BONUS: accouchement & respiration (bis)

ce bonus va avec le précédent, il est "court" mais vous comprendrez pq en lisant (:

Alec,

Je sais que là, au moment où tu commences à lire cette lettre, tu me juges un peu. Tu essaies de ne pas le faire aussi fort que tu peux, mais c'est un échec : tu te moques de moi parce que je t'ai écrit une lettre.

Au moment où j'écris cette lettre, tu dors. Tu dors sur le vieux fauteuil d'hôpital que tu squattes depuis notre arrivée dans cette chambre, torse-nu, avec Céline en couche contre toi. Je l'entends respirer, d'ici, et même si ça fait 24h qu'elle est sortie de la couveuse et qu'elle respire toute seule, ça me rassure d'entendre ce bruit. Je sais que les examens disent qu'elle n'aura aucune séquelle de cette épisode, je sais que c'était juste passager, je sais que le produit a fait effet quand ils me l'ont injecté, je sais que ce n'est pas une grande prématuré et que donc, ses poumons étaient très bien développés : elle avait juste besoin d'un coup de pouce.

Mais je sais aussi qu'elle s'est battue, parce que comme tu l'as dit toi-même, elle est plus forte que ça, et elle aussi, elle nous aime. Elle nous aime autant que nous on l'aime, parce que t'as raison, on a réussi à établir un lien incroyable avec elle quand elle était encore dans mon ventre, et quand elle s'est retrouvée dans nos bras, elle nous a reconnu. Quand on lui a parlé, elle nous a reconnu. Et j'ai envie de pleurer en pensant à tout ça, parce que c'est magnifique et que moi non plus, je ne pensais pas que c'était possible d'aussi bien connaître son bébé avant qu'il soit physiquement là avec nous.

Je me suis un peu égarée, en parlant de tout ça, mais je crois que t'as pas fini de m'entendre parler de Céline, parce qu'elle va être notre principal sujet de conversation maintenant. En vérité, je voulais te remercier pour tout ce que tu m'apportes au quotidien.

Je sais que tu dis souvent que tu es tombé amoureux de moi toute entière, et que cela inclut ma fierté, mais je sais aussi que je ne la mets pas assez souvent de côté pour te remercier de partager ma vie et de la rendre plus belle. Merci d'être là depuis le début, merci de me supporter dans ces moments où j'ai des doutes que tu trouves inenvisageables et pour lesquels tu n'aurais jamais imaginé devoir me réconforter. Merci d'être resté avec moi après mon choix d'avorter pour lequel tu as refusé de te prononcer, et merci pour ça aussi d'ailleurs, merci d'avoir respecté l'idée que c'est moi qui décide de ce que je fais de mon corps alors que tu aurais eu ton mot à dire sur ce choix important dans nos vies. Merci de ne jamais avoir abandonné le football même aux pires moments de ta carrière, même si tu sais très bien que je t'aurais soutenu si jamais tu avais fait ce choix. Merci d'avoir été là tout au long de ma grossesse, et merci d'avoir été là lors de l'accouchement. Le jour où je t'ai annoncé qu'on allait avoir une fille, tu m'as dit que tu ne voulais plus que l'avortement représente la chose qu'on avait vécu ensemble du début jusqu'à la fin. A la place, tu voulais que ce soit cette grossesse, et c'est vrai que c'est aussi son cas. Mais aucun de nous deux n'a pensé à l'accouchement en tant qu'entité à part entière pour remplacer ce souvenir. Comme si inconsciemment, on savait que cet accouchement ne serait pas un souvenir joyeux. On est en janvier 2024, et l'avortement a eu lieu en janvier 2021. On est exactement trois ans après, et c'est loin d'être fait exprès, mais je trouve que c'est un beau symbole. Si je te dis que l'avortement n'est plus mon exemple de référence mais que c'est cet accouchement, je sais que tu vas m'en vouloir. Ce que tu veux, c'est que je mette un souvenir heureux dans cette case, et je comprends. Mais dans ce cours que j'avais suivi quand je faisais encore mes études, on a appris qu'on se souvient toujours mieux des souvenirs avec embûches que des souvenirs où tout s'est passé parfaitement bien. On n'a jamais dit pourquoi, dans ce cours, mais je crois que c'est simplement parce que c'est comme ça, la vie. C'est jamais parfait, il y a toujours des obstacles. Et en l'occurrence, l'accouchement s'est bien terminé, Céline est toujours en train de dormir sur toi actuellement, et je crois que vous allez rester comme ça toute la nuit. C'est celui-là, maintenant, mon souvenir de référence, parce que tu as été là du début à la fin, à calmer mes angoisses et à essayer de faire taire les tiennes en même temps, à ne jamais te mettre à pleurer parce que je le faisais déjà beaucoup trop, à me tendre Céline dès l'instant où l'infirmière nous l'a rendu au lieu de la garder dans tes bras à toi, toi qui avait aussi besoin de la sentir tout contre ta peau. Ce souvenir me rappelle à quel point j'ai de la chance de t'avoir comme mari, ce souvenir me rappelle à quel point notre fille est importante. Et pour le moment, c'est tout ce dont j'ai besoin de me rappeler.

Toi et Céline êtes mes ikigais et je vous aime plus que tout au monde.

May-Ly.

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