Chapitre 15 (partie 1)

Eh bien sachez que le lit de ma sœur est vraiment confortable, le seul souci, c'est que c'est un lit une place et que j'ai pour habitude de faire l'étoile de mer dans mon lit double.

C'est la lumière du jour qui a fini par me réveiller, mais comme tous les jours, je mets un certain temps avant de me lever. Mon téléphone n'a plus de batterie et c'est ce qui me motive à lever mon gros derrière.

Devant ma porte, je me rappelle la présence d'une certaine personne et toque doucement. La porte s'ouvre, et laisse apparaître une jolie fille avec les cheveux totalement en bataille. Son sourire active quelque chose en moi, de la joie, c'est comme une réaction automatique, incontrôlée. Je peux vous dire que c'est très rare. Il me faut au moins une heure et un petit-déjeuner avant que je ne ressente autre chose que de l'énervement le matin.

Je me souviens lui avoir donné un tee-shirt hier, mais je ne me rappelais pas qu'il lui allait aussi bien.

—    Ça fait un moment que j'attends que tu te réveilles la marmotte, me dit-elle.

—    Tu as de la chance, j'ai oublié de fermer les volets, j'ai été réveillée par le soleil. Sinon j'aurais pu dormir encore un bon moment.

Elle me regarde, comme si c'était impossible, alors que dix heures pour moi, c'est vraiment tôt. Quand je suis en vacances, je pars plutôt sur des midis, treize heures.

Mon ventre gargouille, me rappelant qu'il faut le nourrir. Puis j'entends un nouveau gargouillis, mais cette fois ce n'est pas mon ventre. Je la regarde, elle me regarde, puis nous rions sans même savoir vraiment pourquoi.

—    Tu déjeunes quoi ? Lui demandai-je.

—    Des céréales si tu en as.

—    Ouais je dois bien en avoir pour mes petites sœurs.

Je finis par préparer le petit-déjeuner pendant qu'elle regarde des dessins animés à la télé. Honnêtement, entre sa petite taille et sa bouille de bébé, on dirait une enfant. Pourtant, ça n'a pas l'air de la déranger et elle est à fond dans les Totally Spies.

Pour ma part, je me suis pris quelques fruits et des œufs, histoire de bien commencer la journée. Et vous savez quoi, ce n'est même pas moi qui profite de ce succulent petit-déjeuner étant donné que Maya s'amuse à me piquer des fruits. Je m'en suis rendue compte lorsque mon bol avait diminué de moitié. Évidemment, elle prend un air innocent avant de se défendre.

—    Ça avait l'air bon, je n'ai pas pu résister, dit-elle doucement.

—    Non mais j'hallucine, je t'héberge, te nourris et ça me remercie comme ça ?

Elle me fait un petit bisou sur la joue, me pique un morceau de kiwi et se replonge dans son dessin animé. Moi ? Je n'ai absolument pas réagi. Je reste comme une débile à la regarder. Le pire dans tout ça ? Je suis juste contente qu'elle m'ait fait un bisou. Non mais j'ai complètement craqué, elle a piqué mes fruits quand-même ! Ça m'a tellement perturbé que je suis restée bloquée au moins quelques minutes, j'ai presque remis ma vie en question.

—    Passe la journée avec moi, dis-je subitement.

—    Quoi ? dit-elle perplexe.

—    Bah vu que tu es une voleuse de fruits, tu me dois bien ça.

Elle fait style de réfléchir, afin de me faire mariner, et ça marche. Je ne tiens plus en place. Je veux sa réponse tout de suite, maintenant. Une réponse positive évidemment. Bien sûr qu'elle sera positive. Elle ne peut qu'être positive. J'espère qu'elle sera positive. Elle finit par hocher la tête de haut en bas, le sourire aux lèvres. Je respire de nouveau, je suis comme soulagée. Aurais-je douté de moi ? Non quand-même pas. Peut-être finalement.

—    Il faudrait repasser chez Mathis, je ne compte pas rester la journée en tee-shirt culotte, même si c'est super confort, me dit-elle.

—    Pas de soucis, madame. Je vous conduis.

Je prends quelques vêtements dans ma chambre et pars m'habiller dans la salle de bain, en profitant pour prendre une petite douche au passage. Et pour une fois, c'est une VRAIE petite douche. Cinq minutes top chrono. Je n'en reviens pas moi-même, à croire que je suis pressée.

Je vous avais dit que c'était nul d'être à l'heure. J'attends, toute prête comme une mongole sur le canapé alors que c'est moi qu'on devrait attendre. C'est toujours moi qu'on attend d'habitude. Elle montre finalement le bout de son nez quelques minutes plus tard. Elle a pris soin de se coiffer et a enfilé son jean de la veille, mais elle a gardé mon tee-shirt qu'elle a rentré dans son pantalon. Ça me subjugue, peu importe la façon dont elle porte ce tee-shirt, elle reste magnifique.

Décidément, cette fille a le don de me faire attendre. Ça fait au moins vingt minutes que j'attends dans la voiture devant chez Mathis, il fait une chaleur à en crever et tout ce qui m'inquiète, c'est d'avoir des auréoles sous les aisselles. On peut dire que j'ai le sens des priorités. À ce moment précis, je regrette de ne pas avoir la voiture de ma mère avec la clim'.

Maya a décidé que ce serait mieux que je n'entre pas afin d'éviter de croiser Mathis. Comme si on devait avoir honte de passer une journée avec moi. C'est plutôt un privilège.

Évidemment, elle a aussi ajouté "t'inquiète pas je fais vite". Vite mon cul oui. Moi, je suis en train de dessécher. Je vais finir par crever, seule, dans ma voiture, parce que j'attends une fille. Clairement une mort nulle.

Je veux mourir en faisant un truc stylé quand-même. Un saut en parachute qui finit mal, une randonnée dans des zones périlleuses à la fin tragique. Peu importe tant qu'on écrit un article sur moi et que je ne suis pas vieille. Vous pouvez être sûre que je ne serais pas le genre de personne à vivre jusqu'à 90 ans. Il est hors de question que je vive comme un légume dans une maison de retraite ou tout autre établissement de santé. Je déteste déjà les hôpitaux, ce n'est pas pour y passer une partie de ma vie.

Enfin, elle réapparaît et se presse jusqu'à la voiture. À peine assise, elle me crie de démarrer. Je ne réfléchis même pas et m'exécute. Lorsque son visage s'adoucit enfin, nous sommes à plusieurs rues de chez Mathis.

—    Tu peux m'expliquer ce qu'il vient de se passer ?

—    Mathis m'a cramé, j'ai dit que j'allais à un date. Il voulait absolument savoir qui c'était alors j'ai couru.

—    Alors comme ça c'est un date ? dis-je d'un ton amusé.

Je la vois tourner le regard vers la vitre puis remarque ses joues qui ont légèrement rougi. Je regarde la route, puis elle. La route, et encore elle. La route, toujours elle. Mes yeux font tellement d'aller-retours que je finis par avoir mal à la tête. Ce n'est pas plus mal, ça me permet de penser à autre chose.

—    Je conduis depuis tout à l'heure, mais on va où en fait ? demandé-je me rendant compte que je roule par instinct depuis déjà deux ou trois minutes.

—    Je ne sais pas, c'est toi qui voulais qu'on passe la journée à deux non ?

Pourquoi j'ai dit ça déjà ? Aucune idée. Je ne sais absolument pas où l'emmener. Ce n'est pas du tout à mon habitude de faire des "dates". Ok. Improvisation.

Je roule seulement quelques minutes et nous arrivons devant un supermarché. Elle me regarde, perplexe, avant d'ajouter.

—    Alors c'est ça ton date de rêve ?

Je ne réponds que par un simple sourire et sors de la voiture. Elle me suit, sans rien dire, puis arrivées dans les rayons, je la laisse choisir ce qu'elle veut pour un pique-nique. Vous voyez l'enfant que je voyais ce matin devant les dessins animés ? C'est exactement la même. Elle court à travers les rayons, attrapant au passage tout et n'importe quoi.

Résultat des courses ? Je me suis pris un sandwich et un paquet de chips. Le reste, c'est-à-dire, les paquets de bonbons, le saucisson et toutes les cochonneries, c'est madame.

Au niveau des caisses, j'aperçois un visage que je reconnais. Oh non, Léa, la rousse de la dernière fois. D'habitude, les filles que je séduis en soirée, je les oublie, souvent parce que les souvenirs sont altérés par l'alcool. Mais elle, je m'en souviens. Encore plus bizarre, je me souviens de son nom.

Je m'arrête et commence à faire la queue, mais Maya me prend par le bras et m'entraîne vers la caisse de Léa. Parce que, je cite, "il y a moins de monde là-bas ". Mais évidemment qu'il y a moins de monde là-bas, mais aujourd'hui j'adore le monde. Je veux même faire la queue pendant un long moment tant qu'elle ne me voit pas.

Eh bien c'est raté, nous sommes à sa caisse. Je baisse la tête, lui tourne le dos autant que je peux, mais là ça va être compliqué d'y échapper.

—    Bonjour.

Je me retourne et lui fait enfin face.

—    Salut, dis-je finalement.

Au plus profond de moi, j'espère vraiment qu'elle ne se souvient pas de moi. Je vous l'accorde, c'est impossible : qui pourrait m'oublier ? Mais bon, l'espoir fait vivre.

Elle passe mes articles sans rien dire. Pas un regard, pas un mot. Puis au moment de payer, elle finit par dire ce que je redoutais.

—    Tu t'es remise de la soirée de la dernière fois ? On pourrait finir ce qu'on a commencé, dit-elle accompagné d'un clin d'œil.

Honnêtement ? J'ai bégayé. J'ai simplement pu lui dire "merci". Non mais sérieusement je ne comprends pas. Je n'ai jamais été aussi bête avec des filles que depuis l'arrivée de Maya. Cette fille me rend totalement bête. Je bégaie, perds mes mots, mes moyens. C'est n'importe quoi.

Je sais que Maya a tout entendu. Elle ne met pas longtemps avant de réagir, puisqu'en sortant du magasin, elle se plante devant moi et me regarde en fronçant les sourcils.

—    Une de tes conquêtes, c'est ça ?

—    Disons que c'est une jeune femme que j'ai peut-être fréquenté durant une soirée.

—    Tu comptes la revoir ?

—    Pourquoi pas, elle est jolie et elle a l'air sympa.

Elle sourit puis tourne les talons. Je ne sais pas pourquoi mais, chez elle, j'adore observer les détails, c'est même ce qui m'intéresse le plus. Les milliers de petits détails qui la rendent si spéciale.

Et là, aujourd'hui, à ce moment même, j'en ai remarqué un. Son sourire, plus grand que d'habitude, comme étiré le plus possible et je le reconnais. Ce sourire que tu fais quand ça ne va pas, mais que tu ne veux rien montrer. Celui que tu es obligé de faire au maximum pour convaincre les gens autour que ça va. Ce sourire que j'ai tant de fois fait pour rassurer ma mère.

J'ai remarqué, mais je n'ai rien dit. Alors elle continue, et elle fait comme si de rien n'était. Mais moi, il y a un truc qui ne va pas, on dirait que je me sens coupable. Je ne sais pas pourquoi je devrais l'être, mais j'ai cette impression. J'ai aussi ce sentiment de vouloir arranger les choses. Je ne ressens jamais ce type d'émotion, ce n'est pas moi.

Nous arrivons enfin sur les lieux du fameux pique-nique. Je prends le sac de course, une couverture et rejoins Maya qui m'attend un peu plus loin. Arrivée à son niveau, elle se tourne vers moi, les yeux ébahis.

—    C'est magnifique, dit-elle.

Devant nous, un magnifique lac, entouré de tout un tas d'arbres. Il y a tellement de verdure qu'on pourrait croire qu'elle est là seulement pour cacher cette étendue d'eau.

—    Je comprends pourquoi tu m'as emmené ici, c'est tellement beau.

—    Ce n'est pas pour ça que je t'ai emmenée là.

Elle me regarde, m'invitant à continuer.

—    Je voulais un lieu spécial, ce n'est pas seulement un lac pour moi.

J'hésite à continuer, je sais que je vais regretter. Je ne veux pas m'ouvrir à une personne, ça finira forcément mal. Me voyant hésitante, elle prend ma main et nous marchons.

—    Tu as tout le temps de me raconter l'histoire de ce lieu spécial, dit-elle tout en me tirant par la main.

Nous trouvons finalement une petite étendue d'herbe où nous installons la couverture. C'est tellement silencieux et pourtant ce n'est pas dérangeant. Pour une fois, j'apprécie qu'aucun bruit ne vienne perturber le spectacle qui s'offre devant mes yeux. Les oiseaux chantent, les feuilles frémissent à cause de la légère brise qui vient adoucir cette chaleur.

Le sourire de Maya est enfin revenu, je veux dire le vrai sourire. Celui qui égaye son visage et qui est si communicatif qu'à chaque fois, je ne peux m'empêcher d'avoir un rictus.

C'est vrai qu'il y a plus idyllique que des vieux sandwichs et des paquets de chips, mais ça n'a pas l'air de la déranger. Pour tout vous dire, elle a même mangé pour trois, j'en suis encore sous le choc. Évidemment, elle finit par s'allonger pour prendre le soleil. Contre toute attente, ma bouche finit par articuler des mots qui n'étaient pas censés sortir.

—    Je viens ici quand ça ne va pas.

Elle relève la tête, me montrant qu'elle m'écoute. J'ai même du mal à croire que de si petites attentions arrivent à me rassurer, me décoincer.

—    Je viens jusqu'ici en courant pour faire le tour du lac, mais à chaque fois, je suis à bout de force en arrivant, alors je m'assois sur le bord, et je laisse juste passer le temps.

—    J'ai un endroit similaire vers chez moi. Ce n'est pas aussi beau et je n'y vais pas en courant, mais c'est un endroit où je me sens en sécurité.

Je ne dis rien, le regard perdu. Lorsque sa main vient se poser sur la mienne, je sors de cet état second et enlève la mienne.

—    J'ai pété l'ambiance, dis-je, ne riant qu'à moitié.

Je m'allonge, ferme les yeux et me laisse emporter. Je ne peux me reposer seulement quelques minutes, car Maya vient me secouer de toutes ses forces.

—    On va se baigner, dit-elle surexcitée.

—    Non, c'est mort, je suis sûre qu'il y a des trucs bizarres là-dedans.

Elle me fait sa petite moue boudeuse, mais rien n'y fait, je n'irais pas là-dedans. Elle finit par arrêter de me secouer et se tourne, me laissant face à son dos.

—    Dommage, tu aurais pu me pécho comme dans les films, dit-elle.

Ni une ni deux, je retire mon tee-shirt, mes chaussures ainsi que les chaussettes et saute à l'eau. J'avais totalement raison, l'eau est dégueulasse et je m'oblige à ne pas mettre les pieds au sol, par peur.

—    C'est bon, on peut se pécho maintenant, dis-je fière de moi.

—    Finalement j'ai pu trop envie, on va faire les boutiques ?

Elle n'attend pas de réponse de ma part et remballe ses affaires. Elle prend soin de partir avec mes vêtements, me laissant seulement la couverture tachée par l'herbe.

—    On se retrouve à la voiture, dit-elle, ayant conscience de sa connerie.

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