24 décembre

La veille de Noël était la journée préférée de l'année pour Mary. Elle se levait tôt pour commencer à préparer son repas pour le soir même, mais surtout celui du lendemain. Ses recettes étaient maitrisées et elle n'en dérogeait que rarement. Il n'y avait que sur l'entrée et le dessert qu'elle changeait des éléments d'une année sur l'autre. Si elle confectionnait toujours sa buche aux marrons qui ravissait l'intégralité de sa famille, elle changeait les parfums de la seconde. Alors ce matin-là, ce sont des oranges qui sont mises à cuire dans un sirop, pour accompagner une mousse de chocolat dans la seconde qu'elle devra mettre en forme.

À dix-heures du matin, l'intégralité des éléments sont mis à reposer et prendre dans son frigo et elle peut se concentrer sur la suite. Son entrée ne sera terminée que le lendemain, les noix de Saint-Jacques ne pouvant être saisies qu'à la dernière minute. Elle confectionne néanmoins la sauce qui les accompagneront.

Un léger son lui indique l'arrivée d'un sms sur son téléphone alors qu'elle a les mains pleines de pate à sablés. Elle les essuie rapidement lorsqu'elle voit qu'il s'agit de sa fille. Elle se saisit de l'appareil pour lire l'intégralité du contenu du message qui lui a été envoyé, un franc sourire peint sur les lèvres. Passer Noël sans ses enfants était l'une des choses les plus difficiles qu'elle ait eu à vivre depuis son divorce. Certes, elle était restée en bon terme avec son père et ils avaient fait bien des Noël ensemble suite à leur séparation. Ce n'était désormais plus le cas depuis que la jeune femme et dernière de la fratrie avait pris son envol. Le remariage de son ex-mari avec une femme habitant à l'autre bout du pays était également l'une des raisons de ce choix. La kinésithérapeute le comprenait pleinement, cela ne voulait pas pour autant dire qu'elle ne souffrait pas quand sa fille et son fils étaient chez celui-ci un Noël sur deux.

Elle lui répond rapidement qu'elle serait bien là pour l'accueillir à la gare. Elle complète qu'elle lui laisse ses petits gâteaux préférés à confectionner. Sibyl avait hérité de ses talents pour la cuisine, même si elle se contentait de les mettre en application sur le sucré. Mary adorait passer du temps en cuisine en sa compagnie lorsqu'elle venait lui rendre visite. C'était toujours agréable de partager un moment à deux à faire des choses qu'elles aimaient. La distance avec son fils exilé aux États-Unis après des études en informatique rendait ces moments difficiles avec son ainé qui ne rentrerait une fois de plus pas pour les fêtes.

Elle se remet à la confection des sablés et ceux-ci se retrouvent rapidement enfournés. Elle se décide donc à faire la suite de ses différents repas, barrant au fil des préparations ceux déjà prévus. Elle enfourne les gâteaux qu'elle vient de terminer avant de prendre sa voiture pour rejoindre la gare. Elle la stationne sur la dépose-minute et un immense sourire s'affiche sur son visage quand elle voit celui de sa fille arriver. Elle ouvre sa portière, le froid glacial de ce vingt-quatre décembre s'engouffrant dans l'habitacle et vient la serrer dans ses bras alors qu'elle dépose ses nombreux bagages par terre.

— Bonjour Maman !

Une fois sortie de son étreinte, elle dépose les affaires dans son coffre avant de reprendre la route.

— T'as fait bonne route ?

— Oui, pas de souci de train pour une fois.

Elle rit de sa réponse. Les trains et leurs retards étaient l'objet récurrent d'anecdotes. Elle se souvenait encore de cette fois où il avait été annulé faute de conducteur. Elle s'était longuement demandé comment il était possible d'aussi mal gérer un calendrier. Heureusement, ce n'était pas le cas cette fois-ci et sa fille ne se retrouvait pas bloqué à l'autre bout du pays à devoir passer les fêtes seule.

— Et comment va Eliott ?

— Il va bien. Il est encore dans le train pour chez ses parents, il arrivera demain pour midi normalement, j'irai le chercher à la gare.

Mary sourit. Elle aime bien le compagnon de sa fille et est heureuse quand elle voit le bonheur étalé sur leurs deux visages quand ils sont en compagnie l'un de l'autre. Elle se demande si c'était ce que ses parents pensaient aussi au début de sa relation avec son ex-mari. Peut-être que le temps avait abimé ce qu'ils avaient. Elle espère que ça ne sera pas le cas pour Sibyl.

Elles descendent de la voiture et entrent dans la maison légèrement décorée. Au milieu du salon, un sapin sans la moindre guirlande ou boule trône.

— Tu m'as vraiment attendue ?

— Je t'attends toujours. Mais avant qu'on le fasse, repas. Je t'ai fait des lasagnes.

Les prunelles se mettent à pétiller. Elle savait qu'elle lui ferait plaisir avec un de ses plats préférés.

L'après-midi passe rapidement à confectionner petites meringues, truffes et saucisson au chocolat, véritables traditions pour accompagner le café le vingt-cinq. Elle laisse à sa fille la primeur du saucisson ravissant à chaque fois les différents convives. À dix-sept heures, les deux femmes ont terminé leur cuisine et de décorer la maison où elles vont recevoir le reste de la famille le lendemain. Le sapin brille grâce aux boules pailletées et aux guirlandes lumineuses qui y sont glissées. 

Elles s'habillent simplement avant de quitter la chaleur de leur cuisine pour le froid de la rue où le vent fouette leurs visages. Les cloches sonnent en ce début de soirée alors qu'elles se dirigent vers l'église du secteur où elles se rendent uniquement deux fois l'année. Elles y croisent des visages d'inconnus, des vieux, des jeunes, des familles bien apprêtées et des personnes seules, ainsi que des visages plus connus vus au cours des rares occasions.

Mary pose un grand sac à ses pieds. Elle enlève ses gants avant d'enfouir ses mains au plus profond de ses poches alors que l'air ambiant est plus que frais. Une fois de plus, le chauffage n'est pas suffisant pour réchauffer l'espace immense de la nef. Elles récitent les chants utilisés une seule fois par an et si festifs, écoutent les paroles tournant une nouvelle fois autour des mêmes sujets que l'année précédente et les textes dont elles pourraient citer des phrases après les avoir entendus de nombreuses fois. Une heure et demie plus tard, elles quittent les lieux alors que les dernières notes d'orgue résonnent dans l'église et que les clochent sonnent, résonnant dans la rue.

Les deux femmes marchent ensuite pendant quelques minutes et entrent dans une salle légèrement décorée et déjà peuplée. Elle amène son sac rempli de petits gâteaux en tous genres dans la cuisine, rejoignant d'autres bénévoles déjà aux fourneaux. La mère et sa fille en prennent plusieurs dans leurs bras et font quelques bises aux autres. Les sourires sont inscrits sur tous les visages des présents qu'elles prennent plaisir à retrouver une fois chaque année le temps d'une soirée. Depuis plusieurs années, c'est auprès de la Croix Rouge que Mary passe le réveillon et elle y retrouve tout ce qu'elle vient d'entendre quelques dizaines de minutes plus tôt.

Et alors que les rires se mêlent, que les visages solitaires s'illuminent dans la salle et que les cœurs se gorgent de bonheur le temps de quelques heures, elle ne regrette une fois de plus pas cette décision faite une soirée d'automne des années plus tôt. Noël devait apporter de la magie et de la gaîté, et comme chaque vingt-quatre au soir depuis quelques années qu'elle soit seule ou accompagnée, elle était persuadée que c'était ce qu'elle faisait. Car il n'y avait pas de plus beau cadeau que d'apporter un peu de chaleur et de bonheur, même si ce n'était que le temps de quelques heures.

je vous souhaite à tous une excellente année 2024. plein de bonheur et que vos projets se réalisent ! 

suite & fin plus tard dans la journée :) 

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