Chapitre 12
Quelques jours plus tard, l'adolescente se promenait dans l'immensité de Central Park. Après ces jours d'angoisse permanente, passés à se cacher d'une menace qui finalement n'existait pas, le calme relatif de ce parc gigantesque lui faisait le plus grand bien. Honnêtement, Natalya n'était pas une amoureuse de la nature et du silence, mais elle ne pouvait qu'admettre que cet environnement paisible lui permettait de décompresser.
Presque songeuse, Natalya errait dans les allées, au milieu des passants. Toutes ces années immergée dans la Mafia lui avaient appris que dans ce milieu, rien n'était dû au hasard. Les Parrains, les chefs de gangs, savaient exactement ce qu'ils faisaient et les évènements se déroulaient en faveur d'un des opposants, jusqu'à un retournement de situation... et ainsi de suite. Il n'y avait pas de coïncidences. Ce que Natalya devait à présent prendre en compte par rapports à tout ce qu'il s'était passé ces derniers temps. Le traître à la Mafia. La mort de Dmitri et Konstantin, des personnes qu'elle avait apprécié. Les deux russes au bar sachant qui elle était.
Quelque chose se tramait derrière tout ça, quelque chose de plus grand que ce qu'elle avait imaginé, et elle devait trouver de quoi il s'agissait, et surtout savoir si elle était en danger. Que devait-elle faire ? Appeler son frère ? Natalya avait beau avoir envie de savoir si, de son côté, il avait de nouvelles informations, elle hésitait encore et ne voulait pas tirer de conclusions hâtives. Finalement, la solution vint d'elle-même au quand, au bout de trente secondes de réflexion, son portable se mit à vibrer. Un peu anxieuse, Natalya fit glisser son doigt sur l'écran et prit l'appel. Aussitôt, un juron lui perca le tympan :
— Natalya ! Merde !
— Привет, Lev, répondit-elle prudemment.
— Cinq fois que j'essaie de t'appeler. Je t'ai envoyé quinze messages, énuméra froidement son frère d'un ton beaucoup plus calme, ce qui ne signifiait pourtant pas qu'il était moins en colère. Pourrais-tu avoir l'amabilité de répondre quand je t'appelle ?
La jeune mafieuse soupira. Elle ne se sentait pas le courage de lui expliquer les raisons pour lesquelles elle ne lui avait pas répondu.
— Désolée, marmonnna-t-elle. J'étais un peu occupée.
Il y eut un silence à l'autre bout du fil. Ce qui ne lui disait rien qui vaille.
— Natalya, tu n'es pas en voyage d'agrément. Tu es aux Etats-Unis pour ta sécurité, est-ce que je dois te le rappeler ?
La question était purement réthorique. La jeune mafieuse connaissait parfaitement les raisons pour lesquelles elle n'était pas en ce moment même en train de s'entraîner au tir avec Grigori dans la cour du manoir des Ivanov.
— C'est bon, j'ai compris, souffla-elle. Alors, pourquoi voulais-tu me parler ?
— Bien. Le traître est beaucoup plus dangereux que ce que je pensais, lui confia Lev d'un air grave. Et je ne sais toujours pas pour qui il travaille. Mais ce n'est pas le plus important pour l'instant. Il est possible que certaines informations te concernant aient... fuité.
— Fuité ? répéta Natalya en fronçant les sourcils.
— Oui. Et notemment le fait que tu ne sois plus en Russie.
La jeune mafieuse pinça les lèvres. Ce n'était vraiment pas une bonne nouvelle. Et les deux hommes du bar n'était sûrement pas une coïncidence. Ce qui voulait dire que des ennemis de la Mafia étaient peut-être aux États-Unis dans le but de la surveiller et peut-être même de la tuer ! Elle n'avait plus le choix, elle allait devoir avouer ce qu'elle avait fait à son frère.
— Lev, commença-t-elle, il faut que je te dise quelque chose.
— Je t'écoute.
— Je... j'ai tué deux hommes il y a quelques jours révéla Natalya. Je les ai rencontrés dans un bar et ils connaissaient ma véritable identité. Ne voulant pas prendre de risques, je les ai tués tous les deux. Tu penses qu'ils ont un rapport avec le traître ?
Elle entendit son frère prendre une grande inspiration et comprit qu'elle l'avait contrarié. Et même un peu plus que ça. Appréhendant sa réaction, l'adolescente ne dit rien et attendit qu'il digère son aveu.
— Tu es à New-York, bon sang ! explosa-t-il enfin. Mais tu veux vraiment t'attirer des ennuis ! Je t'avais pourtant bien dit de ne pas tuer qui que ce soit.
— Sauf si je devais me défendre, le coupa Natalya. Je n'allais quand même pas les laisser me tuer ou même les laisser se balader alors qu'ils savaient que je suis Natalya Ivanov ! D'ailleurs, j'ai trouvé un moyen de faire disparaître les corps et d'effacer la scène de crime, ajouta-t-elle, passant sous silence l'entière vérité.
— Ce n'est... D'accord. Admettons. D'après ce que tu me dis, ils savent que tu es à New York et savent aussi où te trouver. Tu en as éliminé deux mais ils reviendront sûrement à la charge.
— Est-ce que je peux rentrer en Russie, alors ? tenta Natalya.
— Non. Arrête de faire le bébé deux minutes. Tu seras encore plus en danger ici, répliqua Lev d'un ton qui ne souffrait aucune objection.
— Mais pourquoi le traître et ceux pour qui il travaille voudraient tant s'en prendre à moi ? questionna le jeune mafieuse. C'est toi le Parrain de la Mafia, pas moi. C'est plutôt toi qui devrait être leur objectif, non ?
Lev exhala longuement à l'autre bout du fil, comme s'il était fatigué.
— Ils comptent t'utiliser comme moyen de pression contre moi. A mon avis, s'ils arrivent à t'avoir, ils ne te tueront pas. Ils vont plutôt te séquestrer ou quelque chose dans le genre pour me forcer à prendre une décision. C'est pour cette raison que je ne veux surtout pas que tu reviennes en Russie maintenant. C'est trop risqué.
— D'accord.
— Reste sur tes gardes, Nat, conclut son frère. Je dois te laisser, je te tiendrai au courant s'il y a du changement.
Il raccrocha, laissant Natalya plantée au milieu d'une allée du parc. Les choses sérieuses commençaient et la jeune mafieuse allait devoir être à la hauteur. « Je vais devoir faire mieux que ce que j'ai fait jusqu'à présent » se dit-elle en grimaçant. Pour commencer, il allait falloir qu'elle se remette à s'entraîner plus souvent : à partir de maintenant, elle allait devoir mettre hors d'état de nuire tous ceux qui chercheraient à l'agresser, sans pour autant les tuer si elle ne voulait pas avoir d'ennuis aves les autorités.
— Hé, Brooke ! Qu'est-ce que tu fais là ?
Natalya se retourna et vit Ashley et Kylie s'avancer vers elle.
— Pas grand-chose, répondit-elle. Et vous ?
— On se promenait en discutant...
L'adolescente acquiesça doucement. Elle devait reconnaître qu'elle n'avait pas été très gentille avec les filles ces derniers temps, trop préoccupée par l'affaire du bar. Mais elle devait réparer les pots cassés et passer plus de temps avec elles si elle voulait éviter de se retrouver seule à longeur de journée. Mais d'un autre côté, elle ne voulait pas les mettre en danger en restant trop avec ses amies, surtout à présent qu'elle savait qu'on voulait s'en prendre à elle.
Natalya inspira un grand coup avant de tourner la tête en direction d'Ashley et dire :
— En fait, je réfléchissait et je... je tiens à m'excuser. J'avoue que je n'ai pas été très agréable ces derniers jours et ce n'était pas très intelligent de ma part.
La jolie blonde regarda un instant Kylie, qui hocha très légèrement la tête, dans un signe d'accord tacite.
— T'en fais pas, lui répondit-elle. On ne t'en veux pas, t'avais l'air un peu stressée, peu importe ce qui te tracassait, on a fini par comprendre que t'avais rien contre nous.
Natalya fut surprise par la compréhension de son amie. Elles ne la connaissaient pas depuis très longtemps, et d'ailleurs, elles ne la connaissaient pas du tout. Ashley et Kylie auraient très bien pu l'envoyer paître mais elles ne l'avaient pas fait.
— Eh bien, merci, dit-elle en fin. C'est passé, maintenant.
— Parfait, alors, sourit Ashley. Mais tant qu'on y est, il faut que je te parle de quelque chose. L'anniversaire de Miranda est ce jeudi et tu sais comment elle est, elle adore les fêtes.
— Non, je ne le savais pas, la détrompa Natalya.
— Peu importe, éluda Ashley, t'es au courant, maintenant. Je disais donc qu'elle a organisé une fête chez elle et a invité beaucoup de monde. Est-ce que ça te dirais de venir?
— En plus, renchérit Kylie, elle ne s'attendra pas à te voir. Tu seras un peu comme une surprise, tu vois ?
Natalya réfléchit un instant. Elle n'y voyait aucun inconvénient, même si être une surprise d'anniversaire ne faisait pas partie de ses habitudes. Et puis, une occasion de se distraire n'était pas de trop en ce moment.
— C'est d'accord. Quelle heure?
— Je pense qu'il n'y a pas d'heure précise mais l'idéal serait que tu viennes vers huit heures le soir... et l'heure à laquelle tu pars, c'est toi qui vois, rit la blonde avec un clin d'œil. En sachant que vendredi, on commence les cours à midi et on termine à trois heures.
— Je suis partante, confirma Natalya.
— Super. On se voit demain en cours?
Natalya approuva d'un signe de tête et regarda les deux filles continuer leur chemin un moment avant de se détourner à son tour pour rentrer chez elle : un peu d'entraînement s'imposait.
Quelques minutes plus tard, Natalya était dans son sous-sol. Elle avait sorti certaines de ses armes comme ses couteaux de jet, un pistolet silencieux –son Desert Eagle avait une détonation bruyante et elle ne voulait prendre aucun risque inutile– ainsi que son Bō, un bâton de combat.
Pour commencer, la jeune mafieuse s'échauffa brièvement les poignets en faisant des mouvements circulaires, puis plaça une épaisse plaque de liège sur le mur d'en face avant de prendre un marqueur rouge et fit un point d'environ deux centimètres de diamètre. Ensuite, elle se recula de quelques mètres et empoigna un couteau. Focalisant son attention sur le point, elle prit une demi-seconde pour viser et lança le couteau d'un geste sûr, le mouvement effectué tant de fois étant gravé dans son esprit et dans ses muscles.
Heureusement, d'ailleurs, car en combat, si elle avait eu à réfléchir avant de parer, réfléchir avant d'attaquer, elle n'aurait jamais gagné. La lame décrit une trajectoire parfaite et la pointe vint se ficher au centre de la petite marque rouge. Un petit sourire satisfait vint éclairer le visage de Natalya, qui saisit rapidement un autre couteau et exécuta le même mouvement, le même résultat. Elle fit encore une dixaine d'autre lancers, dont un seul fut moyen : contrairement aux autres lames, dont les pointes se touchaient, celle-ci avait un écart de quelques millimètres par rapport aux autres. Or, dans un affrontement, quelques millimètres suffisaient à faire la différence et Natalya le savait.
Elle changea de domaine en prenant le Bō en main, sentant le poids familier s'appliquer à son poignet comme un extension de son bras. Ce bâton en acier plutôt léger par rapport à d'autres modèles, faisait presque sa taille, tenu verticalement. Elle avait très vite appris le maniement du bâton, fascinée par l'équilibre avec lequel il était proportionné et avait rapidement développé une aisance toute particulière avec cette arme. Mais elle l'avait trouvée trop lourde pour ses bras d'enfant et en avait demandé une version en acier plus légère, plus performante et plus adaptée. Depuis, elle avait perfectionné son aisance avec le Bō.
Elle tint le bâton en son centre, répartissant les points de gravité aux extrémités, avant de commencer à le faire tournoyer gracieusement autour d'elle avec de plus en plus de vitesse. Le bâton fendait l'air avec des sifflements réguliers, ses mouvements devenant flous tant il bougeait vite. Soudain, Natalya pivota vers la gauche et asséna une série de coups à un ennemi invisible, utilisant à la fois le haut et le bas de son arme, attaquant dans le vide, visualisant mentalement des ennemis autour d'elle avec un seul but : les maîtriser. La jeune mafieuse fit une pirouette sur elle-même, fit passer le Bō dans son dos avant de le rattraper de son autre main et de frapper l'extrémité au sol. D'un mouvement fluide, elle se remit en position de défense, faisant toujours tournoyer son arme devant elle.
Brusquement, elle stoppa toute action, aussi immobile qu'une statue. Son instinct l'alertait d'un danger. Sur ses gardes, Natalya posa le bâton et prit un pistolet silencieux, remontant au rez-de-chaussée, prudemment. Les paroles de Lev résonnaient encore dans son esprit. «Reste sur tes gardes ». La jeune mafieuse arma lentement le pistolet avant de le cacher derrière son dos et ouvrir la porte d'entrée en grand, prête à se défendre. Mais il n'y avait rien d'autre que le passage incessant des automobiles sur la rue d'en face. Natalya referma la porte et s'adossa contre le mur en soupirant : elle devenait complètement paranoïaque ! Enfin, vu l'état actuel de la situation, ce n'était peut-être pas plus mal.
Décidant de stopper l'entraînement pour le moment, l'adolescente alla ranger ses armes et se lova au fond d'un des fauteuils du salon. Elle refusait de vivre comme une biche aux abois en permanence. Il fallait qu'elle passe à l'action, mais comment pouvait-elle procéder pour y arriver? Il semblait que les alliés du traître avaient toujours un coup d'avance sur eux, à commencer par le fait que Lev ne l'ait toujours pas démasqué. Ce qui posait un gros problème, car dans ce genre de situations, on ne pouvait plus faire confiance à personne. Même les personnes en qui on croyait le plus entraient dans la liste des suspects. Et si Natalya avait son lot de problèmes, elle plaignait sincèrement son frère qui devait se trouver dans une situation assez délicate. Se retenant de soupirer à nouveau, l'adolescente se plongea dans ses pensées plus obscures les unes que les autres.
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