Le building de la tentation
La vue est magnifique du dernier étage. Je baisse la tête et je vois les rues mouvementées de New York. Je colle mes mains à la fenêtre en contemplant le vide. Si je saute, tous mes problèmes s'effaceront. Mes parents. L'école. Le harcèlement. Ma solitude. Tout. Je m'imagine briser le verre et faire le saut de l'ange. Je regarde les gens autour de moi. Dans ma tête, ils sont attachés par des milliers, des millions parfois, de fils qui les empêchent de sauter. Ces milliers de fils sont les milliers de raisons de vivre de ces personnes. Et moi, une seule fine corde m'empêche de me jeter vers la liberté. Nathan. Ce garçon dont je suis amoureuse depuis 10 longues années. Je n'ai jamais osé faire le premier pas et je n'oserai jamais. Je revois ses cheveux soyeux, son visage angélique et souriant et ses yeux sombres. Il est gentil, intelligent et timide. Je l'ai rencontré en troisième primaire (CE2) et j'ai eu le coup de foudre. Tout allait bien à l'époque : j'avais une relation saine avec mes parents, je travaillais bien à l'école (j'avais d'excellentes notes) et personne ne se moquait de moi. J'avais même un chien à l'époque, mon fidèle Natsu, qui nous a quittés il y a trois ans. J'étais effondrée, personne n'étais là pour me soutenir. Ces trois dernières années ont été de la souffrance pure et dure. Personne ne connaissait ma véritable histoire mis à part ma famille. J'étais seule avec mes problèmes. Et, je me suis dit, peut-être que le problème c'est moi. J'ai essayé de changer, mais rien n'y fait, je suis toujours la risée de tout le monde, la ratée de la famille et l'élève pas concentrée. Je suis moi et je n'y peux rien. Ou du moins, je pense être moi. Qui suis-je vraiment ? Ces questions que je qualifiais comme « débiles », je ne me suis jamais penchée dessus. Je ne sais pas trop si je dois le faire. En général, quand on se fait passer pour quelqu'un d'autre que soi-même, même sans le faire exprès, on essaye d'être une version améliorée de soi-même. Si je suis déjà une version améliorée de moi, j'ai peur de qui je suis. Je ne veux pas le savoir. Et même si je ne suis pas une version améliorée de moi, les gens garderont toujours en tête l'Élisa fragile que je suis en ce moment. Ça ne sert à rien.
Soudain, une voix résonne dans ma tête.
« Élisa, c'est moi, ta grand-mère ! Il faut que tu sois toi-même ! »
Les larmes me montent aux yeux. Et puis, comment ma grand-mère, morte il y a cinq ans, peut me parler ? C'est de la folie ! Je suis en train de devenir folle ! Mais bon, à quoi bon résister ? Je décide de répondre à ma grand-mère.
« Et pourquoi ? Tout le monde va se rappeler de l'Élisa de maintenant ! »
« Je pense que tu n'as pas bien compris ce que je voulais te dire. Il faut que tu sois toi-même pour toi, pas pour les autres ! »
Je n'y avais jamais pensé. J'aurais dû ? Je ne sais pas. Peut-être ai-je été stupide, peut-être pas. En ce moment, je remets toute ma vie en question, comme je l'ai fait de nombreuses fois. La possibilité la plus tentante est de sauter. Mais, je revois ce fil. Je ne peux pas me permettre de le couper, pas maintenant en tout cas. En réalité, ce fil, ce n'est pas Nathan en lui-même. C'est la possibilité qu'il m'aime. Voilà, c'est ça. Ce fil, c'est l'espoir. Et là, le célèbre dicton prend tout son sens. Et ce dicton, c'est...
« L'espoir fait vivre »
Je ne sauterai pas. Je ne sauterai jamais, cette idée ne me traversa plus jamais l'eprit. Par amour. Ou par espoir, je ne sais pas.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top