"Un chocolat chaud, comme d'habitude ? demanda Aryam.
-Ouais ... S'il te plaît" répondis-je la voix éraillée.

Je remuais légèrement mon chocolat, tout en regardant mon reflet dans le sombre brevage. Un enfant et une fille de l'âge de Tonny rentrèrent dans le Fantalisa. L'enfant me pointa du doigt et s'exclama d'une voix fluette :
"Solène ! Solène regarde ! C'est le tueur !
-Ne le regarde pas Millie ! s'exclama la jeune fille. Viens, sortons d'ici et allons ailleurs."

Je les regardais partir d'un mauvais oeil.

"Désolé Aryam, je te fait perdre de la clientèle ...
-Ooh mais ne t'en fais pas ! dit-il en riant. Un de perdu, dix de retrouvés !"

Je ne riais pas à sa blague. Déçu, il se prépara un chocolat pour sa propre consommation.

"Combien de temps reste t-il ? demandais-je.
-Un quart d'heures" répondit Tonny.

Tonny et Aryam étaient les seuls à être restés à mes côtés. Ils étaient les seuls à croire ma version de l'histoire. Ils étaient également les seuls à qui j'avais pu la raconter. Tous les Naufragés me pointaient du doigt à présent. Tous me voyaient comme un meurtrier. Je n'étais plus un héros ayant survécu à l'emprise de la Bête, j'étais un héros déchu qui avait commis un meurtre.

"Tu devrais commencer à partir Luka, sinon tu va être en retard, conseilla Tonny.
-Ouais, laisse moi une minute de plus." dis-je en buvant une gorgée du chocolat brûlant.

Le Fantalisa n'avait jamais été aussi silencieux. L'atmosphère légère et chaleureuse qui y régnait d'habitude avait été remplacée par un lourd silence qui pesait sur les épaules de chacun. Le moindre bruit résonnait dans ma tête en un écho interminable. J'avais la migraine.

Je n'étais toujours pas remis de l'attaque de Nathaniel. Il m'avait sérieusement amoché. Je me maudissais de ne pas avoir utilisé ma force plus tôt. Le choc de voir une telle atrocité se dérouler sous mes yeux m'avait déconcentré, et puis les coups du frère de Zack n'avait pas arrangés la chose. C'était une explication rationnelle, mais cela restait néanmoins étrange. Il était anormal que je me soit fatigué aussi rapidement. J'aurais du être en état d'utiliser ma force, mais quelque chose me l'avait empêché.

Je pris ma tête entre mes mains et laissait échapper une larme. C'était la première larme que je lâchais depuis ces deux derniers jours. La première larme que je lâchais depuis la mort de Zack.

Tonny posa une main réconfortante sur mon épaule. Je me retournais vers lui, le visage innondé :

"Tonny ... t-tu me crois hein ? T-tu es de mon c-côté ... he-hein ? Je ne suis pas un ... un ... meurtrier ... Je suis in-nocent ..." sanglotais-je.

Tonny semblait surpris par ma réaction. Puis, il sourit et me pris dans ses bras. Il me murmura que tout allait bien, que tout allait bien se passer, et qu'il serait toujours la pour moi. Il me disait ce que je voulais entendre. Malgré ça, je l'écoutais sans l'entendre.

Aryam me caressa la tête et me fit un sourire qui voulait tout dire. Je lâchais Tonny et séchais mes dernières larmes. Il était l'heure.

Une fois sortit du Fantalisa, je constatais que l'atmosphère au dehors était encore plus lourde. Les rues étaient presque désertes. Les rares personnes qui croisaient mon chemin baissaient la tête, m'ignoraient, ou me jetaient des regards lourds de reproches. J'étais traité comme la Bête elle même.

J'étais arrivé. La salle de rassemblements. La salle dans laquelle on a célébré mon arrivée. La salle dans laquelle on annonce celle de la Bête. La salle dans laquelle j'allais être jugé.

Je m'avancais d'un pas hésitant. Ma main effleura la poignée de l'immense porte. J'avalais ma salive.

"Allez Luka ... t'as vécu pire ... Tu es innocent, tu le sais ... allez Luka ... " murmurais-je.

Je fermais les yeux et entrais dans la pièce. Des centaines de regards se posèrent sur moi. J'étais rentré des dizaines de fois dans cette salle, et pourtant, elle était méconnaissable. L'atmosphère était pesante, les regards des gens étaient lourds de reproches. En face de moi, sur une tribune, se tenaient l'Hermite, Nathaniel, et Vendredi. Un frisson me parcourut lorsque mon regard croisa celui du chien du Crusoé. Quelques murmures résonnaient dans la pièce.

L'Hermite s'éclaircit la voix.

"Tu es à l'heure, c'est déjà ça" constata t-il.

Le silence se fit. Mon jugement commençait.

"Luka, quinze ans, Naufragé depuis cinq ans, exerce le métier d'Eclaireur, cita l'Hermite. Ce garçon est accusé de meurtre. Nous déciderons de sa sentence à l'issue de son jugement. Je vous laisse la parole, dit il a Nathaniel.
-Ce ... Ce monstre a tué Zack, mon frère ... Il a ... Il a ensuite tenté de ... Je ... Zack ..."

Nathaniel s'effondra. Sa tristesse pris le dessus et il devint incapable de formuler une phrase complète. Je ne parvenais pas à maintenir mon regard sur lui. Il me désolait, et j'étais impuissant.

L'Hermite emmena Nathaniel se calmer, et Vendredi pris la parole.

"Cet être immonde ici présent à commis une atrocité : Il a tué Zack, le frère de ce jeune Découvreur qui vient de partir. Autrefois traité comme un héros, il semblerait que ce garçon ai perdu la raison lors de son séjour avec la Bête. Qu'as tu à dire pour ta défense, Luka ?"

Je serrais les poings. Cette enflure n'avait pas cité un mot de vrai dans son discours. Je le regardais avec toute ma haine avant de clamer :

"Je suis innocent. Je n'ai pas tué Zack.
-Alors pourquoi tu étais sur les lieux ?" questionna Vendredi.

Garde ton calme Luka. Garde ton calme.

"J'essayais de mettre hors d'état de nuire le véritable meurtrier, répondis-je.
-Il n'y avait que toi, Vendredi, et Nathaniel, remarqua l'Hermite qui venait de revenir. Je ne vois pas d'autres potentiels coupables.
-Exact, je ne suis pas assez fou pour faire ce genre de chose ... comparé à toi Luka ... " ajouta Vendredi.

Ce procès, je n'avais aucune chance de le gagner. Je savais trop de choses. J'étais trop dangereux. J'étais trop suspect. Les gens me craignaient. Même si j'étais innocent, je ne pouvais pas le prouver. J'étais coincé.

"Je suis innocent, répétais-je.
-Montre nous les preuves ?" rétorqua Vendredi.

Il n' y avait qu'une solution.

Je brandissais le collier accroché à mon cou.

"Ça, c'est Zack qui me l'a offert sous l'ordre de Vendredi. Je ne peux pas l'enlever, et ce pour la simple et bonne raison que c'est l'arme qui va me tuer. Ce n'est pas un porte-bonheur, c'est une arme de destruction qui va probablement causer ma perte et qui a déjà causé celle de Zack !" hurlais-je.

Après ces mots, le silence perdura dans la pièce. Tout le monde me regardait, ahuri. Vendredi, qui semblait être tout aussi surpris, souria.

"Mais enfin Luka ... que dis tu ? C'est un simple cadeau de Zack, dit-il. Un collier ne peut pas tuer ... C'est absurde !"

C'en était trop. En un instant, en quelques pas de course et deux bonds, j'étais monté en haut de la grande tribune. J'étais face à Vendredi.

Je l'attrapais par le col et le martelais de coups de poings, toujours plus puissants. C'en était trop. Puisqu'on souhaitais ma perte, alors j'allais entraîner cet enfoiré avec moi. Des gens se levèrent et se précipitèrent vers moi pour tenter de m'arrêter. Ils n'y arriveront pas, ils n'y arriveront pas.

J'eus le temps de voir Vendredi sourire. Pourquoi souriait t-il ? Il murmura quelques mots. Je n'en saisit que quelques uns :

"Toujours pas ... pigé ?"

Je le regardais, incertain du sens de ses paroles. Soudain, je sentis mes coups devenir de moins en moins puissants. Qu'est ce qu'il se passait ? Pourquoi devenais-je de plus en plus fatigué ?

Les Naufragés qui étaient venus en aide à Vendredi réussirent finalement à m'éloigner de lui. Je me débattais, sans réussir à me dégager.

"Ma parole, il est vraiment taré lui !" s'écria un garçon.

Ouais ... Peut être qu'ils avaient raison. Peut être que j'étais vraiment taré après tout.

On aida Vendredi à se relever. Je réalisais alors à quel point je l'avais amoché. Sa joue était enflée, sa lèvre était fendue, il saignait de la tête et son nez était étrangement orienté. Un sentiment de satisfaction m'envahit soudain.

"Tu l'as mérité sale porc" crachais-je.

Vendredi essuya le sang qui coulait dans ses yeux d'un geste et souria. Il se retourna et interpella quelqu'un qui se trouvait derrière un épais rideau que je n'avais jamais remarqué auparavant.

"Monsieur, vous avez vu ce qu'il s'est passé, n'est ce pas ? cria t-il en rejoignant le rideau. Je pense qu'il n'y a plus de doutes sur la sentence qui sera infligée à ce taré !"

L'Hermite le suivit de près, et tout deux s'immobilisèrent devant l'épais tissus. Quelques secondes plus tard, Vendredi se retourna vers moi, un sourire sadique déformant son visage.

L'Hermite écarta les bras et clama le silence.

"Le Crusoé a pris sa décision, la sentence a été choisie !" dit-il.

Il posa sur moi un regard étrangement froid avant de prononcer les trois petits mots qui allaient sceller mon existence pour toujours :

"Luka sera Banni."

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BONSWUAAARE ! Je commence peu à peu à reprendre le rythme ^^ Désolée pour le temps d'attente x) On commence à arriver à la fin ;) Bonne nuit :3

-JeSuisLeCha