5 - Un bourgeon de pivoine
"Tu
me
donnerais
quel âge
toi?"
Emile
Qui au fond
Se fichait un peu
De son âge
Et de ses questions
Leva les yeux sur un nuage
Et répondit avec hésitation
"je ne sais pas...
quatorze...
quinze ans peut-être ?"
Elle rit de plus belle
"tu peux ajouter cinq ans
je ne fugue pas
ne t'en fais pas
ils savent que je suis là"
En toute honnêteté
Il n'y croyait pas
Tout était puéril chez elle
Son rire
Ses yeux
Sa voix
Enfin
Peut-être
Maintenant qu'elle le disait
Peut-être
Que pour quinze ans
Son visage était un peu trop fin
Ses hanches un peu trop rondes
Peut-être....
Mais ce rire !
Ces yeux !
Cette voix !
Non
Il n'y croyait pas
Vexé, il cala son visage renfrogné
Entre ses poings déliés
Tandis que la petite voix
À nouveau émergea
"finalement,
heureusement,
que tu pleurais
sans larmes
ça aurait été
triste
de les faire
couler ici"
Il
leva
un
sourcil
Interrogateur
"Évidemment
que ça aurait été triste
on l'est forcément
si on pleure"
"Mais non !
pas triste comme ça
voyons !"
Répliqua-t-elle comme s'il venait de répondre une absurdité
Alors que pour Émile au contraire il n'y avait rien à ajouter
"Triste plutôt
Comme une éternelle vérité
Triste comme une fleur fanée
Comme une feuille qui tombe en été"
Elle continua
"La larme qui tombe
Sur une lettre d'adieu
Fait couler l'encre
Même un peu
La larme chaude qui glisse
Dans le cou d'un être aimé
Est ressentie
Réconfortée
Et même la larme qui plonge
Depuis une barque
Dans un étang
Viendra saler
Même infimement
Toute cette eau qui attend
Mais une larme
Dans l'océan
C'est un retour au néant
Une si petite larme
Perdue dans tout ce sel
C'est une existence gâchée
En un instant
Elle disparaîtrait
Sans laisser la moindre trace
C'est la pire sépulture pour une larme
L'océan
Seulement parce qu'elle meurt
Au mauvais endroit
Au mauvais moment
Son existence devient vaine
Je
trouve
ça triste
voilà"
Emile resta sans voix
Il ne pensait pas
Qu'un tel flot de paroles
Pouvait naître
D'un si petit être
Cette fille
(qu'elle ait quinze ou vingt ans
peu importe
finalement)
Rappelait à Émile
Les bourgeons de pivoine
Qu'il contemplait
Gamin
Dans le jardin
De ses grands-parents
Si minuscule
Si discrète
Qu'on ne la remarque pas
Si on ne sait pas quelle est là
Mais qui
Soudain
A l'arrivée du printemps
Dès qu'on lui laisse le temps
Dès qu'on l'écoute suffisamment
Déploie négligemment
Une robe aux jupons sublimes
Une superbe parure de soie
Brillant de milles éclats
brh
brh
brh
brh
brh
brh
brh
brh
brh
Émile soupira
Et plongea la main dans sa poche
Pour faire se taire
Le sempiternel
Et bruyant appel
De son cellulaire
Alors
Comme s'il sortait d'un rêve
Confortable et léger
Mais un peu trop loin
Peut-être
De la réalité
Il s'étira
S'excusa
Remercia
Poliement
Et retourna
Brusquement
Sur ses pas
Sans
oser
se
retourner
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top