> chapitre 3 <
Une violente secousse m'arrache de mon sommeil comateux. Je mets quelques secondes avant de me repérer, les ceintures de la voiture s'enfonçant entre mes côtes. Mon visage me brûle et je n'ose pas exercer un simple mouvement.
« - Mmh... Je comprends.
-...
- Oui.
-...
- Il dort.
-...
- Non à l'hôpital ils ne pou-.
-...
- C'est ce que j'allais faire.
-...
- Je sais.
-...
- Merci, vraiment.
-...
- Non, il faut que je parte.
-...
- Je sais que je peux te faire confiance.
-...
- Oui.
-...
- Toi aussi.
-...
- Je t'appellerai ce soir.
-...
- Je... Je sais pas Yoongi.
-...
- Merci, à ce soir. »
La voix grave de Taehyung s'éteint en même temps que l'appel téléphonique. Il jette l'appareil sur le siège du mort et repose sa main sur le volant. D'ici, je vois ses jointures blanchir tant il le serre. La lumière des phares taille son visage tendu et des traînées de sang sec soulignent ses yeux fatigués et sa peau trop pâle. Il ne bouge presque pas, crevant l'autoroute sous les limites de vitesse, sûrement pour ne pas déranger mon sommeil.
« - Taehyung ? »
Il pile. Freinant brusquement au milieu de la route dans un son qui m'arrache les tympans.
Fort heureusement, aucune voiture ne le suivait et il redémarre aussitôt, accélérant légèrement.
« - Putain, tu m'as fait peur.
- Excusez-moi.
- Ça va. Tu te sens comment ? »
Il jette des coups d'oeil furtifs dans le rétroviseur central, m'observant d'un regard puant l'inquiétude.
« - Ça fait mal. »
Quel doux euphémisme.
« - Je suis désolé, on est bientôt arrivé, tu vas pouvoir te reposer et te soigner.
J'essaye d'ignorer le ton tranchant et froid qui travestit sa voix.
" - Où est-ce qu'on est ?
- Busan. »
Busan.
Je suis à Busan.
Je n'ose pas lui demander la raison pour laquelle nous sommes là et me recouche. Pendant quelques minutes, le silence règne dans l'habitacle et je fixe le plafond vibrant où la lumière de la route fréquentée fuse.
« - Rendors-toi, on en a encore pour une bonne demi-heure., fait Taehyung, brisant le silence. »
Alors je suis ses conseils, et replonge dans un sommeil profond.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
« - Jungkook. »
Je geins avant de battre des paupières, encore noyé dans mon sommeil sans rêves. Taehyung se tient au-dessus de moi, ses cheveux effleurant délicatement mon front.
« - Il faut qu'on te soigne. »
Un matelas un peu dur supporte mon poids mort. Il a dû me porter jusqu'ici tandis que je valsais avec Morphée.
« - Tu peux te lever ? »
J'acquiesce et me redresse sur le lit, pinçant mes lèvres lorsqu'une violente douleur frappe ma nuque. Ma tête me tourne et je manque de m'écrouler de nouveau sur le matelas grinçant.
Taehyung reste attentif et m'observe avec de grands yeux, prêt à intervenir.
Finalement, je m'accroche à son épaule musclée et il me traîne jusqu'à la salle de bain miteuse.
« - Où est-ce qu'on est ?
- Hôtel. »
Il finit par s'arrêter devant une baignoire à l'émail jaunie, puis décroche mon bras de son épaule.
« - Tu devrais prendre une douche pour rincer le sang., j'hoche la tête., Tu... Tu veux de l'aide ?
- Merci, mais je crois que ça va aller.
- Très bien. Appelle-moi s'il y a un souci. »
Il quitte la pièce, refermant la porte silencieusement.
J'esquive le reflet du miroir rayé et attrape entre mes doigts l'ourlet de mon t-shirt. Je tire le vêtement vers le haut, dévoilant mon bas-ventre aux hématomes superficiels, mais un tiraillement qui me fait voir des étoiles tyrannise mes épaules et mon flanc droit, tandis que le tissu retombe sous mon soupir défaitiste.
Je m'en doutais. Il va devoir m'aider.
« - Taehyung ? »
La porte s'ouvre à la volée, frappant le mur, et un Taehyung aux traits inquiets déboule dans la pièce carrelée. Il se calme, voyant que je tiens encore debout et que mon état ne s'est pas empiré.
« - Je n'y arrive pas. »
Son regard se teinte d'incompréhension, puis il semble comprendre lorsqu'il se tend légèrement. Sans lâcher un mot, il referme derrière lui et s'approche de moi.
« - Tu ne peux pas lever les bras ?
- Non...
- Et tu tiens à ce t-shirt ?, finit-il par me demander après quelques secondes de réflexion.
- Non...? »
Il fouille dans la poche arrière de son jean sombre, et en sort un Opinel. Il l'ouvre puis le passe sous le tissu rouge d'hémoglobine. Un craquement résonne dans la petite pièce et le vêtement se déchire sous la lame aiguisée qui frôle ma peau.
Je garde mon regard fixé sur mon patron, observant avec attention son visage si froid.
La vulgaire étoffe finit par tomber au sol et il range son arme là où il l'avait cachée. Ses grandes mains effleurent mon torse avant qu'elles ne s'échouent sur mon jean.
Il relève ses orbes impénétrables vers moi, cherchant un accord silencieux. Je ferme les yeux.
Alors, ses doigts habiles défont le bouton et descendent ma braguette. Ses pouces se glissent à l'intérieur du vêtement et il déroule le jean sur mes jambes, s'accroupissant à mesure que le tissu dégringole. Arrivé à mes chevilles, il me demande de lever le pied. Non sans une douleur fusant dans mes côtes, j'exécute sa demande et bientôt il ne me reste qu'un sous-vêtement noir. Il se redresse à ma hauteur tandis qu'il fuit mon regard.
« -Il faut que je t'enlève ton boxer.
- Je sais. »
Et il répète le mouvement, plus hésitant, me dénudant au complet sous ses yeux évasifs. Il remonte rapidement jusqu'à ma hauteur puis attrape ma main pour la poser contre son épaule.
« - Tu peux monter dans la baignoire en te tenant à moi.
- Mh. »
Il me guide vers le meuble jauni et je m'appuie contre son épaule pour grimper sans trop de douleur. Quand mes deux pieds touchent la résine froide, je lâche l'épaule de mon patron. Mais aussitôt, mes jambes flageolent et je me sens étourdi.
« - Je crois qu'il va falloir que je m'assoie... »
Et des doigts à la peau sèche entourent ma hanche droite pour accompagner ma chute dans le fond de la baignoire.
Taehyung me lâche presque immédiatement et se rue sur la paume de douche. L'eau glaciale crachote et je couine lorsqu'elle gèle ma peau pâlotte. Puis, après quelques secondes, le liquide limpide se réchauffe et Taehyung arrose mon corps nu.
Son regard papillonne un peu partout, évitant précieusement mes parties intimes et lorsqu'il finit par avoir trempé tout mon corps, il encre son regard dans le mien.
« - Ferme les yeux. »
Je clos alors mes paupières et coupe ma respiration quand un faible jet d'eau s'écrase sur ma figure.
Je sens ses longs doigts frotter légèrement mon épiderme marqué par les coups, mais bientôt, il ferme l'arrivée d'eau et je peux de nouveau l'observer.
Le flot souillé s'échappe dans la bonde, emportant avec lui des traînées rougeoyantes et je me demande si c'est mon sang, celui de mon patron, ou celui de la proie.
Lorsqu'il me lave, ses mains m'effleurent à peine, il est aussi délicat que lorsqu'il toucherait le plus beau des bijoux et une douce chaleur fuse dans ma poitrine.
Je me sens bien.
Ses légers mouvements circulaires me provoquent un bien fou quand il évite précautionneusement les hématomes violacés. Mais sa main dégringole rapidement dans le bas de mon dos et sa respiration calme qui caressait ma peau humide, se coupe. Ses gestes ralentissent jusqu'à s'arrêter.
« - Jungkook...?
- Oui ? »
Je l'entends déglutir.
« - Est-ce qu'il t'a... Est-ce qu'il t'a touché ? »
Les secondes qui suivent semblent peser pour Taehyung, qui ne respire plus.
« - Non. »
Il relâche l'air tremblant qui chargeait ses poumons et reprend ses caresses.
Il lave rapidement mes cheveux, m'ôte toute la mousse parfumée et bientôt, je suis enroulé dans une serviette moelleuse.
Il m'aide de nouveau à sortir de la baignoire puis m'intime de m'asseoir sur le bord.
Sa silhouette aux épaules tendues disparaît dans l'appartement et réapparaît après avoir farfouillé quelques secondes, une poche à la coupe d'Hygie se balançant dans ses doigts.
« - Vous êtes parti acheter des choses ?, questionnais-je.
- Oui, pendant que tu dormais. Quelques trucs pour te soigner, à manger et des fringues propres. »
J'hoche seulement la tête et frissonne un peu face à son ton glacial.
Il s'accroupit à ma hauteur et ses doigts prennent mon menton en coupe.
Comme si il avait fait ça toute sa vie, il me soigne. Panse mes blessures, désinfecte mes plaies, apaise mes hématomes d'une main habile et les sourcils froncés de concentration.
Il ne m'a pas posé d'autres questions que celle dans le bain. Il est resté si silencieux et ça me terrorise. Il a tué quelqu'un. Il l'a démoli de ses propres mains, hurlant, s'aspergeant d'un sang poisseux sans ciller, et qui à présent, sèche encore sur sa peau.
Son visage n'a jamais été aussi inexpressif et froid qu'il ne l'est à l'instant.
J'ai peur.
Pour lui, pour moi, pour nous.
Quand il a fini, il se redresse et m'apporte des vêtements simples où les étiquettes y sont encore accrochées. Il les arrache puis m'habille lentement, avec précaution.
La douce chaleur du pull de coton m'enveloppe et Taehyung me traîne jusqu'au lit qui ronge l'entièreté de la pièce. Je glisse mon corps sous les couettes et l'observe enfourner une boîte de nouilles instantanées dans un petit micro-ondes.
Pendant que ça chauffe, il ne se retourne pas, refusant symboliquement un affront direct.
Le temps semble suspendu dans la chambre d'hôtel un peu miteuse tandis qu'une sensation âcre fleurit dans mon poitrail.
La culpabilité.
Je savais que c'était lui ou moi, mais Taehyung l'a tué. Il a assassiné quelqu'un à cause de moi, et ce poids que je vois écraser ses épaules, il le porte par ma faute.
Lorsque que la clochette du micro-ondes retentit, tous deux sursautons brusquement, comme si nous nous étions plongés dans d'intenses réflexions.
Alors, il plonge ses mains dans l'appareil et en sort la boîte de carton fumante. Il déballe les baguettes puis retire l'opercule. Brassant les nouilles, il s'approche de mon corps entortillé dans les draps blancs et s'assoit à mes côtés.
« - Tu as faim ?
Mh. , acquiesçais-je.
- Redresse-toi. »
J'obéis puis l'observe touiller encore le récipient. Du sang sec salit toujours le dessous de ses ongles et il n'a pas changé de vêtement.
« - Vous devriez prendre votre douche avant, je peux attendre.
- Je préfère te savoir endormi quand j'ai le dos tourné. »
Son ton de reproche est sans appel et amplifie le tiraillement dans ma poitrine.
Il saisit un tas de nouille entre les deux bâtons de bambou qu'il apporte à ses lèvres. Quand je crois qu'il va les avaler, il ne fait que souffler doucement dessus avant d'ancrer son regard dans le mien et me tendre la bouchée. Timidement, je viens attraper les pâtes entre mes lèvres et les aspire.
Et il me donne la becquée jusqu'à vider la petite boîte de carton, son regard répétant le même chemin, des baguettes jusqu'à mes lippes humides.
Lorsque le repas est englouti, il écrase la boîte dans sa main et la jette dans un sac poubelle qui renferme mes anciens vêtements. Puis, il m'observe du coin de l'oeil.
« - Tu devrais te reposer maintenant.
- Vous aussi. Où est-ce que vous allez dormir ?
- Par terre.
- Non, vous devriez prendre le lit je vous assure ! »
Il éclate d'un rire froid et ses mains frottent ses cheveux aux mèches collées et sèches.
« - Jungkook, tu es blessé, donc tu dors dans ce lit et sans poser d'autres questions. »
Il est épuisé et au bord de la crise de nerfs, je le vois dans son regard fiévreux et dans ses gestes un peu saccadés.
Alors je ne fais qu'hocher la tête et me laisse de nouveau glisser sous la couette épaisse.
Il soupire, se frotte les yeux, puis vient éteindre la lumière qui inondait la pièce.
« - Bonne nuit Jungkook. »
Il s'enferme presque aussitôt dans la salle de bain et je l'entends quitter ses vêtements pour se glisser sous une eau fracassante.
Il y restera de longues minutes où je ne pus fermer les yeux. Parfois chuchotant à ce Yoongi au téléphone et parfois dans un silence qui faisait battre mon cœur plus fort. Et lorsque qu'il en sort, une simple serviette autour des hanches, sa peau est rougie et fumante. Le liseré de lumière qui s'échappe de la salle de bain expose les longues griffures qui couvrent son corps. Elles sont rosées, nouvelles, et je devine la violence dont il a dû faire preuve à son égard. Brûlant son épiderme, arrachant sa peau de ses ongles pour faire disparaitre ces traces de sang accablantes.
J'hésite quelque secondes à le retenir avant qu'il ne s'enfonce de nouveau dans cette pièce étouffante, ses nouveaux vêtements à la main, mais me ravise et simule honteusement mon sommeil.
Ce n'est que lorsque qu'il se redresse, après avoir déposé un baiser parfumé au coin de mon oeil que je n'attrape son poignet. Il se tend, surpris que je ne sois pas plongé dans mes nuits sans songes, mais ne retire pas sa main et attend patiemment mes paroles.
« - Venez, s'il vous plaît., murmurai-je. »
Et bientôt, ses bras chauds entourent mes hanches tandis que j'inhale son parfum dans le creux de son cou.
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