Il était une fois

Dans un conte normal, la belle princesse aurait aperçu par sa fenêtre le prince à l'allure chevaleresque l'attendant en dessous de sa fenêtre. Elle aurait sauté avec sa longue robe aux manches bouffantes et aurait, sans trop de mal, atterri dans les bras de son amant. Ils se seraient probablement enfuis et auraient trouvé refuge dans une petite cabane en forêt. Puis ils se seraient mariés, auraient eu beaucoup d'enfants et auraient vécu heureux jusqu'à leur mort. Pourtant, notre conte ne ressemblera pas à celui-ci. Premièrement, parce que notre princesse s'appelle Hortense. Deuxièmement, elle n'aime pas l'idée d'avoir des enfants. Et troisièmement, parce qu'elle n'aime pas les contes de princesse en longue robe. Pourtant, c'est ce qu'elle est. Princesse Hortense ne comprend pas le concept d'être de sang royal. Elle est née ainsi, probablement par chance. Toutes auraient tué pour obtenir sa place. Elle la première. Mais le fait d'être née dans le bon corps, par les bonnes personnes et au bon endroit, avait fait d'elle une personne spéciale. Mais au fond d'elle, princesse Hortense détestait être née dans ce corps. Il lui fallait une raison de déshonorer son titre royal, pour qu'on ne la nomme plus "son altesse Hortense" ou bien "Princesse Hortense", mais plutôt pour qu'on la nomme Hortense. Cette étrange pensée était en fort contraste avec ce que dégageait notre belle princesse : un charisme inné, mais surtout des cheveux toujours impeccables et des robes brillantes à vous en faire cramer la rétine.

Alors qu'un beau matin son père s'en allait dans sa chambre lui conter la nouvelle, Hortense, elle, cherchait toujours un moyen de détourner son rôle de princesse. Son père toqua à sa porte, notre Belle lui accorda le droit d'entrer, et son père s'empressa de parler. Pour la faire courte, un prince était arrivé au village. Il était riche et beau, tout le monde parlait de lui comme d'un bel étalon galopant vers les rivières, mais le plus intéressant pour Hortense, il voulait sa main. Son père voulait la marier de force avec cet homme. Un sourire s'étendit sur ses lèvres. Elle avait enfin trouvé son plan. Celui de commettre un adultère.

C'est vêtue d'une robe à froufrous et coiffée d'un élégant chignon que notre princesse sortit de sa chambre. Dans le petit salon se trouvaient son père ainsi que son futur époux, assis autour d'une table où trônaient trois tasses de thé. Elle en déduisit que l'une lui était dédiée. Quant au prince décrit comme un dieu grec, il paraissait aux yeux d'Hortense comme un poisson globe. Il avait de grosses joues qui ne se mariaient guère avec son corps musclé, deux gros yeux bleus et de petites lèvres. Il n'avait rien d'attirant. Hortense s'assit et, ne laissant pas apparaître sa gêne, donna son plus beau sourire à la baleine en face d'elle.

***

La jeune femme partit à la recherche de celui sans qui son plan ne pourrait pas fonctionner. Autrement dit : le pion principal. Elle scruta les gardes du palais avant d'en choisir un. Il s'appelait Joan. Et il avait un sourire hypnotisant. Il n'en fallut pas plus pour savoir que ce serait lui, la nouvelle poupée de la princesse. Un pied devant l'autre, elle s'approcha du garde. Il la salua, mais n'eut pas le temps de faire plus puisqu'elle attrapa son bras pour l'emmener loin de tous les autres. Ainsi, à l'abri des regards, elle pressa presque brutalement ses lèvres contre celles de Joan. Il ne la repoussa pas, au contraire, il accentua le baiser, créant une tension jusqu'alors inexistante. Dommage pour lui, cet échange ne dura pas longtemps. Hortense venait de lui lancer un « À demain. Au même endroit, à la même heure », alors qu'il était encore en train de toucher sa bouche, réalisant à peine l'événement.

***

La suite de ce récit se passe la veille du mariage de la princesse. Ou bien, après une dizaine de baisers incongrus échangés entre Hortense et Joan où il était évident que ce dernier en pinçait pour elle. Quant à la jeune femme, ses sentiments se faisaient de plus en plus confus, et son plan de plus en plus illogique. Il était impératif de prévenir Joan de la situation. Aussitôt pensé, aussitôt fait. Elle se mit à courir à la recherche du garde. Comme à son habitude, celui-ci attendait sa bien-aimée. Quand il la vit arriver, il ne put s'empêcher de sourire bêtement jusqu'à ce qu'elle arrive devant lui, lui balançant des mots incompréhensibles du style : mariage, princesse, sentiments, etc. Elle reprit son souffle et réussit finalement à lui exprimer le fond de sa pensée « je veux vous épouser ». Contre toute attente, Joan ne fut pas si enjoué que prévu. Il eut même un drôle d'air. Pourtant, il ne put qu'accepter.



Le grand jour arriva. La cérémonie allait commencer d'une minute à l'autre et Hortense était à la fois heureuse et angoissée. Ce serait sûrement la plus grosse erreur de sa vie, elle en avait conscience.

Elle se dirigea, accompagnée de son père qui lui tenait le bras, jusqu'à l'estrade où les vœux seraient prononcés. Et alors que tous les invités s'attendaient à voir arriver le « beau » prince, ils virent à la place un garde, Joan. Il n'avait pas son armure et était vêtu d'un élégant costume bleu marine. Et c'est à ce moment qu'Hortense comprit ce qui la poussait irrésistiblement vers cet homme. Joan arriva seul. Il arborait un sourire tordu mais sincère. La cérémonie se déroula sans encombre malgré le regard menaçant que leur lançait son père. Hortense était enfin mariée. À la personne qu'elle avait fini par aimer. Elle ne serait plus jamais respectée par personne dans son royaume. Or, c'est ce qu'elle désirait le plus. Alors sans même regarder son père, elle prit Joan par le bras et prit le premier cheval pour partir le plus loin possible. On pouvait encore entendre les cris de son père au loin, furieux.

Si vous pensez que la fin de notre histoire est proche, vous avez raison. Mais laissez-moi conclure avec le plus important.

-Hortense, je dois te parler d'une chose importante. Je ne suis pas Joan.

-Je l'avais compris.

-C-comment ?

-Quand tu es arrivée dans la salle. Ta manière de te tenir était très féminine.

-Je m'appelle Justine.. et je n'ai pas un sou..

-Peu importe.

Hortense déposa ses lèvres sur celles de Justine pour l'entraîner dans un doux baiser. Elles vécurent heureuses jusqu'à leur mort. 

Peut-être était-ce un véritable conte de princesse finalement.

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