Chapitre 4: Quelques nouveautés de rentrée
Lorsqu'Angèle poussa la porte du café de l'école, elle ne s'attendait pas à voir sept paires d'yeux se braquer sur elle. La bande au complet était installée à une grande table et tous venaient de tourner leur tête vers l'ange à la manière des suricates. Angèle leva la main pour les saluer, avec un sourire gêné.
Sans se faire quitter des yeux elle demanda un sirop de fraise bien frais à la serveuse et gérante puis s'installa en bout de banquette, là où il restait de la place. Sur la table trainaient des verres de boissons fraîches, idéales pour se désaltérer en cette période encore caniculaire.
- Les vacances étaient bien ? demanda Angèle, toujours zieutée par les autres. Quoi... ? J'ai un truc dans les cheveux c'est ça ??
- Une grosse araignée, plaisanta Derak.
- Même pas vrai !
- Ben alors Angèle ! Crache le morceau ! s'exclama Matt. Comment ça s'est passé l'entretien ?? T'es virée ??
Sarah lui fila une calotte en lui disant de ne pas commencer par là. Angèle afficha cependant un sourire confiant :
- La directrice me laisse une chance, dit-elle.
Les autres se mirent à crier de joie devant cette bonne nouvelle, mais Gabi calma rapidement tout le monde quand la serveuse antillaise leur fit les gros yeux à cause du bruit. En vrai commère, Matt demanda tous les détails du rendez-vous.
- Ben, elle m'a un peu fait la morale en me disant que je devais me rendre compte du privilège qu'on m'accordait en me laissant rester. Que je leur prenais une place dans l'établissement, laissant peut-être quelqu'un de doué sur la touche. Et que j'allais devoir redoubler d'effort si je voulais rester ici malgré mon absence de pouvoirs.
- Et t'as dit quoi ?
Angèle redressa la tête, bomba le torse et leva les poings d'un air confiant.
- J'ai dit que je n'allais pas doubler mes efforts, mais les quadrupler !
- Oh ça c'est notre Angèle ! sourit Derak. Et toujours aussi planche à pain à ce que je vois !
L'ange lui balança les serviettes en papier qui trainaient en boule sur la table en le traitant de monstre avec une voix aiguë.
- Content que tu restes avec nous en tous cas, dit Ren.
- Voilà !! En voilà un qui est gentil avec moi au lieu de me traiter de planche à pain ! s'égosilla Angèle en donnant des petits coups de poing dans le bras de Derak.
- Pfff Ren gentil ?? On croit rêver, pouffa Sarah.
Elle se fendit d'un sourire sardonique en se recevant un regard incendiaire de la part du concerné.
- Ces chamailleries m'avaient manqué ! lança Matt. Allez tout le monde : tchintchin !
- A cette nouvelle année ! dit Nya.
- La réussite, la santé, et plein de bonnes choses, ajouta Sarah.
Les huit verres s'entrechoquèrent en tintant, accompagnés de sourires joyeux. Les retrouvailles de la rentrée autour d'un verre mettait toujours la bande d'amis de bonne humeur.
***
- La poisse !! Ça se fait trop pas de rajouter une réunion de rentrée à la dernière minute et juste avant le dîner !!
Marchant dans le parc de l'école, la bande supportait la voix de crécelle de Matt émettant comme une station radio non-stop. L'elfe consultait frénétiquement la messagerie de son portable. L'école venait d'envoyer un mail stipulant aux élèves de première de se rendre dans l'un des auditoriums du château pour une petite réunion de rentrée. Habituellement chaque professeur se chargeait de faire circuler les infos de début d'année, une réunion de cette ampleur annonçait du changement.
Ils rejoignirent le château et se rendirent à l'endroit indiqué, où les élèves de première se mettaient en rang en attendant de pouvoir entrer dans l'auditorium. Un des surveillants tentait de garder un semblant de calme dans le couloir, criant désespérément pour se faire entendre au milieu du brouhaha. Enfin tout ce beau monde put entrer dans le grand amphithéâtre.
La directrice et quelques professeurs étaient déjà présent sur l'estrade tout en bas des rangées de sièges, installant un vidéo projecteur. La bande s'installa sur une rangée vers le milieu de l'amphithéâtre, avançant en crabe entre les sièges pliants et la table. Rapidement les élèves remplirent les rangées, comblant les places du fond. Un des profs lança d'ailleurs à ce propos :
- Y a plein de places devant !
- Tout le monde est là ? demanda une autre.
- Je pense, dit la directrice, Mme. Litowski en comptant silencieusement les élèves. Parfait. Alors bonsoir à tous.
Un « bonsoir » général et peu enthousiaste lui répondit.
- Je vous souhaite une bonne rentrée à tous, de la réussite et de la rigueur.
S'en suivit le discours habituel sur le fait de travailler régulièrement, de respecter les consignes et de se tenir prêt pour les examens s'annonçant en fin d'année.
- Ensuite, les professeurs principaux des classes de secondes seront monsieur Rise pour la première A et madame Nigrum pour la première B.
Parmi les élèves de la classe concernée on se mit à souffler, grogner et Antoine hua tout seul dans la rangée du fond, ce qui lui valut un mot dans le carnet pour bien commencer l'année. Sur l'estrade les deux professeurs se placèrent au garde à vous aux côtés de la directrice.
- Mais pas Vautour ! pesta Derak.
Ça c'était le surnom de cette professeur à la discipline militaire et à la main de fer. En teeshirt noir et pantalon de camouflage, bien campée dans ses rangers, la femme qui devait sûrement avoir au moins soixante ans scrutait les rangs avec son regard d'acier. Ses cheveux gris tirés en chignon lui donnait encore plus l'allure d'une gardienne de prison. Elle n'avait presque aucune ride marquée sur le visage. Peut-être que le fait de n'éprouver aucune émotion aidait à garder une peau jeune ? Enfin son nez était l'élément le plus marquant de cette femme : crochu comme un bec de vautour.
- J'aimerais également vous présenter de nouvelles recrues dans notre équipe pédagogique, poursuivit Litowski. Tout d'abord quelqu'un qui viendra épauler notre médecin Constance à l'infirmerie.
La directrice fit un signe en direction du haut de l'amphithéâtre. Toutes les têtes se retournèrent, formant comme une onde qui se propagea depuis les rangées du devant jusqu'aux dernières tout en haut. À côté des surveillants postés au sommet de l'auditorium tels des rapaces prêts à fondre sur le moindre écart de conduite comme sur une proie, une femme vêtue d'une chemise et d'un ensemble tailleur s'avança et descendit les marches de l'amphithéâtre.
Ren n'avait jamais vu une femme comme elle. La quarantaine, une peau aussi pâle que la Lune, des cheveux longs et dégradés couleur bleu roi, des yeux rubis, des cils rouges, rien que ces couleurs ne rentraient pas trop dans les normes. Sur sa tête s'élevait des cornes blanches, entre lesquelles était tissé une toile d'araignée, littéralement. D'ailleurs la bestiole était tranquillement posée dessus, dans un repli de corne. Le plus étonnant était la queue de dragon blanc et argent qui dépassait du pantalon tailleur de la femme.
- Elle ressemble pas à une humaine ou à une démone... Tu crois que c'est une hybride ? demanda Matt en filant un coup de coude à Ren.
- Aucune idée je suis pas anthropologue, rétorqua le brun.
- Elle a une araignée entre les cornes ou c'est moi ?? glapit Angèle à voix basse.
- Non c'est pas toi, répondit Gabi.
- Ben on voit pas ça tous les jours en tous cas. La directrice a dit qu'elle allait aider Coco. C'est une nouvelle infirmière vous croyez ? demanda Matt.
- Ferme la, ils vont le dire, soupira Sarah.
La femme aux cheveux bleus monta sur l'estrade et se plaça en ligne à côté des professeurs. Mains élégamment croisées devant elle, regard mi clos et tranquille, elle respirait la sérénité. Ses yeux scrutèrent en silence l'assemblée. Elle s'arrêta au niveau de la rangée où se tenaient la bande. Ren n'arrivait pas à déterminer qui elle fixait exactement. L'hybride détourna les yeux avant qu'il ne puisse le savoir.
- Je vous présente donc Phyllis Oli, qui sera notre nouvelle psychologue de l'établissement. Nous avons pensé qu'il pourrait être grandement utile d'avoir quelqu'un à votre écoute, surtout avec l'internat pour l'ensemble des élèves et l'éloignement des familles..
La dite Phyllis s'inclina poliment en avant.
- Mon bureau sera placé à côté de l'infirmerie. N'hésitez pas à venir me voir au moindre soucis, ou si vous avez juste envie de vous confiez à quelqu'un.
Elle salua encore une fois les élèves et quitta l'estrade avant de remonter en haut de l'auditorium et de le quitter, aussi silencieuse et élégante qu'une ombre.
- Une psy ? C'est nouveau tiens, remarqua Nya.
- Coco avait pas dit qu'il leur en manquait un ? demanda Ren. Quand on est rentré au moi de mai, elle a dit qu'on aurait peut-être du passer un examen psycho en plus de tous ce que l'infirmière nous a fait.
- Pour savoir si on était pas devenu zinzin après notre voyage ? Pfff, on va très bien ! fit Sarah. Fallait juste nous laisser le temps de nous remettre...
- En tous cas ça sera pas pour nous, termina Ren.
- Au contraire, taré comme tu es ça te fera du bien, ajouta Derak d'un air provocateur.
Sans se tourner, Ren lui fit un doigt. Le vampire ricana et Angèle rouspéta comme quoi Ren était vulgaire.
- Hé silence les bouffons la directrice parle et un pion nous regarde, souffla Gabi.
- J'aurais aimé vous présenter le nouveau professeur de sport et de magie, mais malheureusement il n'a pas pu être présent aujourd'hui, continua Litowski. Il sera le deuxième professeur principal des premières B, pour assurer la relève de madame Nigrum qui partira à la retraite en fin d'année.
Un murmure s'éleva dans l'amphithéâtre. Cela faisait bien dix ans que les rumeurs comme quoi Vautour partait à la retraite en fin d'année courraient. Et comme toujours cette prof était encore là l'année suivante, décidément increvable. Les anciens élèves qui revenaient parfois en pèlerinage s'étonnaient tous avec la même expression : « elle est encore là ??? ». Une déclaration officielle de la direction mettait donc fin à un long mythe qui aura fait espérer tant de générations.
- Effectivement c'est ma dernière année dans cet établissement, continua Vautour. Mon remplaçant commencera à travailler avec moi cette année, afin de prendre au mieux la relève l'an prochain.
- Cool, un nouveau prof ! s'exclama Matt. Dommage qu'il ne soit pas là...
Un nouveau membre dans l'équipe enseignante était toujours un petit événement. Cela rafraîchissait l'escouade des professeurs, surtout que certains commençaient à être âgé. Dans l'amphithéâtre Antoine se remit à l'ouvrir, lançant des « CHEH » aux premières A qui n'auront pas l'occasion d'avoir un nouveau professeur. Un autre élève se mit à rire de façon bizarre, sans doute pour se moquer. Un surveillant sortit un bloc note et déclara qu'il y avait de la place en colle ce samedi, tout en marquant au stylo sur une feuille.
S'en suivit une projection ennuyeuse sur le règlement intérieur, à propos des autorisations de sorties, de l'accoutrement, du respect des horaires ou encore de tout ce qui était interdit. Un paragraphe avait été rajouté depuis l'an dernier. L'accès de certains couloirs et étages, notamment ceux donnant sur les combles et débarras, était désormais interdit.
- Étonnant dites donc, marmonna Matt. On disparaît pendant des mois à cause de leurs artefacts bizarres dans les greniers et comme par hasard l'établissement bloque leur accès à la rentrée.
- Ils ont sûrement pas envie que les élèves fassent à nouveau des bêtises à cause des objets magiques et dangereux, dit Nya.
- Sur ce je vous souhaite encore une bonne année et de la réussite ! conclut la directrice. Bonne soirée et bon appétit.
Personne n'attendit les consignes de sortie et tout le monde se rua en dehors de l'amphithéâtre. Les premiers arrivés à la cantine étaient les premiers servis. C'était très important surtout quand il y avait des raviolis maisons.
***
Le bulletin météo de six heures trente à la radio arracha Ren de son sommeil. Son poing s'abattit sur le bouton de son réveil pour l'arrêter. Il aurait bien aimé se rendormir pour cinq minutes mais une lampe murale s'alluma dans la pièce. C'était Matt, qui descendait déjà son échelle l'air de bonne humeur.
- Debout les gars ! C'est la reprise des cours !
- Mais y a que toi que ça ravie en fait... maugréa Ren, le visage enfoui dans son oreiller.
- On comprend rien de ce que tu dis, bro, lança Derak qui se frottait les yeux en s'asseyant sur son matelas.
Ren grogna puis se tourna sur le côté en s'emmitouflant dans sa couette comme une chenille dans son cocon. Il cligna ses yeux tandis que Matt allumait la lumière principale de la chambre. Le néon clignota et éclaira la chambre.
- Quelqu'un peut ouvrir la fenêtre ? demanda Derak en glissant le long de son échelle. On crève de chaud...
Matt se rua sur la manivelle du volet en criant « prem's », la tourna à toute vitesse, releva le store et ouvrit le battant de fenêtre. Un courant d'air frais remplaça l'air chaud et lourd de la pièce. Dehors le soleil n'était pas encore levé, mais la lumière de l'aube était déjà visible au dessus des collines à l'horizon.
- J'adore cette ambiance, dit Matt. L'atmosphère qu'il y a à l'aube en été est vraiment unique, j'arrive pas à l'expliquer. Cette fraîcheur matinale, juste avant la chaleur de la journée, ce dégradé de rose, de orange, de jaune et de bleu, c'est magnifique !
- Tu feras de la poésie plus tard, faut qu'on se prépare et qu'on fonce au petit déjeuner avant qu'il n'y ait plus rien, lança Derak en enfilant un teeshirt. Les deux marmottes vont se magner le derche, histoire d'avoir des croissants et des pains au chocolat au self.
- Chocolatine ! protesta Matt.
- Le pays entier dit pain au chocolat ! Tu dis raisintine ou pain au raisin ??
- Au moins chocolatine ça fait nom de pâtisserie ! C'est raffiné ! Ça ne sonne pas comme un vulgaire morceau de pain avec quatre pauvres carrés de chocolat dedans.
- Ah la la... soupira Derak. Tu t'es fait corrompre par cette expression des boulangers du sud ouest. Je ne peux plus rien pour toi mon pauvre Matt. Bon Ren et Pix c'est pas le jour de la grasse matinée alors sortez de là !
Ren grogna, à moitié endormi. Il voulait juste se reposer les yeux cinq minutes de plus, mais avec Matt et Derak dans la pièce il valait mieux espérer une tempête de neige au mois de septembre plutôt que de se rendormir. Ren faillit hurler et piquer une crise quand Matt se jeta sur lui comme au catch en criant « debout ».
- Les filles vont nous attendre ! argumenta l'elfe, à moitié sur Ren. Puis on va se mettre en retard pour le cours de huit heures !
Le brun le dégagea et le poussa au sol en soufflant d'exaspération.
- Ça va je me lève ! T'es content ?
- Bravo Mattéo ! applaudit Derak, sarcastique. Maintenant on est mort pour la journée ! Tu sais que Ren est grognon pendant quarante huit heures quand il se lève du pied gauche.
- N'en rajoute pas toi. Rend-toi utile et réveille Pix.
En entendant son nom, le concerné se crispa dans son lit et s'enfonça un peu plus au creux de ses draps. Il les rabattit carrément sur sa tête en bégayant de le laisser tranquille, qu'il était fatigué et qu'il voulait dormir encore cinq minutes. Derak attrapa le drap et tira dessus en ordonnant à Pix de sortir de sa tanière. Le plus grand poussa un cri strident à la manière des enfants, se roulant en boule au fond de son lit.
- J'ai pas envie d'aller en sport, ça va être nul, je suis nul, et je veux pas !
- Oh allez, quatre heures avec Vautour c'est pas la mort ! relativisa Derak. Tu fais ce qu'elle dit et puis c'est tout !
- Surtout que c'est la première séance donc on fera pas grand-chose, continua Matt. Normalement...
- Bon les mecs vous m'avez saoulé pour sortir du lit maintenant vous vous magnez ! pesta Ren. J'ai la dalle à cause de vous maintenant !
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