Le groupe mit dix minutes pour rentrer à l'auberge et ils arrivèrent pile pendant le service du soir. La chaleur de l'établissement et l'odeur de nourriture emplissait tout le bâtiment. Le ventre de Ren gargouilla quand il vit passer un plateau de nourriture. Lui aussi était un peu déçu de manquer un dîner sur une sorte de vieux bateau digne d'un film de pirates mais les circonstances ne s'y prêtaient pas trop. Luka n'avait pas cessé de pleurer sur le trajet et là encore ses larmes coulaient en silence et il regardait dans le vide d'un air désincarné.

- On va s'installer et manger un bout et ensuite tout le monde ira au lit, dit Charlie.

Son œil de lynx repéra une table de libre et elle se jeta sur la banquette. Scorpio appela un serveur pour mettre cinq couverts.

- Mangez sans moi, j'ai pas faim... lâcha Luka du bout des lèvres.

- Tu es sûr ? demanda Charlie, soucieuse.

Le roux n'offrit pas plus de réponse et traina son corps à l'étage en serrant ses bras. Il disparut sur la coursive.

- Il me fait beaucoup de peine ce garçon, dit Charlie.

- T'as entendu comment ce connard d'armateur lui a parlé aussi ? demanda Ren en s'asseyant à côté d'elle.

- Mais comment un père peut dire ça à son propre fils ?? s'offusqua Charlie. Enfin ! Qui traite son propre enfant de... de traînée ??

- J'ai bien peur que le passé de notre Luka soit bien sombre, dit Scorpio. Je reconstitue peu à peu le puzzle avec le peu d'informations qu'on a et quelques suppositions et j'ai bien peur que...

- Que quoi ? demanda Stone.

Le serveur choisit son moment pour apporter les couverts et leur demander ce qu'ils voulaient. Scorpio mit fin à la conversation, passa commande, puis ils dévièrent sur la nouvelle Gardienne : Talia Scarlett. Cette capitaine de bateau avait une classe et une prestance incroyables. Ren n'oubliait pas le courage qu'elle avait eu sur le pont de son navire face à l'armateur.

- Elle a accepté très vite de nous rejoindre, remarqua Ren.

- Tant mieux pour nous, dit Scorpio. A vrai dire ça ne me surprend pas, si ça fait trente ans qu'elle est une Gardienne, elle a eut le temps de bien se préparer. Je connais Ruby, même si elle prend son temps elle explique toujours tout très bien à ses Gardiens. Talia devait sûrement être prête pour sa rencontre avec nous depuis des années.

- Dans tous les cas notre groupe du Deuxième monde est au complet, dit Charlie. Maintenant la question est : que faire ?

- Il nous manque un Gardien dans mon monde, informa Ren. D'après mes recherches ce serait les jumelles de la perle.

Finalement le fichu devoir de sa prof d'histoire géo sur les « Elus des Douze dans l'Histoire » lui avait servi.

- Donc ce serait non pas un, mais deux Gardiens qui nous manquent ? questionna Charlie. Il y aurait treize Gardiens ??

- Pas tout à fait, intervint Scorpio. Pearl et Nacre sont des jumelles, par conséquent leurs Gardiens ne peuvent être que des jumeaux, obligés de rester ensemble à moins de vouloir clamser prématurément. Pearl et Nacre ne doivent en aucun cas être séparées trop longtemps. Donc au final, cela équivaut à trouver un seul Gardien.

- Donc on chercherait des jumeaux ou des jumelles, dit Ren. Ça réduit le champ des recherches mais ça ne nous avance pas plus...

Il ignorait le nombre de jumeaux qu'il pouvait y avoir dans son monde, mais ça resterait un nombre très conséquent... Moins que huit milliards certes, mais quelques millions tout de même...

- On trouvera forcément une piste... dit Ren.

- Pour l'heure il nous reste ce diner à prendre avec la capitaine puis il sera l'heure de rentrer à Occlasia, dit Charlie.

- Quant à moi je repartirai dans mon monde une fois là bas, ajouta Ren. J'essayerai de faire avancer les recherches de mon côté.

Il pensa amèrement qu'il s'écoulera un mois entre le moment où il partira d'ici et celui où il remettra les pieds dans son monde. Pour lui ça filera en un seul instant, mais pour les autres cela durera des semaines. Cela restait tout de même très étrange cette perte de temps durant le voyage entre les mondes...

Les assiettes finirent par arriver et ils entamèrent le repas en discutant de tout et de rien. Stone parla notamment de raccompagner Ren dans le premier monde, histoire de garder son médaillon à voyager et ne pas le laisser disparaître avec le brun. Et aussi de sa hâte de retrouver Occlasia et son activité d'assassin. Charlie évoqua ses collègues au journal dans lequel elle bossait et Scorpio parla de son bistrot préféré dans lequel il espérait déguster un bon verre au plus tôt.

Ils terminèrent de manger puis montèrent à l'étage au niveau des chambres.

- Bonne nuit les garçons, lança Charlie en ouvrant la porte. Ah et pour Luka...

- Soit vous lui fichez la paix et vous le laissez ruminer dans son coin, proposa Scorpio, soit Ren essaie de lui parler...

- Moi ? répéta le brun. Mais pourquoi moi ?

Scorpio le pointa de l'index, puis indiqua Stone.

- Regarde : l'an dernier vous vous entretuiez. Aucun de vous ne pouvait blairer l'autre. Pourtant quand je vous observe aujourd'hui je vois des alliés. Des amis mêmes.

- Presque deux frangins, renchérit Charlie.

Ren jeta un regard presque dégoûté à Stone, qui le reluqua de la tête aux pieds avec le même air méprisant. Ren tira la langue, comme écœuré.

- Si t'as réussi à établir un dialogue avec ton ennemi et à devenir ami avec lui, je pense donc que ça sera largement faisable avec Luka, poursuivit Scorpio. Tu arriveras à lui parler. Et lui aussi te parlera.

- Non mais je suis un sociopathe moi, protesta Ren. Hormis mes amis, tout le monde me déteste et je déteste tout le monde !

- T'as bien réussi à te les faire tes amis pourtant, remarqua Charlie. Puis regarde nous : on s'entend très bien et on t'aime !

- Oui mais c'est juste que... C'est venu tout seul quoi, j'ai pas eu à me forcer !

- Dans ce cas ne force pas, dit Scorpio. Essaie juste papoter avec Luka pour lui remonter le morale. Ça viendra tout seul, t'inquiète. Je ne sais pas pourquoi mais y a un truc en toi... Ça me rappelle quelqu'un mais je ne sais pas qui... ajouta-t-il en se passant une main sur la barbe.

- Et moi je fais quoi ? quémanda Stone.

- Toi tu ne fais rien, dit Scorpio. Tu laisses Luka tranquille.

- Bref c'est comme tu le sens Ren, ajouta Charlie. Mais je suis certaine qu'il pourra se confier à toi. Bonne nuit les garçons. On se croisera peut-être à l'Horloge.

Sur ce, Scorpio et Charlie disparurent dans leur chambre et verrouillèrent la porte. Restés en plan dans le couloir, Ren se refit toute la conversation mentalement avec de pester tout seul, mort de honte.

- Non mais nous deux « des amis », vraiment !

- Des frangins qu'ils ont dit. En vrai ça me dérange pas moi, ricana Stone en lui filant un coup de coude.

- C'est ça...

Ren piocha la clé de la chambre dans la poche de son veston, se battit avec la serrure et ouvrit le battant avec un coup d'épaule puisque ce dernier faisait de la résistance. Ren jura en passant à deux doigts de la chute sur le parquet, ce qui ne manqua pas de faire rire Stone. Ce dernier alluma la lumière de la pièce, car cette dernière était plongée dans l'obscurité. Ren chercha Luka dans la piaule. Il le vit prostré dans un angle de mur, assis par terre et replié sur lui-même. Il pleurait toujours...

- Va te doucher toi, ordonna Ren à son alter-ego.

Stone avait au moins le mérite d'avoir compris les consignes de Scorpio. Il ne rechigna pas le moins du monde, ramassa sa chemise de nuit et son pantalon de pyjama et partit s'enfermer à la salle d'eau. Ren ferma le volet de la chambre pour gratter quelques minutes.

Qu'est-ce que Charlie et Scorpio attendaient de lui au fait ? De remonter le morale de Luka ? De devenir meilleur pote avec lui ? De plus ils lui attribuaient des qualités qu'il n'avait pas. A quel moment il savait parler aux gens et les écouter ? À quel moment les gens avaient envie de se confier à lui ? Il était tellement asocial et désagréable...

Mains dans les poches il se traina en direction du rouquin et se laissa asseoir contre un des lits de la pièce, suffisamment loin de Luka pour ne pas se faire jeter tout de suite. Ce dernier avait le nez et les joues rouges, le visage baigné de larmes et les cils humides et collés entre eux. Il avait posé son menton sur ses genoux et entouré ses jambes avec ses bras. Courbé ainsi, on pouvait voir qu'il n'était absolument pas bien dans sa peau...

Bon... Ren n'allait quand même pas tenter le « ça va »... Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir dire... ? Il fixa encore le roux en se disant qu'il sortirait la première chose que ses neurones balanceront à sa langue. En le voyant recroquevillé en train de pleurer, ça lui rappelait quelqu'un...

- Tu me fais penser à un ami, dit-il.

Qu'est-ce qu'il espérait en disant ça ..? Pourtant Luka lui marmonna une réponse. Sa voix était enrouée et cassée par le chagrin.

- Ah bon ?...

- Ouais, enchaîna Ren. Il s'appelle Pix. Il est super grand, adorable et...

Il se tut à temps avant de sortir un « pleurnichard », « sensible » ou « trop émotif »... Le genre de réponse à ne pas arranger les choses.

- Et très gentil... Un peu timide aussi...

Il songea que ça faisait une éternité qu'ils ne s'étaient pas fait une bonne partie de Smash Bros avec Pix... Derak et Matt jouaient comme des pieds mais Pix était un pro de la manette. Ren avait vraiment la sensation de batailler ferme pour gagner contre lui. Mais tout ça c'était il y a longtemps... Avant l'invasion des Ombres et des détraqués, avant que Styx ne débarque, avant le voyage dans les autres mondes l'année dernière.

- Ça fait un bail qu'on a pas fait de partie de jeu vidéo avec lui ou les autres...

- T'as beaucoup d'amis dans ton monde ? demanda Luka.

Il avait un peu relevé la tête, même s'il était toujours en boule adossé au mur.

- J'ai une bonne bande de pote oui... Y a mes colocataires de chambre à l'internat. Pix, Derak et Matt...

Qui commençaient déjà à lui manquer...

- Derak est super chiant parfois. On se bagarre assez souvent. C'est un vampire avec des cheveux qui contiennent plus de laque qu'autre chose. Il fait le fier mais au fond il est plus fragile qu'il en a l'air. Matt c'est un elfe. Il a des oreilles immenses, des lunettes aussi épaisses que des hublots et une grande gueule qui compense largement son mètre cinquante. C'est une pipelette mais il est super gentil.

Il se rendit compte qu'il enchaînait naturellement la conversation. Parler de ses amis était assez facile : ils se connaissaient par cœur.

- Et y a aussi les filles. Gabi que t'as déjà vu et qui est une Gardienne. Un peu sarcastique et blasée. Angèle, qui est super gentille et adorable. C'est un ange qui a perdu ses pouvoirs mais elle s'accroche à son rêve et ne ménage pas ses efforts. Nya qui est un vrai électron libre, super positive et joyeuse. Pourtant je m'entendais pas du tout avec elle avant, pour plein de raisons...

- Quel genre ?

- Bah... On a été dans la même classe au collège et à l'époque j'avais pas de pouvoirs. Ce qui dans mon monde est une raison suffisante pour être mis à l'écart et méprisé de tous. A cause de l'effet de groupe Nya m'a bien embêté et harcelé...

Il vit les mains de Luka serrer les manches de sa chemise, faisant plisser le tissu et blanchir ses phalanges. Son regard se perdit dans le vide et ses muscles se tétanisèrent. Ren avait visiblement mis le doigt sur autre chose...

- Bref, tout ça c'est de l'histoire ancienne et j'en suis bien content parce que Nya est une amie en or. Et enfin y Sarah. C'est ma meilleure amie de toujours... Forte, bagarreuse, pétillante. Têtue comme une mule aussi... Super belle... Puis quand elle sourit...

Ren renversa la tête en arrière contre le matelas en soupirant. Voilà qu'il divaguait...

- T'en as de la chance, dit Luka. Ils ont l'air super...

- Ouais... J'en ai de la chance, répéta Ren, un peu ailleurs. Je les aime comme les Gardiens et je les considère un peu comme ma deuxième famille. J'espère que toi aussi tu pourras nous considérer comme une famille. Faut juste te laisser un peu de temps...

- Une famille... répéta Luka. Et vous... vous voudriez vraiment de moi dans votre groupe ?

- Évidemment, répondit Ren. Tu fais déjà partie de la bande. Dis toi juste que les liens d'amitié se forgeront au cours du temps.

Il se donnait lui-même envie de se gifler, avec un discours pareil... Luka essuya ses larmes avec ses manches.

- Vous... vous savez pourtant rien de moi... dit-il. Rien de mon passé, rien des démons qui m'habitent... Vous êtes vraiment prêt à m'accepter... ? D'accorder votre amitié à une personne si... froide et... bizarre ?

Il avait eut l'air de s'être un peu repris, mais sa voix se brisa encore sur le mot « bizarre »... Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez lui à la fin ? Il se sentait si en marge que ça ?

- Hé, dans notre groupe tout le monde est bizarre de toutes façons... On a chacun nos qualités, nos défauts, nos démons et nos tares... Mais quelque part, je trouve que ça permet de nous entendre encore mieux...

Ren jeta un coup d'œil à Luka. Son visage était encore rouge et ses joues collés par ses larmes, mais au moins elles avaient séchées et il semblait beaucoup plus détendu. Il avait réussit à lui changer les idées. Mission accomplie visiblement... Ren n'en était pas peu fier.

En fichant un boucan monstrueux, Stone ouvrit la porte de la salle de bain à la volée avec le pied, en nouant son pantalon de pyjama en lin autour de la taille. Il sortit du nuage de vapeur de la pièce, les cheveux détrempés gouttant sur le parquet.

- Rien de tel qu'une douche bien brûlante pour décoller le sel et les saletés du port ! brailla-t-il.

- Bordel, enfile un truc sur le dos, pesta Ren. Tu vas chopper la rage.

- Je crève de chaud pauvre débile ! Deux minutes le temps d'aérer mes tablettes de chocolat !!

- Fondues oui, ronchonna Ren histoire de l'embêter.

Luka maugréa quelque chose d'incompréhensible en se cachant le visage derrière ses mains et ses genoux repliés. Stone lança que la place était libre, au cas où ce ne serait pas évident. Ren se leva et partit chercher ses affaires. Il se dirigea vers la salle de bain où Stone était repartit se brosser les dents, signe que la place n'était pas si libre que ça... Ren attrapa donc sa brosse à dents et y appliqua du dentifrice couleur verte. Sûrement un vieux truc à l'argile...

- Alors ? demanda Stone.

- Alors ça à l'air d'aller mieux... Je lui ai changé les idées et il pleure plus.

- T'as fait comment ?

- Pff ! J'ai déballé des trucs sans intérêt, j'ai raconté ma vie, j'ai parlé de mes amis, bref...

Il cracha son dentifrice. Un peu de sang y était mélangé, rougissant la mousse qui coulait vers le siphon. Sa gencive cuisait.

- Je pense qu'il est encore un peu secoué, mais c'est en train de se tasser, dit Ren.

- Dès demain ça ira encore mieux je sens ! lança Stone. On va manger un grand banquet de pirate ! Et tout le monde sait que la bouffe ça remonte le morale !

- T'as bien raison.

Il se rinça la bouche puis dégagea Stone pour pouvoir se doucher. Il étendit ensuite sa serviette de bain sur la ficelle qu'ils avaient accrochés dans un coin de la pièce pour en faire un étendoir de fortune. Stone avait déjà allumé la bougie et était déjà couché dans son tiroir quand Ren se glissa dans son lit.

- Cette nuit on va rencontrer Ruby, dit Ren en remontant sa couette. J'espère sincèrement qu'elle nous donnera des informations supplémentaires sur Obsidian.

- J'aimerais bien vous aider, mais j'ai pas mon miroir sur moi...

- Tu l'as trouvé où au fait ?

- C'est la seule chose que ma mère m'a laissé. Ce petit truc c'est un débris de l'ancien monde apparemment, que le destin a mis sur la route de ma mère. C'est comme une station radio. Ça raconte des histoires. L'histoire d'hommes et de femmes qu'on a injustement puni et enfermé dans l'Entre monde.

- Les Ombres ?

- Je pense...

Ces créatures étaient de plus en plus énigmatiques... Ren pensait qu'il s'agissait uniquement de monstres échappés d'une autre dimension et qui envahissaient leur monde pour pouvoir se repentir d'un peu de magie pour survivre... Ce seraient au final d'anciens humains... Punis, mais par qui ?

***

Le ciel du plan métaphysique d'Aguamarine était toujours d'un bleu aussi limpide que le lac aux alentours. Ren se trouvait en haut de l'une des falaises verdoyantes, qui créaient une sorte de gouffre au lieu du lac. C'était là que se jetaient des cascades d'eau furieuses, jusqu'au bassin qui menait à l'Horloge.

- Salut Ren.

Aguamarine était assise au bord d'une falaise, une jambe dans le vide. Elle regardait l'horizon, là où l'eau du lac et le bleu du ciel ne faisaient qu'un.

- Plus le temps passe, plus je suis sûre que cette fois on arrivera à tous se réunir. A croire que c'était écrit. Que le destin voulait que vous soyez la génération de Gardiens qui se tiendra face à Obsidian.

- On fera quoi quand on sera tous rassemblés ? demanda Ren.

Il s'assit à côté de sa déesse qui haussa les épaules.

- J'en sais trop rien...

- Ah vraiment ?

Il regretta le ton agacé qu'il avait employé.

- C'est quand même dingue ça. Notre mission en tant que Gardien, c'est de nous réunir et de rassembler les Douze. Mais au final on ne sait même pas ce qu'on va faire quand ça sera fait.

- On affrontera Obsidian j'imagine.

- Ça c'est évident, mais admettons que cette Talia ait été la dernière des Gardiens : qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

- Mais Talia n'est pas la dernière, il en manque quatre...

- J'ai dit : admettons, répéta Ren.

Il sentait qu'il s'énervait, sans savoir pourquoi.

- Alors ? Si Talia avait été la dernière, on fait quoi maintenant ?

- Et bien... On ferait une réunion stratégique pour décider de la marche à suivre puis on irait éliminer Obsidian une bonne fois pour toute. C'est notre mission.

- Et il est où ? Hein Agua ? On peut savoir où est notre ennemi ? C'est bien gentil de se préparer mais au final on ne sait même pas s'il est réellement en vie. Et si c'était le cas on ne sait pas où il peut se cacher.

- Il est toujours en vie ! répliqua Aguamarine.

Elle posa sa main au dessus de son cœur en pinçant les lèvres, l'air peiné.

- Je le sens là. Je sais qu'il est toujours là...

- Où ? insista Ren qui perdait patience.

- Je n'en sais rien ! avoua la déesse. Scellé quelque part ? Piégé dans l'Entre monde avec les Ombres ? Je ne sais pas... Je suis morte sans savoir ce qu'il a pu faire de nos âmes ou ce qu'il a pu devenir.

- Et quand on sera réuni, on saura ? Comme ça en claquant des doigts on va savoir où se trouve...

Ren se tut en remarquant que des silhouettes s'étaient rapprochées et les observaient en silence. Les prédécesseurs les avaient entourés pour les écouter... Tous fixaient Ren d'un air absent. Leurs yeux semblaient éteints... Des yeux de personnes mortes... Aguamarine fronça les sourcils et tenta d'accrocher le regard de Ren. Elle lui demanda sûrement de finir sa phrase, mais Ren ne l'entendit pas.

Tout ce qu'il pouvait entendre était le silence des fantômes....

- Bon sang Ren, qu'est-ce que tu regardes ? demanda Aguamarine en se retournant vers les prédécesseurs.

Elle chercha longuement autour d'elle avant de se retourner vers Ren. Elle vérifia une fois encore ce qu'il pouvait regarder.

- T'as vu quelque chose ou bien ? s'agaça-t-elle.

Ren atterrit brutalement et ses entrailles tombèrent au fond de son corps...

- Tu... tu ne les vois pas ? réalisa-t-il.

- Qui ça ??

- Mais...

Il pointa Claudine, la fille avec la tresse. Puis Jeanne d'Arc. Puis un autre. C'était évident... Ils étaient juste là.

- Ce sont mes prédécesseurs. Ils sont là et nous regardent...

- Ren...

Il détesta la manière dont elle avait dit ça. Un moyen de lui faire comprendre quelque chose. De le faire revenir sur Terre.

- Il n'y a personne Ren.

Si, ils étaient là. Il ne rêvait pas... Il pouvait presque entendre leurs murmures...

- Ils... ils ont encore quelque chose à me dire... Ils sont là.

- Tu me fais peur Ren.

Il détesta la manière dont elle le regardait. Elle avait pitié de lui... Elle s'inquiétait. Elle le prenait pour un fou. Ren se rendit compte que sa respiration avait changé, pour palier les battements chaotiques de son cœur. Le temps de cligner des yeux, les fantômes de ses prédécesseurs étaient partis... Il n'avait pas halluciné, il en était sûr... Mais pourquoi Aguamarine n'avait rien vu ?

Pourquoi elle ne voyait jamais rien ?

- On... va à l'Horloge... lâcha-t-il après un moment de flottement.

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