Chapitre 39 : La fin d'un cauchemar éveillé


C'était toujours étrange quand le calme revenait après la tempête. Ce moment où plus rien ne semblait bouger réellement ou émettre de son... Le soleil avait fini par se montrer après d'interminables heures d'obscurité. Ses rayons avaient chassé les Ombres comme espéré et éclairaient maintenant le Havre. Le vent du large avait emporté la pluie et le ciel était devenu bleu-gris, terne et moucheté de nuages.

Assis contre un des mâts de l'Ecarlate, Ren n'arrivait pas à se convaincre que cette nuit de cauchemar était enfin terminée. Sa peau était pleine de sang, d'encre et de sel apportés par le large. Tout avait séché dès lors que l'orage avait cessé. A côté de lui, Stone était étrangement calme et ne pipait mot. Il ouvrait et refermait machinalement le barillet de son pistolet depuis quelques temps, vérifiant si l'unique balle était toujours à l'intérieur.

Une couverture sur les genoux, Charlie grelottait à la fois de froid et de terreur, blottie contre Scorpio qui lui avait entouré les épaules avec ses bras. Lui aussi fixait dans le vide d'un air lointain. Epuisé, Luka était accoudé au bastingage et regardait la mer défiler sous la coque de l'Ecarlate qui prenait enfin la direction du port. Les rares survivants de l'équipage s'activaient pour mettre un peu d'ordre sur le pont. Des corps jonchaient ça et là sur le plancher, sous des draps tachés. A la barre Talia dirigeait son bateau, le regard voilé par l'épuisement et le chagrin. Elle semblait être une coquille vide...

Aucun mot ne sortit d'aucune bouche tandis que l'Ecarlate glissait le long d'un ponton pour s'y amarrer. Deux femmes et trois hommes de l'équipage se chargèrent d'amarrer le bâtiment avec d'épaisses cordes, puis on déploya la passerelle pour mettre pied à terre. Ren laissa son corps descendre sur le port et découvrit alors l'étendu des dégâts de la nuit.

Des bâtiments avaient brûlé et des foyers en train de mourir crachaient un peu de fumée et de cendre dans le ciel. Le sol était couvert de tâches de sang séché par endroit, encore frais par d'autres. Des gens tous plus esseulés les uns que les autres empilaient des cadavres sous des draps, ne sachant sûrement pas ce qu'ils allaient en faire. D'autres personnes balayaient distraitement les éclats de verre et de bois devant leurs boutiques, dont les fenêtres avaient été comblées par des planches. Tout était à reconstruire.

L'attaque massive des Ombres sur toute la ville du Havre avait été un massacre... Tout avait été détruit et des centaines de vie avaient quitté ce monde... Ren peinait toujours à réaliser qu'ils s'en étaient presque tous sorti. Qu'ils étaient vivants et que c'était terminé. Mais pour combien de temps ? Combien de temps avaient-ils avant la prochaine attaque de cette ampleur ?

Était-ce donc ça l'avenir qui les attendaient tous ? Un bain de sang quotidien ? Une vie où chaque journée devenait une lutte pour échapper à la mort ?

Ren rejoignit les autres qui s'étaient installés sur les marches en bois du ponton. Ce dernier était brisé par endroit et des planches flottaient maintenant à l'eau. Il s'assit à côté de Stone et se massa les tempes en soufflant longuement.

— Comment on peut encore être en vie ? balbutia Charlie. Je me souviens de toutes ces Ombres, partout, comment on a pu leur échapper jusqu'au matin ??

Elle réprima un sanglot et plaqua ses mains sur sa bouche. Scorpio lui posa une main sur l'épaule pour la réconforter. Il se coinça ensuite une cigarette entre les lèvres et l'alluma à l'aide d'un briquet en argent. Il tira longuement sur la cigarette et souffla un filet de fumée dans l'air.

— L'instinct de survie permet parfois des miracles, répondit-il. Les humains sont capables de véritables exploits lorsque leur vie est menacée...

Au bout du ponton, la capitaine Talia s'entretenait avec la quinzaine de matelots qui lui restait dans l'équipage. Elle semblait dénuée de toute émotion et parlait d'une voix monocorde. Elle eut l'air de donner plusieurs consignes à son équipage, puis ses matelots rejoignirent le pont de l'Ecarlate.

Talia se passa une main sur la figure et se rapprocha du groupe. Elle s'assit en bas des marches de l'escalier montant au port, retira son chapeau à plumes et le posa sur ses genoux. Ren ne voyait pas son visage, mais il devinait bien que la capitaine regardait au fond d'elle-même, repensant au drame qui les avait frappé cette nuit là.

Scorpio se décolla du tonneau contre lequel il était adossé et descendit la rejoindre. Il lui tendit son étuis à cigarette. Talia en piocha une, l'alluma à l'aide d'une flamme au bout du pouce et la coinça entre ses lèvres. Elle garda le silence. Du haut de l'escalier, les autres l'observaient, sans savoir s'il fallait descendre pour aller la réconforter ou aller présenter ses condoléances pour la mort de son fils Raphaël... Nul doute que personne ne savait faire face à une telle tragédie dans ce monde...

— Quand je revenais de traversée après plusieurs semaines... commença Talia d'une voix atone, il était toujours là... À m'attendre. Peu importe le quai auquel j'accostais, il était toujours sur le ponton pour m'accueillir et se jeter dans mes bras dès que je posais pied à terre...

Scorpio ne dit rien et la laissa parler. On pouvait lui faire confiance dans ce genre de situation. Talia poursuivit, avec un air presque détaché comme si elle n'avait pas encore pleinement pris conscience des récents événements.

— Jusqu'à ce que je l'emmène avec moi, il n'a jamais raté un de mes retours... C'était toujours le meilleur moment de mes voyages : celui où je rentrais pour serrer mon petit garçon dans mes bras...

Sa voix avait tremblé en mentionnant son « petit garçon »... Elle tira longuement sur sa cigarette comme pour s'empêcher de craquer.

— Une fois il n'étais pas là... Ce jour là j'ai ressenti une peur violente et une angoisse indescriptible dans mes entrailles. Jamais je n'avais autant paniqué. Il n'était pas à la maison... Il s'était enfui parce qu'il s'était disputé avec son père et parce que mon voyage avait duré un certain temps... L'angoisse ne m'a quitté que lorsque je l'ai retrouvé le lendemain, devant chez moi... J'ai été tellement soulagée de le voir revenir, de le serrer dans mes bras, de voir son sourire... De pouvoir  l'embrasser...

Ça y était... Talia se brisait petit à petit et cette fois un sanglot échappa à sa volonté de fer et à son sang froid à toute épreuve. Une larme roula sur sa joue quand elle se tourna vers Scorpio.

— Il... Il ne reviendra plus jamais, c'est ça ? murmura-t-elle.

D'autres larmes roulèrent sur sa peau hâlée par la mer, laissant des traînées noires à cause de son maquillage. Ren ne pensait pas qu'il allait être autant peiné de voir Talia dans cet état. Il ne la connaissait que depuis deux jours... Pourtant la voir réaliser lentement la situation et perdre toute volonté alors qu'elle semblait si inébranlable lui pinçait le cœur. Scorpio posa un regard désolé sur la capitaine. Il s'accroupit à la hauteur de Talia et lui parla d'un ton calme et rassurant.

— Talia, croyez moi quand je vous dis que je comprends entièrement votre douleur. Je sais ce que ça fait de s'attacher à des personnes exceptionnelles, de les aimer de toute son âme et de les perdre d'un seul coup. Vous ne devriez pas vivre ce que vous vivez en ce moment. Une mère ne devrait pas perdre son fils ainsi. Alors vous avez le droit de pleurer Talia. Prenez le temps de pleurer...

Talia inspira longuement pour se calmer puis posa son front dans sa main en laissant ses larmes couler en silence. Scorpio lui posa une main sur l'épaule.

— Laissez vous du temps Talia...

Il n'ajouta rien de plus, se redressa et rejoignit les autres en haut de l'escalier. Charlie était en larmes, émue face à la douleur de la capitaine. Elle renifla et essuya son nez dans sa manche de chemise.

— Par les Douze c'est affreux ce qui lui arrive... Ça ne devrait pas lui arriver ! On vit tous cent ans, on sait très bien quand on va quitter ce monde. Alors pourquoi ? Pourquoi Raphaël a dû mourir aujourd'hui et aussi jeune ?

— Moins fort Charlie, souffla Scorpio.

— Il avait encore des dizaines d'années à vivre... Tous ces gens avaient encore la vie complète devant eux, continua la jeune femme en indiquant les corps empilés dans des charrettes sur toute la promenade du port. Ils n'auraient jamais dû mourir cette nuit.

— Je sais, mais on n'y peut rien, dit Scorpio. Personne n'aurait pu prévoir cette attaque d'Ombre. Personne n'aurait pu prévoir qu'elles tuaient pour de vrai... Ce monde a oublié depuis le temps, mais c'était ça la vie avant. Des gens qui meurent tous les jours, de maladies, de blessures, d'accidents... C'était comme ça avant la Dislocation...

Scorpio se hissa sur un tonneau en bois et s'assit dessus. Il jeta un regard circulaire à la promenade du port, aux gens hagards, perdus, en larmes. Aux corps entassés par endroits...

— Ils vont savoir comment s'en occuper ? demanda Ren.

Si les rescapés se demandaient comment les gens pouvaient-ils être mort, la préoccupation de Ren était plutôt de savoir ce qu'ils allaient en faire ensuite, sachant que dans ce monde il n'avait vu aucun cimetière ou funérarium... Scorpio haussa une épaule.

— Ils trouveront tous seuls... Ils se souviendront rapidement comment on creuse des tombes...

Ren regarda Talia, en contrebas, complètement avachie sur elle-même et pleurant en silence. Une longue et difficile période de deuil s'annonçait pour elle. Ren avait vraiment de la peine pour elle. Scorpio descendit de son tonneau et décida de donner les consignes pour le reste de la journée.

— Je vais rester dans le coin pour voir ce que je peux faire pour son fils et pour les corps de l'équipage... Vous devriez rentrer à l'auberge pour souffler et vous reposer un peu. La nuit a été très éprouvante, une pause s'impose. On se retrouve vers seize heures...

Face au manque de réaction, Scorpio transforma sa proposition en ordre et Charlie lança le mouvement. Après tout le réincarné avait raison. Ils n'allaient pas rester éternellement à se regarder dans le blanc des yeux le temps que la journée passe. Charlie embrassa Scorpio avant de remonter sur le port. Ren et Stone lui emboîtèrent le pas, suivit de Luka. Scorpio leur agita la main tandis qu'ils s'éloignaient.

L'auberge avait bien morflé... Ce fut la première pensée de Ren quand ils arrivèrent devant le bâtiment à la façade en ruine. Toutes les fenêtres avaient explosé, des fissures couraient sur toutes les briques et les poutres menaçaient maintenant de s'effondrer à cause des trous dans la façade. A l'intérieur, les gérants balayaient les dégâts tandis que les clients s'en allaient les uns après les autres, valises sous les bras.

— Essayez d'aller dormir un peu, proposa Charlie une fois à l'étage. Scorpio a raison : la nuit a été cauchemardesque et interminable. Si on a tenu jusque là, c'est uniquement grâce à l'adrénaline.

Ren ne pouvait que lui donner raison. Maintenant que la menace semblait bien écartée, il sentait la fatigue des dernières vingt quatre heures le rattraper. La jeune femme rappela l'heure de rendez-vous dans l'après midi avant de laisser les garçons.

— Bordel, dormir ?? jura Stone. Comment on peut dormir après un truc pareil ?? Moi c'est à un coup à ce que je ferme plus JAMAIS l'œil !!

— T'avais raison Ren, balbutia Luka. Si je t'avais pas ralenti... Si on était revenu plus vite sur le bateau, peut-être que rien de tout cela...

— Hé, t'en veux pas d'accord ? C'est pas cinq minutes qui auraient changé grand-chose de toute façon.

Leurs adversaires avaient été beaucoup trop nombreux pour espérer une issue différente à leur affrontement. Face à toutes ces Ombres il devait y avoir des morts... Ils n'auraient jamais pu tous s'en sortir indemne... Mais l'équipage... Raphaël... Est-ce qu'ils n'auraient pas pu faire quelque chose pour les sauver ? Ils étaient des Gardiens... Les quatre personnes de ce monde à la con à avoir des pouvoirs... avait dit Ren. Alors pourquoi ils n'avaient rien pu faire ?

— Faites ce que vous voulez, moi je vais me doucher un coup... maugréa Stone. Entre le sel, la pluie, le sang et l'encre poisseuse j'ai juste envie de me brûler moi-même.

Ren se laissa glisser sur le plancher et s'adossa au mur. Il refusait de se laisser abattre comme ça, par cette attaque d'Ombre. Parce que si c'était ça leur avenir, il ne pourra pas se laisser mourir de désespoir à chaque fois. Si il se laissait atteindre par  cette « simple » attaque, il ne pourra jamais faire face à Obsidian un jour. Or il était un Gardien... C'était son destin d'affronter ce Dieu... Il ne devait pas échouer. Alors il ne devait pas se laisser abattre ainsi...

Pourtant il sentait au fond de lui qu'il était beaucoup plus affecté que ce qu'il voulait par cette attaque...

— C'est donc ça notre futur ? demanda Luka.

Il se grignotait l'ongle du pouce, assis au pied de son lit, les genoux remontés contre lui.

— Des tueries de masse ? Des agressions d'Ombres ? Des horribles créatures des ténèbres qui viennent juste voler ta vie ?

Ren lui hocha la tête pour confirmer.

— C'est pour éviter cet avenir là qu'on doit trouver les autres Gardiens...

Et après ? Encore et toujours cette même question... Une fois réunis qu'est-ce qu'ils allaient faire ? Non chaque chose en son temps, il songea à l'après quand il aura retrouvé tout le monde... Cependant, rien ne garantissait de trouver les derniers Gardiens... Ils avaient déjà retrouvé un grand nombre de leurs compagnons de destin. Ils n'avaient jamais été aussi nombreux à être réunis mais peut-être que ça n'ira pas plus loin... Peut-être qu'ils finiront tous leur vie sans trouver de Gardien supplémentaire et la génération suivante repartira à zéro...

Ren devait arrêter de se poser de telles questions... Si ils avaient réussi à se réunir malgré la barrière entre les mondes, s'ils étaient arrivés au nombre de huit Gardiens sur douze ce n'était pas par hasard. C'était le destin.

Après une douche rapide, Ren s'écroula sur son lit et n'eut aucun mal à s'endormir tant il était éreinté. Le sommeil ne fut pas tellement réparateur... Au réveil il eut l'impression de n'avoir dormi que d'un œil, comme s'il était encore en alerte. Comme s'il avait craint que de nouvelles Ombres attaquent. Il partit réveiller les deux autres qui étaient aussi tombés comme des masses. Même si Stone avait juré de ne pas fermer l'œil, Ren dut bien le secouer pour le sortir du pays des songes. Il fut même étonné de voir son alter ego juste se lever tranquillement, sans se jeter à sa gorge avec un couteau comme c'était la coutume pour lui...

— C'est déjà l'heure ? marmonna Luka quand Ren lui tapota l'épaule pour le réveiller.

Il restait un quart d'heure avant le rendez-vous avec Scorpio. Avec la sieste collective, la journée avait filé en un éclair. Ren se demanda ce qu'ils allaient faire ensuite... Charlie et Scorpio avaient parlé de rentrer à Occlasia. Ce qui signerait bientôt la fin du voyage pour Ren ainsi que son retour au bercail. Ses amis, l'école, son monde... Il retrouverait tout cela bientôt...

Les trois garçons sortirent dans le couloir et Ren frappa à la porte de la chambre de Charlie, mais elle ne répondit pas. Il frappa encore et la voix ensommeillée de la jeune femme lui répondit enfin.

— Ouh merdouille j'avais pas vu l'heure. J'arrive tout de suite !!

Elle sortit en trombe de la pièce quelques instants plus tard en rentrant sa chemise dans son pantalon à peine boutonné. Ses cheveux détachés étaient tout ébouriffés. Elle s'excusa en disant qu'elle s'était endormie comme une souche. Elle ramena une mèche de cheveux blond derrière son oreille.

— Allons rejoindre Scorpio il va nous attendre, déclara-t-elle.

— Attend Charlie, ton cache œil, rappela Ren en voyant son visage complètement découvert.

Mais la blonde balaya la remarque avec un geste agacé.

— Scorpio a deux yeux en topaze, Luka un œil en améthyste et Talia un un rubis. Les gens se posent déjà sûrement des questions sur eux, alors une personne de plus avec un œil en cristal ça fera pas grand-chose de plus. De toutes manières les gens ont oublié qui étaient les Douze ici. Ils se diront sûrement qu'on a des yeux bizarres, sans plus. Ça ne sert plus à rien de cacher mon œil de saphir.

Sur ce ils quittèrent l'auberge et prirent la direction des quais. Les débris de bâtiment avaient été balayés et les rues vidées des dizaines de cadavres qui y jonchaient encore le matin même. Quelques personnes nettoyaient encore les tâches sombres sur les pavés de la marina, sûrement du sang ou de l'encre impossible de savoir...

Sur le ponton auquel l'Ecarlate était amarré, Scorpio était assis sur un tonneau, en train de fumer une cigarette. Il souffla un long nuage de fumée vers le ciel lorsque le groupe le rejoignit. Talia était assise dans les quelques marches qui descendaient au ponton. Elle aussi se grillait une cigarette, tout de noire vêtue : pantalon, bottes et chemise. Seule la plume rouge de son chapeau donnait un peu de couleur à sa tenue.

— Re, lança Scorpio.

Charlie se hissa sur la pointe des pieds pour lui laisser un bisous rapide sur les lèvres en guise de bonjour.

— Alors ? demanda-t-elle en regardant Talia discrètement.

Son visage était vidé de toute émotion mais ses yeux encore rouges trahissaient sa tristesse et le fait qu'elle ait pleuré. Scorpio écrasa son mégot sous sa botte.

— J'ai improvisé une petite cérémonie pour dire au revoir à son équipage et à son fils... On les a enterré dans un coin tranquille en dehors de la ville. Ça a pris toute la matinée et l'après midi. Et d'ici quelques jours ils auront tous des pierres tombales...

Ren pensa que ça devait être compliqué pour Scorpio d'être le seul par ici à savoir gérer des décès, surtout dans ce monde où la faucheuse avait déserté.

— Et Talia ? demanda doucement Charlie.

— On vient de tuer et d'enterrer son fils en moins de vingt-quatre heures... Ça fait beaucoup trop pour une personne... Elle risque de mettre un peu de temps...

Charlie pinça les lèvres d'un air peiné en regardant la capitaine, avachie sur ses marches d'escalier. La blonde descendit la rejoindre et s'assit à côté d'elle. Ren n'entendit pas ce qu'elle lui chuchota mais il entendit la capitaine la remercier. Talia se releva et ses genoux craquèrent, sûrement qu'elle était restée assise pendant un certain temps. Elle se tourna vers Ren, Stone et Luka, alignés en haut du ponton.

— Euh... Je suis vraiment désolé Talia, s'excusa le rouquin. Je ne sais vraiment pas quoi vous dire...

Ren se décida à enchaîner après un moment de flottement.

— Dans mon monde, quand ce genre de drame arrive on présente des condoléances... dit-il. C'est euh... Une manière de partager la douleur et le deuil avec une personne. Alors... Mes condoléances.

Il se doutait bien qu'ici ça ne voulait pas dire grand-chose, mais il sentait que c'était important de le dire. Talia lui sourit.

— Merci mon garçon, dit Talia. Merci d'être là, vous tous.

— Qu'est-ce que vous allez faire maintenant ? s'enquit Charlie.

— Je vais me laisser quelques jours, le temps de réaliser ce qui m'arrive et de recruter un nouvel équipage. Quinze personnes pour manœuvrer l'Ecarlate c'est trop peu... Puis je vais devoir reprendre la mer... Et vous ?

— On pensait rentrer au plus tôt mais on peut rester quelques jours avec vous, proposa Charlie.

— De toutes manières il n'y a aucun train en ce moment, coupa Scorpio. La gare a été en partie détruite.

— Rah j'ai tellement envie de rentrer à la maison, grogna Stone en shootant dans un débris de bois sur le ponton.

Ren haussa les épaules en songeant qu'il n'était plus à quelques jours près pour rentrer dans son monde. Charlie écarquilla soudain les yeux, comme si elle s'était rappelée de quelque chose après l'évocation de leur ville d'origine.

— Au fait Luka ! On avait une proposition à te faire, Scorpio et moi.

Le rouquin arqua un sourcil, intrigué.

— Ah c'est vrai, se souvint Scorpio. Tu nous avais dit qu'absolument rien ne te retenait ici. T'es à la rue, tu voles pour vivre, c'est pas vraiment une vie pour un garçon aussi jeune. Donc, on voulait de proposer de nous accompagner à Occlasia.

— Hein ? croassa Luka.

— On veut t'aider à démarrer une nouvelle vie ! piailla Charlie. Scorpio connaît très bien un cafetier qui aurait besoin d'un coup de main. Il t'embauchera c'est sûr ! Et quand tu auras assez d'argent tu pourrais même te prendre un appartement rien qu'à toi !

— Un travail, une situation stable, un chez toi et le tout offert sur un plateau d'argent, qu'en dis-tu mon garçon ?

L'air hébété, Luka fit sauter ses yeux sur l'un puis l'autre, sans y croire.

— Vous... Vous êtes sérieux ??

— Mais oui ! confirma Charlie. Tu verras, la vie à Occlasia est un peu agitée à cause des assassins...

— Surtout moi !!! cria Stone, en manque d'attention.

— Mais on s'y fait très vite et la qualité de vie est très correcte.

— À toi de voir, dit Scorpio. Veux-tu abandonner ta vie de pickpocket à la rue au Havre et venir en démarrer une nouvelle à Occlasia ?

Les joues de Luka rosirent de plaisir et ses yeux se mirent à pétiller. Un sourire naquit sur son visage. Il se tourna vers Talia qui le lui rendit avec un mouvement de tête en guise d'approbation.

— Fonce, dit-elle.

Ren n'en revenait pas de la proposition faite par Charlie et Scorpio. Ces deux là étaient beaucoup trop adorables et altruistes. A la place de Luka il aurait accepté sans hésiter. Ce que le rouquin fit dans la seconde.

— Oui ! Bien sûr que oui ! Oh merci...

Il semblait ému de toute cette aide qu'on lui offrait. Charlie battit des mains, toute heureuse.

— Parfait ! Je vais pouvoir réserver cinq billets de train pour Occlasia et on décolle dès que la gare sera remise en service.

— C'est... C'est trop beau ce que vous me proposez, dit Luka. Merci inf...

Les yeux améthyste du roux se figèrent soudain sur quelque chose sur la promenade du port en ruine. Il se décomposa et blanchit d'un seul coup. Un couinement de panique s'échappa de sa gorge. Il fit immédiatement demi tour et descendit en trombe sur le ponton.

— Cachez moi !! couina-t-il en se mettant en boule derrière plusieurs tonneaux.

— Qu'est-ce qui t'arrive mon garçon ? demanda Talia en balayant la marina du regard.

Elle s'arrêta soudain et la veine à sa tempe se gonfla.

— Dites-moi que c'est une plaisanterie ?! gronda-t-elle en montant les marches du ponton d'un pas visiblement furieux. 

Ren vit enfin ce qui avait fait fuir Luka. Une grosse femme en robe victorienne était en train de se rapprocher, une sorte de liste dans les mains et deux secrétaires la suivaient comme son ombre. Après avoir feuilleté son registre, elle leva ses yeux couleur lavande et outrageusement maquillés et un sourire hypocrite étira ses lèvres.

— Talia ! s'exclama-t-elle.

— Qu'est-ce que tu veux ? attaqua la capitaine.

Son ton agressif annonçait tout de suite la couleur...

— Je venais prendre de tes nouvelles, continua la grosse femme d'une voix trop mielleuse pour être honnête. En tant qu'armatrice de ce port, il est normal que je vienne aux nouvelles des capitaines de mes bateaux.

Elle feuilleta sa liste et ouvrit une bouche ronde de surprise.

— Oh j'avais oublié ! L'Ecarlate ne fait pas partie de mes navires...

Cette bonne femme était donc l'armatrice... La mère de Luka donc, ce qui expliquait la fuite de ce dernier. Talia vit rouge.

— Si tu es venu dans le seul but de me proposer de racheter mon bateau la réponse est NON, bon sang !

— Enfin Talia, je souhaite juste t'aider. Vois ça comme le cadeau d'une vieille amie : je te fais une toute dernière proposition de rachat. Je pourrais ainsi assurer ton bateau et tout ton équipage en cas de vol ou de perte de marchandise, de réparation, de travaux de rénovation ou encore de blessure de tes hommes. Après les dégâts causés par la nuit, tu serais idiote de refuser, chère amie.

— Chère amie ? On n'a jamais été amies Maude, répliqua Talia d'un ton sec. On se connaît depuis le lycée, c'est tout. Tu étais déjà une vraie petite peste bourgeoise à l'époque et le mariage avec ton imbécile de mari t'as rendue imbuvable !

Ren ne la crut presque pas. Les deux femmes avaient donc toutes deux le même âge ? Malgré ses rides et sa peau agressée par la mer, Talia faisait beaucoup plus jeune. La façade mielleuse de l'armatrice « Maude » s'effondra et elle perdit son sourire pour prendre un visage sérieux et agacé. Ren la trouva encore repoussante avec cette tête là. Peut-être qu'elle avait été belle fut un temps, mais c'était une beauté désormais fanée, gâchée par les kilos, les années et les grimaces de ce genre à répétition...

— Tu vas avoir de grandes difficultés à reprendre ton activité avec quinze membres d'équipage. Je te propose de recruter plus facilement tes hommes et toi tu refuses ? Tu vas perdre encore des semaines avant de pouvoir repartir et le temps c'est de l'argent.

Le visage de Talia se tordit en une expression de colère pure et elle se planta face à l'armatrice. Visiblement elle haïssait plus que tout le couple d'armateurs.

— Je me fiche de perdre du temps !! J'ai perdu bien plus que cela cette nuit ! Mon équipage... MON FILS !!! Aucune de tes assurances ou de tes contrats ne pourra jamais racheter tout ça tu m'entends ?

— Oh tu m'en vois navrée, dit Maude qui était tout sauf navrée. Je comprends que cela puisse être dur pour toi...

— Arrête avec ta fausse empathie, tu ne comprends rien du tout ! tonna Talia en se retenant visiblement de bousculer l'armatrice. Tu ne pourras jamais te mettre à ma place parce que toi tu n'as jamais été une mère aimante !! Alors tu ne peux pas savoir le drame que je vis en ce moment !

— Une mère aimante ?

Ren se mordit la lèvre devant la gaffe. Avec ses propos, Talia allait mettre la puce à l'oreille de l'armatrice. Il jeta un coup d'œil discret à Luka, prostré derrière trois tonneaux, les deux mains plaquées sur la bouche et la respiration saccadée. C'était évident qu'il avait une trouille bleue de sa mère.

— Une mère tout court ! poursuivit Talia, folle de rage. Quand je sais ce que tu as osé faire à ton propre enfant, tu me dégoûtes Maude ! J'avais toutes les raisons du monde de vous détester, toi et ton mari qui nourrit désormais les poissons au fond du port. Mais depuis que j'ai appris ce que vous avez fait à votre fils, je crois bien que je vous hais encore plus.

— Comment est-ce que... dit Maude en fronçant ses sourcils.

— Alors maintenant je vais dire tout haut ce que j'ai toujours gardé pour moi par politesse  : toi et ton homme vous êtes un beau duo de connards !!

Ren entendit Stone pouffer à côté de lui tant c'était improbable que Talia puisse sortir ce genre d'insultes sous le nez de la personne concernée. Un peu plus loin sur le ponton, Charlie serra les poings d'un air victorieux en chuchotant un « bien envoyé », ravie. La capitaine avait raison de perdre son sang froid. Avec les récents événements c'était tout à fait légitime. Maude ouvrit sa bouche d'un air scandalisé mais Talia la coupa et lui ordonna d'un ton qui était sans appel :

—  Maintenant tu vas déguerpir immédiatement que je ne revois plus jamais ton visage de blobfish dans le coin.

— Une petite seconde Talia ! protesta Maude. Comment as-tu eu vent de ce que j'ai fait à mon... À Luka ??

L'armatrice scruta l'Ecarlate comment si elle commençait à soupçonner la présence de son fils sur le bateau mais seuls les quelques matelots de l'équipage étaient présents sur le pont. Ils regardaient tous l'armatrice d'un œil noir, partageant la même aversion envers cette femme que leur capitaine. L'armatrice s'engagea sur le ponton d'un pas furieux en soulevant ses lourdes jupes.

— Il est ici c'est ça ?? tempêta-t-elle. Tu as engagée ce dépravé dans ton équipage et il est venu pleurer auprès de toi !? Et toi tu le crois et tu prends pitié de lui ! Aah pourquoi faut-il toujours que ce soit « maman méchante » ? Où est-il ??

— Tu as dix secondes pour quitter les lieux, prévint Talia sans se retourner.

— Sors de ta cachette Luka ! clama l'armatrice. Tu vas arrêter de faire l'enfant maintenant ! Tu n'en as donc pas assez de te cacher tout le temps ??

Ren hésita à s'interposer entre Maude Omorphia et Luka, toujours caché et immobile derrière ses tonneaux car ce serait trahir sa cachette. Mais en même temps, la grosse femme s'en rapprochait dangereusement. Il chercha de l'aide auprès des autres mais trop tard...

— Ah tu es là ! cria Maude en apercevant la tignasse écarlate de Luka.

Ce dernier se figea et cessa de respirer.

— Donc tu te cachais dans l'équipage de Talia depuis le début ? Moi qui pensait que tu avais fugué à l'autre bout du pays, je suis déçue. Ma foi, j'ignore comment tu as pu te faire enrôler sur l'Ecarlate mais maintenant c'est terminé.

Luka ne pipa mot. Sa mère lui ordonna d'un ton bourru de se lever immédiatement. Ren crut halluciner en le voyant obéir tel un pantin... Il réalisa alors toute l'emprise que l'armatrice avait sur le rouquin. Sa mère s'avança un peu plus, furieuse.

— Tu vas rentrer à la maison ! Une fois là bas on pourra même retourner voir le prêtre pour qu'il puisse te soigner si tu veux ! Mais sache désormais que tu ne me feras plus jamais un coup pareil !

Elle leva la main dans l'intention de le frapper et Luka rentra la tête dans les épaules en serrant les dents, s'apprêtant à recevoir le coup. Ren vit Stone dégainer un couteau et s'élancer quand la voix forte de Charlie lança :

— Ça suffit !!

Elle s'interposa entre Maude et Luka et écarta les bras pour le protéger. L'armatrice arrêta son geste. Ren stoppa Stone dans son élan, laissant la jeune femme blonde régler la situation.

— Ça ne vous concerne pas ! lança l'armatrice.

— Oh que si ça me concerne parfaitement !! cria Charlie. Je vous interdis de lever la main sur Luka !! Vous n'avez pas le droit de le violenter comme ça !

— Je suis sa mère !

— Vous êtes complètement folle ! Une mère n'a pas le droit d'infliger un traitement pareil à son enfant !!

La jeune femme était en colère et ses yeux bleus évoquaient les fonds abyssaux prêts à engloutir toute forme de vie en surface. L'armatrice inspira par le nez et ses narines s'ouvrirent en grand.

— Il le mérite ! Vous ne savez donc pas ce qu'il a fait ?!

— Ce ne sont absolument pas des raisons !!

— Il a osé... !! Cette... !! Rah je me souviens encore de cette affreuse soirée où je l'ai attrapé en train de... Lui et ce cinglé d'apprenti majordome... !!!

L'armatrice était tellement en colère qu'elle en perdait ses mots et devenait de plus en plus rouge.

— Je savais déjà que quelque chose ne tournait pas rond dans sa petite tête mais ce soir là j'ai bien eu la preuve que cet enfant était vraiment un détraqué !!! Cette sale traî...

Charlie ne la laissa pas terminer la phrase et la gifla brusquement. La claque sonore aurait presque fait taire la rumeur du port et les braillements des mouettes. Les deux secrétaires de l'armatrice eurent des exclamations choquées et tentèrent de s'avancer mais Scorpio leur barra la route.

— Désolé, mais ma femme s'explique avec votre patronne donc je vous prierai de ne pas les déranger.

L'armatrice reprenait à peine ses esprits, une main sur la joue, l'air plus qu'outrée. Bien fait, songea Ren qui s'autorisa un rictus sadique. Dans le dos de Charlie, Luka avait posé une main sur sa bouche, visiblement choqué que quelqu'un ait le cran de gifler sa mère...

— Comment osez-vous ??? cria l'armatrice.

Charlie explosa alors :

— Vous n'avez pas le droit de dire ça !! Vous n'avez pas le droit de traiter Luka comme vous le faites !!! C'est un être humain avec des sentiments !! Un garçon adorable qui mérite d'être protégé et aimé, et vous n'avez pas le droit de vous comporter comme la pire des ordures avec lui !!

— Vous ne savez pas les risques que vous encourez mademoiselle !

Charlie écarta les bras pour montrer qu'elle ne bougera pas malgré les menaces et qu'elle protègera Luka aussi longtemps qu'elle se tiendra sur ses jambes.

— Je donne ma parole qu'à compter de ce jour, je défendrai Luka corps et âme !! jura-t-elle d'une voix forte et pleine de ferveur.

Derrière elle, Luka avait ouvert des yeux en soucoupe, ne croyant pas ce qu'elle était en train de faire. L'armatrice explosa alors, rouge comme une brique.

— Vous n'êtes qu'une pauvre idiote vous aussi !! hurla-t-elle en approchant son visage de celui de Charlie. Comment pouvez vous dire des bêtises pareilles ? Protéger ce... ÇA !!  Mais il ne le mérite pas enfin !! Tout ce qu'il mérite ce sont des baffes pour lui remettre ses idées souillées en place !!!

— Neuf, huit,...

— Après tout ce que j'ai fait pour l'aider, cette saleté n'a pas eu une once de remerciement pour moi !! Et il a osé me provoquer ce soir là en... Rah rien que d'y penser j'en ai tellement honte !!

— Qu'est-ce que vous comptez Talia ? demanda Scorpio.

— Deux, un...

Un coup de feu retentit alors et résonna sur tout le port. La voix de l'armatrice se tut et Charlie se reçut une giclée de sang sur le visage. Elle recula pour laisser la grosse femme tomber sur le ponton en bois, morte d'une balle dans le crâne. Talia avait attendu que Charlie mette les points sur les i devant l'amatrice et avait finalement mis sa menace à exécution. Après un décompte de dix, elle avait tiré sur l'armatrice. Les deux secrétaires eurent l'air choqué mais battirent instantanément en retraite quand Talia leur ordonna de filer.

— Allez CHEH la grosse !! brailla Stone.

Le corps de l'armatrice se changea en cendres et se dispersa avec le vent. Ses âmes volèrent vers Talia pour rejoindre sa pierre de récolteur à sa ceinture. Elle souffla sur la fumée de son pistolet décoré de roses en métal et le rangea dans son étuis à sa cuisse.

— Pfiou, une bonne chose de faite, commenta Scorpio.

Il se rapprocha de Charlie en sortant un mouchoir en tissu de sa poche et lui nettoya le visage.

— T'as été géniale, félicita-t-il, plein de fierté, en lui essuyant les dernières gouttes de sang sur la joue.

Charlie lui sourit et pivota vers Luka qui tremblait encore de tous ses membres, une main plaquée sur la bouche comme s'il s'obligeait à ne pas pleurer. Malgré cela des larmes roulèrent sur ses joues.

— P...Pourquoi ?? Pourquoi vous faites tout ça pour moi ? Je...

Charlie l'attrapa dans ses bras alors qu'il fondait en larmes. Luka la serra très fort, comme s'il craignait qu'elle se dégage à tout moment. Agrippé à elle comme une bouée de sauvetage dans l'océan tumultueux de sa vie, il éclata en sanglots, le visage enfoui sur son épaule. Charlie le berça en lui caressant la tête.

— A partir de maintenant, je te jure qu'il ne t'arrivera plus rien Luka. Je serai toujours là pour veiller sur toi, d'accord ?

Quand il la regardait, Ren voyait vraiment en Charlie une sorte de petite maman ou de grande sœur, prête à raser des montagnes pour sa famille d'adoption qu'était les Gardiens. Tandis qu'il s'étranglait avec ses sanglots, Luka réussit à balbutier une dizaine de merci à la jeune femme. Son comportement avait été exemplaire.

— Joli tir Talia, lança Ren.

— Que veux tu, fit la capitaine en haussant des épaules. Je ne suis pas la reine de la gâchette pour rien...

L'expression que son fils utilisait lui arracha un sourire peiné et triste. Elle toussota pour se reprendre.

— Vous feriez mieux de partir, dit-elle. Cette hystérique est bien capable de revenir immédiatement pour se venger. Je tiens à être la seule à supporter cette mauvaise femme.

— Cette dame est complètement folle. Je n'arrive pas à croire que de telles personnes existent, souffla Scorpio.

— Oh elle en est la preuve, enchaîna Talia. En chair, en os et en gras.

— Merci infiniment Talia pour ce que vous avez fait, dit Scorpio.

— Oh allez, c'est normal, répondit Talia, modeste. C'est Charlie qu'il faut remercier, c'est elle l'héroïne de cette histoire.

La blonde afficha un immense sourire, touchée par le compliment et les deux femmes s'échangèrent un regard presque complice. Talia la regarda encore quelques instants entrain de bercer Luka qui se calmait peu à peu. Puis la capitaine lança :

— Allez oust tout le monde, avant que cette folle ne revienne. Assez d'émotions pour la journée...

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top