8 | Danse macabre

* Ecrit le 12.05.2023


Little Nightmares II

If Crossblood


Chapitre 8:

Danse macabre


Procédant à deux, Mono tirait vers lui la clé que maintenait ce mannequin avec l'aide de Nueve. Instantanément, le bras se déchira puis, lourdement, s'écrasa sur le sol. Du coton s'échappait de l'épaule et du faux membre par terre. Sans trop tarder, le jeune garçon récupéra la clé et la plaça dans son manteau tout abîmé. Après s'être assuré que sa partenaire n'ait rien de cassé – et ce, sans lui demander directement de vive voix - , l'enfant traça sa route en silence.

Au-dessus d'un siège, une étagère suspendue en bois, sur lequel, se trouvait un bocal, avec une étiquette dessus. L'intérieur contenait un étrange fluide noir, une odeur de pourriture s'y dégageait. Mono fit signe à la fille d'attendre, pour qu'il puisse faire du repérage depuis ce point d'observation plus que nécessaire. Le garçon masqué sauta, escalada, grimpa. Après s'être hissé en haut, l'enfant balaya du regard l'intérieur du cirque. En dépit de quelques matériels, de sièges pour les spectateurs, il n'y avait rien. Autrement dit, il fallait avancer derrière les rideaux rouges. Sans doute, une porte pourrait les guider autre part.


— Hey !


Apostrophé par une vive voix de sa camarade, Mono de résigna à considérer la brune. Il nota qu'elle avait trouvé un drôle de mini ruban rouge. Toute joyeuse, elle s'amusait à se recoiffer en utilisant cet accessoire en guise de nouveau chouchou. Le garçon ne put s'empêcher d'esquisser un sourire amusé à l'intérieur de son masque à papier. Même dans des situations ou endroits peu rassurant, cette brunette trouvait toujours un moyen pour donner le sourire.

Inconsciemment, Nueve apportait de la chaleur dans son coeur meurtrie. À elle seule, elle représentait ce petit soleil qui avait disparu de cette ville. Son innocence, sa spontanité, son courage et son optimisme étaient ses atouts, sans doute. Malheureusement, elle n'avait pas encore gagné toute la confiance de Mono. Il y avait toujours ce doute qui le mettait en garde ; « et si elle aussi, me trahie ? », « et si elle aussi, cache un double jeu ? ».

Aussitôt, il reporta son attention sur les environs. Le garçon leva sa tête, regardait ces lignes de poutres bien maintenir le cirque. Un peu plus loin, de grandes suspensions avec les projecteurs. Déjà, il y avait un moyen d'y accéder. Des cordes étaient reliées, par d'autres poteaux.

Bien que son allié lui ait recommandé de patienter, Nueve bougeait encore. Avec le peu de clarté qu'il y avait, la brune admirait son ombre. Sa découverte l'amusait. Son petit ruban rouge, lui donnait un air d'avoir un bandeau avec des oreilles de lapins. Elle toucha la texture et trouvait que le soie était doux et lisse. La fillette aimait bine. Jusqu'à présent, elle n'avait pas prit le temps de refaire un relooking. Dans un autre sens, qui ferait ça dans ce monde dystopique, où le danger menaçait de partout ?

Elle vagabondait, regardait curieusement autour d'elle. Un des sièges attisa sa curiosité. Sur le dos, au niveau du pied de bois, d'étranges dessins s'y trouvaient. Tout était gravé par quelque chose de tranchant. Fascinée et à la fois intriguée, Nueve fit descendre son sac à dos, l'ouvrit, sortit son calepin et se mit activement à reproduire les même schémas sous ses yeux. Qui sait, peut-être bien que c'était un message codé ? Aux yeux de ces monstres difformes, ils ne peuvent voir ces choses.


— Qu'est-ce que tu fais ? L'interrogea Mono.


Ayant quitté son poste d'observation, il venait rejoindre la brunette qui était bien concentrée à dessiner, accroupie. Le jeune garçon s'étonnait même du talent qu'elle avait pour reproduire à la perfection les gribouillis devant elle.


— C'est peut-être un message codé, lui informa t-elle, toujours en dessinant avec son crayon à papier. Avec un peu de chance, on pourrait retrouver des survivants comme nous !

— Tu es optimiste.

— Et toi pessimiste ! Souffla t-elle, ennuyée. Pourquoi tu ne veux pas croire qu'il y ait d'autres personnes comme nous dans cette ville ?


Cette question le faisait grimacer. Il serra ses poings, ne trouva rien à répliquer. Peut-être bien que la solitude lui avait suffit... une phrase assez connue lui revenait à lui. « Le seul allié qu'on a, c'est soi-même ». Et étrangement, Mono ne pouvait que confirmer cette expression-là. Après avoir goûté à une trahison, avoir été livré aux gouffres de la mort, d'une peine plus douloureuse que la mort elle-même, le brun ne se voyait pas accorder la raison à la jeune fille. Ça reviendrait à se mentir soi-même.

Sans même souhaiter s'ouvrir à Nueve, ni même la prendre par affection, Mono gardait ce bouclier invisible, empêchant les sentiments de la brune transpercer sa barrière. Impassible, presque apathique, il rétorqua simplement un :


— Si ça me permet d'être de nouveau tranquille, que tu te colles à quelqu'un d'autre, ça m'irait parfaitement.

— ...Hé ! Ma présence est si désagréable !? S'offusqua Nueve, cette fois-ci, elle relevait sa tête de son cahier.

— Je travaille juste seul. C'est tout. Et... J'aime la solitude.


Un mensonge de plus. Mono se sentait intérieurement vide. Il baissait sa tête. À quoi bon tendre sa main à quelqu'un si c'était pour après, être rejeté comme un jouet avec lequel on avait perdu intérêt ? Ses yeux sombres croisèrent les prunelles de sa camarade. Elle semblait attristée. Ceci le surprit.

Nueve avait un coeur. Et ça, Mono l'avait bien remarqué. Elle était sensible à beaucoup de choses. Parfois il était difficile de savoir si c'était de la comédie ou non.


— C'est faux, j'en suis sûre...

— Ah. Soupira le brun en posant ses mains sur ses hanches. Et d'où vient cette certitude ?

— C'est facile de mentir et de cacher ses expressions derrière un masque.


Dans l'attente d'une réponse, la brune plissa des paupières en remarquant que Mono serrait ses poings. Il lui tourna le dos et s'éloignait d'elle. Sa longue veste traînait derrière lui.


— N'oublie pas que mon aide est provisoire. Je peux t'abandonner quand je le souhaite.

— Est-il possible de prolonger ce contrat ? S'entêta la petite fille.


Au timbre de sa voix, il était évident qu'elle était mal. Sa gorge était nouée et elle craignait de retrouver sa vie de survivante, seule, contrainte de se débrouiller face au mal qui rôdait autour d'elle. Butée, elle insistait, encore et encore, bien que son partenaire prenait ses distances d'elle. Nueve savait très bien qu'il la repoussait. Potentiellement qu'il avait peur, ou autre chose. Elle se penchait plus sur la première option.

La base même pour forger une amitié, était la confiance. À force de ne rien accepter, tout pourrait tomber à l'eau. La brunette grimaça et serra sa prise autour de son crayon à papier. Elle ferma ses yeux. Essayant de comprendre son allié, elle vint même s'interroger si quand il était sortit de l'écran télévisée, il ne lui ait arrivé un grand malheur. Ou torture.

Elle voulait tout simplement comprendre Mono.

Toujours plongée dans ses réflexions, elle fut subitement obligée d'arrêter dans ses hypothèses. Des bruits de pas étaient parvenus jusqu'à ses oreilles. Très vite, Nueve rangea son matériel, remit les bretelles de son sac à dos et fit signe au garçon masqué en le sifflant à l'aide de ses doigts entre ses lèvres.

Au signal, Mono virevolta, capta l'angoisse de la brune et fit signe pour qu'elle le suive au pas de course. Ce qu'elle fit sans broncher. Le garçon eut le temps de remonter sur le siège velouté, de se hisser jusqu'à l'étagère suspendue. Très vite, l'arrivé de plusieurs personnes paralysa le garçon masqué. Son coeur tambourinait violemment contre sa cage thoracique, à un point où il avait l'impression qu'il galérait à respirer. Son bras droit tendait vers le bas, prêt à aider sa camarade qui n'avait pas encore atteint le point de rencontre.

Sans qu'il puisse comprendre pourquoi, son bras tremblait. Sa respiration était saccadée et il voyait trouble. Ses oreilles bourdonnaient, chose qui était anormale, il se sentait nauséeux. Des sueurs froides glissaient sur son dos, à l'intérieur de sa chemise usée et froissée. Sa nuque était froide, humide. Répéter ces gestes, mettait Mono terriblement mal.

Ce schéma. Cette posture. Ces répétitions. Tout le rendait malade. Tout son être ne pouvait plus supporter faire ça.

Par ce que Six revenait sans cesse dans son esprit. Elle semait le chaos dans sa tête. Elle lui avait laissé une marque, une plaie impossible à cicatriser. Surmonter ce traumatisme était une lourde épreuve.

Plus loin, les silhouettes se mouvaient. Grotesques, monstrueux, répugnants. Ils empruntaient la direction des sièges. Mono serra des dents en voyant cela. Devait-il encore tendre sa main pour que Nueve le rejoigne ? Ou bien, devait-il l'abandonner pour sauver sa peau ?

Le deuxième choix était tentant.

Cependant, elle ne méritait pas ça. Elle n'était pas concernée dans ses problèmes.

Haletante, la brune leva ses yeux, arrivant au pied du siège. Elle fixait un court instant son camarade, tout en reprenant son souffle. Doucement, un sourire apparut sur son visage pâle. Les réactions du garçon lui confirmait qu'il avait une peur. De quoi ? Nueve ne le savait pas vraiment. Néanmoins, pour son confort, elle recula.


— Tu fais quoi ?? L'interpella Mono, confus. Dépêche-toi de monter !

— Non.


Abasourdit, le garçon masqué voulut comprendre son refus.


— On se rejoint tu sais où !


Sur ces mots, la petite fille reprit sa course et se faufila entre deux sièges, de sorte à se cacher des prédateurs. Mono se ravisa et faisait de même, se plaçant derrière l'étrange bouteille. Il se pencha légèrement, de sorte à observer le spectacle qui se passait sous ses yeux.

Les arrivants prenaient places sur les sièges libres, tout en grommelant des choses incompréhensibles. Soudain, les rideaux rouges qui se trouvaient derrière le cercle, s'ouvrit, révélant un individu obèse, grand, avec une boule rouge sur le nez, les lèvres étaient rouge, mal maquillées, on voyait les traces cramoisies déraper hors des lèvres. Vêtu d'un pantalon épais, à rayures, le gros bide à l'air, le haut était si serré et petit qu'on avait l'impression que les boutons allaient exploser d'une minute à l'autre. Avec un immense sourire, le monstre tendit son bras vers l'arrière. Les projecteurs éclaircissaient la zone.

Des cages, petites, avec du grillage soudé, se trouvaient des enfants captifs. Dans d'autres, des animaux plus domestiques, qui couinaient, terrorisés. Mono fronça des sourcils, contraint de rester simple spectateur. Il avait de la peine pour ses semblables captifs. Ils avaient l'air d'appréhender ce qui allait leur arriver et sans aucune résistance, ils paraissaient accepter leur sort. En analysant la situation de loin, le garçon masqué vint même à se demander si ces pauvres prisonniers avaient pu être nourrit et hydrater.

Malgré lui, il jetait un coup d'oeil furtif en direction de Nueve. Celle-ci ne bougeait pas et ne voyait strictement rien de là où elle se trouvait. Tant mieux, si on pouvait lui épargner la vue que lui avait, c'était une bonne chose...

De retour à l'observation, Mono calcula l'arrivé de nouveau acteurs. Cette fois-ci, une femme avec un peu de formes débarquait, avec un costume moulant, exposant ses cuisses robustes. Ses cheveux étaient attachés en un chignon maladroit. Elle faisait une révérence et attrapait une cage, l'ouvrit et prit dans sa main, une fille avec de longs cheveux blonds. Immobile et peu réactive, elle ne se réveillait que seulement lorsque cette immonde et cruelle actrice lui tirait les cheveux.

Apeurée et paniquée, elle se mit à gesticuler, à geindre dans la main qui la retenait captive. Ce qui se suivit glaça le sang de Mono. Son coeur martelait bruyamment contre son torse, à un point où il se demandait s'il ne risquait pas de se mettre à découvert.

L'artiste monta l'échelle. Sur une plateforme de bois, plus loin, la même chose. Seule, une corde usée les reliaient. Sans hésitation, la femme mit son premier pied sur la corde. Instantanément, sous son poids, la corde fut attirée vers le bas, guidé par la gravité. Elles tanguaient. Et l'actrice fit son deuxième pas. Puis le troisième, avant d'entamer une danse plus que malsaine. Elle semblait être confiante dans ce qu'elle entreprenait.

Jusqu'à elle ne balance son jouet dans les airs, tandis qu'elle faisait des figures sur la corde, sereine, totalement opposée à l'enfant qui hurlait, agonisait, en larmes, en train de vivre son pire cauchemar.

Continuant de répéter ce jeu un moment, l'actrice tenta une acrobatie, en rattrapant et en balançant dans les airs la petite humaine, comme une balle.

Elle échoua.

Sa main effleura la fillette, qui elle, n'avait pas la chance de se rattraper avec la corde.

Son corps chuta, de environ cinq mètres de hauteur.

La foule était en délire. Tous applaudissaient dès que leur objet divertissant venait de s'écraser au sol. Leur boucan avait couvert le bruit de la chute du corps de la petite blonde. Ses os avaient craqués, son crâne avec. Elle convulsait quelques secondes avant de ne plus bouger, les yeux grands ouverts, noyés par ses larmes. Du sang s'échappait de sa tête, couvrant légèrement son corps et ses cheveux.

En dehors de sa mort brutale, la femme effectuait sa danse macabre avant de joindre l'autre plateforme. Elle faisait une révérence, se faisant un peu plus applaudir par ses chers clients.

Mono était estomaqué. Il lançait un regard angoissé en direction de Nueve. Elle s'interrogeait sur ce qui se tramait, elle bougeait sa tête, anxieuse. Dès qu'elle se tournait vers son partenaire, ce dernier lui faisait signe de la main qu'ils devaient absolument sortir d'ici.

Et sans se faire repérer. 


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