Chapitre 41 : L'heure de rentrer chez soi


Ren pesta en se réveillant au plan métaphysique d'Aguamarine, lui qui voulait juste dormir jusqu'au terminus. Les pieds dans l'eau du lac, il observa l'horizon d'un bleu pur. Il serra les dents et les poings en repensant à la dernière entrevue avec les dieux. Ce moment où Ruby avait avoué que c'était de la faute des Douze si les Ombres et Obsidian existaient. Tout ça parce qu'ils avaient détruit un monde pour en créer un nouveau... Toutes ces choses avaient été cachées aux Gardiens et Ren avait vécu ces révélations comme une trahison... On s'était servi de lui sans lui expliquer le but réel de cette mission.

Il n'avait ni l'envie ni la force de parler ou de voir Aguamarine... Tout ce qu'il pouvait faire était d'aller à la pêche aux renseignements, espérant trouver une quelconque information sur Obsidian. Il n'était même pas sûr d'y arriver... Les Douze ne savaient strictement rien sur lui... Ce n'était pas avec leur mémoire qu'il allait trouver quoi que ce soit de plus sur leur ennemi.

Il tourna la tête en voyant la silhouette de la Douzième. Mains croisées devant elle, son expression montrait qu'elle semblait désolée pour Ren. Mais il n'était plus d'humeur à pardonner...

- Ren à propos de ce qui s'est passé la dernière fois...

- Je veux pas t'entendre.

- Laisse moi juste t'expliquer.

- C'est trop tard pour ça. Je ne veux plus entendre la moindre de tes justifications.

- Je sais que tu dois m'en vouloir mais...

- Oui je t'en veux. Beaucoup même, mais ce n'est pas avec des explications creuses que tu te feras pardonner Agua. Tu m'as menti. Tu m'as caché des choses. Et c'est loin d'être la première fois. J'ai l'impression que vous vous servez de nous pour accomplir votre mission. Vous vous servez des Gardiens qui n'ont rien demandé pour réparer vos erreurs.

- Je sais mais... répéta Aguamarine.

- Tout ça parce que vous avez pas réfléchi il y a des millénaires ! Tout ça parce que des humains ne voulaient pas de dieux pour les gouverner, vous avez simplement détruit leur monde et vous les avez jeté à la poubelle ! Tout ça parce que vous vouliez votre petit monde idéal avec des gens pour vous prier bêtement !

- Pour qu'un monde naisse, il faut qu'un autre meurt... c'est triste, mais c'est l'ordre établi.

- Ah, pourtant aujourd'hui il existe bien trois mondes parallèles non ? Trois mondes en même temps ? C'est que c'est possible de faire naître un monde en même temps qu'un autre. Alors pourquoi vous avez fait ça ? Pourquoi Obsidian a réussi à créer trois mondes et pourquoi vous vous étiez incapables de garder le tout premier ?

Aguamarine garda le silence ce qui ne fit qu'alimenter la colère de Ren.

- Parce que vous n'y aviez pas pensé ? Parce que vous étiez trop faibles, vous les Douze ? Comment ça se fait alors qu'Obsidian y est arrivé ?

- Toi tu le sais...

- Mais pas elle...

- Tu n'as donc toujours pas remarqué ?

Ren chercha ses prédécesseurs autour de lui mais il n'y avait que leur voix à ses oreilles. Il mit un peu d'ordre dans ses pensées et trouva tout seul la réponse à sa question.

- C'est parce qu'il a récupéré tous vos pouvoirs en vous tuant le jours de la Dislocation... Les anciens humains lui ont confié la tâche de se venger de vous tous. Il a récupéré tous vos pouvoirs. Il avait donc la puissance de douze dieux entre ses mains... C'est pour ça qu'il a pu créer les trois mondes...

Il ricana tant c'était ironique.

- Finalement le dieu déchu, le Treizième des Douze était peut-être le vrai Dieu de ce monde...

- C'est une Anomalie Ren ! cria soudain Aguamarine. Il n'avait rien à faire dans ce monde et a perturbé l'ordre établi à tout jamais !! Il a tué des dieux et détruit le monde pour prouver je ne sais quoi et satisfaire ses envies !! Je ne sais pas par quel miracle il n'est plus là aujourd'hui mais s'il avait survécu, il aurait gouverné sur les trois dimensions dans le chaos le plus total avec son armée d'Ombres. Et toi tu es là à nous accuser de tous les maux du monde et à dire que c'est lui le vrai Dieu ??

- Par quel miracle il n'est plus là ? répéta Ren. Enfin toi aussi tu l'as embroché au moment où il t'a tué ! Il était empoisonné et tu l'avais transpercé au niveau du cœur. S'il n'est plus là ce n'est pas par « miracle » mais parce que c'est toi qui l'a tué.

- Mais comment tu peux savoir ça Ren ?? explosa Aguamarine.

- Je l'ai vu dans tes souvenirs !

Il comprenait de moins en moins les réactions de sa déesse tant tout lui paraissait évident. Il l'avait vu de ses propres yeux via la mémoire de la Douzième. Elle devrait s'en souvenir !

- Ses souvenirs ? Sa mémoire ?

- Tu en es sûr ?

- Enfin c'est impossible Ren ! Il était encore debout et vivant au moment où j'ai rendu mon dernier souffle. La seconde d'après je me suis réveillé après la Dislocation dans le corps de ma première Gardienne. Tout comme moi, c'est donc impossible que tu saches ce qui lui est arrivé entre temps.

- Pourtant je le sais. Alors quoi, tu me traites de menteur ?

- Pas de menteur Ren. Je dis que c'est impossible. Tu ne peux pas avoir vu des choses que je n'ai pas vécu Ren.

Une petite brise souleva les cheveux de Ren tandis qu'il sondait le regard d'Aguamarine pour tenter de voir ce qui n'allait pas... Pourquoi elle ne se souvenait jamais de rien ? Autour d'elle, les fantômes des prédécesseurs la fixaient en silence, les yeux vides. Ren ne sut pas pourquoi il interpréta leur regard comme s'ils en voulaient aussi à Aguamarine.

- Ecoute... dit Ren. J'ai besoin d'un peu de temps...

Du temps pour quoi ? Pour mettre de l'ordre dans son esprit ? Plus le temps passait, plus il était perdu...

- Pour le moment je te demande juste de me ficher la paix...

C'était tout ce dont il avait besoin en fait... De la tranquillité et rien d'autre.

***

Le grincement de la porte du compartiment arracha Ren de son sommeil déjà peu profond... Il redressa la tête et vit les veilleuses du couloir disparaître derrière le battant quand il se referma. Qui avait bien pu sortir ? Ren se dressa sur un coude. Stone bavait sur son oreiller, sur la couchette en hauteur en face de lui, un couteau dans la main. Charlie et Scorpio étaient lovés l'un contre l'autre sur le lit en dessous et dormaient à poings fermés. Ren se pencha pour jeter un coup d'œil à la couchette sous la sienne et constata que Luka n'était pas dedans.

Ren descendit de son plumard en se demandant pourquoi il mettait toujours son nez dans les affaires des autres et sortit le plus discrètement possible du compartiment. Dans le couloir, de petites ampoules brillaient faiblement au niveau du sol et éclairaient le parquet. Il fit le tour du wagon endormi, dont la moitié des compartiments était vide. Il ne restait plus grand monde dans le train après le passage à la capitale.

Il arriva en bout de wagon et trouva Luka assis devant la fenêtre à côté des portes bagages. Il regardait la Lune, plongé dans ses pensées, ses cheveux rouges lâchés sur l'épaule.

- Hé... fit doucement Ren.

Pour une fois le rouquin ne sursauta pas comme si on le prenait en flagrant délit et se tourna simplement vers Ren.

- Ah je t'ai réveillé... constata-t-il.

- Cauchemar ?

- Un truc comme ça...

- Tu veux pas me raconter j'imagine... déduisit Ren après un silence.

Luka se passa la main dans la nuque et son regard se perdit dans la campagne qui défilait derrière les vitres. Son œil en améthyste rivalisait avec les étoiles du ciel.

- Bon je vais retourner me coucher alors, lança Ren en haussant les épaules.

- Attend...

Mains dans les poches de son pantalon de pyjama - un pantalon en lin prêté par Stone - Ren s'adossa à une malle en cuir.

- C'était quoi ? Un truc horrible en rapport avec les Douze ? T'inquiète y a des trucs qui m'ont marqué moi aussi...

Le souvenir du jour de la Dislocation avait été particulièrement éprouvant et difficile à regarder. Voir les Douze se faire massacrer par Obsidian, ça laissait des traces. Mais Luka secoua la tête.

- Pas vraiment non... Non c'était juste certains de mes souvenirs et quelques vieux démons qui m'ont repris... C'est tout. Rien de grave.

Ren garda le silence et sonda l'expression tourmentée de Luka, qui avait l'air ailleurs.

- Je te connais assez pour dire que ton « rien de grave » c'était grave en fait. D'après ce que t'as dit, t'as pas eu une enfance et une adolescence toute rose...

- Raaah... fit Luka en se passant les mains sur le visage. J'ai encore raconté des bêtises quand j'étais ivre c'est ça ?

Il n'en n'avait jamais parlé étant sobre et avait dû tiquer en voyant que Ren semblait quand même au courant.

- Exactement, dit le brun. C'est affreux ce qui t'es arrivé. Donc se remémorer tout ça, même si je connais pas tout, c'est pas « rien de grave ». Tes parents étaient vraiment des connards...

- Tout le monde a beau me dire ça en ce moment, je reste convaincu que c'est de ma faute ! Si j'avais pas...

- C'est quoi, c'est à cause de la « soirée » dont parlait la grosse armatrice moche là ?

Les joues de Luka rougirent en moins de deux...

- T'as fait quoi de si grave pour qu'elle te traite de détraqué ?

- Je...

Rouge comme une pivoine Luka se cacha le visage en secouant la tête.

- Désolé... C'est trop gênant... Désolé mais j'assume pas...

Ren se dit qu'il aurait mieux fait de se taire en le voyant larmoyer. Il soupira en se demandant à quoi ça lui servait d'insister comme ça, puis il décida de s'excuser et de le laisser tranquille.

- Je suis désolé. Je vais me mêler de ce qui me regarde et retourner me coucher...

- Dans mon cauchemar... marmonna finalement Luka, je revoyais les visages furieux, honteux et dégoûtés de mes parents... Je les voyais déçus de moi... De ce que j'étais devenu... J'ai revécu ma décente aux Enfers qui a duré une bonne partie de mon adolescence. Ils n'arrêtaient pas... Les violences verbales, physiques... Ils ne me laissaient plus tranquille...

Il essuya une larme et continua de vider son sac. Ren remarqua encore une fois que Scorpio avait raison... Les gens finissaient par lui parler sans savoir pourquoi et lui écoutait...

- Ils... ils avaient bien remarqué la façon dont je regardais Thoma... C'était le fils du majordome, il avait juste un an de plus que moi et il a été mon premier ami...

Ren comprit qu'il ne parlait maintenant plus de son cauchemar mais bien de sa vie...

- Il m'accompagnait dans mes leçons de piano et d'escrime et je sentais que j'étais bien avec lui... Cette amitié a laissé place à autre chose dans mon cœur... J'ai vite compris ce que c'était... Je pensais que c'était normal au début, donc je ne faisais pas trop attention à mon comportement ou à la façon dont je le regardais... Puis j'ai réalisé en voyant comment mes parents me traitaient tout d'un coup que ce n'était pas si normal que ça... Ils m'ont séparé de lui pendant mes cours... Ils ont commencé à me faire vivre l'enfer... De quinze à dix sept ans j'ai vécu en me recevant presque quotidiennement des gifles, des insultes et des regards qui me faisaient bien comprendre que j'étais bizarre...

En y repensant Ren était plus que ravi de savoir le père de Luka au fond du port du Havre, grignoté par les poissons. Enfin seulement si les poissons voulaient de cette viande avariée. Vraiment il s'en doutait déjà mais la famille du rouquin faisait partie des pires déchets de ce monde.

- Je me suis forgé ma petite carapace pour me protéger et j'ai tenté d'ignorer ce que je ressentais. Je faisais semblant, pour qu'on me laisse tranquille et qu'on arrête de me tourmenter mais... Dès que je voyais Thoma par la fenêtre en train de couper les rosiers du jardin, je sentais ma petite carapace se fracturer et il entrait à nouveau dans mon pauvre cœur en miette... Et puis un soir, alors que la situation commençait enfin à se tasser du côté de mes parents...

Il déglutit et plaqua les mains sur ses joues sûrement brûlantes.

- Tu sais... Thoma était une sorte d'apprenti majordome... Il faisait partie du personnel du manoir alors c'était normal de le voir circuler pour ranger la maison... Ce soir là il mettait un peu d'ordre dans ma chambre... On discutait juste... Comme ça. Comme les deux amis d'enfance qu'on était finalement. Je... Je ne sais pas à quel moment il s'est rapproché pour me prendre contre lui... Et la seconde d'après... On s'est... embrassé...

Il lâchait les syllabes une par une, sûrement mort de honte et en se triturant les mains. La couleur de ses joues avait à peu près la même teinte que celle de ses cheveux, à savoir écarlate. Ren aurait bien balancé un « c'est meugnon » pour vanner et combler le silence, mais vu l'état actuel de Luka c'était un coup à lui faire faire une syncope et à l'achever...

- J'avoue, ça m'a fait un bien fou !! cria le roux, la tête dans les mains et comme s'il révélait un secret inavouable. J'avais besoin de ça !

Il semblait à la fois honteux et en colère contre lui-même. Il essuya presque rageusement une larme avec son poignet.

- Ça a duré plusieurs secondes. Juste quelques secondes, juste un peu de bonheur et de sérénité dans ma vie chaotique ! Juste une pause dans le cauchemar éveillé que je vivais mais même ça, juste ça, la vie m'a dit « non ».

Juste à son ton, Ren captait très bien la détresse dans laquelle se trouvait Luka... Il parlait d'une voix enrouée, brisée, plein de culpabilité, en colère contre la vie et contre lui-même... Il s'en voulait alors que ce n'était pas de sa faute. Mais on avait réussi à le faire suffisamment culpabiliser pour qu'il en soit convaincu. Un traumatisme. Voilà ce qu'il avait vécu...

- Ma mère est entrée à ce moment là et nous a surpris, reprit-il après une longue pause. Son expression était effrayante. Je voyais toute sa haine, toute sa honte, tout le dégoût sur son visage. Thoma s'est écarté en disant que c'était de sa faute et qu'il allait tout expliquer mais ma mère la descendu sur place avec son flingue sans chercher à comprendre...

- Quelle connasse, marmonna Ren en tirant sur un fil qui dépassait d'une valise en cuir sur son porte bagages.

Le fil continua de se dérouler sur plusieurs centimètres et Ren le fourra discrètement sous les sangles. Les yeux pleins de larmes, Luka se grignotait nerveusement les ongles, le regard plongé au fond de lui-même, affrontant certainement ses souvenirs éprouvants avant de reprendre.

- La suite... Je m'en souviens pas trop. Elle m'a crié dessus. Elle m'a giflé... Elle m'a répété que j'étais juste une traînée et une honte pour la famille. Elle s'est disputée avec mon père, parce qu'il lui avait donné une tare comme moi... Elle a renvoyé le majordome et son fils dès le lendemain, ne voulant plus avoir affaire avec des détraqués... Et moi... elle m'a emmené voir un prêtre exorciste pour me « guérir »...

Les larmes de Luka continuaient de couler en silence. Plus il en savait, plus Ren trouvait la vie du rouquin horrible. Une vie si terrible qu'il se sentit coupable de se plaindre de tout et de rien dans sa vie à lui...

- Je suis vraiment désolé...

Luka renifla et s'essuya le nez.

- C'est bizarre... Étrangement je me suis toujours juré de tout garder pour moi... Pour que personne ne sache jamais... Parce que j'assume pas et que j'assumerai plus jamais. Mais je me rends compte que ça soulage un peu de raconter ça à quelqu'un...

Il leva des yeux encore larmoyants et suppliants vers Ren.

- Tu... tu le répèteras pas, hein ?

- T'inquiète. Je comprends mieux maintenant pourquoi t'as l'air un peu... torturé.

- Tant que ça ...?

- On voit que t'es mal dans ta peau quoi... Mais ça se comprend vu ce que t'as vécu.

- Tu... tu me détestes pas ?

- Hé tu fais ce que tu veux avec qui tu veux, moi j'en ai rien à faire. T'es juste Luka, point barre. Et on est potes, ajouta Ren.

- Vous êtes tous si géniaux... Toi, Charlie... Je n'en reviens toujours pas de ce qu'elle a fait pour moi... Quand elle a pris ma défense en jurant de me protéger... C'était trop beau pour être vrai... Et finalement c'est réel. Ce qu'elle m'a proposé avec Scorpio... Démarrer une nouvelle vie. C'est aussi réel....

- Tu vas pouvoir tourner la page à Occlasia. Prend ça comme un nouveau départ et une immense opportunité à saisir.

- Oui... Ma nouvelle vie...

Luka se leva de la valise sur laquelle il était assis et termina d'essuyer ses larmes avec les manches de sa chemise.

- Merci... D'être finalement resté et de m'avoir juste écouté sans rien dire... Finalement j'avais peut-être besoin de ça... De gens à qui parler... D'amis à qui je peux faire confiance...

- Je te l'avais dit. Avec les Gardiens t'as trouvé une nouvelle famille. Allez on retourne se coucher, histoire de dormir un peu.

En rejoignant le compartiment ils croisèrent Stone en train de déambuler comme un somnambule, couteau à la main. Ren craignait que ses pulsions meurtrières le reprennent et qu'il soit à la recherche de quelqu'un à tuer mais visiblement c'étaient lui et Luka que Stone cherchait.

- Ah je me demandais où vous étiez !

- On était pas loin et on a juste papoté, dit Ren.

- De quoi donc ? Des magasins d'armes à Occlasia ? Si tu veux des conseils sur les meilleurs couteaux, je suis ton homme !! Alors c'est ça, hein ? Je veux savoir !!

- C'est pas tes oignons, répliqua Luka d'un air arrogant en ouvrant le compartiment.

- Hein ?? croassa Stone.

- Allez-y, faites un peu plus de bruit on vous entend pas assez, grogna Scorpio dans le compartiment.

- Y a quoi ? marmonna Charlie en levant la tête.

- Rien, juste nos trois Grimlins qui errent dans le train à la recherche de bêtises à faire...

- Même pas vrai !! s'exclamèrent les trois garçons d'une même voix.

- Alors dodo tout le monde !

***

Après une nuit presque blanche et plusieurs arrêts, le train arriva enfin à la gare d'Occlasia, laissant ses passagers éreintés descendre sur les quais. A bout de nerfs à cause des heures interminables de trajet, Stone se rua dehors pour aller se défouler dans la gare.

- Ah ça fait du bien de rentrer à la maison, s'exclama Charlie, en sortant avec les valises. En plus on a un peu de soleil ça fait plaisir !

Un peu timide, le soleil de début avril éclairait le hall de gare. Dehors l'agitation bien connue d'Occlasia n'avait pas changé en deux semaines. Les voitures klaxonnaient, les gens s'insultaient au volant et le monorail aérien fichait toujours un vacarme à tous les diables. En terme de nuisance sonore, cette ville avait la palme.

- Bienvenue à Occlasia Luka ! piailla Charlie en montrant la ville. Tu vas t'y plaire j'en suis sûre.

Un sourire aux lèvres le rouquin observait son nouveau terrain de jeu avec admiration. La ville aux airs de révolution industrielle avait vraiment un charme bien à elle. Un charme que Ren appréciait et qui lui rappelait tous ces films à l'ambiance steampunk.

Ils prirent le métro aérien pour rentrer chez Scorpio et se poser le temps de la matinée. Comme avant le départ, son appartement était toujours un capharnaüm mélangé à un cabinet de curiosité.

- Il me reste quelques trucs au frigo pour faire un déjeuner correct, dit Scorpio en fouillant le frigidaire.

Il sortit un demi citron coupé et moisi du réfrigérateur et le jeta dans la poubelle sans même regarder où il visait.

- A part si y a des moustiques dans le frigo ça sert jamais à rien de garder ton citron coupé « au cas où »! lança Charlie qui déblayait le canapé pour pouvoir s'y installer.

- On sait jamais...

- On verra ça demain Luka, mais je pense venir m'installer ici quelques temps et te laisser mon appartement, poursuivit Charlie en ouvrant les volets du salon. Le temps que tu en cherches un, ça te va ?

- Oh mais arrêtez vous faites beaucoup trop de choses pour moi là ! fit le concerné, l'air gêné par autant d'attention à son égard.

- On veut juste t'aider à te lancer dans la vie et après tu voleras de tes propres ailes. Moi ça me permettra de venir faire un peu de tri ici, fit remarquer Charlie en voyant l'étendu du bazar de l'appartement.

- Quant à Ren c'est à toi de voir. Soit tu rentres aujourd'hui soit demain, ajouta Scorpio en faisant chauffer une casserole d'eau sur l'antique gazinière de la cuisine ouverte.

- Le plus tôt sera le mieux je pense.

Il avait décidé de partir dans l'après midi, afin de profiter de ses compagnons d'aventure ce matin. Il avança dans le couloir de l'appartement et ouvrit la porte de la chambre d'ami. Le lit dans lequel il avait dormi la toute première nuit était toujours défait. Ses affaires de son monde étaient posées sur la chaise dans un coin de la pièce. Son jean, son sweat à capuche, son sous pull et ses rangers. Il les remettra avant de partir.

Il profita de chaque instant passé en compagnie de Stone, Charlie, Scorpio et Luka. D'un côté il avait hâte de rentrer chez lui. De l'autre il savait qu'ils allaient tous lui manquer. Ils lui avaient promis de se retrouver en chair et en os dans quelques temps pour trouver les Gardiens dans son monde, mais une petite voix disait à Ren que ce rendez vous risquait d'être dans quelques temps. Des années peut-être. Qui sait ce qu'il sera devenu d'ici là.

Après un déjeuner bien copieux, Ren rendit à Stone les vêtements qu'il lui avait prêté en arrivant et renfila sa tenue de son monde. Il vérifia s'il avait bien tout avec lui : la photo de groupe, la boîte contenant le collier en métal noir acheté au Havre, son portable... Normalement il n'oubliera rien derrière lui. Le groupe descendit ensuite dans le hall de l'immeuble pour les derniers au revoir.

- Ç'a été un vrai bonheur de te revoir et de t'avoir avec nous ces dernières semaines ! dit Charlie en l'enlaçant.

- J'ai été super content de vous retrouver, dit Ren en lui rendant son étreinte.

Scorpio l'attrapa à son tour pour le serrer dans ses bras, avec quelques tapes dans le dos.

- Pas de bêtises hein ?

- T'inquiète.

- Prend soin de toi Ren, ajouta le réincarné en lui ébouriffant les cheveux comme à son habitude.

Ren lui sourit et pivota vers Luka. Histoire de plaisanter un peu, le brun ouvrit les bras.

- Câlin ?

- HA !!! lâcha Luka comme si c'était une plaisanterie de mauvais goût. Même pas en rêve.

- Ça va je blague. À bientôt Luka et bonne chance pour la suite.

- A bientôt Ren. Et encore merci.

Ren savait que ce merci était pour lui avoir prêté une oreille attentive dans le train.

- C'est bon, on peut y aller ? demanda Stone.

Il était un peu en retrait et réglait les derniers détails sur son médaillon à voyager entre les mondes. Charlie lui sourit.

- T'es sûr que tu ne veux pas le laisser partir tout seul avec ton collier ? Deux mois sans te voir, c'est bizarre à dire, mais ça va faire long.

- Sûr ! Je veux le raccompagner. Puis si je lui laisse le collier, comment vous allez faire pour aller dans le Premier monde, quand vous aurez trouvé vos Gardiens ? A part chasser pleins d'âmes ? Ce qui est pas gagné pour vous...

- Pas faux. Alors à dans deux mois Stone. Étrangement t'es appréciable quand on te connait mieux.

Stone sourit, touché par le compliment de la blonde.

- Si vous me revoyez pas de suite, vous inquiétez pas ! C'est que je suis en vadrouille quelque part.

- Ne pars pas trop longtemps non plus, conseilla Scorpio. La ville est presque trop calme sans toi.

- Reçu ! fit Stone avec un pouce en l'air.

Ren se rapprocha de Stone et agita la main aux trois autres.

- A bientôt tout le monde !

- A la prochaine Ren !

Il leur jeta un dernier regard, pour graver leurs visages et ce moment dans sa mémoire.

- Prêt ? demanda Stone en lui passant la chaîne du médaillon autour de son cou.

- Quand tu veux.

Stone tourna l'engrenage numéro un et appuya sur une des dents. La pierre bleue se mit à luire et Ren sentit son corps s'étirer et se faire aspirer par le bijou. Le hall de l'immeuble disparu autour de lui alors que plusieurs pensées le traversaient.

Il avait terminé sa mission ici. Il rentrait à la maison.

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