Le lundi suivant, Natalya était de retour au lycée pour entretenir sa couverture de Brooke Inchov. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était de rentrer en Russie. Mais elle devait être patiente. L'adolescente farfouillait dans son casier lors d'un intercours, à la recherche de son classeur, quand elle entendit une voix moqueuse derrière elle :

— Alors, Inchov, je t'ai manqué ?

Natalya claqua la porte de son casier en exhalant un soupir et se retrourna vers Jayden qui était planté derrière elle, l'air goguenard. Pour changer.

— Étonamment, répliqua-t-elle, pas du tout. Je me passais très bien de toi, Smith.

Ce dernier perdit son air insolent et fronça les sourcils.

— C'était toi, pas vrai ? A la course de motos.

La jeune mafieuse laissa échapper un soupir.

— Peut-être, répondit-elle enfin. Maintenant, laisse-moi tranquille.

La bande de Jayden arriva à ce moment là, regardant la scène d'un œil curieux.

— Tu ne va pas la laisser te parler comme ça ! s'insurgea Billy, un adolescent au front bas genre rugbyman.

Natalya haussa un sourcil. Billy se prenait vraiment pour ce qu'il n'était pas. C'est elle qu'ils dérangeaient, là !

Jayden fit un geste rassurant à son ami, lui signifiant qu'il avait la situation en main.

— Il va falloir que tu comprennes que c'est nous qui commandons ici, et que ce n'est pas une grande gueule dans ton genre qui changera la donne, pigé ?

— La leçon de la dernière fois ne t'a pas suffi ? répliqua Natalya avec hargne. Si tu veux, je peux recommencer, et autant de fois que je veux. Taillader ta peau ne me fera ni chaud ni froid.

La jeune mafieuse vit un éclair de surprise passer fugacement dans les yeux de Jayden. Satisfaite, elle le bouscula et s'en alla sous son regard noir.

Elle se rendit à la salle de mathématiques et s'assit à côté de Miranda, l'humeur maussade. Elle commençait à regretter la Bratva : là bas, elle était entourée de personnes responsables et avisées.

Au moins, la professeure de matématiques n'essayait pas de l'interroger, ce qui était peut-être la première note positive de la journée.

— Brooke, aide-moi, je ne comprends rien, demanda Miranda avec une moue découragée.

La jeune mafieuse tourna lentement la tête vers la feuille de son amie. Un problème plutôt simple où il était question de programmes et fonctions. Elle le résolut rapidement et rendit la feuille à Miranda.

— Merci beaucoup! sourit celle-ci.

— De rien, marmonna Natalya, au comble de l'ennui. Au moins, ça m'aura occupée.

La jeune mafieuse se retint de se taper la tête contre la table tant le cours lui paraissait monotone. Elle soupira pour la cinquantième fois depuis le début de l'heure et s'adossa contre le dossier de sa chaise. Le lycée, ce n'était vraiment pas son truc.

Elle passait mentalement en revue toutes ses techniques de combat, se visualisait en train de les effectuer une à une. C'était une méthode très efficace afin de tromper son ennui : focaliser son esprit sur une version active d'elle-même, imaginer dans quelle situation elle pourrait se retrouver et comment réagir. Qui l'attaquait ? Des hommes ? Avec des armes ? Si oui, lesquelles ? Combien étaient-ils ? Où se trouvait-elle ? Dans un endroit fermé ? Désert ?

À présent, si ils étaient armés, elle devait les désarmer. Mais pour réussir, il y avait encore plusieurs possibilités : elle devait déterminer si elle était libre de ses mouvement ou non. Ses ennemis étaient-ils conscients de sa présence ? Si non, elle pouvait profiter de l'effet de surprise. Mais là encore, tout dépendait du type d'endroit et d'éclairage. Si il y avait peu de lumière, elle pouvait neutraliser l'ennemi le plus proche d'elle, silencieusement. Un pistolet pointé sur son crâne doublé d'un étranglement devraient suffire sur un gabari normal. Si son adversaire était trop fort pour elle, il lui faudrait se glisser silencieusement derrière lui et l'assommer. Puis, le traîner dans un coin d'ombre, avant de s'attaquer aux autres avec discrétion, jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus que deux ou trois adversaires, une situation qu'elle pourrait gérer sans trop de difficulté.

Tout cela, à condition, évidemment, qu'il n'y ait pas de sniper dissimulé quelque part. Auquel cas il faudrait le neutraliser d'abord.

Mais si elle se trouvait être dépouillée de ses armes, elle ne pourrait plus compter que sur ses talents de combat au corps à corps. Ce qui signifiait que l'environnement pourrait peut-être jouer en sa faveur. Elle pourrait récupérer, par exemple, n'importe quel objet métallique susceptible de ressembler à une barre de métal et s'en servir comme d'une arme. Cependant, elle devrait être très vigilante aux armes à feu qu'ils pourraient potentiellement détenir. Une balle mal placée et elle était morte, littéralement, et ce dans toutes les situations.

La sonnerie de fin de cours retentit et ce fut un véritable soulagement pour l'adolescente qui n'avait pourtant rien écouté. Elle sortit en compagnie de Miranda et retrouva Kylie et Ashley au détour d'un couloir.

—    On est ensemble au cours de sport! s'exclama cette dernière. Toutes les trois!

— Cool, répondit simplement Natalya. On a quoi comme sport?

— Boxe, soupira Kylie. Je suis nulle en boxe moi, alors ça ne me motive pas vraiment...

—   Oh, commence pas, protesta Ashley. C'est un sport comme un autre, avec un peu de pratique, je suis certaine que tu adorerais.

En se rendant au vestiaire, Natalya jubilait intérieurement. Enfin quelque chose d'intéressant.

Elle se changea rapidement, faisant bien attention à ne pas dévoiler ses cicatrices. Celles de ses bras étaient masquées par des tatouages, mais sur son dos, son ventre et ses cuisses on pouvait observer quelques traces blanches plus ou moins longues. La dernière en date avait été récoltée lors d'une transaction de drogue avec un gang qui s'était mal terminée.

Accompagnée de ses trois amies, Natalya rejoint le reste de la classe à la salle de sport.

Le professeur était juste devant le ring, un petit carnet à la main.

— Bonjour à tous, pour ceux qui ne me connaissent pas je suis monsieur Lawrence, se présenta-t-il. Avant de commencer, qui a déjà pratiqué de la boxe en dehors du cadre scolaire ?

À ce moment, Natalya hésita. Bien sûr qu'elle pratiquait la boxe, mais Brooke non. Elle préférait jouer la prudence et en révéler le moins possible sur sa véritable identité.

Quand peu près toute la bande de Jayden leva la main et quelques filles également, Natalya resta donc immobile.

— Bien. A présent, parmi ceux aui se sont désignés, qui a déjà pratiqué à haut niveau?

Elle ne put s'empêcher de hausser un sourcil quand Jayden, Billy, Josh et Zane furent les seuls à lever la main. Comme par hasard, c'était encore eux.

Le professeur nota quelque chose son carnet avant de relever la tête.

— Bien, hum. Répartissez-vous en groupes de cinq devant chaque sac de frappe.

Les élèves s'exécutèrent dans un joyeux brouhaha. Puisqu'ils étaient un nombre impair, Natalya se dirigea vers le dernier punching-ball, seule. Elle n'avait pas envie d'être obligée d'attendre son tour en regardant des débutants.

L'adolescente fit semblant de n'avoir jamais vu un sac de boxe de toute sa vie : elle resserra volontairement les pieds, puis donna quelques coups timides et maladroits. Pourtant, elle brûlait de se défouler et d'enchaîner les coups, de frapper ce sac de sable pendu au plafond jusqu'à ce que ses mains soient en sang sous les gants épais. Mais elle devait faire tout le contraire et passer pour une novice, afin d'éveiller le moins de soupçons possible. Alors, elle continua de faire comme si elle ne savait pas comment positionner son corps, comme si elle n'avait aucune idée d'où placer ses frappes, comme si elle était incapable de donner la moindre intensité à ses mouvements. C'était facile, finalement. Il fallait juste imaginer être incapable et le tour était joué : de la lenteur, aucune force et beaucoup d'hésitation.

Au bout d'un moment, elle commença à sentir qu'on l'observait. Tant mieux, s'ils la voyaient tous agir aussi gauchement. Au moins, personne ne pourrait se douter de rien.

Elle s'arrêta un instant de jouer la comédie pour jeter un coup d'œil il à travers la salle.

Jayden, Billy et un grand brun musclé la dévisageaient depuis leur sac, manifestement en train de ricaner. Alors que Natalya fronçait les sourcils, le brun s'approcha, un air moqueur plaqué sur le visage.

— J'ai pas envie de perdre du temps avec toi, soupira l'adolescente. Va voir ailleurs.

— Ouuuh, mais j'ai peur, Inchov, dit-il en rigolant. Tu crois m'avoir impressionné avec tes frappes de fillette? Si c'est tout ce que t'es capable de faire, ça promet.

Natalya avait une envie grandissante de lui montrer ne serait-ce qu'une seule de ses frappes, histoire de le secouer un peu. A la place, elle le regarda bien au fond des yeux, et martela placidement ce qu'elle avait a dire :

— Tu ne me connais pas.

Un ange passa, durant lequel Jayden, légèrement en retrait, put voir le visage de l'adolescente devenir plus sombre et son regard refléter un calme impressionnant.

De son côté, Natalya était satisfaite : le brun n'avait rien répondu, regardant Jayden qui venait à son aide. Il semblait vraiment s'amuser, ses yeux brillant de malice face au petit échange.

Natalya, elle, ne s'amusait pas du tout et décida de les ignorer. Mais alors qu'elle se retournait face à son sac de boxe, une main lui agrippa le bras. Par réflexe, la jeune mafieuse la saisit et se retourna, prête à briser le poignet de Jayden mais elle se stoppa à la dernière seconde. « Tu n'es plus à la mafia, idiote »

Elle le lâcha avec une pointe d'agacement et croisa les bras.

— Quoi encore? Je n'ai pas plus de temps à perdre avec toi qu'avec l'autre abruti.

Jayden ne l'entendait pas de cette oreille puisqu'il éclata de rire, frappant sur ses cuisses avec entrain.

— Il va falloir faire mieux que ça, si tu veux impressioner quelqu'un, articula-t-il en essayant de redevenir un peu sérieux.

Natalya haussa les épaules. Elle n'avait rien à lui montrer.

— Me touche pas, marmonna-t-elle en le contournant.

Elle sortit de la salle et passa aux vestiaires pour se changer. C'était officiel, elle détestait ce lycée.

Alors qu'elle passait devant les toilettes des garçons, Natalya entendit des pleurs. Intriguée, l'adolescente s'avança jusqu'à l'embrasure de la porte, jetant un coup d'œil à l'intérieur. Ce qu'elle vit la fit soupirer de dépit : un des amis de Jayden, Zach si elle se souvenait bien, serrait ses mains sur le cou d'une fille dont le visage était masqué par une cascade de cheveux bruns.

— Toi, tu vas faire tous mes devoirs sans exception, comme on avait dit, menaçait-il. Ou alors...

La jeune mafieuse leva les yeux au ciel. On aurait dit un de ces films idiots, tout ça pour des devoirs, non mais c'était n'importe quoi.

Il resserra sa prise tandis que la brune suffoquait, des larmes trempant ses cheveux. Natalya réfléchit une seconde avant d'intervenir. Elle ouvrit la porte en grand, son regard dur fixé sur le jeune homme.

— Salut, Zach.

— Inchov? interrogea l'autre, surpris. Les filles, c'est de l'autre côté, je te signale.

Nonchalante, la jeune mafieuse se rapprocha. Elle voyait ce moment comme une occasion parfaite pour s'amuser un peu.

— Ouais, je sais, allez, laisse-la, ajouta-t-elle en pointant la fille du menton.

Zach lui lança un regard mauvais.

— Ne me donne pas d'ord-

— Lâche-la, répéta Natalya.

Comme il continuait de serrer, la jeune mafieuse se vit contrainte d'abandonner la manière pacifique et de le saisir par son teeshirt avant de l'envoyer valdinguer contre le mur opposé.

Natalya vit la fille s'effondrer au sol en se tenant le cou, luttant pour reprendre sa respiration. Pendant ce temps, Zach se relevait péniblement, ses traits déformés par la surprise et la colère.

— Eh, mais t'es malade ! cracha-t-il à son intention.

— Retourne en sport, Zach. Ça vaut mieux.

Elle se détourna, s'apprêtant à partir quand une voix un peu éraillée retentit:

— Pourquoi t'as fait ça?

Natalya se retourna et vit la fille se relever, sourcils froncés.

— Pour qu'il te laisse tranquille, répondit-elle simplement.

— J'ai pas besoin de ton aide, cracha la fille.

La jeune mafieuse plissa les yeux, soudain agacée.

— Comme tu veux. De rien, au fait.

Natalya se détourna et sortit. Était-elle vraiment en train de se prêter au jeu des lycéens alors que son frère et la Bratva toute entière étaient en danger ? Elle devrait plutôt se concentrer sur elle même et revoir ses priorités.

Au bout d'un moment, elle se rendit compte que son portable vibrait au fond de sa poche. Elle le saisit en marmonnant un :

— Привет. Qui-est-ce ?

_______________________________
Hello tout le monde! Comme promis, ce chapitre était plus long que le précédent, n'hésitez pas à voter et à me dire ce que vous en pensez en commentaires!