✨ Idylle spéciale • Le souffle de la forêt • ❤️
Couple • Humain/Nymphe
Relation • Charnelle (+16)
Mots • ~3250
Résumé • « Guadeloupe, VIIIème siècle environ, un indigène téméraire tombe d'une falaise lors d'une traque au monstre.
Il décide alors de remettre son salut entre les mains d'un esprit protecteur, au prix d'une offrande toute particulière. »
Inspire.
Perspicace, concentré, vigilant.
Expire.
Rapide, agile, précis.
C'étaient les atouts d'un bon chasseur. K'Yaine les répétaient en boucle, tel un mantra, depuis son départ du village plusieurs jours auparavant.
Sauf que lui, il ne voulait pas simplement être ''un bon chasseur''. Il voulait se hisser aux côtés des meilleurs, compter parmi les guerriers les plus féroces de sa tribu ! Et pour cela, il devrait mener à bien sa première mission.
Prends garde.
Le jeune caraïbe arrêta subitement sa course. Il s'efforça de réguler le rythme de son souffle afin que son cœur cesse de battre en désordre dans ses oreilles.
Bien tapis derrière un rideau de lianes épaisses, il resta accroupi et avisa les alentours de la forêt qui l'accueillait. L'air doux caressait sa peau en sueur, incitant aussi les feuillages à danser et chanter de la même main bienveillante. Le soleil étincelait encore bien haut dans le ciel. Ses rayons brûlants perçaient à travers la végétation, où oiseaux et papillons virevoltaient habituellement à leur gré. L'absence soudaine d'animaux dans les parages confirma l'impression sinistre de K'Yaine, ses doigts nerveux se resserrèrent autour de son arc.
Le démon qu'il traquait s'avérait tout proche.
Ceux-là, guerriers aguerris et Shamans attestaient qu'en dépit de toute protection mystique, ils sentaient la peur émaner de leurs proies. Ces dits Démons se repaissaient d'abord de la terreur qu'ils soulevaient chez leurs victimes, avant de vider leur corps de son sang et dévorer ses chairs. Ceci dit, K'Yaine n'était pas une proie effarée. Il avait été élevé et entraîné pour protéger son peuple de toute menace. Ainsi, il surmonta son agitation intérieure, encocha méticuleusement une de ses flèches et déploya ses sens.
Perspicace, concentré, vigilant.
La forêt sembla rester en haleine. Le bruit de la rivière en contrebas, le toucher du vent, le chant des arbres... Tout s'était tut.
Des grognements inopinés percèrent bientôt ce silence lugubre.
Rapide, agile, précis.
K'Yaine ajusta son tir à l'oreille. La forme fendant les bosquets à toute vitesse se dévoilait à peine qu'elle écopa d'une première flèche en plein thorax.
Rester mobile, impulser de nouveaux tirs, attendre un moment opportun pour terrasser la vile créature d'un coup de poignard en plein cœur et, enfin, lui arracher un croc. Le chasseur connaissait ces étapes sur le bout des doigts. Il plongea en avant et roula au sol peu avant que sa proie n'atteigne sa position. Elle dérapa dans la boue et s'emmêla dans les lianes en se débattant afin de se remettre debout.
Genou à terre, K'Yaine frissonna de dégoût face à la chose ignoble lui dardant ses grondements furieux. Le tout premier démon qu'il voyait. Pourtant, ni ces yeux injectés de sang, ni l'épiderme en lambeaux ou encore cette manière décousue de claquer les crocs disparates intercalés à ses dents ne le déstabilisèrent. Enfant, il les imaginait bien pire dans les cauchemars alimentés par les récits des anciens. Il lui planta donc une seconde flèche dans jugulaire et pivota juste à temps pour éviter ses doigts crochus.
D'un coup de griffes rageux, la créature sectionna les lianes et s'en libéra. Titubant à peine, elle chercha son adversaire à l'ouïe plutôt qu'à l'odorat. L'huile rougie qui couvrait son visage et son corps masquait en grande partie ses effluves, mais le bruit de ses déplacements furtifs restait inaltéré. Et pourtant, l'ennemi parvint à lui enfoncer une nouvelle flèche dans le flanc ! S'en débarrasser après coup s'avérait vain. L'infâme poison enduisant leur pointe l'étourdissait un peu plus à chaque frappe. Il engourdissait à la fois ses sens et ses membres.
Ha ! Humains sauvages de cette maudite île...
Ils ne tremblaient pas face à leur menace comme les envahisseurs. Ils n'acceptaient visiblement pas le sort funeste de leurs proches, dévorés à l'orée des villages, et venaient dorénavant traquer les coupables, jusque dans les montagnes et les forêts reculées de Kaloukaera¹. Il fallait éviscérer ce garçon. Au plus vite ! Ou celui-ci l'éliminerait.
Coups d'œil désorientés, bras ballants, équilibre de plus en plus incertain... Le démon paru assez hébété. K'Yaine pensa alors tenir son ouverture. Il sortit du couvert des bois et se projeta dans son dos. Il visa cette fois le plexus solaire, centre névralgique de tout être, et abandonna son arc au profit de son couteau lorsque la bête enragée se retourna. Elle dû encore être assez lucide pour repérer son corps en approche. Malgré un changement rapide de direction, elle l'écarta d'une manchette dès qu'il perfora son torse de sa lame.
La violence du choc l'envoya balader à travers la haute végétation. Le seul gommier sur sa trajectoire arrêta net son vol plané. K'Yaine réalisa à peine la situation qu'il chuta lourdement sur de gros rochers. Ils formaient le rebord d'une falaise.
Le caraïbe sentit le bas de son corps basculer bien avant d'aviser le vide qui le guettait. Haletant, les yeux exorbités de terreur, il serra les dents et grimaça sous la douleur vive de ses côtes fêlées. Ses mains cherchèrent à s'agripper, ses pieds tâtonnèrent désespérément afin de grimper sur la paroi. Il eut beau lutter, pousser de toutes ses forces, il glissa sur la mousse abondante et chuta inévitablement.
Alors qu'il dégringolait d'une vingtaine de mètres, sa fin inéluctable lui imposa les souvenirs de son départ. K'Yaine revit sa sœur adorée l'enduire de roucou², tout en lui rappelant les fondamentaux de la chasse aux Démons. Il admira la fierté de leur père tandis qu'il traçait ses peintures de guerre sur son visage, l'entendit l'encourager une dernière fois dans son périple. Quelle déception essuierait-il de ne jamais voir sa progéniture revenir victorieuse...
Sur cette pensée honteuse, K'Yaine sombra dans la noirceur de l'inconscience. S'il respirait encore après sa chute vertigineuse, le fracas de son corps dans la rivière en contrebas aurait suffit à sa perte.
*
Les heures s'écoulèrent.
La vie de la forêt reprit son cours.
K'Yaine émergea brusquement de l'obscurité.
Luttant contre une sensation de noyade, le jeune guerrier prit une grande inspiration et se redressa sur un coude.
Son esprit brumeux ne le situa au cœur de la forêt qu'après quelques minutes, mais lui rappela bien assez tôt les dangers qui y rodaient. Ses yeux, toujours alertes, scrutèrent attentivement les alentours alors qu'il se remettait sur ses pieds. Dans un geste machinal, il tâtonna son corps à la recherche de ses armes. Il remarqua que le roucou le protégeant des moustiques et de la poigne de ses ennemis avait été rincé. Mais son couteau, qui ne le quittait jamais, reposait bien dans l'étui accroché à sa ceinture. Son arc se trouvait aussi autour de son buste, tout comme le fourreau à flèches en travers de son dos. Le plus déroutant fut qu'il ne sentait pas leur poids. Ni même celui de son propre corps !
— Pourquoi je suis aussi bizarre, tout d'un coup ?
Un rire lointain parut lui répondre. Il se retourna à la volée et repéra une nouvelle créature. Elle n'était pourtant pas là, quelques instants auparavant.
L'inconnue continua à le fixer d'un intérêt non dissimulé. Grande et plantureuse, elle ressemblait un peu à un humain mais n'en était clairement pas un. À court de mots, le chasseur avisa son minois aux traits étrangers.
Le soleil disparaissait tout juste derrière les montagnes, la vision de K'Yaine fut donc des plus nettes. La stupeur que souleva cette peau verte satinée, ou même ces yeux hazel, ne l'empêcha pas d'y dénoter une grande beauté. L'étoffe blanche, longue et légère, revêtue par l'individu ondulait au gré du vent. Malgré d'interminables manches elle dévoilait ses épaules, couvrait à peine son buste plat et très peu du bas de son corps. Seule la zone de ses attributs échappait à la vue, ce qui n'impressionna pas K'Yaine. Son peuple vivait nu. En chasse, leurs peaux bronzées n'étaient couvertes que d'huile de roucou et d'un cache sexe rudimentaire. L'une des choses qui intriguèrent largement le caraïbe, sans pour autant le rebuter ou l'effrayer, fut la morphologie atypique de cette créature.
— T'es qui ? finit-il par s'enquérir après plusieurs minutes d'admiration silencieuse.
La voix ferme et puissante qui s'éleva en retour manqua de le déstabiliser.
— Hänelfae, lança l'étrangeté. Esprit Nymphe, protecteur de la forêt ainsi que de tous ses habitants. Quant à toi, petit humain...
— Moi, je suis K'Yaine. Comment ça se fait que tu parles ma langue ?
L'entité gloussa devant sa bouille effrontée.
— Je parle tous les dialectes du monde et je sais qui tu es. J'ai pris grand plaisir à observer tes escapades, bien avant aujourd'hui. J'espère encore avoir cette opportunité longtemps après.
K'Yaine fronça ses épais sourcils noirs.
— Si tu me connais, tu sais que mon père est chef guerrier de la redoutable tribu Kalinago. Alors je t'ordonne de me laisser m'en aller, démon ! Ou tu vas à coup sûr goûter sa hachette, si ce n'est la mienne.
Le petit ignorant agitait les bras dans tous les sens. Ses divagations firent éclore un radieux sourire sur le visage du nymphe.
— Je suis un esprit protecteur, petit humain. Ma nature se rapproche de celle des Anges, plutôt que des Démons. Et si je devais craindre quelque autre créature, sache que ton géniteur ou toi-même arriveriez tooout en bas de la liste.
La chose le prenait de haut, les traits de K'Yaine durcirent d'autant plus. Il ne savait pas ce qu'était un ange, pour la simple et bonne raison qu'aucun ne s'était jamais manifesté aux membres de sa tribu. Leurs Shamans assuraient toutefois que les esprits des anciens veillaient sur eux et les guidaient depuis le monde des morts. Mais alors, ils devraient leur ressembler ne serait-ce qu'un chouïa. Or, ni la peau, ni les poils et encore moins les iris de cet esprit n'étaient aussi foncés que les siens. Ne pas comprendre de quoi il en retournait l'agaçait fortement.
— Ceci dit, poursuivit l'extraordinaire créature, je ne te retiendrais jamais contre ton gré. Mais tu ne risques pas d'aller très loin, petit humain.
Le nymphe se retourna vers une forme allongée de biais dans l'herbe, aux abords d'un court d'eau. Un corps inerte, sur lequel on pouvait distinguer algues et sangsues s'éparpiller. Tableau écœurant auquel on devinait aussi s'ajouter une fracture au crâne, en se fiant à la flaque vermeille sous sa tête.
— Bordel de merde ! Qu'est-ce que tu m'as fait ? s'exclama le kalinago.
— Ton état actuel n'est en rien de mon fait. Tu as livré une bataille fort étonnante, ce, presque sans faille. Ton adversaire a toutefois réussi à t'arracher un match nul au dernier moment. De mon côté, j'ai eu la bonté de te sortir de la rivière. Nÿrfae, l'esprit en charge des eaux de Kaloukaera, comptait bien te laisser y sombrer afin que tu nourrisses ses poissons.
— Est-ce que, je suis...
— Mort ? Pas encore. Seulement, sans intervention surnaturelle, cela ne saurait sans doute tarder.
Abasourdi, K'Yaine fixa son propre corps. Était-il condamné à mourir ainsi ? Seul, au milieu de nulle part, dans le déshonneur d'une stupide erreur de calcul...
Non ! Il refusait l'idée même d'échouer à son rite de passage. Il était censé surpasser son aînée, destiné à devenir un chasseur émérite et un guerrier aussi implacable que leur père. Il voulait représenter une fierté pour les siens. Cet unique coup reçu ne pouvait sceller sa perte.
— Ben alors, t'attends quoi ? s'énerva-t-il en ancrant son regard déterminé à celui de Hänelfae. T'as dis être un esprit protecteur, non ? Sauve-moi !
Amusé par son ton intransigeant, le nymphe s'empara de la longue tresse de cheveux cuivrés reposant sur son épaule. Joliment parée de petites lianes et de fleurs, elle descendait jusqu'à son fessier dénudé.
— Je pourrais... concéda-t-il en tortillant sa natte. À la seule condition de recevoir une offrande.
Son attitude placide acheva d'exaspérer K'Yaine.
— Mais... Tu te fous de moi ? Je n'ai rien à donner. À part mes armes, et j'en ai besoin !
— Ton triste sort est donc entre les mains de la puissance créatrice, petit humain.
— Arrête de répéter ça ! Je m'appelle K'Yaine.
— Eh bien réfléchis, K'Yaine. Que pourrais-tu posséder qui puisse satisfaire une entité millénaire ?
La réponse se trouve aux tréfonds de ton être.
Une brise impromptue parut porter ce murmure jusqu'à ses oreilles. C'était pourtant la voix de Hänelfae qui l'avait effleuré. Sauf que, l'esprit n'ouvrit pas la bouche. Il continua à l'affubler du regard insistant allant de paire avec son sourire taquin.
— D'accord. Je t'offre mon âme !
Cela ne sembla pas l'appâter.
— Ah, c'est vrai, se souvint K'Yaine, t'es pas un démon. Alors, je peux te donner... ma dévotion ?
L'entendre bredouiller ceci eut le mérite d'attiser la curiosité de Hänelfae. Le jeune kalinago le devina à la manière dont son sourcil roux s'arqua. Il sauta donc dans cette ouverture.
— Oui, voilà. Si t'es un esprit, je peux te prier tous les jours et te remercier pour ta bonté, à chaque fois que j'en aurai l'occasion !
— Je n'en demandais pas tant.
Un sourire coquin au coin des lèvres, Hänelfae se réjouissait pourtant.
— J'ai donc ta dévotion ? préféra-t-il s'assurer.
— Oui, à tout jamais.
Le nymphe dévisagea l'humain, qu'il scruta ensuite de la tête aux pieds.
K'Yaine ne cilla pas. Il admira encore une fois les prunelles anormalement dilatées de Hänelfae. Elles jouissaient d'une profondeur pénétrante, paraissaient refléter chaque parcelle de la forêt. Particularité qui ne parvient toutefois pas à le remplir d'effroi. Satisfait par la sincérité émanant de lui, Hänelfae se détourna de sa manifestation spirituelle au profit de son enveloppe charnelle.
Sans se préoccuper de la boue étendue sous ses pieds, il s'agenouilla aux côtés du mourant. Le pivotant par le seul effort de sa volonté, il l'installa sur le dos et plaça ses doigts longilignes devant son visage blafard. Ses phalanges à présent luminescentes effleurèrent la peau humide de K'Yaine. Ce dernier ressenti leur caresse sur son buste, puis tout le long de sa ligne médiane. Les ondes enchanteresses qui s'y diffusèrent firent frissonner à l'unisson son corps et son âme. Une sensation aussi troublante qu'exquise.
Une fois son miracle accompli, Hänelfae se redressa et revint à pas légers vers l'esprit du kalinago.
— Peu nombreux sont les Humains capables percevoir notre énergie ou encore d'interagir avec nous, les Forces de la nature. J'ai toujours eu l'impression que tu étais différent. Il semble que mes intuitions ne me trompent guère.
Toujours sous l'effet étourdissant de sa magie, et peut-être aussi un peu captivé par ses lèvres charnues, K'Yaine n'ajouta rien. Une grande première.
— Tu resteras encore inconscient un moment, mais tes os vont se ressouder et toutes tes cellules se rétablir. Pendant ce temps, acceptes-tu ma compagnie ou préfères-tu...
— Oui, j'accepte.
Une réponse hâtée fort réjouissante, pourvu que K'Yaine en saisisse les conséquences.
— Comprends-tu mes intentions ? insista alors le nymphe.
L'intéressé roula des yeux.
— Tu me crois si débile ? Esprit ou pas, c'est facile de savoir quand quelqu'un veut se rouler dans l'herbe. Et puis, je te l'ai promis, ma dévotion est à toi. J'ai qu'une parole.
Sans mentionner qu'aussi louche paraissait cette créature, K'Yaine la trouvait magnifique. Une interrogation le tarauda toutefois.
— Est-ce qu'au moins t'as un... ''tu sais quoi'' ?
Les lèvres de Hänelfae se fendirent en un énième rictus. K'Yaine s'avérait véritablement exceptionnel. Exalté par son aubaine, l'esprit protecteur tourna autour de sa merveille avec une grâce authentique.
— Pour te combler d'allégresse, je n'ai nul besoin d'une anatomie comparable à celle de tes camarades de jeu habituels.
— Comment tu sais que...
— Je sais tout de toi, susurra-t-il contre son oreille.
Le nymphe de la forêt avait adoré observer la vie de K'Yaine ; de ses jeux d'enfant à l'apprentissage des arts et de la chasse, en passant par ses batifolages impudiques sous ses arbres.
Après avoir apprécié l'évolution du jeune homme près de deux décennies, Hänelfae l'avait enfin tout à lui. D'un simple geste de l'index, il le délesta de ses armes aussi bien que de son ceinturon. D'un autre mouvement de la main, il le repoussa sur l'immense coussin tout juste pensé afin d'accueillir leur agréable distraction.
K'Yaine s'accouda à la couchette duveteuse. Émerveillé, il observa la magie de Hänelfae transformer en brume éclatante le tissu superflu couvrant son corps. Seule resta la longue jupe drapée autour de ses hanches. L'empoignant, le caraïbe l'écarta d'un geste habile qui favorisa leur peau à peau lorsque le nymphe s'installa à cheval au-dessus de lui. Leurs lèvres esquissèrent un sourire similaire, se rapprochèrent et témoignèrent de l'exaltation du moment sans jamais prononcer le moindre mot. Ils devenaient superflus lorsque l'esprit, les yeux et le corps communiquaient en osmose.
Animé par sa nature fougueuse, le kalinago retourna bien vite la situation. Pour le plus grand plaisir du protecteur. Ce dernier profita à cœur joie de cette ardeur, dont il n'avait été que l'heureux témoin jusqu'à ce jour. Il fut ravi qu'elle rivalise avec ses espérances et laissa K'Yaine le cajoler à sa guise. Hänelfae, lui, démontra effectivement qu'il n'avait nul besoin d'un gourdin afin de le remplir d'euphorie. Il était partout, en lui et autour de lui.
Transcendé par l'énergie du nymphe, K'Yaine atteignit une extase qui ne serait jamais égalée. La tête rejetée en arrière, les yeux dans les étoiles, il aurait cru s'affaler, épuisé, et haleter de tout son soûl. Mais c'étaient là les limites d'un corps physique. Son cœur manifestait toutefois son émoi. Il s'allongea dans l'embrasse familière de Hänelfae et se surprit encore de le ressentir aussi vivant. À présent, il avait cependant compris. Le souffle de l'île Kaloukaera était le sien, la végétation ses vaisseaux et le chant des arbres leurs pulsations.
— Je vais me rappeler de toi et de tout ça, une fois réveillé ?
Hänelfae tourna la tête afin de plonger l'immensité de son regard dans les prunelles brunes face aux siennes. Il pivota ensuite sur le flanc et posa sa main délicate sur la poitrine de son favori.
— Ma magie coule désormais en toi, K'Yaine. Que tu en aies pleine conscience ou non, je serai toujours là, assura-t-il en désignant son cœur. Si tu honores ta promesse, mon vaillant petit humain, je continuerais à t'accorder mes faveurs.
Cette formulation énigmatique laissa l'intéressé dubitatif. Au moins un milliard d'autres questions se bousculèrent dans sa tête. Hänelfae ne lui accorda qu'une dernière réponse.
— Qui sait...
Peut-être me remontrerais-je un jour.
Un sourire confiant fiché aux lèvres, l'esprit choisit de s'évaporer sur cette déclaration taquine.
K'Yaine réintégra son corps. Il reprendrait bientôt connaissance, les crocs de son premier démon au creux de la main. Il rentrerait chez lui, indemne et victorieux, se sachant différent d'avant son rite de passage mais toujours décidé à tenir ses engagements. Anciens comme nouveaux.
...
Lexique
Kaloukaera¹ : signifie ''Terre aux gommiers''. Les peuples Caraïbes auraient baptisé la Guadeloupe ainsi en référence à l'arbre dans lequel ils creusaient leurs pirogues.
Roucou² : fruit à graines des régions tropicales. Écrasé, il sert de teinture/peinture ou d'huile.
Note annexe
Le ''démon'' chassé par K'Yaine est en fait une goule. Mes Caraïbes classent simplement par défaut tous les monstres surnaturels sous l'appellation de Démons.
Les infos sur les Goules, les Nymphes, ainsi que les vrais Démons sont disponibles dans le registre actualisé de mes créatures – sur www.saga-illegitime-nephilim.webador.fr.
Illustration bonus
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top