Chapitre 26: Résignation à l'Académie
Des gouttes de café finirent de tomber dans un mug arborant l'expression scientifique "E=mc2", avec une légende gribouillée en dessous : energy = milk * coffe2. La main blanche aux ongles vernis de bleu de Phyllis Oli attrapa la tasse encore fumante. La psychiatre s'installa à nouveau à son bureau et posa nonchalamment ses pieds dessus. Les stores de la pièce étaient relevés, donnant sur le ciel gris et morne de l'hiver.
— Sinon, comment se passe la cohabitation avec Styx ? demanda-t-elle à son patient.
Assis en face d'elle, Pix releva ses yeux vert d'eau. Casque autour du cou, il était en train de griffonner un texte sur une feuille, ressemblant à des paroles de chanson ou à un poème. Il haussa des épaules.
— Ça fait longtemps qu'il ne m'a pas fait de coup bas... Je crois que le dernier en date c'était au bal. Il avait tordu un poignet de détraqué...
— Tu t'es senti comment après ça ?
Pix haussa encore des épaules, comme si ça ne lui faisait ni chaud ni froid.
— Bizarrement je me suis dit que c'était bien fait pour lui... Pour une fois...
— Et depuis ?
— Depuis il a l'air de se tenir tranquille...
— Tu crois que je pourrais lui parler un jour ? demanda Phyllis.
Avec son stylo bic, Pix passa plusieurs fois sur une lettre majuscule de son poème, regard perdu dans le vide. Machinalement il remit son casque sur ses oreilles, ce que la psy perçut comme le message de la fin de la séance. Elle descendit les pieds de son bureau et arrêta un chronomètre, satisfaite. Plus le temps avançait et plus longtemps Pix restait sans son casque à musique sur les oreilles.
— On a encore bien bossé aujourd'hui. Je peux t'assurer que tu es beaucoup plus calme et détendu qu'avant. On se revoit quand tu veux pour un chocolat chaud.
Pix lui sourit timidement et laissa sa feuille avec son poème sur le bureau de Phyllis, comme le voulait la petite coutume pendant les séances. La psy récupéra la feuille et se leva pour raccompagner son patient. Mains dans les poches de sa blouse, ses cheveux bleus électriques relevés en queue de cheval vite fait, elle était vraiment décontractée et pas du tout stressante.
Elle ouvrit la porte de son petit cabinet en remerciant Pix pour sa venue. Le jeune homme la remercia aussi et sortit dans le couloir de l'infirmerie. Il fut étonné de voir que Derak n'était plus le seul à l'attendre. Gabi était aussi là, en train de discuter avec le vampire. Les deux pivotèrent leur tête avec une expression surprise en voyant Pix. Il se rendit compte qu'ils étaient aussi décomposés que des cadavres.
— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il, sentant que quelque chose n'allait pas.
Regard hésitant entre Derak et Gabi. Le vampire se gratta la nuque.
— Dis lui... marmonna-t-il d'une voix sourde.
— Pix... On a un problème... déglutit Gabi.
Ses cernes étaient encore plus creuses que d'habitude. Elle se lança avec un air grave :
— Ren a disparu dans le Troisième monde...
Pix la regarda sans y croire et cligna des yeux. Il abaissa son casque autour de son cou, pour être sûr d'avoir bien entendu.
— Comment ça Ren a disparu ? Dans le Troisième monde ?
— C'est allé très vite... Son alter ego a surgi de nulle part et l'a emporté avec lui, pour le ramener à Eileen.
Le souvenir de cette femme donna des aigreurs d'estomac à Pix, qui se transformèrent en remontée acide et en une furieuse envie de vomir... et de mordre. Il inspira doucement pour se calmer, car il sentait la présence de Styx juste sous sa peau, en train de gratter comme s'il était prisonnier d'un placard et qu'il réclamait à sortir...
— C'est horrible, dit Derak, qui venait aussi d'apprendre la nouvelle. Et on peut rien faire pour l'aider ?? On va le laisser dans cette tour infernale comme ça ??
Gabi secoua lentement la tête, raide. Derak se passa deux mains dans les cheveux pour les lisser et il fit les cents pas dans le couloir.
— Bordel... Il est tout seul avec Eileen Saurac dans la tour... Elle va le tuer c'est sûr ! Elle va chercher à l'étudier et l'ouvrir au scalpel !
Ses mains glissèrent le long de son visage. Pix porta une main à sa bouche pour se ronger un ongle et s'empêcher de se griffer... Quant à Gabi, elle garda ses réflexions pour elle... Eileen risquait de faire plus qu'ouvrir Ren au scalpel si elle découvrait que c'était un Gardien. Non, peut-être qu'elle le savait déjà. Sinon pourquoi avoir demandé à ce Stone de ne ramener que lui ?
— Et on peut rien faire ? demanda Pix en claquant ses dents sur son ongle. On ne peut pas l'aider ?
— Malheureusement non... La frontière entre les mondes nous en empêche, répondit Gabi.
— Enfin on peut forcément faire quelque chose ! protesta Derak. On va pas l'abandonner ! Il n'est pas question que je reste encore sans rien faire alors qu'un de mes amis est en danger dans cette tour de malheur ! Je veux pas que ça fasse encore comme l'an dernier avec Angèle ou toi Pix...
— Je suis navrée Derak, mais pour le coup là on ne peut rien faire... On a aucun moyen d'aller dans le Troisième monde ou même de rentrer en contact avec quelqu'un là bas... On ne peut pas l'aider... Il va devoir se débrouiller seul...
Derak baissa la tête, les canines plantées dans la lèvre. Pix grignota l'ongle de son autre pouce et préféra remettre son casque à musique, en constatant pour une fois que Styx n'avait pas tenté de prendre le contrôle. Il s'était juste agité, sans plus. Gabi soupira.
— Allez... On retourne à la salle commune...
Résigné, les trois adolescents se mirent en marche d'un pas lourd.
Dans le bureau de la psychiatre, Phyllis but en silence une gorgée de café, adossée contre le battant de porte fermé. Elle grimaça un peu. Sa boisson avait refroidi le temps d'écouter la conversation des jeunes...
***
Le réfectoire était étrangement calme ce soir. Cela était dû au fait que les élèves encore sains se faisaient de plus en plus rare... Mais aussi au fait que personne ne parlait à la table de la bande, supprimant l'habituelle bulle de bavardages autour d'eux. Aucun n'avait le cœur à lancer une conversation qui retomberait en moins de deux.
— Je peux avoir la carafe ? demanda Nya.
Mâchant mollement ses spaghettis, Gabi fit glisser le pichet en inox sur la table. Sarah le relaya et le fila à Nya. La démone porta son regard sur la chaise vide en face d'elle. Normalement il devrait y avoir Ren... La bande gardait toujours le même plan de table en règle générale. Et quand il en manquait ne serait-ce qu'un seul, cela se voyait tout de suite...
— Demain c'est lundi, tenta Matt. On avait des devoirs à faire ?
C'était vraiment la phrase par excellence à sortir quand on n'avait aucune idée de conversation.
— Pas que je sache, dit Angèle. Les professeurs ont ralenti le rythme dernièrement. A cause de l'épidémie de détraqués j'imagine.
— De toutes manières l'année scolaire est fichue, alors à quoi bon retourner en cours ? s'agaça Derak. Un de ces jours les profs vont nous renvoyer chez nous par manque d'effectif. J'imagine qu'on rentrera plus tôt à la maison cette année.
Tout en entortillant des pâtes autour de sa fourchette, Gabi songea amèrement qu'en cas de renvoi à domicile et fermeture de l'établissement, elle n'avait nulle part où aller... Ni elle, ni Emi n'avait de foyer où rentrer. Qu'est-ce qu'on allait faire d'elles ?
— Sérieusement les gars... Vous pensez vraiment à ça alors que Ren est on ne sait où dans le Troisième monde ? demanda Sarah d'une voix grondante.
— Faut bien qu'on pense à cette éventualité, dit Derak en piquant des pâtes. Il y a des détraqués et des Ombres de partout en ce moment. A ce rythme là, l'épidémie va se propager et ils n'auront pas d'autre choix que de nous renvoyer s'ils peuvent plus assurer les cours.
— On pense vraiment aux cours et à notre petite personne alors que Ren est... !
— Bon Sarah, tu vas pas recommencer ! pesta le vampire en laissa son bras retomber contre la table. C'est bon là, on a supporté tes jérémiades tout l'après-midi !
La démone jeta un regard noir au vampire. Ses pupilles étaient réduites à l'état de fentes.
— Je vais remplir la carafe, lança Nya, sentant que c'était encore le bon moment pour s'éclipser.
Elle attrapa le pichet, pivota sur sa chaise de cantine et se leva pour aller prestement à la fontaine.
— Je rêve... grinça Sarah. Mes jérémiades ? Mais pauvre crétin, notre ami a disparu et toi tu penses qu'à rentrer chez toi ??
— Et tu veux qu'on fasse quoi ? enchaîna Derak. Prendre une trottinette pour se précipiter à son secours ? T'as pas compris qu'on peut pas l'aider ?
— Alors tu veux l'abandonner ??
— Me fais pas dire ce que j'ai pas dit, prévint le vampire. Évidemment que ça me rend malade de le savoir coincé là bas, dans cette tour infernale, mais qu'est-ce qu'on y peut ?
— T'es vraiment qu'un abruti de pessimiste !
— Mais pauvre gourde, je suis juste réaliste.
Sarah se dégagea de la table et recula sur sa chaise avant de se lever d'un air plus que menaçant.
— Ton « pauvre gourde » tu peux te le carrer là où je pense...
— Ah non t'y met pas ! soupira Derak avec un roulement d'yeux et de tête exaspéré..
— Reste calme Sarah, couina Angèle.
— C'est dingue ça ! Quand Ren est pas là c'est toi qui prend le relais ! poursuivit Derak.
— Je prend le relais ?? gronda Sarah.
— Évidemment ! Tu t'irrites pour rien, tu démarres au quart de tour et tu cherches la bagarre !
Sarah se mit à contourner la table pour aller lui faire avaler ses spaghettis pas les narines, fulminante de rage à cause des balles perdues qu'elle prenait depuis tout à l'heure. Faisant déjà moins le fier Derak recula sur sa chaise. Une force invisible stoppa net la démone et la fit décoller à dix centimètres du sol. Les membres bloqués, Sarah se retint d'hurler en public et fusilla Pix du regard.
— Repose moi tout de suite ! exigea-t-elle.
Tête rentrée dans les épaules Pix baissa les yeux en s'excusant.
— S'il te plait Sarah, ne t'énerves pas... On n'a vraiment pas besoin de se disputer et de se fâcher en ce moment...
— Pix a raison... approuva Angèle.
Sarah tira sur ses bras pour se libérer mais c'était peine perdue.
— Bon d'accord, chuis désolé de me montrer aussi direct ! concéda Derak. Mais à moment donné faut pas chercher midi à quatorze heures. On ne peut pas aider Ren pour le moment et c'est comme ça...
— Mais... gémit Sarah.
Son sang froid lui échappait de plus en plus et sa voix se mettait à dérailler de façon incontrôlable. Prudemment, Pix reposa Sarah à terre. Son coup de colère avait l'air d'être passé et Derak ne risquait plus de se faire cramer ou étrangler sur place.
— Derak a raison, dit Pix. Si Ren est vraiment parti dans le Troisième monde, comme nous l'an dernier, ça veut dire qu'on ne peut rien faire pour l'aider.
— Nous-mêmes on n'arrivait pas à s'aider les uns les autres alors qu'on était dans la même dimension, ajouta Gabi. Alors c'est pas la peine d'espérer l'aider depuis un autre monde.
— On va être obligé d'attendre, dit Angèle. On n'a pas d'autre choix en fait. Ren va devoir s'en sortir tout seul...
— Vous...
Sarah pinça les lèvres en fixant le bout de ses docks noires. Elle serra les poings et laissa sortir toute sa frustration en criant :
— Vous êtes vraiment qu'une bande de lâche !!
Elle fit demi tour pour attraper sa veste noire sur le dossier de sa chaise, la renfila, attrapa son plateau de cantine et s'éloigna en vitesse de la table en se retenant de pleurer. Elle manqua de bousculer Nya qui revenait avec le pichet d'eau. L'américaine ouvrit des yeux ronds.
— Mais tu vas où ?
— J'ai plus faim... dit la démone.
Elle vida les déchets de son repas au niveau des poubelles du self, puis jeta son plateau sur les étagères communicantes avec la plonge. Elle remonta la fermeture éclaire de son blouson d'aviateur sombre, rabattit la capuche de son sweat sur la tête et sortit dans le froid de la nuit. Elle s'arrêta après quelques pas dans le parc de l'école.
Puis sans comprendre pourquoi, des larmes perlèrent à ses cils et se mirent à couler sur ses joues. Elle se les essuya en vitesse avec un revers de manche, mais chaque larme chassée en amenait une dizaine d'autre. Un sanglot lui échappa. Pourquoi... Pourquoi tout son sang-froid l'avait abandonné ? Pourquoi elle n'avait plus aucune volonté pour se maîtriser ?
Et cerise sur le gâteau elle se montrait désagréable et méchante envers ses amis... Pourtant ce n'était pas de leur faute si Ren avait disparu... Ils étaient juste réalistes à propos de la situation et la démone ne voulait pas l'entendre de cette oreille.
La porte de la cantine s'ouvrît dans son dos, amenant le temps de quelques secondes la rumeur des élèves et des couverts, l'odeur de nourriture et le chauffage du self. Nya et Matt en sortirent et se placèrent de chaque côté de Sarah. Nya enfonça un bonnet côtelé sur sa tête et offrit à Sarah un petit sourire réconfortant.
— Ça va ? s'enquit Matt, les mains au chaud dans les poches de son blouson de ski.
Sarah renifla un peu trop bruyamment ce qui lui coulait dans le nez et essuya ses yeux.
— C'est peut-être un peu trop défaitiste à ton goût ce que racontent les autres, commença Nya. Mais tu sais qu'ils ont raison...
Mais elle ne voulait pas l'avouer.
— On peut rien faire, répéta Matt, les oreilles basses.
— Y a forcément quelque chose à faire... Si... Si on reste juste là à attendre, ça revient à le laisser tomber... Je veux pas l'abandonner...
Une larme coula encore de son œil. Nya posa une main réconfortante sur l'épaule de son amie.
— On le connait notre Ren, dit Nya. Il est super fort. Quoi qu'il puisse lui arriver, il s'en sortira.
— On peut lui faire confiance là-dessus, approuva Matt. Il s'en sortira.
— Je sais...
Puis sentant qu'elle allait craquer, Sarah abandonna le peu de fierté qui lui restait et se réfugia dans les bras de Nya qui lui tapota le dos.
— On comprend tout à fait ton inquiétude, dit-elle. Je pense ne pas me tromper en disant qu'on est tous mort de trouille en pensant à ce qui pourrait lui arriver...
— Mais quoi qu'il arrive Sarah, dis toi bien que Ren s'en sortira, confirma Matt. Il reviendra, j'en suis sûr. En attendant, armons nous de courage et de patience.
Sarah ferma les yeux pour aider ses larmes à les quitter, pour terminer leur vie sur ses joues puis au sol. Elle serra Nya contre elle, sentant que pour une fois elle avait besoin d'un câlin réconfortant. Puis elle se décolla de son amie en se frottant les paupières.
— Merci les gars... Vous avez raison... On peut juste attendre que Ren s'en sorte...
— Petit conseil : va t'excuser auprès des autres... dit Nya.
— Oui... Ils ont pas mérité de subir mon sale caractère... Ils sont juste réalistes...
L'autre quatuor de la bande avait justement terminé de manger et prenait le chemin de la sortie.
— Je suis désolée, attaqua directement Sarah à peine eurent-ils poussés la porte. J'ai été méchante avec vous.
— C'est pas grave, dit Derak. Je comprend ton état. Moi aussi ça m'énerve d'être aussi impuissant...
— Allons... dit Angèle avec douceur. On trouvera forcément une solution à moment donné.
— Mais pour l'instant il faut attendre, répéta Pix.
Formant un cercle entre eux, chacun regarda ses pieds le temps d'accepter la situation. Le nez enfoncé dans le col de son anorak, Gabi fixait un point dans le vide, le temps de réfléchir à un moyen de faire avancer les choses, à son échelle de Gardienne. Malgré la barrière des mondes, elle pouvait entrer en contact avec Ren via le plan métaphysique des Douze. Elle commençait à approuver son petit stratagème quand elle réalisa soudain une chose et pas des moindres.
— Dites les gars...
Elle allait plomber l'ambiance qui peinait à remonter en posant cette question. Mais elle ne pouvait pas faire l'impasse sur ce détail.
— Dans mes souvenirs... On avait perdu beaucoup de temps au moment du voyage...
Nya et Matt se regardèrent en blanchissant, captant directement où elle allait en venir.
— Un truc comme... un mois ? se rappela Sarah.
— Exactement... On avait mis à peu près un mois entre le moment où on est parti et celui où on est revenu, dit Nya. Un mois de voyage à l'aller, un de plus au retour.
— Si c'est toujours le cas, si le voyage entre deux mondes prend toujours autant de temps, poursuivit Gabi d'un air sombre. Alors ça veut dire que...
Elle ne termina pas sa phrase. Sarah la compléta à sa place, regard plein de désillusions.
— Que Ren n'arrivera pas dans l'autre monde avant un mois...
— On va devoir attendre un mois en sachant qu'il est coincé entre deux mondes ? demanda Angèle.
Gabi hocha la tête avec raideur.
— Un mois avant qu'il ne puisse commencer à agir de son côté...
Et un mois durant lequel il sera injoignable au plan métaphysique. Gabi renversa sa tête en arrière et soupira, lâchant un nuage de condensation dans le ciel nocturne.
— Bon... déclara Derak, bras croisés sur le torse. Mettez vous donc une seule chose dans le crâne : on attend... Si notre ami est piégé on ne sait où entre deux mondes pendant un mois le temps du voyage, alors là on ne peut faire que ça. Attendre. Vous avez compris ?
Des petits oui hésitants émergèrent de chaque bouche de chaque adolescent. Sarah crut qu'on lui arrachait le cœur quand elle lâcha son oui. Attendre sans rien faire, sans savoir où était Ren, si il était sain et sauf et surtout sans pouvoir l'aider lui était insupportable. Mais elle se rappela des paroles réconfortantes de Nya et Matt tout à l'heure. Ren était fort. Il s'en sortira, quoi qu'il arrive. Il reviendra. Il fallait juste s'armer de beaucoup de patience et de sang froid d'ici là.
***
Les cours reprirent dès le lendemain, mais personne n'avait envie de se traîner en classe. D'un côté la météo était maussade au possible et les autres élèves désertaient de plus en plus. De l'autre le moral était loin d'être au beau fixe dans la bande. La disparition de Ren, l'incertitude à propos de sa situation, tout ceci rendait les adolescents malades.
Profitant d'un après midi de libre pendant la semaine – due à l'absence des deux professeurs assurant les cours –, Gabi se décida à aller voir Ashe. Histoire de le mettre au courant de la disparition de leur ami et de rester aux aguets quant à son retour au plan métaphysique. Disparaissant sous son anorak beaucoup trop grand pour elle, Gabi prit le chemin du gymnase, sur le sol boueux et sous la bruine.
Elle poussa la lourde porte en métal du bâtiment et se mit à l'abri à l'intérieur. Elle retira sa capuche et eut un mince sourire en voyant la séance de sport qui se déroulait sur le terrain. C'était la session baby gym des petits de l'école. A l'Academy il existait plusieurs classes réunissant des enfants par âge, avant leur entrée au collège, de cinq à dix ans. Il s'agissait souvent de jeunes avec un fort potentiel ou avec des pouvoirs déjà trop puissants pour leur âge.
En ce moment, une vingtaine d'enfants de la classe la plus jeune se suivait à la queue leu leu le long d'un parcours de baby gym, sur des matelas installés directement sur le sol du terrain. Surveillant toute cette marmaille Ashe faisait passer les enfants les uns derrière les autres au niveau d'une petite corde qui servait à se faire balancer entre deux modules de gym.
— Allez zooouu au dessus du lac à crocodiles ! lança-t-il en aidant un petit à se balancer. Oh salut Gabi !
Il agita la main dans sa direction. Un petit cri de joie retentit parmi les enfants et Emi s'échappa du parcours pour se ruer sur la jeune fille. Elle se jeta dans ses jambes.
— Coucou Gabiiii !
— Reviens par là toi, appela Ashe.
Gabi se pencha pour ramasser Emi et la ramena sur le parcours. Emi se jeta sur un trampoline et y sauta avant de plonger dans un matelas de gym. Quelques enfants la regardèrent d'un air ébahi, disant que c'était incroyable qu'Emi soit copine avec une grande. Gabi contourna les tapis de gym pour rejoindre Ashe.
— T'as besoin de quelque chose ? demanda le jeune professeur.
— Je te laisse finir, je t'en parlerai après...
Elle regretta presque le ton solennel et grave qu'elle avait employé car Ashe lui jeta un coup d'œil inquiet. Gabi partit s'asseoir sur un banc, le temps du reste de la séance et à distance raisonnable de l'institutrice en charge de la classe. Elle regarda les petits trotter le long du parcours. Ashe était en tête du convoi et faisait les exercices avec eux ce qui était assez drôle à regarder étant donné que le prof avait des jambes immenses et que les modules de gym étaient microscopiques.
A la fin de la séance, Ashe lança le concours de celui qui ramassera le plus de matelas en un minimum de temps. Par petits groupes, les enfants rangèrent tapis et modules de gym comme si c'était un jeu, puis ils se rangèrent deux par deux derrière leur institutrice et quittèrent le gymnase. Un lot de cerceaux autour de chaque poignet, Ashe se rapprocha de Gabi en la remerciant pour sa patience.
— Tu voulais me parler de quelque chose non ? Je suppose que c'est du sérieux et du confidentiel...
Gabi confirma du bout des lèvres, ne sachant toujours pas comment elle allait formuler la nouvelle...Elle opta pour le plus simple...
— Ren a disparu.
Ashe cessa de trier ses anneaux en plastique par couleur pour la dévisager avec son œil.
— Comment ça ?
— Dimanche dernier... Je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé mais... L'alter ego de Ren a débarqué d'on ne sait où et a emmené Ren dans le Troisième monde...
— Attend... Tu plaisantes... Pour de vrai ?
Gabi hocha la tête, bras ballants. Ashe secoua sa tête, perdu. Il s'assit à son tour sur le banc.
— Il est... dans un autre monde ?
Alors Gabi se décida à tout lui raconter sur les autres mondes. Elle parla de leur voyage durant le mois de mars l'an dernier. Elle parla de la tour du Troisième monde... Elle parla des alter ego... Elle relata tout dans les moindres détails sur les autres mondes créés il y avait quatre milles ans... Visiblement Ashe savait que la dislocation avait engendré trois mondes, mais il n'en savait pas plus.
Au moins désormais ses connaissances étaient alignées avec celles de Gabi.
— On va devoir attendre un mois avant qu'il fasse à nouveau surface... dit-elle après avoir tout raconté. D'ici là, faut attendre. Et dans un mois on va essayer de le contacter au plan métaphysique...
— Pourquoi un mois ? s'étonna Ashe. Il a pas disparu de notre monde pour réapparaître dans l'autre ? Un peu comme une téléportation ?
— C'est le temps du voyage j'imagine...
— Ça veut dire qu'entre deux mondes, on passe par une sorte de péage ? Et qu'on met un mois pour passer ?
— En gros...
— Hmmm..
Ashe fit tourner un des petits cerceaux autour de sa main, la bouche sur le côté.
— Ce qui est bizarre, dit Gabi, c'est que j'ai pas eu la sensation d'avoir passé un mois dans le « péage », l'an dernier.
— Alors le temps s'écoule différemment ? Je suis pas un expert, mais on peut dire que le temps au péage s'écoule plus lentement que dans les mondes...
— Peut-être...
La question restait : qu'est-ce ce qu'était réellement ce péage ? Gabi n'avait pas le souvenir d'avoir entendu parler d'un tel endroit... Pas même via Emerald.
— Je pense que je vais en toucher deux mots à ma déesse... Même si je suis pas sûre qu'elle m'aide. Trois monde, ça d'accord. Et entre eux...
Elle sentait qu'elle avait le doigt dessus. Que peut-être elle en avait déjà entendu quelque part...
— Je peux voir avec le mien aussi, proposa Ashe. Peridot a le mérite de toujours accepter mes requêtes.
Le professeur se leva du banc et rangea tous ses cerceaux autour d'un seul bras.
— Merci pour la petite histoire. Je te promets que je guetterai le retour de Ren à l'Horloge. Quant à cette histoire de péage inter dimensionnel, je vais mener ma petite enquête.
— Je suis certaine d'avoir déjà entendu parler de tout cela... Je suis sûre qu'on passe à côté de quelque chose.
Mais avec toutes les connaissances qu'elle avait à cause d'Emerald, elle pouvait très bien confondre certaines choses et en oublier d'autres...
— Bon... On verra ça avec nos dieux. De toutes manières on a un mois à tuer avant le retour de Ren.
— Ça marche.
Ashe partit ranger ses cerceaux dans la remise, ramassa son sac de sport et proposa de raccompagner Gabi à l'internat. Dehors la pluie avait cessée. Ils profitèrent de l'accalmie pour marcher tranquillement, sans se presser.
— Au fait, commença Ashe.
Gabi leva la tête vers lui.
— Avec la situation chaotique du moment, on enchaine les réunions profs avec la directrice, continua le professeur. Ils sont réellement en train de se demander s'il ne vaudrait pas fermer l'établissement et renvoyer tout le monde chez soi... Question sécurité c'est même la seule chose à faire...
Gabi fixa à nouveau ses pieds et la route goudronnée pleine de boue. Une rivière courait sur le bas côté, serpentant au milieu des aiguilles de pin mortes. Plus le temps passait, moins elle était certaine quant à sa situation.
— J'ai pas de chez moi, se confia-t-elle.
— Oui je sais... dit Ashe. On a eu de longues discussions à ton sujet. T'es en quelque sorte sous tutelle de l'établissement non ?
— Oui... Qu'est-ce qu'il vont faire de moi si ils doivent fermer ? Et Emi ?
— Ben à ce propos...
Gabi sentit une once d'hésitation dans la voix de Ashe. Il chercha longuement ses mots en se grattant la nuque.
— Ecoute... Ça va te paraître insensé et fou. Mais j'ai réfléchi et j'en ai causé avec les supérieurs et la directrice. Admettons.... 'Fin, c'est pas encore sûr hein donc te fais pas de faux espoirs. Et même si t'en as pas envie, je comprendrais et je t'oblige pas mais...
— Allez crache le morceau, s'impatienta Gabi.
— Voilà... Si je te dis que je pourrais vous prendre sous tutelle toi et Emi, t'en penserais quoi ?
Gabi se tourna vers Ashe, les yeux grands ouverts et sentit son cœur se mettre à palpiter. C'était trop beau pour être vrai... Il n'était pas sérieux ?
— Tu... tu me proposes de devenir notre tuteur ? peina-t-elle à réaliser.
— Yep... Ça peut paraître dingue... Je suis conscient que c'est beaucoup de responsabilités pour moi, je suis encore jeune, mais franchement si je peux vous offrir une vie plus décente à toutes les deux, je le ferai avec grand plaisir ! Je suis prêt à devenir votre responsable légal. En plus vu qu'on est des Gardiens tous les trois, ça me semble encore plus évident...
Gabi s'arrêta de marcher le temps de réaliser tout ce que cela impliquait. Elle n'aurait plus à vivre dans l'établissement en permanence. Elle n'aurait plus besoin d'être envoyé en pension pendant les grandes vacances... Elle aurait enfin un « chez soi » où rentrer...
— Si tu veux refuser tu peux ! s'empressa d'ajouter Ashe. On se connaît que depuis le début de l'année et t'as le droit de refuser hein... Mais voilà, je voulais te proposer cette alternative...
— Attend tu rigoles, dit Gabi en laissant un sourire s'afficher sur son visage. D'accord on se connait que depuis septembre mais j'ai l'impression qu'on se côtoie depuis toujours. C'est... C'est trop beau ce que tu me proposes.
— Donc... Je donne confirmation à la directrice pour lancer les démarches ou... hésita Ashe.
— En vrai... dit Gabi. T'avoir toi comme tuteur. Je suis peut-être dingue de vouloir accepter sur le champ... C'est oui.
Un sourire rayonnant qui aurait pu chasser les nuages naquit sur le visage d'Ashe. Gabi fut rapidement contaminée et sourit à son tour.
— Tu penses pouvoir gérer une gosse de six ans et une ado de seize ? demanda la brune. Ça peut être très compliqué pour toi.
— Oh arrête ! Quand je vois ce que vous auriez à y gagner, j'hésiterai pas une seule seconde. Je vais aller voir la reine des neiges de l'établissement pour en rediscuter et si tout se passe bien quand on vous renverra chez vous à cause de l'épidémie tu pourras prendre ta valise et venir squatter mon appartement.
Ils arrivaient déjà en vue du château. Un grand sourire aux lèvres, Gabi songea à cette excellente nouvelle qui égayait la journée. Ashe lui proposait de devenir son tuteur... Malgré son jeune âge il voulait s'occuper de Gabi et d'Emi qui n'avaient plus personne. Plus de famille, plus rien... C'était fou et insensé. Mais réel. Ashe était une personne qui respirait la confiance et la gentillesse. Il n'y avait pas meilleur candidat pour devenir une sorte de parrain.
— J'ai hâte de voir le sourire d'Emi quand tu lui annonceras la nouvelle.
— Je deviendrai officiellement tonton Ashe.
***
Si le moral de Gabi remonta en flèche après la nouvelle annoncée par Ashe, celui des autres resta plus ou moins au ras des pâquerettes. L'absence de Ren affectait plus particulièrement Nya, Matt et Sarah. Le quatuor du Deuxième monde avait forgé de solides liens d'amitié lors de leur voyage. La disparition de l'un de leurs membres les affectait plus que les autres. Nya et Matt appliquaient les consignes décidées plus tôt dans le mois : juste attendre et rester calme. Quant à Sarah, elle passait tous les soirs au dojo du gymnase pour se défouler sur les mannequins d'entraînement et penser à autre chose.
Presque trois semaines s'étaient écoulées quand le premier craqua et étonnamment ce n'était ni l'américaine, ni l'elfe, ni la démone... Un samedi matin, alors que les garçons trainaient au lit, Derak descendit brutalement du sien avant de piocher des fringues dans son armoire.
— Tu vas quelque part ? questionna Matt en levant le nez de sa BD.
— Je peux plus rester sans rien faire, déclara le vampire. Je peux pas rester passif et attendre que ça se passe comme l'an dernier.
— Ecoute Derak, ça fait pas encore un mois. Je sais que c'est long mais on est y presque. Encore un peu de patience, Ren émergera bientôt dans le Troisième monde.
— Et là quoi ? On va continuer d'attendre sagement son retour ? On va penser chaque jour à ce qui pourrait lui arriver dans les mains de Saurac ? Non, et je compte bien trouver une solution.
— Mais... commença timidement Pix. On n'a pas arrêté de répéter qu'on avait aucun moyen de communication avec l'autre monde...
— C'est vrai ça ! approuva Matt. Tu vas faire quoi ? Prendre ton portable et appeler Ren ?
— A vrai dire... J'ai une idée précise de ce que je vais faire...
Derak plaqua ses cheveux marron en arrière, enfila une veste et sortit de la chambre en disant qu'il n'en aura pas pour longtemps, puis il sortit de la salle commune et du bâtiment. Mains dans les poches pour se protéger du froid, il avançait d'un pas déterminé en direction du château.
— Plus question de rester sans rien faire...
Il était sûr de son coup cette fois ci. Arrivé dans l'aile de l'infirmerie il s'arrêta devant la porte du bureau de la psy. Pendant les séances de Pix, il avait longtemps attendu dehors. Cette fois il allait rendre une petite visite à Phyllis. Il allait frapper quand il vit un post-it jaune collé sur la porte. « Actuellement en train de squatter chez Coco », suivit d'une flèche indiquant l'infirmerie.
Derak entra poliment dans la salle d'à côté. Comme toujours, les lits en enfilade et le matériel médical lui rappelèrent la tour Saurac... Il s'avança dans la salle, dont seulement deux lits étaient occupés par des blessés.
Il trouva Phyllis étendu sur la chaise de bureau de l'infirmière comme si c'était un transat, conversant avec cette dernière. Coco était occupée à soigner le bras d'une collégienne.
— Madame Oli, il faut que je vous parle, lança Derak.
Cette dernière renversa la tête en arrière pour le regarder avec ses yeux rouge flamboyant, aux cils couleur grenat. Elle eut un instant de réflexion avant de dire à Coco qu'elles reprendraient leur passionnante conversation un autre jour. La psy se leva prestement et se rendit dans son bureau.
— D'habitude c'est ton ami qui vient me voir, mais je suis toute ouïe pour toi aussi. Si tu veux savoir où on en est pour Pix, sache que je fais mon petit bonhomme de chemin et que tout viens à point à qui sait attendre. Tu veux un chocolat chaud ?
Derak déclina et Phyllis se fit couler une tasse.
— Vous venez du Troisième monde, commença Derak.
— Tu le savais déjà ça, dit Phyllis. Puis vu mon apparence y a que deux options : soit je viens du Souterrain, soit je suis issue de croisements étranges entre humains, avec une bonne dose de mutations génétique.
— Vous vous rappelez de ce que je vous ai dit en début d'année ?
Phyllis se laissa choir dans son fauteuil de bureau avec sa tasse brûlante. Elle souffla dessus de manière continue pendant de longues secondes en fixant Derak.
— A propos de ma collègue qui t'a remis le paquet de lettre disant de m'occuper de Pix ? A propos de ton voyage dans le Souterrain ?
— Un peu tout ça ouais... Il y a trois semaines, un ami a disparu comme moi l'an dernier... On pense avec mes amis qu'il est dans le Troisième monde. Je veux l'aider, mais pour ça il faudrait entrer en communication avec lui... Si votre collègue savait précisément où vous trouver pour que je vous remette les lettres, c'est parce qu'elle était en contact avec vous. Vous avez donc le moyen de communiquer avec le Troisième monde non ?
Phyllis eut un mince sourire en coin et but un peu de café.
— Perspicace. Effectivement, j'ai en ma possession un petit miroir de poche communicant avec la tour. Tu me demandes de contacter quelqu'un là bas pour savoir comment va ton ami, n'est-ce pas ?
Derak approuva en sentant un peu d'espoir dans sa poitrine. Phyllis posa sa tasse.
— Soit. Je vais te filer un coup de main. Je vais voir si un de mes anciens collègues me répond. Je te promet rien.
La femme se leva de sa chaise et s'avança vers une de ses étagères. L'araignée sauteuse entre ses cornes fit un bond pour se poser sur un rayonnage à hauteur de visage et se mit à tapoter le métal avec ses pattes.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive ma belle ? demanda Phyllis en la voyant tourner rapidement en rond devant un livre.
L'araignée tapa une tranche de livre avec ses pattes avant. Intriguée la psy attrapa "Tout savoir sur les pierres de naissance et leur signification" et le retira de l'étagère. Avant de se rendre compte de quelque chose. Ou plutôt : de l'absence de quelque chose.
— Oh... C'était donc pour ça qui tu étais agitée ces dernières semaines, devina-t-elle. Bon sang...
— Qu'est-ce qu'il se passe... ? hasarda Derak.
— Il se trouve que mon miroir de poche s'est volatilisé...
La psy fouilla encore entre d'autres livres, puis tenta les tiroirs de son bureau au cas où elle aurait subitement changé la cachette habituelle de l'artefact, mais rien... Quelqu'un était entré dans son bureau et avait pris l'objet.
— Quelle imbécile ! souffla-t-elle en se laissant choir sur sa chaise. Mes supérieurs vont me tuer s'ils apprennent qu'on m'a dérobée cette relique... J'ai intérêt à vite la retrouver.
— Ces miroirs ont l'air très spéciaux et important, remarqua Derak. Que sont-ils vraiment ?
— Hum, fit Phyllis. Et bien... Ce que je sais c'est que ce sont des reliques qui contiennent un témoignage à travers les siècles. Ce sont des encyclopédies à eux tous seuls. La plupart du temps ils se retrouvent sur le chemin de certaines personnes... Comme si l'univers les choisissait pour garder des secrets. Les miroirs sont des débris de l'Ancien monde... Contenant des êtres d'un monde peut-être encore plus ancien...
— Attendez, pourquoi vous me répondez aussi facilement ? percuta le vampire.
Ce genre d'info ne devait pas tomber dans l'oreille de n'importe qui. Pourquoi Phyllis lui confiait tout ça sans soucis? C'en était encore plus suspect. La psy soupira puis se pencha au dessus de son bureau et pointa la main de Derak avec son doigt. Le jeune homme regarda ce qu'elle pouvait bien lui montrer.
— Parce que ce sont des choses que tu apprendras à mesure que tu avances dans la vie. Des secrets que seules certaines personnes ont le droit de savoir et qui les conservent jalousement au sein de leur clan.
— Que... quoi ? fit Derak.
— T'es encore jeune.... Mais tu apprendras que ton rôle est essentiel pour garder les mondes tels qu'ils le sont.
— Qu'est-ce que vous voulez dire ?
Il ne savait pas de quoi elle parlait. Mais Phyllis poursuivit en souriant d'un air confiant.
— Pourquoi tu crois que ma collègue t'as confié ces lettres à toi et pas à quelqu'un d'autre ? Des lettres me disant de m'occuper de Pix, mais pas que. Il y avait aussi des informations qui relevaient de la sécurité inter-dimensionnelle. Informations que j'ai fait remonter à ma hiérarchie d'ailleurs. Et elle te les a confié pour une raison.
— Laquelle ?
— Ta famille se prénomme bien « Van Klippel » ?
Derak sentait que la conversation prenait une autre tournure. Il confirma silencieusement.
— Et ta bague là, continua Phyllis en pointant à nouveau sa main. Une chevalière offerte pour tes seize ans, je me trompe ?
— Comment vous savez ?
Le regard de Phyllis était perçant. Elle semblait totalement éveillée pour une fois.
— Si on t'a confié ces lettres, si on t'a confié et qu'on te confiera tous les secrets des mondes Derak, c'est parce que tu fais partie d'une famille qui a décidé de veiller sur les mondes depuis que ces derniers ont été créés. Un devoir millénaire consistant à surveiller l'ordre établi et à préserver l'éternité immuable. Un devoir qui appartient aux possesseurs des reliques de l'Ancien monde. Un devoir qui m'appartient à moi...
Phyllis tira sur une chaîne cachée dans le décolleté de son sous-pull. Derak sentit ses entrailles tomber en voyant qu'une chevalière, en tous points identique à la sienne, était enfilée sur la chaîne.
— Un devoir qui appartient aussi à ma collègue Magnolia qui t'a confié ce paquet de lettre. Et un devoir qui appartient à toute ta famille depuis des générations et à toi.
Ce discours, Derak l'avait déjà entendu le jour de son anniversaire, quand son père lui avait offert sa chevalière. Le jeune homme avait reçu ce bijou symbolique dans sa famille en même temps que ses futurs responsabilités dans la vie. Il faisait partie d'un clan millénaire avec une mission tellement secrète que seuls ses membres avaient le droit de connaître. Et ça il le taisait soigneusement depuis son anniversaire, jour où son petit monde tranquille s'était effondré... Pour la première fois il en parlait de vive voix avec une personne extérieure à sa famille qui pourtant avec le même devoir que lui...
— Je sais oui... Le devoir des Veilleurs...
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