15 | Veil Of Selfishness

* Publié et écrit le 23.01.2025


Little Nightmares II

If Crossblood


Chapitre 15

Veil of selfishness



Pourquoi Six doit-elle être devant nous ?


Naïve et nageant dans l'incompréhension, Nueve marchait aux côtés de Mono. Elle le considérait, attendait une réponse.

Après avoir rencontré cette fille au manteau de pluie jaune, ils avaient reprit leur chemin. Et cette enfant n'avait rien ajouté. Silencieuse et observatrice, absolument pas oppressée par cette situation tendue, on aurait presque supposé que la noiraude avait éteint toute émotion.

Le garçon avait remit son masque en papier, ce qui rendait plus difficile à percevoir ses grimaces. Sa voix, dure comme de la pierre, répliqua.


Ce n'est que des précautions. Je ne lui accorde pas toute ma confiance.

Si elle est revenue vers toi, tu ne crois pas qu'elle veut se racheter ?


Le garçon se mordit les lèvres. Bien sûr, sa nouvelle amie était innocente et ne balançait que des suppositions. Une partie de lui voulait accepter de donner une seconde chance à Six. Tandis que de l'autre, sa rancune restait sur ses gardes.

Au-delà des paroles, les gestes comptaient bien plus. Mono fermait les yeux, ne répliquait rien. Cette affaire ne concernait que lui seul. Et aussi à cette fille au manteau imperméable jaune.

Connaissant difficilement ses intentions, par sécurité, il voulait qu'elle soit dans sa vision. Or, la revoir, réelle, calme et silencieuse lui rappelait tellement de choses. Et ça lui fendait le coeur. Le rendait malade de devoir supporter tout ça. Le jeune garçon avait beau essayé de garder la tête haute, de rester fort, mais il restait encore brisé de l'intérieur.

Six était-elle vraiment maudite ? Pourquoi avait-il sortit qu'il voudrait trouver un moyen de la guérir ? C'était absurde. La noiraude ne méritait pas qu'on ne l'aide ! Cependant, son coeur tenait à écouter sa version des faits. Si tout ce qu'elle lui avait énoncé était vrai, alors elle craignait le dévorer une fois sortie de la Tour de Transmission.

Qu'est-ce qui était vrai ? Faux ?


Hey Mono, tu sais quoi ? Je pense que Six veut s'excuser et..._

Est-ce que tu peux te taire ? Réclama sèchement le garçon masqué.


La petite fille écarquilla ses yeux et se réduisit au silence. Ses pas vinrent se ralentir tandis que son allié maintenait le même rythme, restant près de Six.

Observatrice, Nueve resta dans son coté, ses orbes marrons ne quittant pas des yeux ses deux camarades, qui échangèrent très brièvement concernant le monstre qui habitait cet orphelinat, écartant la jeune fille du sujet qui pourtant, pouvait aussi la concernée. Exclue, demeurant muette, la brune baissa ses yeux.

Son coeur lui faisait terriblement mal. Il s'était fendu. Sa gorge l'irritait, une boule s'était formée, tout comme un autre se formait au creux de son ventre, la rendant malade. À son niveau, la fillette pouvait difficilement bien les entendre. Des bribes parvenaient jusqu'à elle. On parlait de son cas : « bizarre », « stupide », « inutile ».

Et Mono se contentait de hausser ses épaules.

Constatant cette faible réponse, son manque de soutien, Nueve se sentit horriblement offensée. Elle esquissa un sourire, ne bougea plus, les laissaient s'éloigner. Ironiquement, pour quelqu'un qui ne supportait pas la solitude, la petite-fille venait d'elle même, s'écarter du groupe qui s'était formé.

Bizarre. Stupide. Inutile.

Mono ne contredisait pas Six.

N'ayant aucune connaissance de leur passé, pour quelqu'un qui paraissait en vouloir à cette fille, il avait l'air de très vite pardonner. Bien sûr, tout le monde a droit à une seconde chance. Alors pourquoi ça travaillait autant Nueve ? Elle ne comprenait pas ce qu'elle ressentait. Tout ce qu'elle pouvait en déduire, était de la jalousie. De l'envie ? Ou tout simplement elle savait qu'elle ne faisait pas de taille face à Six ?

Après tout, cette noiraude savait de quoi elle parlait. Semblait très intelligente. Souple et rapide, tel un chat. À force de se comparer, s'installe un mal-être. Un manque d'estime de soi. De plus, égoïstement, Nueve en voulait à Mono de ne pas l'avoir défendu.

La logique et son coté raisonnable souhaitait d'une part qu'elle reste avec eux. Partir seule était risqué, dangereux dans ce milieu hostile et dangereux. Son taux de survie ne surpasserait jamais les cinquante pourcents. Cependant, son coté irrationnel et égoïste lui hurlait de faire demi-tour. De chercher de son coté des solutions, des pistes pour partir de cet orphelinat sans se faire attraper par cette monstrueuse femme au long cou. Si Nueve parvenait à trouver quelque chose de son coté, alors elle sera à coup sûr félicité. Même complimenté ! Et Six se rectifiera et lui adressera un sourire niais et désolé, en lui tendant la main en lui présentant ses excuses !

Il fallait qu'elle fasse ses preuves. Devait apprendre à être plus autonome et indépendante que jamais.

Avec une imagination débordante de positivité, qui venait alimenter un peu de chaleur dans son coeur, la fillette monta le dernier étage – du moins, c'était ce qu'elle supposait vu qu'il n'y avait plus d'escaliers après qui menaient vers le haut.

Plusieurs craquement bien réguliers faisaient échos dans le couloir plongée dans la lumière tamisée. L'une des réglettes suspendue grésillait à multiples reprises et en dessous, se trouvait un genre de garçon porcelaine, celui-ci, gribouillait le sol de dessins faits avec de la craie. Il grommelait des choses incompréhensibles qui malgré tout, titilla la petite-fille qui s'avança prudemment vers lui. Toujours plongé dans sa bulle, la brute continuait son art, n'entendit pas ni vu venir la brune.

Nueve fronça des sourcils.

Plusieurs oeils. Tous identiques. Troublant, captivant comme sinistres.


Pourquoi il est autant obnubilé par des oeils ? S'interrogea t-elle dans ses pensées.


Son ombre passait par-dessus une dizaine d'oeils dessinés. L'enfant porcelaine se raidit en remarquant cette différence. Vif, il se retourna, se mit à hurler comme un fou, bondit vers Nueve qui recula rapidement. Dos au mur de lambris – qui contrastait avec ceux du bas – elle sauta au plus vite sur sa gauche, roula au sol, évitant un coup de poing de la brute.

Précipitamment, la brunette se redressa avec ses paumes, retira son stylo à plume de son sac, le brandissait vers le hystérique qui ne cessait de grogner dans un langage qui lui était propre.


Ne t'approche pas ! Ou je te détruit ! Menaça Nueve, ses doigts resserrant de plus belle sa seule et unique arme de défense.


La méthode pacifique ne fonctionnait pas dans ce monde dystopique. Le petit monstre sprinta vers elle, ses bras tendus, ses doigts écartés, dans une tentative vaine de l'étrangler sur place. Nueve grimaça, souleva et abattit lourdement son arme sur le crâne de cette poupée de porcelaine. Son visage explosa au contact du stylo à plume puis des fragments fragiles restant de sa figure s'éparpillèrent, roulèrent sur le plancher.

Le corps chuta aussitôt, ne bougea plus. Haletante, après ce passage d'adrénaline, la petite fille zieuta aux alentours. C'était calme et...

Une porte s'ouvrit dans un lent crissement. Des bottes à aiguilles claquèrent contre le parquet et Nueve retint sa respiration et devint livide. Ce qui venait de sortir était un autre monstre. Très grande, fine, avec une robe marron souple, longue, et un tablier blanc. Avec un chignon mal formé, plusieurs mèches recouvraient le front de cette immonde créature qui dégageait une forte odeur putride. Ses yeux étaient creux et gonflés, rouges, la pupille rétrécie, dès qu'elle aperçut aussitôt l'intrus.

À son visage, plusieurs rides très prononcés, à la vue de l'état de ses mains, on pouvait en déduire qu'elle n'était plus qu'une chaire à squelette, vieille, pourrissant peu à peu. La nourrice aborda un large sourire dévoilant ses dents jaunes et pourries pour certaines.

Nueve frissonna, appréhenda ce qui allait l'attendre.

La créature fit le premier pas.


Elle va me rattraper si je ne fais rien... !


L'adrénaline pulsait de nouveau dans les veines de la petite fille. Les dents serrées, la première chose qu'elle fit, était d'aller se cacher, dans une des pièces ouvertes. Derrière elle, le son insoutenable et éprouvant des talons de cette femme effrayante traduisait le fait qu'elle la poursuivait.

S'engouffrant dans la première pièce accessible, la brunette réagissait avec rapidité et facilité. Il y avait non loin d'un lit, un genre de coffre en bois, ouvert. L'enfant sauta, se hissa et se laissa tomber dans un lot de jouet, qui amortissait sa chute.

Patiente, discrète, Nueve attendit que la tempête ne se calme. Elle pouvait parfaitement reproduire les réactions de l'ennemi dans sa tête. La créature fouillait de fond en comble, avec une respiration lourde. Quand les pas semblaient s'éloigner, la fillette soupira de soulagement.

Or, fêter la victoire aussi vite sonnait faux. Un étrange crissement s'échappa au-dessus d'elle.

L'enfant leva ses yeux et les écarquillaient. Une main venait abaisser le couvercle du coffre, supprimant ainsi toute la lumière, l'accès à la liberté.


Non ! Tout mais pas ça ! S'affola Nueve.


Paniquée, dans un élan désespéré, la fillette repoussa des voitures miniaturées et des peluches en mauvais état. Trop tard, elle était enfermée. Plongée dans une profonde obscurité, sans aucune possibilité de s'y retrouver, l'angoisse s'empara d'elle.

Des gouttes de sueurs froides perlaient sur son visage et son pouls s'accélérait considérablement. L'idée même d'être enfermée à jamais dans cet espace clos, mourir de famine ou de déshydratation semblait une mort longue et atroce.


LIBEREZ-MOI ! PITIE !


La claustrophobie.

Apeurée, oubliant totalement qu'elle pouvait être entendu par l'ennemi n'était que le cadet de ses soucis. Elle préférait être attrapé par cette horrible nourrice que de pourrir dans un coffre à jouet. Étouffée par l'anxiété et une crise d'angoisse naissante, les larmes coulaient de ses yeux, inondant ses joues rosies.

Elle hurlait. Ses poings martelèrent contre le bois ancien dans une lutte acharnée que désespérée.


JE VEUX SORTIR !


L'enfant tambourinait à plusieurs reprises.

L'air devenant étouffant. Lourd.

Et si personne ne pouvait l'entendre ? Ceci expliquerait pourquoi même l'ennemi était absent. Sur une surface très aléatoire et peu stable, Nueve reculait, pantelante. Ses doigts étaient repliés sur ses cheveux, elle tirait sur quelques mèches.

Des voix lointaines et à la fois familières venaient lui susurrer à ses oreilles.


Allez, nous t'attendons.

Meurs Nueve, on veut te retrouver.

Pourquoi t'accrocher à cette vie alors que tu es à bout ?

Il n'y a pas de fin heureuse, ici.


La brunette hoqueta. Leurs commentaires avaient réussi à faire réaliser à la fillette qu'elle avait en sa possession, dans son sac, une lampe torche. Au plus vite, à l'aveuglette, elle fouilla dans ses affaires. Les mains moites, à force de tâtonner, elle finit par trouver son seul outil utile. Elle l'alluma avec un léger clic sonore.

Un groupe de spectre s'envolait, aussitôt qu'elle brandissait le vaisseau lumineux dans leur direction. Nueve déglutit sa propre salive.

Devenait elle folle ?

Elle ferma ses yeux. Il n'était pas question qu'elle abandonne aussi vite. Il devait bien avoir une solution. Il le fallait.

Dans son esprit, elle imaginait un Mono très inquiet, la recherchant, en traînant Six avec lui.

Ils viendront ! Oui, ils la retrouveront ! Il fallait rester positif.

Toutefois, un doute venait la démanger. Et si... Mono et Six étaient partis ? Ou en danger ? Qu'ils ne pourront pas venir la rejoindre ?

Son coeur se resserra, tambourina plus vite dans sa cage thoracique. Légèrement tremblante, l'enfant rassembla un maximum de jouets pour y dresser un sommet. Manquant quelques centimètres pour atteindre le plafond, elle usa de la pointe de son stylo à plume. Le coffre s'ouvrit enfin, ce qui l'apaisait dans son fort intérieur.

Alors qu'elle repensait à ses réactions pitoyables, Nueve secoua sa tête, essaya de se revaloriser un peu. L'enfant se hissa vers le haut, enjamba l'ouverture, prit soin de récupérer son arme. Le couvercle s'abaissa brutalement, ce qui la fit pousser un petit cri.


Eeek !


Aussitôt, elle souffla. Nueve éteignit sa lampe torche et la rangea soigneusement dans son sac, son grand stylo à plume avec. La chambre dans laquelle elle s'était cachée fut subitement éclairée par une ampoule suspendue au plafond.

Clac clac.

Quand la petite fille abaissa ensuite ses yeux, elle prit note d'une ombre autre que de la sienne par-dessus du coffre. Absurde, il y avait comme deux membres ajoutés à un corps normal. Mais aussi grand...

Un grognement sourd vint confirmer les suspicions de la fillette, qui, lentement, avec un teint livide, se retourna.

La nourrice s'était placé au mur. Avec deux membres ajoutés. Telle une araignée guettant son papillon dans sa toile, elle était désormais prête à se divertir encore un peu avant de la dévorer...


**

*


Cela faisait déjà une dizaine de minutes que Mono s'était rendu compte que sa partenaire avait disparu. Il courait, cherchait, appelait. Sans aucun résultat. L'anxiété le rongeait peu à peu et Six n'avait cessé de le suivre, dans une démarche monotone, blasée. Au bout d'un certain temps, elle proclama, simplement :


Elle t'a abandonné.

C'est faux ! S'insurgea vivement Mono, les poings serrés.


Obstiné, il poursuivait ses recherches. Six plissa ses paupières, aborda une moue vexée.


Pourquoi tu fais autant pour elle ?

Elle est mon amie.

C'est pour cette raison que tu t'es montré dur avec elle, tout à l'heure ? Se risqua t-elle de lui demander, sur un ton détaché.


Le jeune garçon serra ses poings. La fille au manteau de pluie jaune avait raison sur ce point. Il aurait dû s'excuser après avoir été aussi sec avec Nueve. Elle avait du mal le digérer et s'être sentie exclue. Ce qui l'avait dû pousser à s'éloigner d'eux.

Contrairement à Six, Nueve était si fragile et sensible. Prenait au mot et se blâmait facilement.


Je me suis comporté comme un imbécile. Admit-il, la gorge serré. Je dois aller m'excuser auprès d'elle..

Mono.

Quoi ?


Sèchement, il venait la dévisager, mais restait néanmoins à l'écoute. Il était tendu plus que jamais. Le garçon masqué craignait que son amie ne courre un grave danger à l'heure actuelle. Certes, elle était sacrément chanceuse, cependant, à un moment où un autre, la situation pourrait se renverser.

Six baissa sa tête, fixa un instant ses pieds, entrouvrit ses lèvres, mais aucun son ne parvenait à sortir. C'était bloqué. Comme si on lui interdisait, la privait de s'exprimer.

Perdant vite patience, Mono voulut la presser que, un grognement sourd se produisit à l'étage du dessus. Tous deux eurent un mouvement de recul, défensif.


C'est quoi, ça encore !?

La maîtresse est censée être en bas...


Les deux enfants s'échangèrent un regard complice. Instantanément, Mono se mit à courir vers les escaliers, prêt à monter en haut. Convaincu que son amie devait être en danger, il refusait qu'il ne lui arrive un quelconque malheur.

À cause de lui. De son égoïsme.

Six le suivait, il pouvait l'entendre respirer fort en plus des pas se mêlant aux siens.

Savoir qu'elle ne l'empêchait pas de secourir Nueve lui donnait un point bonus. La noiraude lui laissait le choix d'agir ou non. Et de ce fait, la conscience du garçon masqué était rassuré. Désormais, il pouvait considérer de nouveau Six comme une alliée... provisoirement.

Atteignant enfin le haut, Mono haleta, se tint à ses genoux. Ses muscles le tirait tellement que ça en était douloureux. Sa poitrine était en feu et il peinait à respirer correctement. Il pivota sa tête de gauche à droite, balayant du regard les couloirs, en quête de réponses. Très vite, un élément en particulier attira toute son attention.

Son coeur se serra douloureusement dans sa cage thoracique.

Ses pas le guidait jusqu'à l'accessoire rouge que portait Nueve depuis quelque temps : son ruban rouge, qui attachait ses cheveux. Mono s'accroupissait, récupérait soigneusement l'élément qu'appartenait à son amie. Son pouls devint lent et ses pupilles rétrécissaient. Pour rien au monde elle abandonnerait ce ruban, elle l'aimait bien.

L'image d'elle souriante s'effaçait peu à peu de son esprit et il fut subitement parcouru d'un spasme irrégulier.

La colère grimpait en lui. Ses muscles se contractèrent et l'envie de hurler fléchait. Mais rien ne ressortit, autre que son expression traduisait sa rage.

Une main se posa sur son épaule. Il considéra ensuite Six, qui le regardait, toujours aussi calme. Toutefois... elle semblait désolée, compatissante.

Depuis quand pouvait-elle se montrer aussi douce ? Elle qui a toujours été si calme, indépendante, ennuyée par ses attitudes de chevalier protecteur ? Il n'arrivait pas à comprendre.


« — Si elle est revenue vers toi, tu ne crois pas qu'elle veut se racheter ? » Lui avait questionné plus tôt Nueve avec un sourire innocent et à la fois remplit d'espoir.


Une seconde chance.


Elle est peut-être encore vivante. Ne te mets pas dans ces états, Mono.


Mono écarquilla ses yeux. Les paroles de Six surent éteindre en partie le brasier en lui. Il contracta sa mâchoire, prit sur lui. Six leva sa tête, fixa la direction opposée.


En toute logique, si son ruban est ici, alors elle se trouve de l'autre coté du couloir, nous n'avons entendu personne descendre des escaliers. Indiqua calmement Six, pendant qu'elle réfléchissait en même temps. Soit elle l'a perdu, soit elle a laissé une trace pour que nous la retrouvions, si elle n'est pas bête.


Ses hypothèses étaient plausibles. Mono ferma ses yeux, inspira et expira un coup. Puis, il serra doucement le ruban rouge dans sa poigne.


Six... Murmura t-il.

Dépêchons-nous.


La fille au manteau de pluie jaune retira sa main de lui. Elle lui fit un signe de tête qu'il aille devant elle. Ce qu'il exécuta sans broncher. De nouveau déterminé, ne demandant rien de plus, il fonça la tête baissée. Six le suivait de près.

Intérieurement dans ses pensées, elle était en plein conflit. Pour quelles raisons l'aidait-elle ? Surtout pour une personne sans intérêt ?

La noiraude se rappelait des chuchotements incessant de Nueve avec Mono, quand elle était devant, en train de marcher, en silence. Impossible de ne pas entendre cette pipelette ! La brunette voulait réellement qu'il pardonne Six. Qu'il lui offre une seconde chance.

Nueve n'était au courant de rien. Et pourtant, en dépit de toute méchanceté que lui avait craché Six, elle voulait qu'ils restaurent leur amitié. Sa gentillesse et naïveté agaçait plus que tout Six.

Tout comme d'une autre part, c'était touchant. Personne ne s'était montrée aussi chaleureuse avec elle – en dehors de la fois où Mono lui avait tendu la main, en la faisant sortir de la prison du chasseur dans les bois.

Une personne aussi douce et maladroite ne méritait pas de mourir aussi injustement. Six fermait ses yeux, avait finalement accepté d'aider Mono dans sa quête à la secourir.


Elle est sans intérêt.

C'est une personne sympa.

Tu considères une personne sympa toi, qui lâche un groupe sans rien dire ?

Dans ce cas je ne vaux pas mieux, d'avoir planté Mono !

Toi c'est justifié. Car c'est de la faute de Mono.

Ca suffit ! Ferme-la !

Tu n'es pas une personne gentille Six. Tu survis comme tu le peux. Je le sais.


Cette vision de n'avoir pas pu secourir ce garçon dans le navire où elle se trouvait la rendait coupable. Et d'avoir mangé vivant un pauvre Nome... Et cette femme au kimono.. Son estomac se tordit.

Puis surgit un grognement. Six écarquilla ses yeux.


Cela fait un moment que tu n'as pas mangé un bout, Six.

...Ferme-la...

Il est en face de toi.


Mono.

Six ralentissait ses pas. Son visage pâlie et son estomac grogna de plus belle. C'était si douloureux.

Elle mourait de faim. Sa respiration s'accélérait. La petite fille se plia en deux, ses bras enroulant son ventre. Des sueurs froides coulaient de son visage, à son menton. Les battements de son coeur augmentaient et son champ de vision se distorsionnait, devenait progressivement plus flou.

Encore un grognement. L'estomac de Six cogitait, la rendait de plus en plus instable.

Elle désirait, crevait d'envie de mettre quelque chose sous la dent.


« Bah je te donnerais mes cookies ! Il m'en reste ! » Lui avait assuré Nueve avec un grand sourire, innocent et rayonnant à la fois.


Son ventre se tordit. Péniblement, Six se redressa lentement. Ses pupilles brillèrent d'une lueur rouge, rubis. Elle apercevait entre plusieurs vagues, Mono, de dos. Sa longue veste kaki traînait derrière lui. Il s'éloignait, ne se doutant absolument pas de la crise de la noiraude.

Si... Ils parvenaient à retrouver Nueve, saurait-elle la satisfaire avec ces fameux cookies ? Est-ce que cela suffirait-il, même ?

La vision se brouillait, rappelant de ce pauvre Nome. Sa chaire, déchiquetée. Le sang qui giclait. Comme cette femme au kimono au coeur noircit. Celle-ci hurlait, rampait sur le plancher, le souffle coupé, tendant sa main vers n'importe quoi qui pourrait la défendre de cette enfant dévoreuse de tout.

Cannibalisme.

Six devait résister à cette horrible tentation. Mono lui avait bien dit qu'il voudrait l'aider à guérir de sa malédiction. Il aurait très bien pu décliner. La laisser pourrir. Or, il ne l'avait pas fait.

Il était grand temps de mettre fin à ce cycle. De cette boucle temporel où il est enfermé dans cette Tour de Transmission. Que elle, ne perde la mémoire, encore et encore à chaque répétition... Ici, un nouveau départ avait eu lieu. Et la présence de Nueve représentait une carte plus ou moins positive.

En serrant ses poings, en grinçant des dents, déterminée, Six bougea.

Sa noirceur soupira.


Ne sois pas ridicule...

Je ne ferais aucun mal à Mono. Affirma Six, les sourcils froncés.

Tu te fais du mal. Ce n'est qu'une question de temps que tu ne perdes le contrôle... Voulut la prévenir son ombre, sur un ton presque inquiet.

Je résisterais.


Elle avança, encore et encore. Son ombre resta en retrait, l'observa poursuivre sa démarche, avec une détermination brûlante de changer.


...Jusqu'où es-tu prête à le défendre, au juste ? Murmura l'ombre de Six, intriguée.


Elle esquissa un sourire.


Tu ne m'écoutes de moins en moins... Cette version de toi me fascine. Rien à voir avec les précédentes.


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