4 | Déchiffrer

* Ecrit le 06/08/21

Little Nightmares II

If Crossblood


Chapitre 4:

Déchiffrer



C'était le déluge. Des trompes d'eau débordaient des tuiles et des gouttières, chutant sur les dalles de la ruelle. L'orage tonnait dans les cieux, émettant une faible clarté parmi les nuages sombres, plongeant toute la cité dans la pénombre. Seulement éclairée par sa lampe torche, Nueve avançait avec prudence, restant sur ses aguets. Ce n'était pas normal que l'électricité générale venait de se couper. Quelque chose de louche devait se produire en ce moment même. Quelque part. La brune déglutit difficilement sa salive, pas rassurée de savoir que ses pas faisaient autant de bruit. Elle pouvait presque croire qu'un monstre pourrait surgir de nul part, pour l'attraper.

Le vent vint se concorder avec la pluie. C'était glacial maintenant. L'enfant frissonna et se frictionna du mieux qu'elle le pouvait. Elle était complètement trempée jusqu'aux os. Fatiguée et désespérée. Seule et sans défense, dans un monde complètement dystopique, sans avoir ne serait-ce, une lueur d'espoir. Pourtant, elle n'avait pas le choix. Nueve devait continuer de avancer, quoi qu'il en coûte. Elle voulait vivre. Et pour continuer de vivre, il fallait survivre.

Après plusieurs minutes de marche sans savoir où se diriger, la fillette tressaillit lorsqu'elle entendit des grognements et couinement. Tremblante, la brune se tourna vers la source du bruit pas rassurant. Nerveuse et anxieuse, elle osa tout de même diriger la lumière vers le haut et écarquilla ses yeux. Plusieurs hommes ou femmes aigris, au visage plus ou moins déformés tapaient incessamment contre des télévisions accrochées sur la façade. Il devait en avoir plus d'une dizaine, toutes, éteintes. Ces personnes exprimaient leur mécontentement, d'une quelconque manière. Visiblement, leur force ne valait rien, puisqu'ils n'arrivaient à casser les écrans. Peut-être étaient ils en manque ?

En tout cas, ils n'avaient pas l'air d'avoir remarqué la lumière derrière eux, et encore moins la petite fille. Celle-ci essaya de stabiliser sa respiration. Son pouls s'était déjà accéléré. Portant une main contre sa poitrine, voulant apaiser son coeur, Nueve prit ses distances. Elle ferait mieux de ne pas trop s'approcher de cette troupe, cela pourrait lui porter préjudice. Et ce serait d'ailleurs trop suicidaire d'oser se frayer un chemin vers eux.

Estimant être suffisamment loin, la brune soupira de soulagement. Apercevant un rat tracer son chemin, l'enfant observa l'animal fuir sur ses quatre pattes. Il se prit une boite de conserve ouverte qui traînait sur le sol, parmi un lot de sacs poubelles laissés en abandon. Des mouches tournaient autour et une odeur puante s'en dégageait. Pas la peine de se poser des questions. Supposer était déjà suffisant ! La petite fille reprit son chemin, quasiment à l'aveugle. Serait-il plus raisonnable d'aller se cacher dans un immeuble ? De trouver de quoi se couvrir et se réchauffer un peu ?

Dubitative, Nueve se pencha sur cette option. Heureusement, une fenêtre était ouverte, donnant l'accès libre à la fillette. Cette dernière emboîta le pas, déterminée et impatiente. Après avoir escaladé quelques obstacles, la brune put passer par-dessus la fenêtre et se laissa tomber lourdement sur le carrelage. Le silence était pesant, toutefois, cela rassurait l'enfant. Après tout, mieux vaut être seul que mal accompagné. Elle partit en exploration. Tout n'avait pas été entretenu depuis des lustres. Des toiles araignées parsemaient le mur dans les angles et la poussière s'était installée un peu partout. Le sol, bien évidemment, gelé, était sale. Des tâches y étaient restées. Sur le mur, composé d'une tapisserie fade, des tableaux représentant des personnes.


— Ils ont tous une sale tête. Commenta Nueve, qui examinait chaque tableau.


L'un avait des lèvres enflée et avait un triple menton. Le suivant, avait des cernes violacées qui retombaient presque jusqu'à ses lèvres. Une, se démarquait des autres ; elle avait une peau claire et des yeux noirs, de beaux cheveux, un rouge à lèvre. Intriguée, la petite fille détaillait avec attention cette beauté extravagante. Avec l'aide de sa lampe torche, elle admirait cette œuvre peinte par un parfait inconnu.


— Je me demande pourquoi elle est différente des autres... Souffla la brune.


La fillette à la salopette se déplaça, trouva un ballon dans une pièce ouverte, au milieu du tapis. Elle constata qu'elle se trouvait dans une chambre abandonnée, avec des lits superposés et des jouets pour enfants. Deux commodes au deux extrémités du mur. On pouvait entendre le vent souffler fort et les gouttes de pluie cogner contre la vitre. Avec l'humidité et le froid, de la buée se formait contre le verre. Nueve soupira et vint monter l'échelle de bois d'un lit, pour sauter par la suite sur un matelas. Le drap était sec et pas trop poussiéreux. Soulagée, elle s'empressa s'avachir la tête première dans le coussin. Moelleux et à la fois accueillant, la petite fille pouvait sentir tout ses tracas et soucis s'envoler de suite.

Ces derniers jours étaient si rudes. Ses pieds étaient dans un piteux état et elle se sentait complètement exténuée. Même si elle ne pouvait pas rester ici, provisoirement, c'était sa maison. Nueve retira son sac à dos et se rallongea contre le coussin. Avec ses propres forces, elle remonta la couette et se sentit embrasser par un confort qui lui avait été ôté depuis plusieurs jours ; plusieurs mois. Épuisée, la fillette s'engouffra dans un profond sommeil.

Un long couloir s'étendait à perte de vue devant ses orbes marrons. Confuse, elle se demandait comment elle avait pu atterrir par ici. Des hoquets mêlés à des sanglots faisaient échos entre ces deux murs. Cela lui paraissait pas très loin. Nueve tourna sa tête sur sa droite. Au bout du corridor, une grande porte, avec un symbole d'un œil gravé dessus. Inquiète, la brune s'y avança en marchant. Elle ne courait pas. Ni se dépêchait. À vrai dire, l'enfant se méfiait des pleurs, de peur que tout ceci n'était qu'un piège qu'on lui tendait. Et si, par miracle, ça ne l'était pas ? Et si c'était une personne comme elle ? Et si c'était un individu coincé derrière cette porte ?

Pour connaître la réponse, il fallait agir soi-même. Personne n'allait lui souffler à l'oreille ce qui était juste ou non. D'une petite voix, Nueve se risqua.


— Il y a quelqu'un ?


Question stupide. Évidemment qu'il y avait quelqu'un, sinon il n'y aurait pas ce bruit. Hésitante, la brune poursuivit ses questions courtes, espérant que la personne lui répondrait.


— Pourquoi tu pleures ?


Elle était encore loin de la porte close. Doucement, elle leva son bras et éleva légèrement ses doigts, en quête d'atteindre son objectif. De la fumée se dégageait sous la curieuse porte, brouillant tout le champ de vision de la petite.

Le réveil était un peu brusque. Nueve se redressa vivement, lâchant un hoquet de surprise. Haletante, elle reprit ses esprits puis passa ses mains sur son visage. Une étrange sensation lui compressait le coeur. Pourquoi ce qu'elle avait rêvé lui paraissait si réel ? La brune renifla puis attrapa son sac pour ressortir sa boite de gâteau pour grignoter. Comme toujours, elle limitait ce qu'elle mangeait, pour garder des réserves par précaution. L'enfant bu sa gourde jusqu'à la dernière goutte puis exhala un soupir de bien-être. Ce qui lui manquait sincèrement, c'était une tenue de rechange. Enfin, la petite fille évitait de se plaindre, après tout, elle était habillée. C'était largement mieux qu'être nue...

Maintenant plus en forme, Nueve quitta le lit, se préparant pour de nouvelles aventures. Peut-être que chercher d'autre provision serait plus sage, en plus de rester encore un peu ici. Pas un chat vivait ici. Autant en profiter ! Alors qu'un sourire s'élargissait sur son visage, plus lumineuse et confiante, elle constata avec étonnement que à sa gauche, il y avait une silhouette noire. Qui faisait sa taille, se tenant debout, au coin du lit. Cela avait un air semblable à un glitch. Mal à l'aise mais curieuse, Nueve se rapprocha et toucha du bout du doigt la chose.

Ceci disparu instantanément après ce contact physique, provoquant une douleur aiguë dans la tête de la fillette qui geignait, ne comprenant pas ce qu'il venait de se passer. Lorsqu'elle rouvrit ses yeux, ses mains sur son crâne, elle capta qu'elle était seule. Avait-elle rêvée ? Nueve cligna plusieurs fois des yeux, pour s'assurer que ce n'était pas le fruit de son imagination. Étrange, puisque la douleur était imminente quand elle avait touchée..

Après avoir quitté la chambre, l'enfant remarqua que la pluie avait cessé dehors et que le ciel était un peu plus clair et moins menaçant par rapport à hier. L'électricité était revenue, puisqu'au dessus d'elle, les lumières étaient allumées. Il y avait donc eu une panne générale hier ? L'enfant avança, perdue dans ses songes. Des escaliers se présentaient à elle un peu plus loin. Lorsqu'elle montait, le bois grinçait légèrement sous son poids. À l'étage supérieur, elle repéra des dessins faits avec de la craie blanche. Des oeils et des dessins grotesques longeaient le couloir, ce qui la fit hausser un sourcil. Ceci ne pouvait qu'être l'oeuvre d'un enfant, comme elle. Impossible que ce soit un monstre.

En enquêtant la signification de ces dessins, Nueve se creusait les méninges pour comprendre le message que ça laissait. Au bout du couloir, quatre chiffres ; 7032. Interrogative, la fillette nota sa trouvaille puis réfléchissait encore un peu. Il y avait d'autres pièces ouvertes, mais aucun frigo ni de provision en vue. Autant redescendre, s'il n'y avait rien du tout.

De nouveau en bas, la brune faisait les cent pas, ne sachant où s'orienter. Les options se limitaient. Devrait-elle plus fouiller dans l'immeuble ou partir en expédition dehors ? Ce serait un peu idiot de ne rien débusquer ici, sachant qu'il y avait un code. Oui, supposer qu'il y aurait un trésor ici serait un euphémisme. Toutefois...

Nueve jaugea les tableaux. De toute façon, personne ne vivait ici. Par conséquent, s'il y aurait des dégâts matériaux, cela ne gênerait personne, pas vrai ? La brune voulut essayer une hypothèse. Elle ramena le ballon et l'envoya sur le premier cadre, le faisant chuter lourdement par terre. Rien. Pas grave, la fillette continua successivement avec les autres.

Sans grande surprise, le seul tableau représentant une belle femme cachait derrière, un sorte de coffre fort encré dans le mur, avec un cadenas – et avec des codes chiffrés – Nueve haleta après l'effort puis reposa la balle à ses pieds en examinant ceci. Heureusement, une plante pourrie se trouvait en-dessous de l'emplacement. Sans tarder d'avantage, l'enfant se hissa vers le haut, appuyant sur ses mains, et ses bras. Les efforts physiques n'avaient plus de secret pour elle depuis longtemps. En revanche, qu'est-ce que c'était lourd et vite épuisant !

Après avoir donné le bon code, un déclic s'échappa du cadenas, que la brune prit soin de balancer derrière elle. Doucement, elle tira la portière vers elle et fronça des sourcils en voyant ce que cela contenait. Une photo. Une bouteille remplie et une clé. Pourquoi diable il y avait si peu de chose ? Tout ça pour ça ? Scandaleux ! Nueve grommela tout en prenant la photo. La frustration l'avait consumée.


— Et une photo de famille ! Sérieusement ! Je m'attendais à mieux ! Je ne sais pas, une carte ! Ce serait plus utile pour moi !


Exaspérée, elle soupira péniblement, prenant plus de temps à regarder la photo. C'était la belle femme, posant une main sur les cheveux d'une enfant assise sur une chaise, le père, à coté, sa main sur l'épaule de son épouse et enfant. Ils avaient l'air complice et souriant. Nueve soupira puis reposa la photo à sa place puis prit la clé doré. Où cela allait-elle la mener ?

Un bruit sourd et strident la coupa dans ses questions. Cela venait de l'étage supérieure. Ça grésillait, et ce son, venait d'une télévision, qui s'était subitement allumée. 


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