16 - Une vie qui résonne

Il chercha
A croiser
Son regard
     Elle détourna
        Son œil
        Hagard

Et les yeux sur l'horizon
Comme Emile au début de cette histoire
Quand il cherchait une échappatoire
À son trop plein d'émotion
Elle récita
D'une voix mécanique
Comme habituée
A sa réplique

"maladie dégénérative
disent-ils
comme s'il n'y avait pas d'alternative
pour parler d'un corps hostile
à ses propres qualités
ce n'est pas incurable
pourtant
juste long
et peu probable
c'est génétique
apparement
sûrement un lointain parent
pas besoin de leurs noms latins
pour comprendre ce qui m'attend
ce sont mes muscles
qui me lâchent
depuis toujours
ils sont lâches
mais depuis quoi
trois
ou quatre ans
ils déraillent complètement
tremblements occasionnés
douleurs articulaires
je ne peux plus marcher
sans canne pour m'appuyer
alors ils me gardent à l'oeil
me bourrent de médicaments
au moins je suis pas en fauteuil
je suis libre de mes mouvements
j'ai le droit de venir ici
de profiter un peu de la vie
et puis apparemment
il y aurait un espoir
si je ne rechute pas avant
dans un mois au plus tard
ils tenteront un nouveau traitement
on m'a parlé d'une technologie
révolutionnaire disent-ils
mise au point loin d'ici
dans une grande ville
ils pourraient je crois
stabiliser mon état
croisons les doigts
n'est-ce pas?"

Son sourire maladroit
Ne la quittait pas
Emile murmura

"oui, croisons les doigts"

Tandis que résonnaient
Dans son esprit muet
Comme un ultime espoir
Des mots contradictoires

pas incurable

peu probable                  

Elle reprit
D'une voix
Adoucie
De sa voix
De souris
En plus vide
Peut-être
Plus acide
Et moins champêtre
Mais d'une voix
Honnête

"mais même si je rechute
même si je dois
partir un peu plus tôt
peu importe
pour moi
tu sais ?

je n'aurais pas à subir
les angoisses du monde adulte
je partirais éclatante
d'une jeunesse sans tumulte
je partirais vivante
et non vidée par l'âge
c'est peut-être même
plus sage ?"

Elle replongea enfin
Son regard
Dans le sien

"mais ce que je ne veux pas
c'est mourir comme une larme
dans un océan
ce que je ne veux pas
c'est une existence
réduite à néant
tu te souviens ?
je t'avais parlé
de ces larmes vaines
qui disparaissent
dans le sel
je ne veux pas finir comme elles
je veux laisser une trace
je veux une vie
même fugace
qui ne se contentera pas
de rester là
d'attendre ou de repousser
une fatalité
je veux une vie qui résonne
qui aidera au moins
une personne
je veux une vie
pas une attente
pas une larme
mourante"

Le vent sembla acquiescer

"quel genre de trace
veux-tu laisser ?"

Lui demanda Emile

"je ne sais pas"

Répondit-elle

"j'y travaille
justement"

                       Et

                           elle

                                  lui

                                       fit

                                            un

                                                 clin

                                                    d'oeil

Comme ça
Soudainement
Comme si c'était un jeu
Que rien
N'était important
Comme s'ils n'avaient pas
Le coeur battant

Et Emile
A son tour
Souffla dans un sourire
Sentit son coeur s'alléger
Son âme s'apaiser

Il retrouvait enfin
En elle
Son âme d'enfant
Son optimisme sans pareil
Il retrouvait enfin la Cassiopée
Battante et déterminée
Qu'il avait rencontrée
Quelques jours plus tôt
Sur la plage un soir d'été

Celle qui l'avait calmé
Qui l'avait réconforté
Celle qu'il craignait de quitter
Mais qui était encore là
A ses côtés
Et qui gardait espoir
Malgré le sort acharné

Alors lui aussi
Le garderait
Cet espoir
Lui aussi
L'aiderait
De tout son pouvoir

Et ensemble ils trouveront
Comment laisser une trace
Même si cette illusion
Doit être fugace

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