A dream, just a dream...

J'entendis les pneus de la voiture crisser dans l'allée. C'était maintenant ou jamais. Je savais que ce n'était qu'un rêve, une simple lubie, mais il fallait que je le tente. Je grimpai les escaliers à toute vitesse, mon visage ruisselant de larmes. Le bruit de la clé qui tournait dans la serrure me poussa à accélérer. 

-Nina chérie, tu es là ?

Maman... je suis désolée. Je n'oublierai jamais tout ce que tu as fait pour moi. Les larmes me montent aux yeux dès que je pense à toi. 

Je rentrai dans ma chambre et claquai la porte derrière moi. Je m'avançai prudemment jusqu'à la fenêtre, hésitante. Les pas de ma mère faisaient craquer les marches de l'escalier. Je donnai un coup d'épaule ultime dans la fenêtre qui refusait de s'ouvrir. Je fixais avec un mélange de peur et d'envie le sol qui semblait si proche de moi. Ma mère tourna la poignée et, prise de panique, je sautai sur le toit du garage. Le choc me donna des fourmis dans les jambes. Je m'approchai du bord et aperçut Papa qui rangeait les courses. Lorsqu'il eût enfin ramené la dernière caisse et fermé la porte d'entrée, je jetai un dernier regard à la fenêtre de ma chambre encore ouverte. Le vent secouait mes rideaux qui s'agitaient comme pour me dire au revoir... ou plutôt adieu. Parce que je ne reviendrai jamais ici, plus jamais. Pas après tout ce qu'il s'est passé dans cette maison. 

Je me décidai enfin à sauter dans l'allée. Sur la pointe des pieds, je rejoignis le trottoir d'en face. Je me mis alors à courir plus vite que jamais, sans me retourner. Je continuai comme ça pendant près d'une heure. À bout de souffle, la sueur plaquant mes cheveux à mon visage, je m'arrêtai devant un haut bâtiment de pierre. C'était là... Là que l'audition pour le rôle principal d'un film se déroulait. Je consultai ma montre. Elle allait débuter d'une minute à l'autre. Alors que j'arrivais en haut des marches qui menaient à l'entrée, je me figeai sur place. Qu'est-ce que j'étais en train de faire ? Fuguer de chez moi simplement pour rejoindre une audition à la noix ? Ça ne ressemblait pas à la Nina que tout le monde connaissait. 

Je m'apprêtais à faire demi-tour, à rentrer auprès de mes parents à la maison, mais je me rappelai du tort qu'ils m'avaient causé... "La célébrité, ce n'est pas pour toi, Nina !", "Abandonne, tu ne deviendras jamais actrice", "Participer à des cours de théâtre ? Mais pour quoi faire, une vie ce n'est pas assez pour toi, il t'en faut absolument plusieurs ?". Ils avaient détruit tous mes rêves dès mon plus jeune âge. Quand je le leur reprochais, ils me répondaient simplement que ce n'était pas grave, c'était seulement des rêves comme je le disais moi-même. 

Déterminée, je franchis la porte. Je ne veux plus jamais entendre parler de mes parents, en particulier de mon père. J'arrivai devant un homme à l'allure chic qui me regardait d'un air sceptique par dessus ses lunettes. 

-Bonjour, nom et prénom s'il vous plaît ?

Je souris naïvement. J'avais beau être une fille à l'apparence plutôt négligée et à l'air inoffensif, j'avais réussi à créer une fausse identité qui me permettrait de pénétrer dans les bâtiments et participer à cette audition de rêve. J'avais longtemps regardé cet article dans le journal avec des yeux admiratifs et brillants d'excitation, jusqu'à ce que mon père me l'arrache des mains et le brûle devant moi en affichant un sourire narquois. Et là, j'y étais. 

Je secouai la tête pour me remettre les idées en place.

-Oui, pardon. Méline Gresley. 

Il parcourut sa liste, puis acquiesça en m'indiquant le chemin à prendre. Je le remerciai d'un bref signe de tête. Je me sentais ridiculement petite sous les voûtes de ce bâtiment imposant. Je rejoignis rapidement la salle où se déroulait l'audition. Toutes les participantes me ressemblaient comme deux gouttes d'eau : des jeunes filles rousses un peu rondouillardes. La seule qui m'adressa la parole était une jeune fille du nom d'Alexandra. Elle me ressemblait en tous points, sauf un seul. Son sourire. Elle souriait, elle rayonnait. Sa joie de vivre effaçait durant quelques instants tous mes problèmes. Un homme se positionna au milieu de la petite scène et agrippa le micro de toutes ses forces.

-Hum, hum. Bonjour à toutes. Je ne vais pas être très long, je tenais juste à vous souhaiter bonne chance. Ce jeu de rôle doit être le meilleur de votre vie, n'oubliez pas que vous pouvez gagner le rôle principal d'un film ! Quelqu'un dans cette salle n'a jamais fait de théâtre ?

Je levai timidement la main. Toutes les filles de la salle se tournèrent vers moi en pouffant de rire. Je sentais mes yeux me piquer, j'étais au bord des larmes, quand je sentis quelque chose frôler mon épaule droite. Je pivotai légèrement et aperçus Alexandra qui levait le bras, prête à toucher le ciel. Je savais pertinemment qu'elle mentait, qu'elle avait fait du théâtre pendant de nombreuses années. Et c'est ça qui me fit sourire. 

L'audition se déroula silencieusement, on n'entendait que les voix des futurs acteurs qui résonnaient sur les parois de pierre froide. Lorsque mon faux nom fut prononcé, je me dirigeai vers la scène d'une démarche mal assurée. Tremblante de peur, je me donnai des claques sur les cuisses avant d'entamer ce numéro que j'avais tant répété. Le jury m'observait avec des yeux admiratifs, ce qui me poussa à faire de mon mieux jusqu'au bout. Après quelques minutes pendant lesquelles je parcourus au moins 10 fois la scène de long en large, des applaudissements s'élevèrent de la table du jury. Je leur souris et retournai à ma place, sous les acclamations d'Alexandra. Les dernières candidates jouèrent la même petite scène avec très peu d'enthousiasme. Une femme d'une cinquantaine d'années s'avança sur la scène. 

-Bien. Je vous remercie d'avoir participé à cette audition. Mais, comme vous le savez, il faut choisir une gagnante. 

Je me penchai un peu pour mieux entendre, avant de me raviser et me dire que je n'avais aucune chance de gagner. 

-Méline Gresley !

J'étais sur le point de fondre en larmes avant de me rappeler que c'était mon faux nom. J'avais gagné. Les applaudissements parvenaient à peine à mes oreilles, j'étais comme en transe. Je voyais le sourire à la fois radieux et triste d'Alexandra. Je voyais déjà le film passer avec moi comme personnage principal. Et enfin, je vis ma mère qui m'adressa un hochement de tête. Savoir qu'elle n'était pas là pour partager cette euphorie m'attristait profondément. Je revins à la réalité, dans cette salle bruyante qui m'acclamait, moi, Nina. Je regardais les autres candidates m'applaudir en me lançant des regards teintés d'amertume. 

Je ne savais pas encore où j'allais vivre. Je ne savais pas encore ce que j'allais vivre. Je ne savais pas non plus avec qui j'allais vivre. Mais je savais que j'allais vivre une vie heureuse, du moins plus que celle que je laissais derrière moi.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top