite couru sur le tapis roulant et lorsque j'estime être assez en sueur, je file à la douche. Je marche ensuite jusqu'à la prochaine station de métro pour retourner chez moi. Je me sens bien mieux. J'ai sorti tout ce que ma mère a dit de ma tête et j'ai retrouver la raison. 

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