Les quatres amies rentrèrent dans un magasin de vêtements plutôt côté, et cher. Mais le jeu en valait la chandelle, du moins d'après Miranda.
Kylie poussa un petit cri en voyant une robe bleue assez sexy trôner sur le présentoir.

— Bon, mes chéries, vous choisissez tout ce qui vous plaît et on se retrouve aux cabines d'essayages dans un quart d'heure, annonça Miranda.

Les quatre filles se dispersèrent dans tout le magasin à la recherche de trésors.

Malgré la tonne de vêtements qui étaient gracieusement présentés, l'attention de Natalya fut retenue par un petit tas noir rélégué dans un coin. Elle s'en saisit et partit à la recherche d'une vendeuse.

— Madame ? dit-elle à une femme occupée à replier une chemise.

— Que puis-je faire pour vous, mademoiselle ?

— Je recherche des bottes en cuir noir, expliqua la jeune mafieuse. Arrivant à peu près à mi-mollet.

La vendeuse esquissa un sourire un peu exagéré et la conduisit au rayon chaussures.

— Nous avons plusieurs modèles... commença-t-elle.

— C'est bon ! J'ai trouvé.

Natalya saisit la trouvaille et marcha jusqu'aux cabines. Elle ne voyait pas l'intérêt de tergiverser des heures avec cette vendeuse qui avait pour seule mission de lui faire dépenser de l'argent.

Devant les cabines, ses trois amies l'attendaient, aussi impatientes que des enfants.

— Brooke ! s'écria Kylie. Vas-y, montre-nous ce que t'as choisi en premier !

Natalya soupira et pénétra dans le petit espace qui, heureusement, fermait avec une porte. Elle revêtit le bustier court en cuir noir qui s'arrêtait au dessus du nombril, le pantalon taille basse de la même couleur serré par une ceinture claire, enfila les bottes, pestant intérieurement contre l'étroitesse de la cabine d'essayage. L'adolescente passa ses mains dans ses ondulations brunes avant de sortir, vérifiant rapidement que rien n'était de travers.

La réaction de ses amies ne se fit pas attendre : Ashley resta sans voix, Miranda plaqua sa main sur sa bouche et Kylie poussa un cri aigu.

— Brooke, ma chérie, tu es splendide, fit la rousse.

— Si tu le dis.

— Je ne savais pas que tu avais autant de tatouages, commenta Ashley.

La jeune mafieuse sourit, sans répondre. Chacun de ses tatouages avait une signification particulière, mais elle n'allait sûrement pas les expliquer aux filles.

Elles passèrent à leur tour dans la cabine, et Natalya découvrit un style propre à chacune. Miranda avait opté pour une tenue vert pâle qui faisait ressortir sa crinière fauve.

Kylie semblait préférer les couleurs claires, tout comme Ashley d'ailleurs. Les quatres amies allèrent payer leurs achats et sortirent du magasin. Natalya constata avec stupeur qu'il était déjà huit heures du soir, elles avaient donc passé deux heures à faire du shopping !

— Bon, eh bien,  je te dépose chez toi, Brooke ? demanda Miranda en jetant un coup d'œil à sa montre. Il ne faut pas que je rentre trop tard, il faut encore que mange et que je finisse mes devoirs.

— Si tu veux, mais il n'est pas si tard, rappela Natalya en fronçant les sourcils.

— Oh, mais je fais attention à me coucher le plus souvent possibles aux alentours de neuf heures et demie, expliqua la rousse. C'est pour éviter, tu sais, les cernes.

— Et à propos de la course de motos, les interrompit Ashley, ça te dis toujours, Brooke ?

Miranda lui jeta un regard intrigué en ajustant le rétroviseur de la voiture.

— Tu comptes participer ? demanda-t-elle, surprise. Il n'y a presque que des garçons, tu sais. La plupart des filles qui voudraient bien être de la partie finissent par refuser pour cette raison. En général, les autres sont là pour supporter leurs champions. Je crois qu'ils y en avait deux ou trois la dernière fois mais elles n'ont pas aimé l'ambiance. 

— Bah, j'irai quand même, ça changera un peu. Alors, vous m'accompagnerez ? Comme ça, je serai votre championne.

Miranda, Kylie et Ashley acquiesçèrent avec un sourire et la voiture démarra. Comme promis, Miranda déposa Natalya devant chez elle et repartit en direction de chez Kylie.

Son sac en papier à la main, la jeune mafieuse dévérouilla sa porte d'entrée, posa ses affaires dans le salon et alla se détendre sous la douche.

L'eau coulait sur l'ensemble de son corps, déliant ses muscles, passant dans chaque aspérité, s'engouffrant dans le creux de ses chevilles et terminant sa course sur le sol de la cabine.

Natalya ne pouvait pas nier que cette soirée lui avait plu. Elle avait des vêtements qui lui plaisaient, elle avait pu se détendre et s'amuser un peu.

L'adolescente sortit de la douche, se mit en pyjamas et se glissa sous les draps. Elle sentait le sommeil la gagner et s'y abandonna, car elle devait être en forme pour le lendemain.

***

Le lendemain matin, ce ne fut pas les rayons du soleil qui réveillèrent Natalya mais encore une sonnerie de son téléphone. D'un geste rageur, la jeune mafieuse décrocha sans même regarder de qui il s'agissait et grinça :

— Putain, mais choisissez un autre moment que le matin pour m'appeler ! Déjà Ash qui m'a fait le coup hier...

— Привет, Nat, fit une voix en russe, qu'elle reconnaîtrait entre mille.

— Lev ? demanda Natalya, surprise. Désolée, je croyais que c'était... enfin, laisse tomber. 

Elle s'interrompit, regarda le numéro affiché sur son téléphone et fronça les sourcils.

— Pourquoi m'appeler en numéro masqué ?

— Je n'ai toujours aucune idée de qui est le traître, et je ne veux surtout pas que quiconque sache où tu es donc je prends mes précautions. Sinon, tout va bien ? Le lycée ?

— J'en ai déjà marre, grogna l'adolescente. Les cours sont beaucoup trop faciles et un idiot m'ennuie.

Il y eut un soupir à l'autre bout du fil.

— Et donc ?

— Donc, c'est un abruti qui croit que tout lui est dû parce qu'il fait partie d'un gang stupide. Il s'est permis de parler de mama, je l'ai remis à sa place, résuma la jeune mafieuse. Mais tout va bien, j'ai même fait connaissance avec deux-trois personnes sympa.

— Natalya, tu te souviens de ce que j'ai...

— Oui, souffla cette dernière avec insolence. Pas de victimes, sauf si je dois me défendre. Je sais. Ne t'inquiète pas, il n'a rien de grave, juste une petite coupure au cou et son ego bien heurté.

Cette fois, un petit rire rententit dans le combiné.

— C'est bien. Je dois te laisser, les affaires n'attendent pas.

L'adolescente n'en dit rien mais elle était presque étonnée du ton qu'avait employé Lev. Il lui avait semblé comme bienveillant. Non pas qu'il ne le soit jamais, mais il était, la plupart du temps, très distant. La vie en avait bien sûr fait ainsi, tout comme les responsabilités qui avaient pesé très tôt sur ses épaules, mais il était la seule famille proche qu'il restait à Natalya. Et elle aurait voulu, un peu égoïstement, qu'il soit plus accessible. 

Aussi loin qu'elle se souvienne, son frère avait toujours été très mûr et réfléchi. Il avait acquis très tôt le sens des responsabilités, aussi grâce à leur père qui l'y avait poussé dès son plus jeune âge. C'est peut-être aussi ce qui lui avait permis de garder le nord, même lorsque leurs parents avaient trouvé la mort. À vingt-six ans, il endossait le rôle de Parrain, d'ami et de frère. Mais rester si droit semblait presque lui avoir ôté une part de son humanité.

— A bientôt, monsieur le mafieux, fit Natalya, la gorge serrée, cachant derrière ce faible trait d'humour la fêlure dans sa voix. Il fallait qu'elle se reprenne.

— A bientôt.

Lev raccrocha et l'adolescente sortit du lit en soupirant. Elle devait se préparer pour la course de motos.