Chapitre 7: Séance catastrophe
D'ordinaire Ren dormait le samedi matin... C'était l'occasion de faire une bonne grasse matinée et de récupérer les heures de sommeil perdues durant la semaine. Pas de réveil pour le torturer et le tirer de sous sa couette. Mais ce matin là ce fut la voix de Derak qui le réveilla, puis il le secoua comme un prunier en lui disant de se magner l'arrière-train. Ren ouvrit péniblement un œil et vit le visage du vampire en gros plan à deux doigts de son nez.
— Toi tu tiens pas à la vie, marmonna Ren.
— T'as oublié !! fit Derak, choqué.
— Quoi ?
— Ben c'est la reprise du club de sport ! Dépêche toi on va être en retard !
Cette histoire de club était totalement sortie de la tête de Ren. Comme à peu près tous les ans, il s'était inscrit dans la session sport du samedi, histoire de s'occuper et de rester en forme. Actuellement il regrettait. Lui qui voulait juste dormir...
— Ça va je me lève, pesta-t-il.
— Enfile ton meilleur jogging et tes meilleures baskets ! Et oublie pas ta gourde !
Derak était déjà en tenue de sport : débardeur et short sombres qui contrastaient fortement avec son teint blanc. Ren se leva de son lit et se traina à la salle de bain avec son teeshirt, son short et son legging de sport. Il jeta un œil aux deux autres.. Matt et Pix dormaient toujours, les veinards...
Un quart d'heure plus tard Ren et Derak descendirent au réfectoire pour prendre le petit-déjeuner. À cette heure là le samedi il n'y avait que peu de monde. Le silence dans la cantine était très troublant étant donné qu'il y avait toujours un boucan monstre en temps normal.
— Quel calme ! Ça fait du bien ! s'exclama Derak en s'installant à une table avec son plateau.
— C'est vrai...
Ren ajouta deux dosettes de sucre dans son thé encore bouillant. Derak mordit à pleines dents dans un pain au lait.
— Dis, l'autre nuit tu nous as fait quoi ? demanda-t-il.
Ren leva les yeux de sa tasse.
— T'arrêtais pas de gigoter puis tu t'es réveillé d'un coup en criant avant d'allumer en grand ta lampe de chevet, rappela Derak. T'as bien mis une heure à te rendormir à mon avis...
— Ah ça, se rappela Ren.
Après avoir rêvé d'Obsidian et du groupe de mercenaires morts, il s'était réveillé complètement en panique, le cœur cognant à cent à l'heure. Sans savoir pourquoi il avait immédiatement allumé la lumière, car le noir l'angoissait, comme si il y avait quelque chose ou quelqu'un qui l'observait. Il avait bien mis une demi-heure pour se calmer. Il s'était senti aussi effrayé que quand il se réveillait après s'être fait tué dans le Deuxième monde. La frayeur du cauchemar et le souvenir de la mort dans l'autre monde l'avaient complètement déstabilisé...
— J'ai juste fait un cauchemar... répondit Ren. Je dors pas tranquille en ce moment...
— T'y peux rien mais essaie d'éviter d'hurler comme un possédé à trois heures du mat', conseilla Derak en souriant. J'air frôlé la crise cardiaque l'autre nuit ! Allez, un peu de sport va nous changer les idées !
Ils terminèrent leur petit déjeuner, débarrassèrent leur plateau puis prirent le chemin du gymnase, leur sac de sport sur l'épaule. Le bâtiment se situait à une centaine de mètre du château, à la lisière de la sapinière du parc de l'école. Ren poussa la porte en métal du gymnase et aussitôt le brouhaha bien connu des établissements sportifs arriva à ses oreilles : le crissement des chaussures sur le terrain de basket, les balles se cognant contre le sol, les cris des élèves et les coups de sifflet.
— On est dans quel groupe ? demanda Ren.
— Le G, répondit Derak en consultant son portable. Je crois que c'est au mur d'escalade, dans la grosse salle à côté.
Le gymnase était divisé en plusieurs grandes salles. Ils s'avancèrent donc à celle qui contenait les structures artificielles d'escalades. À l'intérieur des élèves escaladaient déjà, assurés par leur camarade au sol. Derak toussota pour s'annoncer au prof qui suivait attentivement des yeux son groupe, mains sur les hanches. Reconnaissable entre milles avec son physique, c'était Ashe Lissandres, le nouveau prof stagiaire.
— Bonjour c'est bien le groupe G ? questionna Derak.
Ashe se retourna, sifflet dans la bouche puis écarquilla les yeux en les reconnaissait. Il tenta de parler, puis se dit sûrement que ça ira mieux sans son sifflet. Il le cracha et le sifflet tomba sur son torse, retenu par un cordon.
— Ah je me souviens de vous deux ! Jean Mark et Ben c'est ça ?
— Nan Derak, et moi c'est Ren, corrigea ce dernier en pointant l'autre, puis lui-même.
— Pfff, désolé, fit Ashe en se donnant une tape sur le front. Promis j'apprends mon trombinoscope par cœur après le boulot. Du coup vous êtes venus vous dépenser ! C'est bien, vous avez du courage, surtout le samedi matin.
— Ben si c'est vous qui êtes notre prof, c'est encore mieux, dit Derak.
— Hé on se tutoie, on est entre nous, dit Ashe. Bon allez on commence avec de l'escalade aujourd'hui. Allez au cadis chercher vos baudriers, équipez vous et grimpez ! Vous avez déjà fait de l'escalade ?
Derak lui répondit qu'ils en avaient fait en troisième et Ren lui en pratiquait depuis le primaire au moins. Ashe frappa dans ses mains en disant que c'était parfait. Les deux garçons se rapprochèrent du cadis rempli avec les baudriers. Ils en prirent chacun un avant de les enfiler.
— Oh non, pas vous deux ! lança une voix hautaine au dessus de leur tête.
Ren leva la tête et aperçut Antoine, en rappel tout en haut du mur. Un sourire impertinent au visage, il descendait par petits sauts. La personne qui l'assurait en bas, Lewis le délégué, peinait à suivre son rythme et donner du mou à la corde, c'est pourquoi Antoine se retrouva très vite suspendu dans son baudrier, bloqué à mi hauteur. Il se mit à pivoter, assis dans son harnais.
— Oh non pas toi, ricana Derak. T'as pas l'air con du tout comme ça !
— Abruti !! beugla Antoine à l'intention de son assureur. Je peux savoir ce que tu bra... !!
— BRANCARD !!! beugla Ashe. On reste courtois dans mon cours, merci !
Le prof se pencha à l'oreille de Lewis, lui chuchota quelque chose, puis le délégué approuva et partit attacher la corde au niveau d'un crochet au sol. Antoine resta suspendu dans son baudrier, coincé. Ashe lui conseilla d'être en hauteur et d'avoir une vue différente sur les choses pour réfléchir. Derak explosa d'un rire moqueur et Ren savoura la situation.
Alors qu'il enfilait son baudrier, il remarqua soudain Nya et Sarah en train de s'avancer vers le groupe d'escalade.
— Ben qu'est-ce que vous faites là ? demanda Derak.
— On a vu la lumière et on est rentré, répliqua Sarah.
— Moi j'accompagne juste truc au groupe de sport du samedi et ensuite je vais rejoindre l'équipe de rugby ! lança Nya. Aujourd'hui c'est les sélections, je vais en profiter pour m'illustrer et rejoindre l'équipe du lycée.
— Avec ta puissance ça va passer, assura Ren.
— C'est surtout un bourrin couplé à force de taureau !! dit Sarah. L'autre jour elle a pété les lattes de mon sommier en grimpant dessus ! Tout ça pour me piquer un roman en douce.
— T'as qu'à prêter de suite quand on demande et pas attendre la Saint Glin-Glin. Bref je vous laisse et je vais aller me rouler dans la boue ! Ciao !
Nya agita la main, enfila une gouttière de protection dans sa bouche et partit en courant tête baissée, direction le terrain de rugby. Ashe s'avança vers la nouvelle arrivante pour lui souhaiter la bienvenue.
— Hé t'as vu, j'ai retrouvé mon sifflet en plus ! s'exclama-t-il en montrant l'objet du doigt. Allez enfile un baudrier toi aussi, choisissez une piste et grimpez ! Vous restez tous les trois ça devrait le faire. Ah par contre !
Il fixa Ren et pointa ses cheveux blancs comme la neige.
— Mes cheveux sont comment ?
— Euh ? Longs ? répondit Ren, un peu au hasard.
— Ouais et du coup ils sont ..? Aaaaa, aaaaattt... fit-il.
— Attachés ?
— Voilà ! Donc dans mon cours tous les cheveux longs doivent être systématiquement attachés !
— Mais ils sont pas longs les miens, protesta Ren.
Derak et Sarah pouffèrent dans leur coin et le jeune homme les fusilla du regard.
— Désolé mais si les cheveux dépassant un peu le menton, c'est queue de cheval obligatoire et les tiens sont aux épaules. Fais pas la tête ! ajouta Ashe. C'est ça ou ta tignasse reste accrochée avec les poulies ou les mousquetons si tu la coinces. Allez, assez perdu de temps !
Le prof remit son sifflet en bouche et partit siffler sur un groupe de fille qui faisait n'importe quoi avec les nœuds. Après son départ, Derak, qui se retenait, explosa d'un rire sonore.
— Je veux trop te voir avec un petit palmier !!!
— La ferme !! rugit Ren.
Il se raidit en sentant des mains dans ses cheveux et fit volte face. Dans son dos Sarah leva les mains en signe de paix et indiqua un élastique autour de son poignet. Elle avait toujours le sourire aux lèvres.
— Tu peux juste te baisser pour que je puisse t'attacher la tête ? demanda-t-elle. Sauf si tu préfères le faire tout seul ?
Ren grommela puis s'assit en tailleur par terre. Derrière lui, Sarah commença à lui rassembler les cheveux et les tirer à l'arrière de sa tête. Ren leva les yeux vers Derak qui se mordait les lèvres pour s'empêcher de rire. Enfin Sarah enfila l'élastique sur les cheveux de Ren, puis s'écarta avec un « tada», fière d'elle. Derak explosa une fois encore de rire, dégaina son portable et prit Ren en photo avant de lui montrer.
— En plus de cette tronche légendaire, t'as une coiffure épique !
La majorité des cheveux de Ren était rassemblé en petite queue de cheval à l'arrière de sa tête. Les mèches trop courtes restaient sur son front ou s'échappaient sous sa nuque. Agacé, Ren arracha le portable des mains de Derak et fit mine de le balancer. Son regard croisa celui du prof un peu plus loin près d'un autre groupe d'escalade. Ren s'abstint donc puis lança qu'il était temps de s'y mettre, déjà grognon.
— Moi en premier ! s'exclama Derak.
Une fois tout le monde attaché, le vampire commença l'ascension du mur, Ren l'assurant au sol.
— Fais pas cette tête, fit Sarah en lui donnant un coup de coude. Ça te va plutôt bien les cheveux comme ça !
— Si tu le dis...
Cependant avec le compliment, il lui fut impossible de garder sa tronche de blasé et Ren esquissa un début de sourire. Le brun continuait à tirer et rembobiner la corde au fur et à mesure que Derak grimpait sur le mur, sans le lâcher des yeux.
— Du coup t'es pas allé dans le groupe taekwondo ? demanda Ren.
— Pff, je suis ceinture noire je te rappelle. Les autres sont beaucoup trop nuls, je vais m'ennuyer. Puis le sport du samedi c'est plus sympa entre amis, même si l'escalade c'est pas trop mon truc. Raison de plus pour me perfectionner là dedans ! Même si tu fais de l'escalade depuis que tu sais marcher, je suis sûre que j'arriverai à te battre !
— Et ben j'ai hâte de faire la course avec toi dans dix ans, quand t'auras mon niveau, ricana Ren.
Il tourna la tête en voyant la main de Sarah se rapprocher en vitesse dans un coin de son champs de vision. Par réflexe il rentra la tête dans les épaules et ferma un œil, s'apprêtant à recevoir une baffe. Au lieu de cela Sarah attendit, la main levée.
— Chiche que je te bats à la course en escalade avant la fin de l'année ! lança-t-elle avec un air de défi.
Les flammes dans son regard s'étaient mises à crépiter, reflétant son esprit de compétition. Ren imprima un sourire en coin. Bah. Un peu de défi ne fera pas de mal.
— Pari tenu.
Il leva à son tour la main et la claqua contre celle de Sarah. Ce fut le moment que choisit Derak pour louper une prise d'escalade et chuter. Il tomba de deux mètres avant que Ren ne rattrape la corde pour le freiner.
— Hé tu fous quoi ? demanda Derak.
— Apprend à monter aussi ! répliqua Sarah.
Derak s'assit dans son baudrier et se mit à descendre en rappel avant d'atterrir au sol et de se détacher. Toute excitée à l'idée d'escalader le mur, Sarah lui arracha la corde des mains et fit son nœud de huit à la perfection. Elle s'avança au pied du mur et attrapa les premières prises.
Dans le groupe d'à côté, le garçon qui montait le mur, c'était Lewis, glissa et tomba soudain. Cependant la corde avait beaucoup trop de mou et il tomba sur plusieurs mètres en criant. Derak réagit en moins d'une seconde, annula son poids avec ses pouvoirs et décolla à toute vitesse du sol, les bras tendu en l'air. Au moment où il toucha Lewis, il activa ses pouvoirs et le délégué se mit à flotter en apesanteur, juste à temps. Derak le ramena au sol et ils se posèrent sur la terre ferme.
— Ça va ? s'enquit Derak.
Lewis hocha la tête, encore sous le choc. La chute avait dû lui faire très peur, il était blanc comme un linge. Alerté par les cris, Ashe accourut, l'air paniqué.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?? T'es blessé ??
Derak expliqua la situation. Lewis avait glissé et comme il était mal assuré il était tombé et Derak était donc intervenu. Le délégué de classe n'avait rien. Ashe siffla rapidement et ordonna à tout le monde de descendre immédiatement du mur. Déçue, Sarah fit marche arrière et se reposa au sol. Le prof se passa une main sur le visage.
— Merci de ton intervention en tous cas, dit-il à Derak. Par contre... Qui assurait Livaï ??
— Lewis... corrigea ce dernier. Ben c'est Étienne... Mais je sais pas, il avait l'air fatigué et pas dans le match...
Ashe se tourna vers le blond, assis par terre en train de fixer dans le vide. Il jeta un coup d'œil au mur d'escalade et siffla encore d'un air énervé en voyant qu'il y avait toujours des personnes dessus, décidément sourdes...
— Oh Mayenne !!! T'écoutes quand on te donne des consignes ?
— Pfff, c'est Cheyenne d'abord ! pesta la rousse en se mettant à redescendre.
Ashe se rapprocha d'Etienne tandis que le reste du groupe se rassembla pour savoir ce qu'il s'était passé. Derak raconta comment il avait héroïquement sauvé Lewis d'une chute dangereuse qui l'aurait sans doute blessé. Plusieurs le félicitèrent pour son action.
— Je n'ai écouté que mon courage ! se vanta Derak.
— N'empêche pourquoi il est tombé ? demanda Sarah. Machin bidule aurait dû l'assurer !
À quelques mètres du groupe d'élèves, Ashe s'était accroupi à la hauteur d'Etienne. Il claqua des doigts devant son visage pour accrocher son regard et son attention.
— Tu te rends compte de ce que tu as fais j'espère ?
Étienne ne répondit pas, mais marmonnait dans sa barbe, fixant un point dans le vide. Il était assis par terre, courbé en avant.
— Bon, ben t'es punis pour la fin de l'heure, essaya Ashe. T'as qu'à rester là... ajouta-t-il voyant qu'Etienne ne réagissait toujours pas.
Le professeur se redressa et siffla pour annoncer la reprise des activités. Il rajouta rapidement :
— Le prochain qui me fait une bêtise sera sévèrement puni et toute la classe écopera de trente minutes de demi fond à la place de l'escalade !
Sur ce il prit Lewis à part pour s'assurer de son état et les gens du groupe remontèrent les pistes d'escalade.
— Qu'est-ce qui lui a pris à votre avis ? demanda Derak en pointant Étienne du menton.
— Aucune idée, répondit Sarah.
Étienne était toujours assis par terre et tripotait du doigt un caillou. Se sentant observé, il releva la tête et fixa le trio sans un mot. Les pupilles de ses yeux bleus se rétractèrent quand il croisa le regard de Ren. Il se leva et s'épousseta les mains avant de traîner des pieds vers eux.
— Pourquoi il vient vers nous ? marmonna Sarah. Et c'est bon dégage !! cracha-t-elle. Ashe t'as dit de rester à l'écart.
— Joli joli, dit Étienne.
— C'est vrai que je suis belle, mais ça change rien à ce que j'ai dit : dégage !
Mais Étienne ne parlait pas à Sarah et continua son chemin avant de s'arrêter à deux centimètres de Ren. Il imprima un sourire bizarre sur son visage et lui scruta les yeux. Ren eut un mouvement de recul et fronça les sourcils.
— Joli joli, répéta Étienne. Jolis yeux.
— Espace personnel, répliqua sèchement Ren en s'écartant encore.
— Joli pierre précieuse, jolis pouvoirs, marmonna Étienne. Jolie magie... Jolis yeux...
Ren posa une main sur l'épaule voûtée d'Étienne pour le repousser mais soudain le blond pivota la tête, ouvrit en grand la mâchoire et mordit l'avant-bras de Ren à pleines dents. Ce dernier lâcha un cri de surprise et de douleur. Sans hésiter il plia et leva la jambe et abattit son pied dans l'estomac d'Étienne pour le repousser.
Il tomba à la renverse et Ren eut un haut le cœur en voyant les dégâts sur son bras. Une trace de morsure sanguinolente laissait couler abondamment du sang. La bouche d'Etienne était rougie par le liquide.
Il se redressa pour repasser à l'attaque. Ren recula en vitesse et évita un claquement de dent de justesse. Il n'eut pas le temps d'esquiver le poing qui lui arrivait en pleine face et qui claqua contre son nez. Sonné, Ren tituba en arrière et un filet de sang chaud au poisseux lui coula sur la bouche et le menton.
— Mais t'es taré !!! hurla Sarah en se jetant sur Étienne. Je vais te faire bouffer mon poing tu verras c'est meilleur !!!
Ses phalanges démolirent la mâchoire d'Etienne avec un craquement écoeurant et il tituba contre le mur d'escalade. Derak s'avança pour tenter de l'apaiser mais ses paroles ne rencontrèrent que du vide. Étienne restait focalisé sur Ren, qui se retrouvait pour une fois à l'arrière et défendu par Derak et Sarah. Son bras et son nez continuaient de saigner. Il plaqua une main sur sa blessure à l'avant bras, histoire de garder un peu de sang dans les veines.
— Saleté d'humain, saleté de caillou ! siffla Étienne.
— Mais qu'est-ce qu'il baratine ? demanda Sarah.
À coté d'elle, Derak avait blanchi, réalisant une chose. Étienne se jeta d'un seul coup sur Ren avec un cri aigu, déterminé en à découdre. Sarah réagit juste à temps, prit de l'élan, pivota sur elle-même et balança un puissant coup de pied en plein dans la mâchoire d'Etienne. Le jeune homme valdingua à terre et Sarah reposa la jambe au sol en soufflant.
— Tu te relèves, je te brûle ! menaça-t-elle.
— Qu'est-ce qui se passe encore ??
Ashe rappliquait en courant, d'un air paniqué puis il s'époumona dans son sifflet.
— Séance terminée, vous l'avez bien cherché ! Je veux plus personne sur le mur, ordonna-t-il.
Il s'arrêta en voyant Étienne à terre, la bouche pleine de sang, puis Ren en train de se vider par le nez et la plaie dans son bras. Le jeune professeur blanchi, se disant que ça commençait à faire beaucoup pour une séance... Il prit une bonne inspiration.
— Bon toi tu vas tout de suite à l'infirmerie. Quelqu'un pour l'accompagner ?
— Moi ! lança immédiatement Sarah. Faut bien quelqu'un pour le surveiller ce gamin.
— Quant à Ethan... ? Euh Émile... ? Nan, Étienne ! se souvint Ashe. T'iras faire un tour chez le CPE. Ah ! Et je te mets une heure de colle en plus !
Ashe se frotta les mains, tout content de coller sa première heure de retenue. Il siffla encore en demandant si le groupe avait un problème aux oreilles pour ne pas descendre du mur.
De son côté Ren avait quitté son baudrier d'escalade et se dirigea vers la sortie de la salle d'escalade, Sarah sur ses talons.
— Hé Derak ! appela cette dernière. Tu viens avec nous ?
— Euh, non. J'ai un truc à faire, j'avais promis à Pix de... de l'accompagner quelque part.
Il balança son harnais d'escalade dans le cadis et quitta la grande salle d'escalade par la porte sur l'extérieur, passant devant Ren et Sarah sans les regarder. Il avait l'air très distant et complètement ailleurs...
— Allez faut y aller, tu vas finir par te vider de ton sang, conseilla la démone.
Ren hocha la tête, fit abstraction de la douleur qui pulsait dans son avant bras et sortit du gymnase. Les minutes jusqu'à l'infirmerie furent les plus longues de sa vie. De part parce qu'une morsure jusqu'au sang dans le bras ça faisait quand même très mal, et d'autre part parce qu'il ressassait tout ce qu'il venait de se passer avec Étienne. Ren n'arrivait absolument pas à expliquer son comportement. C'était juste tellement bizarre et inexplicable... Sans compter ses propos sans queue ni tête...
— J'espère que la Coco est pas en pause, grommela Sarah dans le couloir de l'infirmerie. Sinon je fais quoi de toi, en train de pisser le sang ?
— Bonne question...
Ren se passa le poignet sous son nez et constata qu'il saignait toujours. Il eut un frisson dans la nuque en reposant les yeux sur sa blessure à l'avant bras. Avec tout ce sang et cette douleur, ça lui rappelait le Deuxième monde... Plus tout ce qui allait avec. La peur, le stress de mourir n'importe quand...
Ren sortit de ses pensées noires quand Sarah cogna contre le battant de la porte de l'infirmerie. Un Thermos de café à la main, Coco vint ouvrir dans la seconde. Ses yeux noisettes se posèrent évidemment sur Ren, salement amoché.
— Qu'est-ce que t'as encore fait ?
— Un coup dans le nez et une morsure au bras, répondit Ren en entrant dans l'infirmerie.
Coco fit tout son possible pour ne pas avoir l'air choqué. Elle partit chercher son matériel tout en invitant Ren à s'installer sur la table d'examen. Sarah s'assit sur un tabouret et se mit à tourner sur l'assise. Puis elle piocha le modèle de cœur en trois dimensions sur le bureau de Coco et se mit à le déboîter pour observer l'intérieur
— Pfff, entre le comportement de l'autre débile d'Etienne et la réaction chelou de Derak, c'était une matinée bizarre.
— Il s'est décomposé d'un coup face à Étienne... se rappela Ren. Et toi tu lui a balancé un de ces coups dans le visage...
— Œil pour œil, dent pour dent, fallait bien qu'il se bouffe un coup pour t'avoir mordu.
Coco revient avec une bassine en inox remplie d'aiguilles et de seringues tintant sinistrement contre le métal. À ses côtés il y avait une autre femme, mains dans les poches de sa blouse de docteur. Avec son apparence des plus singulières, il était difficile de l'oublier une fois qu'on l'avait vu : Ren reconnut tout de suite la femme qu'on leur avait présenté le jour de la rentrée. Phyllis Oli. Visage blasé et tranquille, elle discutait avec Coco.
— Et bien qu'est-ce qu'on a là ? s'étonna-t-elle en haussant encore plus haut ses sourcils au dessus de ses paupières mi closes.
— Oh ça c'est Ren. Il devrait avoir une carte de fidélité chez moi, plaisanta Coco. Je vais encore devoir le recoudre.
— Je me suis fait mordre par un camarade complètement détraqué, maugréa le jeune homme.
— Détraqué tu dis ? demanda Phyllis, toujours aussi blasée.
— Oui ben il est taré quoi ! dit Sarah. D'où on mord les gens !?
— Mmmh. Étrange, commenta doucement Phyllis. Je dois y aller. Un garçon est censé me voir dans dix minutes. En tous cas j'aime beaucoup le petit cabinet de consultation que tu m'as aménagé Constance.
— Oh appelle moi Coco.
— D'où te viens ce surnom ?
— Oh, ce sont les élèves qui ont commencé à m'appeler comme ça. J'aimais beaucoup et je m'y suis habituée donc maintenant je répond plus qu'à ce surnom.
— Mignon, dit Phyllis. J'y vais.
Ren croisa son regard rouge et serein et la femme fit demi tour avant de quitter l'infirmerie. Coco s'installa à son tabouret puis attrapa une seringue et un petit flacon d'anesthésiant. Ren tira la grimace.
Après une douloureuse injection d'anesthésiant dans les veines et quelques points de suture, sa blessure fut enfin refermée. Coco lui entoura le bras dans du bandage, lui donna des consignes strictes comme éviter de mouiller son avant bras à la douche et venir la voir régulièrement pour refaire le pansement. Elle lui fourra une mèche hémostatique dans la narine qui saignait et lui souhaita bon vent.
— A force de te faire recoudre de partout tu vas devenir la créature dans Frankenstein, s'amusa Sarah une fois sortit de l'infirmerie.
— Je m'en passerai bien, ronchonna Ren. Je me suis fait blessé dix fois plus en un an que durant toute ma vie sérieux...
Les deux s'arrêtèrent net en voyant Derak assis sur un banc dans le couloir de l'infirmerie. Ce dernier sembla aussi surpris qu'eux et afficha une mine crispée, comme si Ren et Sarah le voyaient à un endroit où il n'était pas censé être.
— T'avais pas un truc à faire ? demanda Ren, presque avec froideur.
— Ah ben si, mais... Euh... pédala Derak. Je voulais aller voir Coco... pour des problèmes dentaires !
Il brodait au fur et à mesure, ça se voyait direct. Derak afficha un grand sourire en pointa une de ses canines.
— Je dois couver un truc, une carie je pense. Vous pouvez y aller, pas la peine de m'attendre.
— Euh... d'accord... À plus à la cantine alors... fit Ren.
Sarah et lui passèrent leur chemin, laissant Derak sur son banc, puis ils sortirent du château de l'école. Une fois dans le parc, la démone lança :
— Quel mytho ce Derak.
— Mouais, fit Ren.
— Surtout qu'il poireautait devant la cabinet de la psy, je sais pas si t'as remarqué...
Ren n'avait pas trop prêté attention à ce détail, mais effectivement maintenant que Sarah le disait, Derak attendait bel et bien devant le cabinet de la nouvelle psychologue...
— Pourquoi il irait voir la psy ? questionna-t-il.
— C'est peut-être pas lui... Il a dit qu'il avait un truc à voir avec Pix... Peut-être que c'est lui qui est allé la voir et que Derak l'attendait ?
— Pix ?
C'était vrai que Pix leur avait semblé très bizarre après leur retour des autres mondes, mais avec le temps Ren pensait qu'il s'agissait juste du contrecoup du voyage. Leur ami avait l'air plutôt calme en ce moment, presque comme avant. Peut-être plus distant, mais de là à aller consulter...
— Comme quoi on connait pas les gens, soupira Ren. Même nos amis les plus proches.
— C'est juste des déductions hein ! se rattrapa Sarah. Si ça se trouve Derak a vraiment une rage de dent !
— Il passe ses journées à se les brosser et à les limer, ça m'étonnerait beaucoup... Enfin bref. On fait quoi maintenant ?
— Vu l'heure on a perdu la matinée...
Sarah s'arrêta de marcher et mit la main en visière en voyant un garçon blond aux grandes oreilles courir vers eux.
— C'est Matt qui vient vers nous là ?
— Qui tu veux que ce soit d'autre ? s'énerva l'elfe.
Il s'arrêta devant le duo, essoufflé.
— C'est trop bizarre, y a personne à la salle commune, dit-il. Je me suis réveillé : personne dans la chambre, encore je savais que Ren et Derak avaient le sport, mais même Pix avait déserté alors qu'il dort d'habitude le samedi, ensuite je suis allé voir si les filles étaient là, mais Gabi m'a laissé un message pour nous dire de ne pas la chercher elle et Angèle parce qu'elles sont parties s'entraîner dans la forêt ou je sais pas quoi, donc du coup j'étais tout seul !
— Tu penses à respirer de temps en temps au fait ? demanda Sarah.
— Vous m'avez tous abandonné !
— On était au sport patate, répliqua Ren.
— Même, je pensais passer la matinée avec Pix, Angèle et Gabi mais ces trois là avaient visiblement autre chose à faire, comme d'habitude, et c'est nul !
Ren se retourna en sentant quelqu'un dans son angle mort et effectivement il y avait Nya qui se rapprochait du trio. Elle retira sa gouttière de protection de sa bouche et avala de longues gorgées à sa gourde. Son teeshirt et son short de sport étaient couverts de boue et de marques de gazon bien vert.
— C'est dingue comme la voix de Matt porte loin, s'amusa-t-elle en s'essuyant la bouche.
— Alors ? demanda Sarah. Les sélections de rugby ?
— Ils m'ont refusé, je sais même pas pourquoi. Je crois que les autres filles ont pas apprécié la manière de se faire tamponner et de valdinguer sur la pelouse après un de mes tacles... Franchement les petites natures. Bon de quoi il se plaint Legolas ?
— Des autres !! brailla l'elfe. Ils m'ont tous abandonné ! J'ai pris mon petit déjeuner tout seul. Ils sont franchement distants les quatre là, à la moindre occasion ils s'éloignent de nous, même s'ils font genre que tout va bien. J'ai pas envie de remettre un euro dans la machine mais avouez que j'ai raison.
— Ben t'as pas tort... fit Sarah.
Le quatuor se jeta un regard qui voulait tout dire... Malgré les deux mois de grandes vacances, malgré la reprise d'une nouvelle année scolaire, malgré la promesse qu'ils s'étaient tous faite, celle de profiter du temps passé ensemble, ils ne pouvaient plus nier cette évidence : le fossé entre eux et les quatre autres étaient toujours là... Des passerelles avaient peut-être été aménagées pour préserver les apparences, mais le fossé ne s'était pas comblé du tout...
— C'est bien vrai, approuva Nya. En cours ils sont toujours collés ensemble et quand on est tous les huit, j'ai vraiment l'impression que... Ben qu'ils sont pas tout à fait là quoi... Ça se voit pas forcément mais ça se sent...
— Faut arrêter de se voiler la face, dit Matt. Notre voyage entre les mondes a bien créé deux groupes distincts... Nous quatre...
— Et les autres.
— Yes... soupira Sarah. On en discutera vite fait ce midi, si on les croise, parce que Derak avait aussi autre chose a faire malgré la séance de sport. Il a même pas voulu nous accompagner à l'infirmerie alors qu'il s'y rendait aussi pour je ne sais quelle raison...
— A l'infirmerie ? Qu'est-ce que t'as encore fait Ren ? demanda Nya.
— Tu t'es pris un coup dans le nez ? s'égosilla Matt. Nan mais je demande parce que t'as la petite mèche de Coalgan dans la narine.
Ren expliqua rapidement comment un camarade de classe l'avait tout simplement mordu jusqu'au sang, ce qui lui avait encore valu des points de suture...
— Faut être taré pour se jeter sur les gens comme ça, râla Sarah. Je lui ai fait bouffer mon poing et mon pied pour la peine, s'il a pas à mâchoire cassée c'est un miracle.
— Étrange, commenta Matt. Bref allez tous vous doucher un coup là, parce que même à l'extérieur et avec le vent vous sentez pas la rose ; et ensuite on va aller manger ! J'espère qu'on verra les autres...
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