Il est 22h58

Lampe de chevet pour seule lumière. Elle m'éclaire peu. Elle m'éclaire assez pour que je puisse écrire, coucher mes pensées sur le papier de mon petit carnet.

Il est 22h08, demain réveil à 7h30. Le lycée m'attend. Là maintenant ? Je ne veux pas y retourner.
Mal au ventre, mal à la tête, mal au cœur peut-être, besoin d'écrire. De pouvoir rester dans ma grotte, dans ma piaule, m'enfermer dans mon univers. De prendre mon carnet ou mon ordinateur, de me saisir d'un crayon ou de laisser mes doigts survoler les touches.

Besoin constant de s'évader, de m'enfuir, c'est ça... fuir. J'ai besoin de fuir.
Tellement de choses à dire, trop à dire, au point que ma main ne va pas assez vite pour écrire.
Trop à dire et le stylo ne suis plus.

Parce qu'au fond, ça doit être ça mon véritable problème. Dans ma tête, des centaines de pensées par secondes, sûrement plus et je me retrouve incapable de toutes les compter. Trop à comprendre, à apprendre, à retenir, à intégrer.

J'ai besoin de m'enfuir parce que je ne le supporte plus, mais peut-être aussi tout simplement parce que le monde extérieur m'effraye.

Comment se sentir à l'aise dans un monde où des guerres font la loi ? Des victimes en nombre incalculable mais qu'on choisit d'ignorer en Occident, de faire comme si rien de tout cela n'avait vraiment lieu ?

Comment aller sereinement au lycée quand des adolescents se font harceler par leurs camarades, le cœur lourd moqueries et de coups, mais c'était « juste pour rire » ? Comment envisager un avenir quand on vous a répété tout le temps de votre collège qu'il fallait absolument décider et au plus vite, d'un métier et ce jusqu'à la fin de votre vie ?

Comment envisager une seconde d'être amoureux ou amoureuse alors que des gens descendent dans la rue pour manifester contre l'amour ? Des gens qui tabassent, insultent et dénigrent, mais en rappelant qu'ils n'ont aucune raison de se plaindre car dans certains pays du monde ils sont enfermés, torturés et condamnés à mort ? Que des institutions religieuses les punit ? Qu'un dirigeant nie le massacre des homosexuels dans son pays, car il n'y a pas d'homosexuels en Tchétchénie.

Comment bien se sentir dans son corps de femme quand on entend que les poils ça s'épile, que les imperfections et les formes ça se cache, que franchement si on se met en jupe c'est qu'on le cherche quand même un peu? Que dans le monde, les jeunes femmes subissent les mutilations génitales alors qu'elles ne savent même pas lire ?

Comment croire en ses propres opinons quand on voit les politiques ? Quand deux fous s'amusent avec leur petit joujou, se menacent avec la bombe nucléaire ? Quand ami des riches et raciste se battent pour le pouvoir en France ? Quand on réduit les retraites, les aides aux familles, les subventions des projets écologiques, culturels et d'éducation pour augmenter les salaires des députés qui ne viennent même pas au parlement ?

Comment aider cette planète qui pourtant a si mal quand on dit à une végétarienne que son combat ne changera rien à la situation? Que de toute façon dans un siècle nous serons plus là et que les générations futures n'auront qu'à se débrouiller avec la planète en sang et larmes qu'on leur laissera ? Que de toute façon nous sommes tout en haut de la chaîne alimentaire et que les animaux naissent pour être bouffés ? Que la nourriture produite pour 12 milliards d'humains alors que la moitié du monde ne mange pas à sa faim c'est normal ? Que de toute façon le monde est fait pour fonctionner de cette manière ?

Comment défendre les causes en quelles on croit quand on a répété à une féministes que de nos jours son combat ne sert plus à rien ? Que les femmes ont acquis tous les droits possibles et inimaginables et donc que se battre n'est plus nécessaire ? Quand un français ( et française) sur quatre juge lors d'un sondage la victime coupable si elle portait une tenue sexy ? Quand une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint ? Quand les plaintes pour viol n'ont souvent jamais de suite ? Quand pour percer dans certains milieu, ce n'est pas à la bibliothèque qu'il faut se rendre mais sous le bureau ? Quand on en arrive à se demander combien de femmes se font rabaissées, harcelées, maltraitées, violées, mariés de force par jour ? Par heure ? Par minute ?

Comment respirer dans un monde où on coupe les arbres centenaires pour construire un supermarché ?

Comment ne pas craquer devant la folie humaine ?

Comment rêver et espérer quand le chemin pour devenir écrivaine est autant semé d'embûches ?

Comment vivre dans un monde blessé par les guerres, les abus de pouvoir, les crimes contre l'humanité ? Saigné par l'humain et sa folie ?

Comment...

Il est 22h42 et Morphée m'appelle, mon stylo ne va toujours pas assez vite pour moi. Je suis peut-être cinglée. Écrire est une échappatoire.
Je voudrais m'enfuir. Partir. M'en aller. M'évader de ce monde complètement barré.
Une poignée de sable sur mon oreiller.
Elle m'embrasse le cou, elle veut que je pose mon carnet et que je revienne dans l'autre dimension.

L'heure tourne, la fin approche, elle murmure sensuellement à mon oreille.
Vous l'entendez ? J'espère rêver.
De tout et rien. De passé et de futur. Des morts et des vivants. De nuit et d'avenir. De larmes et d'amour.
D'un monde utopiste qui appartiendrait qu'à moi.

J'oublie tous ces problèmes et cet autre monde déchu. Je ne fais que rêver. Je fuis.

Il est 22h58

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top