Le réveil hurle dans les oreilles d'Andrew ce matin-là. Alors qu'il avait mis très longtemps à s'endormir, il avait fini par être emporté par la fatigue en fin de nuit. Néanmoins, il lui manquait un certain nombre d'heures de sommeil.

C'est injuste. Cette pensée tourbillonne dans son esprit depuis plus d'une journée. Elle ne le quitte pas depuis qu'il a appris pour Robyn. Depuis cet instant-là, chaque fois qu'il la voit ou qu'elle est évoquée, il a l'impression de se faire lacérer le cœur.

Il n'avait pas osé dire à Mary de ne pas l'inviter la veille. L'écossais n'était pas idiot, il connaissait suffisamment sa compatriote pour savoir qu'elle l'aurait envoyé bouler. De toute façon, éviter chaque personne enceinte, chaque bébé et chaque enfant n'avait pas tellement porté ses fruits. Il l'avait fait pendant un temps, rejetant un certain nombre d'invitations de peur de s'effondrer devant des amis et puis sa peine avait fini par diminuer.

Un pull orné d'un immense sapin enfilé, il entre dans sa voiture de sport blanche en direction du terrain d'entrainement. Il repense à la soirée de la veille. Diogo semblait avoir grandement apprécié. De son côté, il n'en avait pas la moindre idée. Cela faisait plusieurs jours que tout lui paraissait fade et cette soirée n'avait pas fait exception. Même la préparation avait été moins joyeuse que d'ordinaire, alors qu'avec un pareil thème, il aurait dû être le plus heureux du monde.

Il avait senti le regard de Mary posé sur lui toute la soirée. Comme si elle le surveillait. Il savait très bien qu'elle avait compris qu'il n'était pas en forme. Cela se voyait à ses remarques et ses questions auxquelles il n'avait pas vraiment envie de répondre. Parce qu'il aurait dû dire que ça n'allait pas. Pourtant, face à la kiné, il aurait pu le faire. Elle le comprenait.

— Bonjour Andy.

Il est enveloppé dans l'étreinte de son entraineur qui le plaque fort contre lui. Si ses muscles commencent par se contracter par peur d'être broyé, il finit par se détendre dans ses bras. De tous les entraineurs qu'il avait pu côtoyer, Jurgen était certainement celui qui était le plus rassurant. Avec sa taille imposante, il était impressionnant en colère mais dès qu'elle retombait tout était oublié et il se retrouvait comme dans un cocon.

— Tu es au repos aujourd'hui, on t'a préparé un programme spécial.

Une moue s'installe immédiatement sur son visage. Il ne comprenait pas. Il n'était pas blessé et il n'avait pas de raison d'être mis de côté.

— Quoi ?!

— Tu es fatigué et j'ai pas envie de prendre de risques avec toi, on va bientôt avoir besoin de toi tous les trois jours.

— Mais non, je...

— C'est non négociable Andy.

Il maugrée un peu avant de s'adoucir quand il remarque le regard inquiet que l'allemand semble lui adresser.

— Ce n'est pas une punition. Mais on a tous remarqué que t'étais pas en forme et on a vraiment pas envie que tu te blesses en ce moment.

Il comprend les mots non prononcés. Ceux qu'il ne disait pas pour ne pas le braquer. Le fait qu'il n'était pas en forme ici parce que ça n'allait pas à côté. Il y avait des entraineurs qui compartimentaient et ce n'avait jamais été son cas. Les questions sur leurs vies privées étaient courantes. Mais jamais il n'insistait, il laissait juste la porte entrouverte, semblant montrer qu'il était disponible si on voulait lui parler. Alors il hoche la tête et quitte les lieux, n'ayant pas particulièrement envie d'en discuter avec lui.

La séance lui parait interminable alors qu'ils ne sont que deux dans la salle intérieure. À côté de lui, Mohamed se remuscle les jambes suite à une blessure qui l'a éloigné des terrains depuis quelques jours.

— Vous faites des choses pour les fêtes ?

Le préparateur physique lui sourit doucement.

— Je rentre dans ma famille avant Noël et soirée avec les amis d'enfance pour le nouvel an.

Sa voix était grave et il avait certainement l'une des plus apaisante du club. Andrew ne se lassait jamais de l'écouter parler.

— Toi ?

— Avec ma famille proche le vingt-cinq. Je sais pas encore ce que je fais pour la nouvelle année.

Il l'aurait bien fêté de la même façon que lui. Mais il n'était pas certain de supporter la vue de son ancienne petite amie qui serait nécessairement présente. Après tout, ils faisaient tous les deux partie de la bande du lycée. Et dans le fond, l'écossais savait qu'elle n'avait pas plus envie de le voir que ça. Leur couple avait certes explosé en milliers d'éclats, mais la douleur de leur séparation restait quasi intacte quand il y repensait. Parce qu'avec elle venait la raison de celle-ci et la souffrance qui le hantait à longueur de journée.

Si elle avait réussi à refaire sa vie, il savait qu'elle ne pourrait pas non plus oublier leur dix ans de vie commune, les promesses qu'ils s'étaient faites, leur futur commun envisagé. Et il avait trop compté dans sa vie pour qu'elle ait envie de le voir souffrir à cause de ce que sa présence lui rappelait. Alors il attendait avant de se décider, mais si elle participait, il savait déjà qu'il négocierait une autre soirée, pour ne pas gâcher la sienne alors qu'elle ne pourrait pas s'empêcher de lire la tristesse bien cachée sous le masque de façade qu'il porterait.

— Tu peux venir le faire avec nous si tu veux. On va passer quelques jours en Espagne avec Kóstas et Diogo, on a besoin de retrouver le soleil qu'on a pas ici.

Ses prunelles pétillent une brève seconde à l'entente de la proposition de l'égyptien tandis que le blond qui les entraine se met à rire. Il remercie d'un signe l'attaquant. Il avait de toute façon également Trent à sonder. Il n'avait pas encore de plan de ce qu'il lui avait dit quelques jours plus tôt.

— C'est bon tous les deux ! Kiné et vous pouvez rentrer chez vous !

Il quitte les lieux pour se retrouver allongé sur une table de kiné une bonne dizaine de minutes plus tard après s'être lavé. Ses yeux marron s'attardent sur le petit cadeau qui traine.

— C'est quoi ?

— Des mitaines, pour Alexis. Il se plaint bien trop souvent du froid, mais il n'a jamais de gants.

— C'est pas qu'il n'en a jamais, c'est qu'il les perd toujours.

— Eh ben j'espère qu'il fera attention à ceux-là !

— J'espère aussi, peut-être que le fait que ce soit un cadeau, il sera plus attentif. Sinon t'as une bonne recette de buche au chocolat ? Marcus m'en a demandé une pendant l'entrainement mais j'en ai pas en tête, la mienne est aux marrons.

— Il veut un autre truc avec ou pas ?

— N'importe, il veut juste quelque chose de pas trop compliqué à réaliser.

La blonde hoche la tête positivement et le brun lui sourit. Il allait pouvoir rendre heureux le préparateur avec une proposition.

L'idée d'une buche le ramène vers la seconde kiné étonnamment absente ce jour-là. L'année précédente, ils avaient fini celles de la soirée du club à deux. Le champagne leur montait doucement à la tête et il se souvenait parfaitement les messages échangés le lendemain matin alors qu'il était enfoui au fin fond de son lit, l'estomac retourné d'avoir trop mangé et le crâne lacéré d'avoir trop picolé.

La fin de la soirée restait quant à elle plus floue. Il se souvenait de la raccompagner parce qu'elle était venue à pieds et qu'il habitait juste un peu plus loin. Dans les brides qu'il avait, il pouvait sentir son épaule tapant contre la sienne alors qu'ils marchaient côte à côte dans la rue. Il avait souvenir de grands mouvements et d'éclats de rire brisant le silence de la nuit. Parfois, il revoyait ses lèvres un peu trop proches et sa tête tournée à la dernière seconde tandis qu'il la saluait devant sa petite maison.

Il essaie d'arrêter d'y penser. Mais l'image de la belle endormie dans son lit la veille lorsqu'il avait été la réveiller en fin de soirée le travaillait. Mais dans les rêves qu'il faisait encore parfois, c'était une rousse qui se trouvait là allongée alors qu'elle aurait été trop fatiguée. Et il l'aurait rejointe et l'aurait serrée contre lui, déposant des baisers sur un ventre arrondi.

— C'est tellement injuste.

Mary relève sa tête vers lui.

— Quoi ?

— Elle couche une fois avec un mec bourré en soirée et elle a un bébé dont elle veut même pas. Alors que moi...

Il sent sa voix qui craque et les sanglots qui étranglent sa gorge l'empêchant de finir sa phrase.

— Andy...

Il se sent être attiré dans une paire de bras. Les larmes roulent doucement sur ses joues alors que les doigts trainent à l'arrière de son crâne.

— Tu devrais lui parler.

La voix est un murmure dans le creux de son oreille. Pourtant il n'a aucune envie de lui parler. Parce que ça reviendrait à la voir quand tout ce qu'il voulait était désormais l'éviter.

— Peut-être que ça te fait mal, mais l'inverse est tout aussi vrai. Elle comprend pas tes réactions et ça la blesse. 

C'était impossible. Il ne voyait pas en quoi il pourrait aussi lui faire du mal. 

— Je sais pas si je suis capable de...

— Réfléchis-y Andy. 

Les mots résonnent légèrement et s'insinuent dans son esprit. Il hoche un peu la tête et le regrette immédiatement. Il espérait juste que Mary ne prendrait pas cela comme une promesse, parce qu'il n'était pas certain d'en être capable. Et pourtant, l'idée que la kiné puisse souffrir à cause de lui le dérangeait. Pourtant, il n'avait rien fait pour la blesser. 

pour le prochain chapitre, on passe au point de vue de robyn !