Chapitre 45 : La visite d'une amie précieuse
Ren avait perdu la notion du temps. Il pensait dormir depuis au moins deux ans quand il sentit son cerveau remettre en marche ses fonctions d'éveil. D'abord le bip insupportable et régulier de l'électrocardiogramme qui témoignait du bon fonctionnement de son stupide cœur. Le son d'une sorte de ventilation lui parvint ensuite aux oreilles, calé sur les flux d'air réguliers qui montaient et descendaient dans ses poumons. Il voulut lever le bras et arracher les tuyaux qu'il avait sous le nez mais ses muscles refusèrent de lui obéir...
Ses paupières pesaient une tonne chacune et il eut du mal à les ouvrir. La lumière grise du dehors fut suffisante pour l'éblouir et l'empêcher de voir autour de lui. Il tenta de percevoir sa position dans l'environnement, les yeux clos le temps de s'habituer à la luminosité. Il était à moitié allongé dans un lit, obligatoirement à l'hôpital. Il était sûrement branché de partout pour qu'on puisse surveiller le moindre de ses paramètres internes, un tuyau sous le nez lui envoyait régulièrement de l'air frais dans son système respiratoire et des cathéters de perfusion lui démangeaient l'avant bras.
Après un long moment d'accommodation, Ren ouvrit enfin les yeux et put observer les alentours. Sans aucune surprise il était dans en chambre de réanimation à l'hôpital d'Occlasia... Des poches de perfusion contenant du liquide transparent, de la morphine et du glucose en solution visiblement, étaient branchées avec un goutte à goutte à un tuyau jusque dans son avant bras. Ren s'assit tant bien que mal, comme si son corps était devenu du plomb. Il n'avait mal nulle part et sentait son cerveau flotter sous son crâne, sûrement bien drogué à cause des médicaments.
Bon... Bilan de son corps : il devait avoir plusieurs côtes cassées et avait dû se transformer en anguille électrique après s'être pris trente milles volts dans la poitrine, mais il était vivant... Son bracelet d'hôpital au poignet, sur lequel était marqué "arrêt cardio-respiratoire", lui rappelait qu'il avait bien frôlé la mort une fois de plus. Il grogna dans sa barbe et attendit un instant en position assise pour que le voile noir et le tournis lui passent. Son corps lui semblait si lourd et irrésistiblement attiré par le matelas si confortable. Mais une faible partie de lui ne voulait pas céder à la tentation.
Alors il resta là, assis à regarder dans le vide et à se demander combien de mètres il pourrait parcourir dans son état et sans se faire arrêter par le personnel... Très peu sans aucun doute. Il ne savait même pas s'il arriverait à se lever de son lit avec le cerveau et les muscles en compote. Sortir d'un coma et revenir à une vie normale ne devait pas être chose aisée.
Il tenta de retirer son tuyau à oxygène pour enlever cette impression de dépendance. Mais il le remit au bout de quelques secondes comme si l'atmosphère normale était trop légère pour suffisamment l'oxygéner. Il fit ensuite descendre les barrières de son lit, trop infantilisantes à son goût et allait appeler l'infirmière, quand une silhouette apparut dans l'encadrement de la porte.
Ren écarquilla les yeux de la même manière que Sarah quand leur regard se croisèrent. La jeune fille avait posé une main contre l'encadrement, comme pour s'empêcher de tomber. Sa bouche était entrouverte et ses yeux ronds. Elle portait un sweat à capuche, une veste d'aviateur en cuir, un short en jean troué comme ses collants noirs, et sa paire de Doc Martens. Ses cheveux étaient simplement lâchés dans son dos. Dans sa main pendaient quelques fleurs de pivoines.
- Salut... souffla Ren.
Sa voix rauque le choqua lui-même... Sarah pinça ses lèvres et ses yeux s'humidifièrent...
- T'es... t'es réveillé... fit-elle sans y croire.
La démone s'avança dans la pièce en regardant Ren comme si elle s'était attendu à ne plus jamais le revoir. Lui-même avait l'impression d'avoir perdu la démone de vue depuis des siècles. Mais pour lui, seules deux semaines à peine s'étaient écoulées... Il n'imagina pas comme le temps avait dû paraître long du côté de ses amis.
Sans un mot, Sarah plaça ses pivoines dans un vase posé sur le chevet et enleva celles qui étaient fanées. Ren ne les avait même pas remarqué. Devant son expression intriguée, Sarah lui offrit une réponse.
- Ça fait une semaine qu'on passe tous les jours à tour de rôle. Par groupe comme Matt, Nya et Derak hier. Et on te laissait deux trois fleurs en te racontant nos journées...
Sarah détourna la tête et s'essuya furtivement une larme. Puis elle se tourna vers Ren, les yeux humides. Sarah avait déjà une couleur d'yeux sublime, orangée et lumineuse comme de la lave, mais Ren trouva son regard encore plus beau après tout ce temps sans la voir.
La démone fit alors la dernière chose à laquelle il s'attendait sur le moment : elle lâcha ses fleurs fanées et s'écroula au bord du lit d'hôpital avant de serrer Ren dans ses bras. Puis elle fondit en larmes contre sa poitrine. Passée la surprise de ce geste inattendu, Ren finit par entourer Sarah avec ses bras et lui rendit l'étreinte. Une douce chaleur se diffusa dans son torse mais il ne savait pas si c'était à cause du contact de la démone ou d'autre chose...
- Tu... Tu me refais plus jamais ça !! s'étrangla-t-elle en le serrant un peu plus.
Ren sentit sa blouse d'hôpital s'humidifier à mesure qu'elle absorbait les larmes de Sarah. D'abord hésitant, il finit par poser une main sur la tête de la démone.
- Plus jamais quoi ? demanda-t-il, la voix toujours rauque.
Sarah renifla mais elle ne le lâchait toujours pas. Machinalement, Ren caressa doucement le haut de sa tête posée contre sa poitrine. Sarah avait les cheveux raides comme de la paille et fourchus, pourtant ils semblaient si doux sous sa paume.
- De disparaître dans un autre monde pendant quatre mois et demi, et de faire une crise cardiaque et un coma d'une semaine en revenant, répondit la démone. Si tu savais comme je me suis fais un sang d'encre pour toi... Pendant tout ce temps... Et quand tu es revenu, que Gabi nous a appelé pour dire que t'étais à l'hôpital... J'ai cru que moi aussi j'allais faire une syncope...
Ren se sentit plus que coupable de l'avoir abandonné malgré lui durant tout ce temps et de l'avoir autant inquiété...
- Je suis désolé...
Il replaça ses bras autour de Sarah qui avait cessé de pleurer. Elle resta encore quelques instants contre lui, l'oreille collée à sa poitrine pour écouter le son de son cœur qui battait normalement désormais. Ren aurait voulu que cet instant dure l'éternité tant il se sentait bien avec la démone contre lui. Mais elle finit par remuer et il retira ses bras pour la laisser se redresser et s'asseoir au bord du lit. Elle s'essuya les yeux.
- Je suis venu une seule fois ces derniers jours... Te voir dans le coma, sans savoir si tu allais rouvrir les yeux un jour, ça m'a fait un choc terrible. J'ai pas osé revenir...
- Pourtant t'es là aujourd'hui et j'ai ouvert les yeux rien que pour toi, lança Ren. Bon, désolé je dois avoir une tête de déterré et je me suis pas trop habillé pour l'occasion...
- Tu sors d'un arrêt cardiaque et du coma espèce d'idiot !
Sarah retrouva un instant sa moue fâchée et leva le poing comme pour le frapper. Mais après quelques secondes d'hésitation, elle se ravisa et passa la main sur le visage en soupirant longuement. Elle semblait réellement soulagée que Ren soit sorti d'affaire.
- Il s'est passé quoi dernièrement ? demanda le jeune homme en se calant mieux contre son coussin surélevé. J'ai pas encore trop atterri...
- Je sais même pas par où commencer, dit Sarah. L'autre matin, Gabi nous a fait une de ses crises bizarres. Ça faisait un moment qu'elle répétait que l'heure approchait et là elle était convaincu qu'elle devait se rendre sur-le-champs au marais. Elle a récupéré Angèle et Pix et ils sont partis sans en dire plus. Une demi-heure plus tard, Gabi nous a rappelé Nya et moi, et a dit qu'elle t'avait retrouvé dans le marais... Avant de dire qu'elle, Angèle et Pix t'avaient emmené à l'hôpital... Et que t'étais en train de faire un arrêt cardiaque.
Ren se doutait bien que les deux nouvelles annoncées successivement avaient dû faire un sacré choc. Rien qu'en le racontant, Sarah semblait encore marquée.
- Nya m'a faite asseoir, sinon je pense que je serais bien tombée de toute ma hauteur... Gabi nous a ensuite tenu au courant et nous a finalement dit que les urgentistes avaient réussi à te stabiliser et que t'étais dans le coma... Vivant. On est passé te voir un coup tous ensemble le lendemain et ça m'a vraiment fait bizarre... Par la suite les autres se sont relayés... Je crois que même Ashe et Emi sont passé à moment donné.
- Je me souviens de rien. Normal j'avais l'impression de dormir...
Il toussa pour s'éclaircir les cordes vocales. Sa gorge était irritée et sa voix déraillait, sûrement à cause de l'intubation pendant la première partie de son séjour. Les tuyaux à oxygène dans son nez, qui lui donnaient l'air très fin en ce moment même, avaient sûrement été placés en seconde partie de séjour, dès que sa respiration s'était remise à fonctionner...
- Les médecins nous donnaient régulièrement des nouvelles, par l'intermédiaire de Ashe. Au moment de t'enregistrer quand tu t'es fait admis, Gabi a fait croire que la vie scolaire avait changé de numéro et a donné celui de Ashe. Ton passage aux urgences n'a donc pas trop été ébruité.
- Qu'est-ce que vous avez raconté pour justifier mon absence durant tout ce temps ? demanda Ren.
- Que t'avais des soucis de santé et que t'étais rentré chez toi... Ç'a bien marché pour les têtes à claques de l'école, mais ça n'a pas tenu très longtemps auprès des profs.
- Ils... ils ont appelé mes parents ? demanda Ren dépité.
Il voyait d'ici ses parents revenir le chercher manu militari et l'interdir de revenir dans cet établissement de malheur l'an prochain... Mais Sarah secoua la tête.
- Gabi est passée faire un petit tour d'hypnose à certains profs, à la vie scolaire et à la directrice. Avec ses pouvoirs elle les a convaincu qu'ils avaient déjà appelé tes parents et qu'ils avaient confirmé que ton état de santé était préoccupant... Je ne sais pas par quel tour de passe passe ça a marché...
- Trop forte la Gabi !
Il l'avait échappé belle de ce côté-là...
- Et avec la quarantaine imposée par les autorités, ça nous faisait une excuse de moins à trouver pour justifier le fait que tu ne rentrais pas pendant les vacances...
- Personne n'a cherché à m'appeler ? J'ai gardé mon portable avec moi pendant tout ce temps, ils ont dû voir que j'étais hors dimension et injoignable.
- Là encore on a inventé des trucs, comme quoi t'avais cassé ton téléphone. Gabi a contacté tes parents par message en inventant tout ça et a réussi à leur donner des nouvelles par SMS en ton nom... Heureusement pour nous les lignes téléphoniques fonctionnent super mal, donc ça nous a aussi sauvé la mise.
- Vous êtes incroyables...
- C'était pas prudent du tout, mais on a un peu paniqué sur le coup et on voulait pas que tes parents appellent la police pour s'en mêler... On savait que t'étais dans un autre monde... Personne n'aurait pu rien faire pour t'aider, alors on voulait tasser les choses de notre côté...
Il avait vraiment des amis en or... Ils l'avaient couvert durant tout ce temps à leurs risques et périls. Voilà qu'il leur en devait une... Surtout à Gabi, Angèle et Pix pour l'avoir retrouvé et sauvé la vie. Ç'aurait été trop bête d'avoir échappé par deux fois à la tour d'Eileen Saurac et à une attaque d'Ombre sur l'Ecarlate pour mourir une fois revenu chez lui.
- Dis... fit Sarah. Tu faisais quoi pendant tout ce temps ?
Ren échangea un regard avec elle. Avant de sentir la culpabilité et le remord lui couler dessus. Il ne pouvait rien lui dire. Rien sur son passage dans le Deuxième monde et sur ses péripéties au Havre avec les Gardiens... Il se sentit si mal sur le moment.
- On a pensé pendant deux mois que t'étais à la tour... Que t'allais peut-être mourir là bas. Et un soir Gabi nous a sorti que tu allais bien et que t'étais en fait dans le Deuxième monde avec Scorpio et Charlie. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Mince en plus Ren avait insisté pour que Gabi les rassure sur sa situation en disant qu'il était en sécurité avec le couple et qu'il n'allait pas rentrer tout de suite... Qu'est-ce qu'il allait pouvoir dire ?
- Si tu ne te sens pas de me le dire parce que t'es encore déboussolé, on peut remettre ça à plus tard, proposa Sarah après un silence.
- Non t'inquiète... Il se trouve que... Stone m'a aidé à m'échapper de la tour.
La démone eut l'air dérouté par cette information.
- On a atterri par accident dans le Deuxième monde... L'objet avec lequel on a voyagé s'est cassé à ce moment là. Et j'ai dû ramasser vingt milles âmes avant de pouvoir revenir ici...
C'était crédible et ça expliquait le temps qu'il avait mis pour revenir. Ses neurones étant un peu confus, il mit un peu de temps à vérifier son calcul. Deux mois de voyage dans un sens, un dans l'autre, ça lui laissait pas tout à fait deux mois à rester dans le Deuxième monde. Cette durée pour ramasser des âmes restait crédible...
- Juste ça ? fit Sarah.
- Bah... Tu te souviens de ce que c'était, le Deuxième monde. Il y a eu beaucoup de complications. Des assassins pour te barrer la route. Une fille rousse qui te vole ton stock d'âmes. Alors avec Stone on a dû la rattraper pour ne pas tout perdre.
- Stone t'as aidé ? répéta Sarah, qui n'y croyait pas une seule seconde. Ce psychopathe qui t'a enlevé t'as aidé ??
- Énormément... J'ai une dette envers lui, mais je ne sais pas quand je pourrais la rembourser.
Il eut un pincement au cœur en songeant à son alter-ego. Il revit encore Eileen braquer ce pistolet sur Stone et tirer...
- Bref, on a bien galéré et ça a mis du temps... Surtout que là bas aussi, des Ombres sont de sortie...
- Oh m'en parle pas. C'est infernal ces trucs. Heureusement un dôme de magie a été mis en place autour de la ville et on est un peu mieux épargné qu'en début d'année... De toute manière dans deux semaines on a fini l'année... On passe le bac de français, l'oral...
Ça c'était bien la dernière chose dont Ren se préoccupait en ce moment. Il soupira longuement. Sarah regarda les mouvements réguliers de l'électrocardiogramme en rythme avec les battements de cœur de Ren.
- On devrait peut-être appeler une infirmière, dit-elle. Tu viens de sortir du coma, je suppose que t'as tout un tas de test à passer pour s'assurer que t'es toujours vivant.
- Peut-être...
Il hésita avant de continuer. Mais il se dit qu'il se sentait déjà assez vulnérable comme ça, allongé dans un lit d'hôpital et faible comme pas permis... Quitte à y être, autant aller jusqu'au bout des choses.
- Mais je préfère être juste tranquille avec toi...
Sarah se tourna vers lui avec un sourire et son regard brilla. Elle eut un petit rire.
- Tu sais que t'es presque mignon quand tu dis ça ?
Ren regretta aussitôt sa prise de parole et se décomposa suite à la remarque inattendue. Il détourna le regard en sentant ses joues chauffer toutes seules.
- J'ai dit presque hein... rectifia Sarah avec un sourire sardonique.
Elle avança une main au visage de Ren et lui attrapa une mèche de cheveux noirs qu'elle fit tourner entre ses doigts.
- Mignon toi, on croit rêver... Haha. Non tu seras toujours mon casse pieds de service.
Ren se sentit gêné d'avoir ouvert une brèche dans sa défense et tenta de la combler en croisant les bras d'un air boudeur. Heureusement pour lui Sarah changea de sujet.
- Ils ont vachement poussé tes cheveux, remarqua-t-elle en inspectant chaque mèche rebelle avec ses doigts.
- J'ai pas trop eu l'occasion de les couper ces derniers temps. Mais promis je fonce au coiffeur dès que je serais sorti d'ici.
Il allait couper et élaguer tout ça car effectivement ses cheveux dépassaient la longueur critique des épaules, hormis les mèches qui poussaient au ralenti et lui tombaient en frange effilée sur le front. Sarah souffla par le nez pour rire.
- Oh ça te va bien aussi les cheveux longs, dit-elle.
Ren haussa les sourcils et la regarda à nouveau. La démone ne se moquait pas cette fois ci... Leur instant en tête à tête fut brisé quand une infirmière passa dans le couloir et remarqua que le comateux surveillé par l'équipe depuis une semaine était maintenant réveillé. Elle entra en frappant à la porte.
- Bonjour jeune homme, lança-t-elle. Bonjour mademoiselle.
- Je devrais y aller, se décida Sarah en descendant du lit. Promis je repasse demain.
L'infirmière contourna le lit pour appeler le reste de l'équipe avec le téléphone, puis elle vérifia la perfusion de Ren. Ce dernier n'avait pas quitté Sarah des yeux. Il ne détourna le regard que lorsque l'infirmière invoqua ses pouvoirs et lui braqua un doigt lumineux comme une lampe de poche dans les yeux pour vérifier ses pupilles.
- Bon au moins cette pupille a repris sa taille normale, ce qui écarte les risques neurologiques inquiétants, observa-t-elle.
Ren se tourna vers Sarah, qui semblait hésiter à partir.
- À demain alors, dit-il sentant que le temps d'ici là serait très long.
- Allez accroche toi et courage pour tes examens, lui répondit la démone en souriant.
Elle sembla hésiter encore avant de s'en aller, dansant d'un pied sur l'autre. Puis elle eut l'air de prendre une décision et s'avança. Avant de plaquer un baiser rapide et un peu brusque au sommet du crâne de Ren. Elle partit d'une traite sans se retourner, laissant un Ren tout étonné, les yeux écarquillés par la surprise de ce geste furtif et pourtant si affectueux.
L'instant d'après le cerveau de Ren se mit en off afin de supporter les comptes rendu des médecins sur son état de santé ainsi que la série de tests qui l'attendait pour le restant de la journée. Il en vint presque à regretter son état comateux qui s'était plus apparenté à la meilleure sieste de son existence...
Il ne fallait pas trop exagérer, mais il serait bien retourné dans le coma juste le temps de ses examens...
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