Thrillers
Vendredi 19 avril 2019 : 20H30
¤ Pour cette dernière rencontre, nous aborderons votre saga policière "Man&Delf". D'où vous est venue cette idée?
* Au départ, j'ai toujours eu un faible pour les romans policiers. J'ai dévoré l'œuvre d'Agatha Christie. Elle a écrit une soixantaine de polars, elle en sortait deux par an. Ecrire était un exercice quotidien auquel elle s'astreignait. Elle écrivait tous les jours.
¤ Vous nous avez dit que vous-même en étiez incapable.
* (rire) Je le répète, je ne suis pas un écrivain. Tout juste bon à raconter des histoires. Hors, le roman policier n'est rien d'autre que cela. Une histoire, déroulée devant le lecteur avec un piment supplémentaire. Une cerise sur le gâteau.
¤ Et quel est ce piment? Ou cette cerise?
* C'est l'intrigue policière. C'est souvent le seul élément qui fait que l'on poursuit jusqu'au bout. Savoir qui est l'assassin, comment il s'y est pris, ses motivations,... car il faut bien reconnaître qu'un roman policier est rarement de la grande littérature.
¤ Même chez Agatha Christie?
* (grand rire) Même chez Agatha Christie.
¤ Dites- nous tout. Est-ce si difficile que cela d'inventer une intrigue policière?
* Me concernant, non. Définir le mobile du crime, la complexité de l'action... Piquer la curiosité du lecteur, ça je sais faire. Déterminer en parallèle, le caractère de chaque personnage, avec un soin tout particulier pour le coupable, je sais faire aussi. C'est une fois que vous avez ces trois éléments, que l'histoire peut réellement commencer. C'est la partie la plus facile, en fait, car il ne vous reste plus qu'à dérouler. Démêler les fils de la pelote de laine jusqu'à la résolution finale.
¤ Ça parait simple, en effet, énoncé comme cela. Pourtant, beaucoup s'y sont cassés les dents.
* C'est un peu comme un tour de prestidigitation que vous réalisez en public. Les spectateurs doivent être bluffés. Ils doivent se demander: "Mais comment fait-il?", alors que vous, vous savez très bien quel stratagème vous devez utiliser pour arriver à vos fins. Un thriller réussi, c'est l'équivalent d'un tour de magie réussi.
¤ C'est juste une question d'illusion, alors?
* (sourire) Exactement. En ce sens, la plupart des romans policiers d'Agatha Christie obéissent à cette règle. Ils sont tous construits sur un même principe de tour de passe-passe, sauf trois.
D'abord son premier grand succès: "Le crime de Roger Ackroyd" dans lequel l'assassin est le propre lecteur, en quelque sorte.
¤ Oui, je crois savoir qu'elle usa d'un procédé révolutionnaire, pour l'époque. D'ailleurs, les auteurs "classiques" de polars, hurlèrent à la supercherie.
* Tout à fait. Mais reconnaissons que c'était génial. Moi, lorsque je l'ai eu terminé, je me souviens qu'il m'avait laissé un goût très désagréable dans la bouche. En effet, comment se soupçonner soi-même...
¤ Et le deuxième?
* C'est: "Et le miroir se brisa". Le coup de génie, c'est que trente secondes avant, la coupable ne savait pas qu'elle allait commettre un meurtre. Il a suffit d'une malencontreuse phrase prononcée pour la décider à tuer.
¤ Je me souviens, en effet. Il a d'ailleurs été porté plusieurs fois à l'écran.
* Il me semble que l'on en a tiré trois films.
¤ Notamment celui avec Angela Lansbury et Rock Hudson.
* (court silence) Pour moi, ce n'est pas le meilleur. Mais une fois la trame mise au point, il était difficile d'en faire un véritable polar. Et je trouve qu'Agatha Christie brode énormément autour d'un scénario famélique. Même avec ces acteurs géniaux, on finit par s'ennuyer.
¤ Heureusement qu'elle a inventé un détective de génie. Je veux parler d'Hercule Poirot. Vous avez aussi votre héros, avec l'inspecteur Manuel Delfoe.
* Sauf qu'il est bien loin d'avoir atteint la notoriété du détective belge.
¤ Un drôle de personnage, votre Delfoe.
* Il est entier. Il ne supporte pas l'échec. Et ne fait aucune concession.
¤ Une tête brûlée, en quelque sorte.
* On peut dire ça.
¤ Pour en revenir à la reine du polar, vous ne nous avez toujours pas parlé de son troisième roman...
* Ah! Son Chef- d' Oeuvre.
¤ Sans doute les " Dix Petits Nègres", je suppose?
* C'est cela. " Dix Petits Négres" est un chef-d'oeuvre à tous les niveaux. Au niveau de l'histoire en elle-même, parfaitement crédible. au niveau des personnages, extrêmement bien campés. Au niveau de l'intrigue. Il est IMPOSSIBLE de savoir qui est l'assassin. IMPOSSIBLE. On touche là au sublime. Cette œuvre m'a marqué. Et je savais que si, un jour, je m'essayais à ce genre, je reprendrais les codes de ce best-seller.
¤ C'est vrai qu'il y a beaucoup de similitudes avec votre premier roman policier. A commencer par le titre.
*(grand rire) Ah! Vous avez remarqué, vous aussi? "Six Petits Blancs", ça claque, non? (autre grand rire). Dans mon polar, les six personnages meurent tous les uns après les autres. Jusqu'au dernier. A la fin, il n'en reste plus aucun.
¤ Pourtant, l'un d'eux s'avère être bien vivant.
* Tout à fait. C'est comme un effet d'optique. Un tour de passe-passe que le lecteur, même attentif, ne peut déceler.
¤ Pourquoi?
* Parce qu'il n'y pense pas. Le lecteur ne peut pas se mettre dans la tête du coupable. Ce dernier a mis au point un stratagème qui joue tel un miroir déformant. Un tour de magie parfait. Apparaît à un moment, un élément extérieur que le lecteur ne sait pas discerner. Et c'est normal, vu le déroulement de l'histoire.
¤ J'avoue que le stratagème est bien trouvé. Même Delfoe, l'enquêteur, aurait été incapable de démêler l'affaire. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre personnage-clé?
* C'est un fonctionnaire de police lambda, au début. Mais au fil des aventures, il prend de la bouteille.
¤ Il s'étoffe, en effet.
* C'est cela. Au départ, je ne comptais pas le faire apparaître sur d'autres aventures, et puis j'ai trouvé qu'il faisait un excellent fil conducteur dans mes différentes enquêtes.
¤ Il donne l'impression d'être posé là, comme un simple pot de fleurs. Il ne résout jamais une enquête, en fait.
* Oui. On lui apporte la solution sur un plateau. Enfin, sous forme de lettres, le plus souvent. (grand rire grave)
¤ Y aura-t-il d'autres aventures de l'inspecteur Delfoe?
* Deux sont en cours d'écriture. Une qui nous mènera à Reykjavik en pleine guerre froide. Un allez-retour entre cette période et notre époque, avec en toile de fond, le championnat du monde d'échecs entre Bobby Fischer et Spassky.
¤ Le principe sera-t-il le même que pour les "Six Petits Blancs"?
* Absolument. Et là aussi, Delfoe n'aura pas grand chose à faire. Mais attention, ce n'est pas un looser. Il arrive à des résultats grâce à son esprit de déduction.
¤ Pouvez-nous nous donner le titre.
* " Le syndrome d'Hylander". J'ai même la couverture.
¤ Et pour le deuxième polar?
* Il est basé sur une histoire vraie. Que j'ai assaisonné à ma sauce. (rire). Il y est question d'un meurtre dans une résidence. Dans cette enquête, Delfoe est plus présent. Dès le début. Aussi, des aspects encore inconnus de sa personnalité ressortiront. Il devrait apparaître assez déroutant pour certains qui le considéraient comme ballot, voire insignifiant.
¤ Et là encore, avez-vous choisi le titre?
* " Nessun dorma". J'ai repris un air d'opéra de Puccini. Toute la trame dramaturgique est basée sur les paroles de cet air, avec en apothéose, la note finale qui désigne l'assassin.
¤ Je crois savoir que vous envisagez de le faire intervenir dans une autre enquête?
* Je me suis inscrit au concours organisé par MiladyCoulter sur le thème: "Le meurtre mystérieux". Il y a plusieurs contraintes strictes de départ à respecter, avec un meurtre bien précis, un nombre donné de suspects potentiels, des indices définis à l'avance, un format court... En tenant compte de toutes ces contraintes, à nous de proposer une enquête policière à la fois la plus cohérente et la plus crédible possible.
¤ Vous y êtes parvenu?
* (dernier grand rire de la soirée) Je suis assez fier du résultat. Oui.
¤ Et bien, c'est sur ces derniers mots positifs que nous prenons congé. Merci d'avoir accepté cette série d'entretiens. Nous nous quittons sur quelques notes de "Turandot", l'opéra de Giacomo Puccini.
A très bientôt sur notre antenne.
https://youtu.be/VATmgtmR5o4
... Vous pensez que j'en ai trop dit sur mes deux futurs romans?
... Mais non, qu'allez-vous imaginer...
... Faudrait pas qu'on me pique mes idées, tout de même...
... Pensez donc, personne ne vous lit.
FIN
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