Prologue
« Je me présente, Mila White.»

La lueur du soleil ordonne à mes pauvres yeux de rencontrer la triste réalité. Une nuit mouvementée construite de vols à main armée et de châteaux où princes et princesses vivent leurs mille et un moments de pur bonheur. J'entends des cris étouffés provenant de la chambre de mes parents ; ses sals alcooliques qui ne cessent de mettre sur table de vieux secrets impardonnables. Une odeur habituelle mélangeant verres de Vodka et cendres de cigares inachevés m'empoisonne. Passant mes doigts affinés sur mon visage aux traits fatigués, je dépose mes pieds sur le tapis duveteux placé au côté de mon lit. Je fais quelque pas afin de pouvoir observer mon reflet dans la glace. La simplicité de mon doux visage me paraît différente ce matin. Mes iris laissent croire à un vert froid, mais gardent leurs teintes bleuâtres. Mes longs cheveux bruns tombent en cascade sur mes épaules, une mèche rebelle pend au-dessus de mes yeux. Je les divise équitablement puis les tresse soigneusement. Je sursaute. Ma porte étant entrouverte, je vois ma mère, cachée sous ses cernes violacés, projeter sur le mur une bouteille vide. Elle vole en éclat tout comme mon âme déchirée par le spectacle qui s'offre à moi. Le passé s'accroche à leurs chevilles tel un enfant capricieux; tout débute par un souvenir fané puis s'écrase sous un amas de problèmes. La fin est aussi évidente que celle écrite en italique dans les contes de fée; ils se noient dans l'alcool et baignent dans un éternel étang de discutions imparfaites. Je fuis. Le sol est froid sous mes pas effrayés. Je me faufile entre les injures pour atteindre ne serait-ce qu'un moment de silence. J'attrape la poignée mollement. Le soleil m'aveugle, le vent glacial du matin m'arrache un frisson. L'automne s'annonce. Arpentant à grandes enjambés les tulipes multicolores, j'aborde le bien-être. Les papillons battent des ailes, les oiseaux paradent sur les feuilles colorées. Je pose mes jambes frêles dans l'herbe fraichement coupée. C'est si agréable. Transporté loin de mon âme placide, l'imprévisible excès de mélancolie navigue désormais sur les vagues rythmés de l'eau. L'air frais s'aventure dans mes poumons. Je profite habituellement de ces durées indéterminées pour réfléchir. Je me nomme Mila White. Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours habité ici. C'est une petite ville; tout le monde se connaît. Parcs abandonnés, maisons brulées, bars illégaux et voisins bruyants; vous voyez le genre. Avec des parents comme les miens, cela n'a jamais vraiment été facile. Par contre, je me suis toujours promise quelque chose. Jamais d'alcool. Promesses dites, promesses tenues. S'il y a bien une chose que mes parents m'ont fait réaliser, c'est que je ne devais jamais leur ressembler. Je soupire. Parfois, c'est si facile. Le compliqué est exclu et le présent rayonne. Les étoiles brillent et la bonne humeur règne. Malheureusement, tout ne fonctionne pas ainsi. Tristesse et colère existent. Tempêtes et tornades ravagent.

— Mila?

Mes pensées s'estompent en un nuage de poussière. D'une voix pâteuse, mon géniteur prononce mon prénom à travers une fenêtre entrebâillée. Je cueille quelques tulipes afin de les déposer dans un vase dans ma chambre. Je chantonne l'air d'une mélodie qui m'est inconnu. Je tarde. Je n'ai pas envie d'entrer. Je lève les yeux au ciel, puis pénètre lourdement dans ce monde fade dénué d'amour. Soudain, la pénombre envahie la pièce. Seul le soleil éclaire piètrement la pauvreté des meubles. Mon cœur gambade, mes membres tressaillent. Une faible luminosité attire mon attention sur la table en bois parsemée de verres à moitié ternis par le Rhum. Dix-huit petites tiges de cire illuminent une pâtisserie appétissante.

— Joyeux anniversaire.

Des larmes coulent le long de mes joues rosies. Le souvenir lointain d'un câlin spontané, de cadeaux joliment enveloppés. L'ambiance tamisée m'émerveille. Je laisse mon souffle éteindre mon enfance. Dix-huit ans, c'est le commencement d'une histoire envenimée d'obstacles insoupçonnés.

et c'est le retour, proprement transformée, de l'une de mes anciennes histoires.

si tu es Mila, tu comprendras.
—phy