I am so proud to call you "My Love"

La foule est immense aujourd'hui. On y voit de tout : des hommes, des femmes, des Noirs, des Blancs, des Asiatiques, des Arabes, des jeunes, des vieux... On aurait dit que le monde s'était donné rendez-vous pour cette marche. Tous sourient, plaisantent, chantent, dansent, proclament leur fierté d'être ici...

N'importe qui serait tétanisé à l'idée de monter sur l'estrade et de prendre la parole devant un tel public... Mais pas moi. Parce que je sais que tu es là, que tu n'attends que moi et que parmi tous ces gens, je ne verrais que toi et ton beau sourire. Toi et tes yeux qui me font chavirer à chaque fois que je les croise.

Prenant mon courage à deux mains, je m'avance sur la scène et me place derrière le micro. Je suis un peu tendu, mais je sais que j'y arriverais, parce que tu es là.

Mon courage enfin réuni, je prends la parole :

« Harvey Milk a dit, peu de temps avant sa mort : « Si une balle doit traverser mon cerveau, laissez-la briser toutes les portes ». Il est malheureux de constater que non, tous les coups, toutes les insultes, tous les meurtres endurés par ceux que leurs sociétés jugent comme différents ne brisent pas toutes les portes. Contrairement à ce que certains aimeraient faire croire, la tolérance n'est pas une preuve de faiblesse, mais une grande force... »

Je marque une pause, le temps que je les entends tous m'applaudir. Et c'est là que je te vois : mon Alex qui est dans les premiers rangs, entouré de nos amis, et qui me sourit comme si nous étions seuls. Tu tiens dans ta main droite une pancarte où on pouvait y lire « Amoureux et fier de l'être ». Je souris : je reconnais bien là ta malice dans ton écriture...

« Mais vous voir tous ici réunis, célébrer cette journée ensemble, me redonne le sourire et me rappelle que tout n'est pas perdu. Que nous sommes forts et heureux quand nous pouvons nous rassembler et faire entendre notre voix à travers le monde. Ici, même si des choses restent à améliorer, nous sommes bien chanceux de vivre ici, au Canada. Mais partout dans le monde, des voix sont étouffées, parce qu'on les considère qu'elles sont moins que rien, pas conformes, et j'en passe... »

Je m'arrête un instant, et j'aperçois tes yeux rieurs qui m'encouragent à poursuivre. C'est fou à quel point ton regard en dit plus que ta voix sur ce que tu ressens. Si tu savais à quel point tout est plus facile quand tu es là.

« Mais ce qui me révolte le plus, ce qui m'amène aujourd'hui à prendre la parole devant vous, c'est qu'on continue à insulter, à maltraiter, à rejeter, à tuer des personnes... parce qu'ils aiment différemment ! »

A cet instant, je revois les images de mon père qui me regardait avec dégoût après qu'il ait découvert notre relation. Je ne l'avais jamais vu aussi furieux de toute ma vie. Oh, ce n'était pas une colère explosive à laquelle j'ai eu droit : non, ce jour là, Sir Andrew Arrington, membre du Parlement britannique, avait mis un masque froid et implacable et avait pris une voix cinglante comme un fouet, dure comme le mur qu'il voulait dresser entre nous et acide comme le venin qu'il appliquait sur chaque insulte proféré à ton encontre... ou envers moi, son fils, qui l'avait déçu, qui n'était plus vraiment un Arrington digne de ce nom. C'est là que j'ai réalisé que mon père ne m'a jamais aimé pour ce que j'étais, mais pour ce que je devais paraître aux yeux des autres. Malheureusement, je ne serais jamais ce qu'il comptait faire de moi...

Et que dire à propos de ton père, John Combs, un élever respecté dans votre région, qui a hurlé au déshonneur en découvrant que tu m'aimais ? Il était entré dans une rage folle et me traitait de pervers aristocrate, de monstre dégoûtant qui avait plongé son fils dans le vice, avant de s'en prendre à toi, te répétant à quel point tu étais pathétique et méprisable pour avoir cédé à mes avances. Je me souviendrais toujours de ce que tu m'as dis plus tard : il ne t'aimait qu'à la condition que tu rentres dans le rang. Autant dire que c'était impossible...

Mais ni toi ni moi étions prêts à renoncer à ce que nous vivions  et c'est ce qui nous a poussés à partir le plus loin possibe de tout cela. Bien sûr, nous n'étions pas seuls dans ce voyage, mais c'était toi et moi, contre les insultes, les reproches et les menaces de nos propres familles. Mais c'était aussi toi et moi vers quelque chose de plus beau et de plus fort...

« Combien d'entre vous ont un jour appris qu'un ami avait été mis à la porte parce que ses parents ont appris qu'il aimait les garçons ? Que votre collègue, cette fille si sympa que vous côtoyez tous les jours, se fait traiter de salope par ses proches parce qu'elle vit en couple avec une femme ? Combien de fois avez-vous entendu parler de ces meurtres commis sur des membres de la communauté LGBT+ parce que leur seul crime était d'aimer ? Combien d'entre vous ont été agressés mais n'osent pas porter plainte parce qu'ils ont peur de ne pas recevoir de l'aide ?»

Je marque un bref instant avant de reprendre la parole.

« Si tomber amoureux était un crime, alors je plaiderais coupable avec orgueil ! Oui, je plaiderais coupable avec fierté, parce que c'est le cas : je suis fier d'aimer et d'être aimé par l'homme qui se tient à mes côtés aujourd'hui. Cela fait cinq années de bonheur que je vis auprès de lui : sans lui, je n'aurais pas su trouver le courage d'affirmer ma différence. Cela a été dur, très dur... Mais quand je vous vois tous devant moi, souriants et heureux, je me dis que le chemin parcouru en valait la peine et que je suis fier, mais si fier de pouvoir clamer ma différence : oui, je suis un homme qui aime les hommes... mais surtout un ! »

Je pose mes yeux sur toi et je souris à l'avance, car j'anticipe déjà ta réaction :

« Et cet homme, c'est toi, Alexander. Depuis le premier jour, j'ai compris que tu m'emmènerais vers une aventure extraordinaire que je n'aurais jamais imaginé de ma vie. Une aventure dont j'ai profité de chaque instant à tes côtés et que je veux poursuivre avec toi, peu importe où ça mènera. Parce que tu es la plus belle personne que j'ai rencontré et que je suis fier de t'appeler mon amour ! »

Je te vois sourire avec amusement avant de me concentrer sur la dernière partie de mon discours :

« Alors, aujourd'hui, je veux que vous puissiez dire, le regard droit et le torse bombé : oui, je suis amoureux et fier de l'être ! Je suis fier d'être ce que je suis et vous ne me changerez pas ! Soyez fiers de vous, parce que vous pouvez l'être ! »

J'ai à peine fini cette phrase qu'un tonnerre d'applaudissements se fit entendre dans tout le centre-ville. Donnant la place à un autre orateur, je descends les marches en quatrième vitesse et me jette dans tes bras, satisfait et heureux. Tu me souris et me dis, tout en titillant mes lèvres :

« Est-ce que je t'ai déjà dit que je te trouvais parfait ? »

« Depuis le début ! » répondis-je en riant.

Nos amis arrivent près de nous et m'embrassent tout en me félicitant :

« Tu as été génial ! » me dit Tessa, enthousiaste.

« Si avec ça, tu ne te lances pas en politique, je ne te comprends plus ! » plaisanta James en me donnant l'accolade.

« Oh, tu sais : il peut faire tant de choses ! » lui répondit Brian qui tenait un drapeau arc-en-ciel sur son épaule.

« C'est clair : son discours finira un jour dans les archives de la lutte LGBT+ ! » sourit Leïla.

« Au mieux, dans les livres d'histoire ! » ajouta Gabriel.

« N'exagérons rien, non plus ! » répondis-je, un peu gêné, avant d'ajouter

« Mais l'essentiel pour moi, c'est que vous tous êtes là, et ça compte beaucoup pour moi ! »

Mais tu secoues la tête, comme si j'avais tort :

« Au début, nous n'étions pas au complet... Mais maintenant qu'ils sont là, tu peux dire que l'équipe est au complet ! »

« Comment ça ? »

« Regarde qui vient d'arriver ! » me réponds-tu en me montrant trois personnes à côté de toi.

Je tourne la tête et lâche un cri de joie : habillés de façon colorée et tenant fièrement des symboles de fierté, je vois ton jeune frère, Dylan, ainsi que Samuel et Louise, ma fratrie adorée ! Je m'éloigne de toi un instant, le temps de les prendre dans mes bras.

« Je suis tellement content de vous revoir ! »

« Nous aussi, tu n'as pas idée ! » me répond Louise, ma jeune soeur, qui m'embrasse sur la joue.

« On tenait à être là pour toi et Alex. Et comme Dylan voulait y aller aussi, on a fait la route ensemble ! » ajouta Samuel.

« Ouais, mais je ne te laisserais plus prendre le volant ! Un vrai danger public ! » ironisa l'intéressé.

« Mauvaise langue : je suis un très bon conducteur ! »

« Dixit le type qui a grillé un feu et a failli emboutir trois voitures d'affilée en arrivant ici ! »

Leurs chamailleries m'amusent beaucoup et me réchauffent le cœur, aussi : cela faisait un moment que je ne les avais pas vus. Et je suis heureux de retrouver les premiers à s'être enthousiasmés en apprenant notre relation, et les premiers à nous défendre face à nos pères.

Mais une question me trotte dans la tête :

« Non pas que je suis mécontent de vous voir, mais comment vous avez su qu'on serait ici ? »

Dylan me donne la réponse :

« Disons que l'amour de ta vie – qui est aussi mon grand dadais de frangin – nous a appelé en nous demandant de rappliquer ici, parce qu'il allait y avoir quelque chose d'important ! »

Je me tourne vers toi, l'air interrogateur, tandis que tu te contentes de hausser les épaules, un sourire amusé sur les lèvres :

« Mais qu'est-ce que tu as bien pu leur raconter ? »

« J'ai peut-être un peu dramatisé la chose... »

Je lève les yeux au ciel : c'est typiquement ta façon de faire ! Tu adores créer la panique chez les gens avant de leur avouer que ce n'était qu'une plaisanterie...

« Tu ne changeras donc jamais ! »

« C'est bien pour ça que tu m'aimes, honey ! »

« Pas si vite, Alexander Combs. J'aimerais bien savoir ce qu'il y avait de si important pour les faire venir ici dans l'urgence ! »

Tout à coup, ton regard devient sérieux, ce qui m'inquiète : est-ce que je t'aurais vexé ? Tu passes une main rassurante sur ma joue :

« T'inquiètes pas, ce n'est pas à cause de toi si je fais une drôle de tête ! »

Cela me rassure : je m'en serais voulu d'avoir gâché la journée ! Tu poursuis en prenant mes mains dans les tiennes :

« Je repensais à ce que tu disais tout à l'heure, au sujet de ta fierté d'être avec moi... Et je veux que tu saches, Will, que moi aussi, je suis fier d'être celui qui m'éveille à tes côtés le matin et qui t'embrasse le soir. Je suis fier d'être celui avec qui tu partages tout : tes joies, tes peines, tes doutes... Bref, absolument tout ce qui te passe par la tête ! Je suis aussi fier d'être celui qui connaît ce corps par cœur et dont chaque toucher me remplit d'extase... »

Je panique :

« Alex, pas devant tout le monde ! » répondis-je en piquant un fard.

Nos amis se mettent à pouffer de rire : les pinioufs ! On ne peut plus compter sur eux pour vous tirer de l'embarras... Et tu en profites !

« Il n'y a pas de quoi à avoir honte : tu as le corps d'une statue grecque ! Mais passons : ce n'est pas que de ça dont je suis le plus fier. Ce qui me remplit le cœur d'orgueil, c'est que tu es le seul à qui je dis « Je t'aime » tous les jours, et il m'arrive de me pincer quand tu me dis que tu m'aimes pour être sûr que ça n'est pas un rêve. Tu l'as compris, je suis fier d'être l'homme de ta vie... Mais aujourd'hui, cela ne me suffit plus ! »

Comment ça ? Qu'est-ce que tu racontes ? Je sens la panique monter en moi lorsque tu me lâches les mains. Ne me dis pas que c'est terminé...

Tout à coup, je te vois mettre un genou à terre et tu lèves tout mes doutes :

« Cela ne me suffit plus d'être fier de t'appeler mon petit ami, mon homme, ou mon compagnon... Non, à partir de maintenant, je veux être fier de t'appeler... mon mari ! »

Le temps que mon esprit comprenne ce qui est en train de se passer, tu sors de ta poche une petite boîte en velours noir et tu l'ouvres, révélant un superbe anneau doré sculpté en deux mains liées ensemble et qui forment le signe de l'infini. Je reste cloué sur place avant de t'entendre prononcer LA question :

« William Christian Jeremy Arrington, serais-tu fier de m'appeler ton mari pour le reste de ta vie ? »

J'entends nos amis et nos fratries sautiller de joie, impatients d'entendre ma réponse. Quant à moi, je réalise ce qui est en train de se passer : ni plus ni moins, tu me fais comprendre que tu es prêt à me supporter jusqu'à la fin ?

Je baisse les yeux vers toi et je vois tout dans tes yeux, tes si beaux yeux sombres qui m'ont fait tomber sous ton charme, il y a cinq ans de cela : tu es sincère, déterminé... et aussi inquiet parce que je tarde à répondre.

Alors, les yeux humides et la voix un peu tremblante, je te réponds :

« Alexander Jordan Thomas Combs... Oui ! »

Il n'en faut pas plus pour que j'entende Louise et les filles hurler de joie, et les garçons nous applaudir. Même des inconnus de la foule nous crient leurs félicitations et autres voeux de bonheur.

Mais ce qui m'importe, c'est de voir ton visage s'illuminer de ton immense sourire avant que tu ne te redresses dans la seconde pour prendre ma main et glisser la bague le long de mon annulaire, scellant ta promesse.

Après, tout est devenu comme flou, mais je me souviens très bien de la chaleur de tes mains que tu poses sur mes joues avant de prendre mes lèvres contre les tiennes dans un de tes baisers passionnés dont tu as le secret. 

Et tandis qu'autour de nous, le temps semble ralentir, je profite de l'instant et de ta présence pour me dire...

Je n'ai pas plus grande fierté que de t'avoir près de moi pour toute la vie...


Je vous remercie tous et toutes pour votre lecture et j'ai hâte de connaître votre avis !


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