- Il est l'heure de te lever.

Une main passa dans mon dos, me secouant légèrement. Une voix me parvint faiblement. Cette voix, je la reconnus facilement. C'était elle qui me réveillait chaque matin. La main de son propriétaire remonta le long de mon dos, plongeant dans mon cou puis sur mes pommettes. Avec une extrême douceur, elle s'afféra à me ramener dans le monde des éveillés. J'ouvris les yeux difficilement, comme à chaque fois. J'eus envie de le chasser, mais je ne le fis pas. C'était comme ça tous les jours. Hoseok me sourit quand mes yeux vitreux entrèrent en contact avec les siens, rieurs. Il avait l'air d'apprécier me réveiller chaque matin.

- Allez, lève-toi, me dit-il à nouveau. Un délicieux petit-déjeuner t'attend.

Je grognai de mécontentement et sans que je ne me contrôle, ma main chassa la sienne de sur mon visage. Il comprit rapidement, je réagissais souvent comme ça. Il n'insista pas et s'éclipsa en me donnant cinq minutes pour sortir de ma chambre.

Ce que je fis non sans regret. Je voulais rester là, à dormir. Je n'étais pas d'humeur à autre chose. Je soufflai en passant la porte de la chambre. Comme toujours, j'étais le dernier debout. Ils étaient déjà en train de manger et je maudis celui qui avait eu l'idée de me lever ce matin. Je jetai un regard assassin à mon réveil personnel et il me répondit en riant. Pourquoi j'avais voulu percer dans ce métier ? A cette époque, je savais parfaitement que j'allais devoir me lever tôt tous les jours. Et pourtant, j'avais signé ...

Boudeur, je m'assis à ma place et me servis de quoi manger. Certains commençaient déjà à s'agiter en prévision de la journée que nous allions passer, mais je ne fis pas très attention à eux. Mon regard finit par croiser celui de Namjoon, qui me fixait. Je lui lançai un sourire légèrement forcé. Je savais qu'il voulait qu'on reparle de ce que je lui avais dit hier soir, mais je ne savais pas si j'étais prêt pour ça. En tous cas, c'était un matin ordinaire, et ils se comportaient tous comme à leurs habitudes. Je les aimais tellement. Je n'avais pas envie de les quitter, et pourtant, j'avais peur d'y être forcé.

Après ce moment, je me mis enfin en mouvement, me préparant à partir. Je me sentais vide, comme souvent, mais cette fois, c'était différent. J'avais une boule au ventre. J'étais nerveux. J'avais peur que Namjoon me demande de rester là, de me faire passer pour malade, pour ensuite m'écarter définitivement des activités du groupe. Mais contre toute attente, je n'eus aucun signe de lui. Enfin, il n'agit pas différemment avec moi, il ne me prit pas à part pour me parler. Il tenta bien de me sortir de mon état de transe, comme ça arrivait bien souvent.

La journée se déroula sans encombre. Nous fîmes une prestation, puis un fansign. Pour le plus gros. Il y eut bien d'autres choses à faire, mais rien d'inhabituel. C'est exténué que je rentrai au dortoir, accompagné des autres. Puisque nous étions en pleine promotion de notre nouvel album, nous avions assez peu d'entrainements. Heureusement. Je n'avais clairement pas la force pour ça en ce moment.

Il était temps pour nous d'aller nous reposer un peu, ce que je fis volontiers. J'allai m'affaler sur mon lit, ignorant les cris qui m'entouraient. Ils n'étaient donc jamais fatigués ? Je saisis mes écouteurs dans l'optique d'écouter un peu de musique pour me vider l'esprit. En général, ça fonctionnait plutôt bien sur moi. Mais ma tranquillité fut de courte durée quand un corps s'assit à côté de moi, sur mon lit. J'ouvris les yeux pour observer celui qui m'importunait. Namjoon. Je devais m'en douter. Je soupirai et il me sourit. Je retirai les écouteurs.

- Comment tu te sens ? Me demanda-t-il doucement.

- Sale.

J'étais honnête avec lui, comme je l'étais la plupart du temps. Je savais parfaitement que sa question était tournée vers l'aveu que je lui avais fait hier. Inutile de faire semblant.

- Tu ne dois pas.

- Et pourtant, c'est le cas.

Je le fixai un instant, il en fit de même. Le calme émanait de son être. Comment faisait-il ? Il avait en face de lui un vulgaire homosexuel, quelqu'un qu'il fallait soigner. Je secouai la tête, chassant toute idée réductrice de moi-même. Puis je me redressai, m'asseyant en tailleur à côté de lui.

- Pourquoi est-ce que tu fais comme si ça ne te dérangeait pas ? Finis-je par lui demander.

Son sourire s'effaça. J'avais l'impression qu'il était en train de me juger, ce que je détestais au plus haut point. Pourtant ... Pourtant, je le méritais, n'est-ce pas ?

- Pourquoi penses-tu que ça me dérange ?

Et voilà qu'il me répondait par une question. On allait avancer vite comme ça. Je soupirai encore une fois. A croire que je passais ma vie à ça.

- Parce que ce genre de chose dérange tout le monde.

- Pas moi.

- Pourquoi ?

- Je ne sais pas.

Il se tut, je ne lui répondis pas. Mon leader était-il en train de me dire qu'il acceptait mon homosexualité ? Voulait-il en parler aux autres ? Comment me voyait-il réellement ? Et comment les autres allaient me voir ? L'un d'eux avait-il déjà deviné, comme le manager l'avait fait ? J'avais encore des dizaines d'autres questions, mais je n'avais aucune réponse.

- Est-ce que ... Reprit Namjoon. Est-ce que tu vas en parler aux autres ?

Je baissai la tête, sentant déjà les larmes revenir. Oui, je voulais, je devais leur dire. Mais je n'en étais pas capable, c'était trop dur pour moi. J'étais pieds et poings liés à cause de cette ignoble différence. J'en avais marre. Je n'avais pas choisi ! Pourquoi moi ? Pourquoi la vie m'infligeait-elle ça ? Je n'avais donc pas assez souffert ? Il fallait que je plonge à nouveau, que je me noie, que mes poumons me brûlent, que mon cœur s'arrête ? Fallait-il que je meurs à nouveau pour enfin renaître ? Après tout, je devais mériter ce qu'il m'arrivait. La vie nous punissait rarement sans raison. Sentant le regard de mon ami sur moi, je me résignai enfin à lui répondre.

- Il faudra que je le fasse tôt ou tard, dis-je en étouffant un sanglot.

- Tu n'es pas obligé.

- Je veux ... Je ne ... Je veux vivre complètement, mais ... C'est impossible.

Il me lança un sourire désolé. Il savait autant que moi que dans ce monde, je ne pouvais pas vivre pleinement heureux. Je ne pouvais pas m'afficher avec un homme, jamais. Ne serait-ce qu'y penser était une chose interdite.

- Tu n'es pas obligé de leur dire si tu ne le veux pas, répéta-t-il. Je ne dirai rien à personne, je te le promets.

- Merci.

Une autre question me brûlait les lèvres, plus que les autres. Je devais la poser.

- Dis ... Est-ce que ... tu penses que je ne suis pas normal ?

- Pas normal ? Releva-t-il avec étonnement. Pourquoi tu ne le serais pas ? Tu es juste un peu différent. Taehyung est différent aussi et tout le monde l'aime quand même.

- Mais Taehyung n'est pas homosexuel.

C'était la première fois que je dénominais clairement ma différence devant lui.

- Nous sommes tous un peu différents, mais ça ne nous rend pas anormaux pour autant, Yoongi. Quoi que pour Tae ...

Il fit une légère grimace et se mit à rire doucement, avec précaution. Je lui souris faiblement, réagissant à sa blague. Bon, peut-être qu'effectivement, Taehyung n'était pas tout à fait normal. Mais comme il l'avait si bien dit, nous l'aimions tous pour cette raison précise.

- Je préfère te voir sourire. Me confia-t-il. Je vais devoir te laisser, je dois voir le manager. Si tu t'en sens la force, tu devrais aller avec les autres. Je suis sûr qu'ils te remonteront rapidement le moral. Et si jamais tu veux encore discuter avec moi, de ça ou d'autre chose, viens me voir.

Je le regardai se lever de mon lit. Il me fit un geste de la main pour me souhaiter bon courage et sortit de la pièce en laissant la porte entrouverte. Je me recouchai rapidement sur mon lit, remettant mes écouteurs dans mes oreilles. Aller avec les autres ? Pas maintenant. Chaque mot échangé avec Namjoon avait puisé dans mes forces déjà maigres. Je devais encore me reposer un peu avant d'affronter les monstres avec lesquels je vivais. Monstres ... À cette pensée, mon cœur se serra. Le seul véritable monstre ici, c'était moi.

Les minutes passèrent, et je m'endormis. Je fus réveillé avec fracas. Un -ou plusieurs- imbécile avait pénétré dans ma chambre sans ménagement pour mon sommeil. Je me retins de grogner, préférant ignorer la présence. Il se pencha au-dessus de moi et je sentis qu'il n'était pas seul. Par réflexe, je serrai les yeux, ce qui était totalement stupide. C'était le meilleur moyen pour me faire repérer. Malgré ma musique, je perçus des chuchotements.

- Tu crois qu'il dort ? Demanda une première voix.

- Je pense. Sinon, il nous aurait déjà virés d'ici. Approuva une seconde voix.

- Mais il a bougé.

- Les gens peuvent bouger dans leur sommeil. Je te dis qu'il dort.

- Et moi je te dis qu'il ne dort pas ! Yoongi, tu nous entends ?

- Oui. Et je ne devrais pas.

J'ouvris rapidement les yeux pour découvrir les deux suicidaires. Jungkook et Hoseok. Ces satanés gamins voulaient ma peau. Gamins, gamins ... Pour l'un oui, mais pour l'autre ... Je les vis sursauter et leurs sourires s'effacèrent.

- Vous m'avez réveillé, lançai-je d'un ton froid.

- Désolé, répondit le plus vieux.

- Sortez d'ici avant que je ne vous le fasse regretter.

Et sans un regard supplémentaire, ils s'enfuirent. Très bien Yoongi, tu les as chassés avec ta mauvaise humeur, et ils risquent de t'en vouloir. Enfin bon, je n'étais plus à ça près. Je rangeai ma musique en me redressant à nouveau. Pas moyen de faire une sieste ici. Je me résolus à les rejoindre. Comme il me l'avait dit, Namjoon était absent, il n'avait certainement pas fini sa discussion avec le manager. Je posai un regard glacial sur ceux qui m'avaient sorti de mon sommeil. Assis dans le canapé, ils étaient visiblement calmés. En voyant que j'étais là, Hoseok se leva pour se planter devant moi, un sourire gêné au visage.

- Encore désolé de t'avoir réveillé.

Je grognai encore de mécontentement et l'envoyai balader d'un signe de main. Je m'installai ensuite dans le canapé. Il reprit sa place à côté de moi, gêné. Il me fixait, tandis que je regardais le vide, pensant à des milliers de chose à la fois. Il céda enfin à sa curiosité.

- Tu n'as pas l'air très en forme.

Je tournai la tête vers lui. Le connaissant, c'était une question informulée, qui me demandait ce qui n'allait pas. Son éternel sourire avait quitté son visage et il avait un air soucieux à la place. Donc, lui aussi avait vu que quelque chose n'allait pas. Etais-je si prévisible ? Etais-je donc incapable de cacher ma souffrance aux autres ? Avait-il remarqué autre chose ? Je ne lui répondis pas, ignorant ses paroles, détournant la tête de lui. Je n'avais pas envie d'en parler avec lui. Je l'appréciais énormément, mais à l'instant, je n'avais envie de parler avec personne, pas même Namjoon. Pour une fois, Hoseok n'insista pas et se concentra sur son téléphone. Bon petit gars. J'observai les autres. Jimin et Taehyung étaient en train de faire des selfies tous les deux, Jungkook avait le regard dans le vide lui aussi et Jin était aux abonnés absents. Pour une fois, ils étaient relativement calmes, ce qui n'était pas pour me déplaire. En même temps, nous étions tous crevés à cause de notre comeback. Je fermai un instant les yeux, prêt à dormir encore, même si ce n'était pas vraiment l'endroit approprié. Je fus tiré de mes pensées par Jin, réapparaissant de nulle part.

- Yoongi ?

- Hum ?

- Tu viendrais m'aider à faire la cuisine ?

- Hmm.

Je me levai avec une extrême lenteur, supportant mal le poids de mon propre corps. J'aidais très rarement à la cuisine, et Jin demandait encore plus rarement à ce qu'on l'assiste. Mais j'aimais bien cuisiner et je me débrouillais plutôt pas mal. Sans un mot, je le suivis. Il m'indiqua ce qu'il y avait à faire. Il me couvait d'un regard tendre, comme il le faisait toujours. Jin prenait vraiment soin de nous tous. Ce n'était pas pour rien qu'on l'appelait parfois « maman ».

C'est sans encombre que nous finîmes de préparer le repas. Tout au long de notre cuisine, Jin me demanda si j'allais bien, lui aussi. Il ne me parla pas d'hier, mais je sentis qu'il en avait envie. Il me dit également que si j'avais besoin de parler, il était là, mais je refusai poliment. Namjoon revint de son rendez-vous mais s'abstint de nous aider, il n'était pas vraiment doué pour faire à manger. Je le soupçonnais d'avoir dit quelque chose à Jin en sortant de ma chambre hier. Ou alors, je cachais vraiment mal mon mal être et tout le monde avait pu voir que ça n'allait pas.

Nous passâmes enfin à table et le repas se déroula sans ennui. Durant celui-ci, notre leader me jeta quelques regards interrogateurs, et je lui souris à chaque fois. Avait-il compris que j'avais l'intention de leur révéler mon secret ce soir ? J'avais pris cette décision lorsque je cuisinais. Et je devais dire que plus le temps avançait, plus je stressais. Quand nous commençâmes à débarrasser, mon cœur battait la chamade, et mes mains tremblaient. Avant que tout le monde parte à ses occupations, j'inspirai rapidement mais profondément avant de parler.

- Les gars ? On ... on pourrait aller dans le salon ? J'ai un truc ... à vous dire.

Des regards surpris me fixèrent alors que Namjoon me sourit en coin. Je pouvais voir qu'il m'encourageait, et je le remerciais pour cette attention. Alors qu'ils étaient tous partis, je restai quelques secondes dans la cuisine.

Courage Yoongi. Tu ne peux plus revenir en arrière, maintenant.

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Je sais que les choses se mettent en place trèèèès lentement et je m'en excuse. Mais ça va finir par bouger un peu d'ici quelques chapitres, c'est promis !