Chapitre 5 : S'éloigner comme seule solution
Durant les jours qui suivirent, je me levai avant les autres. En même temps que Jin. Mon sommeil étant agité, il me réveillait quand il sortait de la chambre. Alors je le suivais. Ca me permettait de mieux éviter les autres. Ils ne se comportaient pas différemment avec moi depuis que je leur avais dit, mais j'avais trop honte pour faire comme si tout était normal. Comment pouvaient-ils accepter ce que j'étais ? On m'avait toujours appris que ce n'était pas normal, que c'était une maladie qu'on devait soigner, et que c'était l'intervention d'une quelconque entité maléfique. Voilà où en était mon pays. Voilà pourquoi je me sentais si mal. Je les évitais du mieux possible, mais c'était compliqué.
Mais ce matin, je ne parvins pas à me lever. Je n'entendis pas Jin, et je continuai de dormir. Evidemment, je n'avais pas mis de réveil à sonner, et ce fut l'un d'entre eux qui s'y risqua. Le même que d'habitude. Dès qu'il me toucha, je me réveillai en sursaut. Il ne suspendit pas son geste, passant sa main sur mon dos, la frottant de bas en haut, comme il le faisait toujours. Je savais parfaitement qu'il allait bientôt la déplacer dans mon cou, puis sur mon visage, ce que je ne voulais pas. Il allait parler quand je braquai mes yeux sur lui. Je ne voulais pas de sa présence. Brutalement, je poussai sa main.
- Laisse-moi.
Mon ton était froid. La surprise se lut sur son visage, ainsi qu'une certaine contrariété. Il ne bougea pas, sa main toujours dans les airs. J'insistai.
- Je suis réveillé, tu peux retourner avec les autres.
- Pourquoi tu fais ça ? Me demanda-t-il.
Je clignai des yeux. Je fais ça pour vous, Hoseok. Le jour où ils apprendront que je suis homosexuel, ils ne doivent pas savoir que vous me souteniez. Je ne veux pas que vous soyez proche de moi parce que je ne veux pas que vous tombiez avec moi. Je soupirai. Puis je commençai à me redresser dans l'optique de quitter cette pièce. Si lui ne voulais pas le faire, j'allais le faire avant lui. Ses yeux étaient fixés sur moi et je pouvais sentir une légère colère l'envahir doucement. Pourquoi je me comportais comme ça ? J'aurais dû profiter un maximum de leurs présences, de leur tolérance. Mais si moi-même je n'étais pas capable de m'accepter, comment laisser les autres le faire ? Au moment où je me levai, il se leva aussi, se mettant devant moi.
- Pourquoi tu nous rejettes ? Qu'est-ce qu'on t'a fait, Yoongi ? Pourquoi tu veux plus de nous ?
- Je n'ai pas envie de parler.
Je le poussai pour passer. Bien qu'il ait plus de force que moi, j'y parvins. Au moment où je passai la porte, il me dit une dernière chose.
- Tu te fais du mal pour rien.
Puis il m'emboîta le pas et me dépassa une fois sortis de la pièce. Il disparut dans sa propre chambre et je restai là, debout, l'air idiot. Que voulait-il dire ? Ce n'était pas à moi que je faisais du mal, c'était à eux. Et ce n'était pas pour rien.
Durant le reste de la journée, je tentai de les éviter de nouveau, mais je ne réussis pas toujours. A croire qu'ils s'étaient ligués contre moi pour m'attaquer de toute part, et ce devant les caméras. En privé, je pouvais encore les éloigner, mais devant une caméra, je ne pouvais pas faire grand chose, le fanservice faisait partie de mon métier. Le seul à se tenir à distance était Hoseok. Visiblement, il m'en voulait encore. Je sentais son regard posé sur moi chaque fois qu'il était près de moi. J'avais l'impression qu'il essayait de lire en moi, ce que je ne voulais pas.
Deux jours passèrent, et je commençai à abandonner l'idée de les éloigner de moi. Ils étaient de vrais koalas. Hormis Hoseok, bien sûr, qui avait parfaitement compris. Il n'était pas revenu me réveiller, alors que j'étais encore le dernier à dormir. L'avais-je blessé ? Peu importe ce que je faisais, je les blessais. J'étais définitivement ce monstre.
Je subissais ma vie. J'avais envie de partir loin d'eux, mais j'avais besoin de leur présence. J'avais envie de vivre normalement, mais je ne pouvais pas changer ce que j'étais. Etais-je condamné à être malheureux ? Soit je vivais seul, soit je me mentais et vivais avec une femme, soit je vivais avec un homme et subissais. C'était donc ça la vie ? Souffrance.
Ce soir, je ne me sentais pas très bien, je n'avais pas faim. La culpabilité me rongeait. Plus j'allais mal, plus je me disais que j'exagérais. Plus j'exagérais, plus j'allais mal. C'était un cercle vicieux duquel je n'arrivais pas à sortir. Et chaque fois que l'un d'eux essayait de me parler ou de passer du temps avec moi, je trouvais une excuse. Les garçons étaient dans deux groupes distincts : Hoseok, Namjoon et Seokjin, qui avaient compris que je voulais être seul et n'insistaient pas trop; Jimin, Taehyung et Jungkook, qui n'avaient trop rien vu et qui me collaient.
J'étais donc dans ma chambre en train de me reposer quand quelqu'un y entra. Je leur avais pourtant dit que j'allais dormir un peu, ma tête tournait et j'avais la migraine. Un verre dans la main et un médicament dans l'autre, mon visiteur s'avança jusqu'à mon lit. Je l'observai un instant. Son visage était neutre au possible, mais ses yeux brillaient, trahissant son agitation intérieure. Il savait certainement qu'il allait se faire refouler. Avant que je ne puisse lui faire une remarque, il posa brusquement le verre sur la table de chevet à mes côtés et tendit le cachet dans ma direction. Surpris, je me tus. Il attendit de longues secondes comme ça, sans que je ne daigne prendre son stupide cachet. Je le fixais d'un regard animal. Blessé, apeuré, en colère, triste, désespéré. Quant à lui, je ne savais pas trop ce que ses yeux exprimaient. Je ne parvenais pas à lire à travers. Il tendit encore plus le bras devant moi et je tournai la tête pour ne plus le voir. Son corps se rapprocha et je tentai de basculer sur le côté pour lui tourner le dos.
- Ça suffit Yoongi ! J'en ai marre de tes conneries ! Tu vas me prendre ce cachet ou je te le fais avaler de force, tu choisis.
- Laisse-moi tranquille ... Murmurai-je.
- Non ! Tu te rends compte du mal que tu fais en te comportant comme ça ? Tes fans ne parlent que de ton changement de comportement sur les réseaux sociaux, elles ont peur qu'il ne t'arrive quelque chose ! Les autres ne disent rien, mais en les repoussant, tu les fais souffrir aussi. Taehyung ... Taehyung a pleuré pendant le repas. Même s'il n'a pas voulu nous dire pourquoi, moi je sais très bien que c'est de ta faute. Tu nous fais tous souffrir, Yoongi !
Il s'arrêta un instant. Je fermai les yeux, sur le point de pleurer. Moi aussi je souffrais. Je me sentais tellement mal. Je ne voulais pas leur faire ça, mais je ne pouvais pas m'en empêcher. Je voulais être seul, je ne voulais plus qu'ils me supportent, je ne voulais pas les souiller avec ma présence.
- Maintenant, tu vas avaler ce cachet et te reposer. Tu es malade, et il est hors de question que tu le restes. Tes fans ne méritent pas que tu les traites de cette façon. Et nous non plus, murmura-t-il beaucoup plus bas. Les autres font comme s'ils ne voyaient rien, mais crois-moi, ils se rendent bien compte. Tu ne fais que les blesser.
Je me recroquevillai encore un peu plus sur moi-même. Je savais tout ça ! Il n'avait pas besoin de me le dire. Il déposa le cachet sur la table de chevet, à côté du verre, et je le sentis se rapprocher. Je me pliai encore plus et me mis à pleurer. Il s'assit dans mon dos.
- Laissez-moi ... Implorai-je.
J'avais beau lui demander de s'en aller, ce que je voulais vraiment, c'était qu'il reste. Et il avait l'air d'avoir compris. Mes sanglots se firent bruyants quand il passa sa main dans mes cheveux. Comment pouvait-il avoir des paroles aussi dures et se montrer tendre avec moi quelques secondes plus tard ? Mon corps se tendit, mais je ne fis pas le moindre geste pour le faire partir. J'avais envie de lui crier de m'aider, mais ça ne voulait pas passer mes lèvres, comme si mes cordes vocales étaient figées dans le silence le plus total. Après quelques secondes, une autre supplication m'échappa.
- J'aimerais mourir, Hoseok ...
Sa main s'arrêta soudainement. Il se leva lentement et fit le tour du lit. Arrivé devant moi, il s'accroupit et me regarda dans les yeux. Je pouvais lire de la peur dans son regard.
- Je t'interdis de dire ça, me murmura-t-il doucement. Tu n'as pas de raison pour ...
- Je suis répugnant.
- Bien sûr que non !
- Je vous fais du mal alors que vous m'acceptez comme je suis.
Mes larmes auparavant un peu calmées reprirent de la vigueur. J'étais en train de tout rater avec eux, et c'était entièrement de ma faute. Doucement, il passa ses doigts fins sur mes joues humides. Je ne l'avais jamais vu aussi sérieux et touché. Quelque chose se propagea en moi. J'avais une sensation étrange dans la poitrine, comme un soulagement intense, même si ce n'était pas exactement ça. On pouvait comparer ça à une douce chaleur qui passait dans mes veines, même si c'était très cliché de le représenter comme ça. Brusquement, je me redressai pour me jeter sur lui et le serrer contre moi. Surpris, il perdit un peu l'équilibre avant de le retrouver et me rendre mon étreinte. Bouleversé, je lui glissai quelques mots à l'oreille.
- Ne m'abandonnez pas ... Je veux ... je veux rester auprès de vous ... jusqu'à la fin.
Il me caressa encore les cheveux. Je n'avais jamais vu Hoseok aussi tendre avec l'un de nous. Si l'on exceptait le matin, quand il venait me réveiller. Je me sentais bien à cet instant. Je n'avais pas encore accepté ce que j'étais, mais au moins, j'avais fini par saisir la main qu'on me tendait.
- On sera toujours là, Yoongi. On a promis de prendre soin les uns des autres, tu te souviens ?
Je ne répondis pas, me contentant de hocher la tête contre lui. On avait fait cette promesse à nos débuts, et pour le moment, on la tenait plutôt bien. Contrairement à d'autres groupes, nous étions réellement très proches, et nous nous considérions un peu comme des frères. Chacun de nous avait un rôle important à tenir.
Je ne sais combien de temps je restai comme ça, serrant fort Hoseok contre moi. Il ne fit aucun geste pour se dégager de mon emprise, à aucun moment. S'il n'était pas celui à qui je me confiais en premier quand ça n'allait pas, il était quand même celui dont j'étais le plus proche. En fait, de par nos caractère, lui et moi nous complétions à la perfection, et nous étions un duo qui marchait. Son énergie et sa bonne humeur étaient communicatives.
Après un temps interminable, je me sentis m'endormir sur lui. Lorsque je m'en rendis compte, je le lâchai un peu pour me redresser. Mon dos me fit mal et je grimaçai. Il me regarda en clignant des yeux, et je compris que lui aussi était en train de s'endormir. Je me redressai en clignant des yeux. Il ne devait s'être écoulé que quelques minutes, pas beaucoup plus. Il me sourit timidement.
- Ca va aller ? Me demanda-t-il.
- Je ... Je pense.
Il passa une main dans mes cheveux en se redressant. Son regard me quitta pour aller se poser sur ma table de chevet. Puis il me regarda à nouveau. Il ne fit aucun commentaire, mais je compris parfaitement où il voulait en venir. Je ne fis rien et attendit.
- Sois en forme demain.
Puis il quitta lentement la pièce. Avec précautions, je me retournai pour prendre ce fichu cachet. J'avais toujours une migraine affreuse, et peut-être même un peu de fièvre. J'avalai rapidement ce qui devait m'aider à aller mieux avant de me recoucher. Cette confrontation m'avait fait du bien. Je ne savais pas encore si j'étais capable d'être à nouveau normal avec eux, mais au moins, j'en avais un peu envie. J'avais été froid, méchant avec eux, égoïste. Mais Hoseok, lui, il était là pour moi malgré tout. Et je savais qu'il n'était pas le seul. Il avait juste été celui qui avait cédé en premier. Peut-être parce qu'il était plus vulnérable que les autres ? Il souriait toujours, la joie de vivre était ancrée en lui, il était plein d'énergie, mais dans le fond, il n'était pas aussi fort que ça. Il était humain. Comme moi, comme les autres. Des êtres vivants, avec des sentiments.
Je me rendis compte que je n'avais pas assez pensé à ça avant de changer de comportement. Il avait raison, je les avais blessés. Bien plus que je ne le pensais. Et que je ne le voulais. Je savais ce que je faisais, mais je n'avais pas pensé faire autant de mal. Ce n'était pas seulement moi qui avais changé, mais le groupe tout entier. Nous étions une seule et même unité. Et quand un composant d'une unité allait mal, toute l'unité se voyait perturbée. Voilà ce que je leur avais fait.
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