Chapitre huit
Les feuilles volaient un peu partout en cette froide journée d'automne. Une voiture vint se ranger sur les places dessinées à la peinture blanche du parking d'une petite maison de retraite. Les branches étaient nues, et les oiseaux s'étaient tus. Personne n'avait osé s'aventurer dans ce sous bois qui s'élevait à quelques mètres du bâtiment. Une femme âgée d'une quarantaine d'années s'avança lentement vers la porte. Le petit hall était vide. Il n'y avait que deux vieux fauteuils tournés vers une cheminée ayant autrefois accueillie de grands feux autour desquels certains avaient été joyeux. Mais aujourd'hui, il ne restait rien de tout ça. Seulement la cendre tapissant les murs, et quelques vieilles photos. En s'avançant, elle cru reconnaître là son amie qu'elle avait autrefois rencontrée dans cette maison, après avoir suivi un petit sentier cheminant à travers bois. C'était à cette petite femme qu'elle avait aujourd'hui décidé de rendre visite.
Lorsqu'elle entra dans la chambre, elle ne vit personne. Seulement un bouquet de roses fanées. Ces roses étaient là depuis bien longtemps, depuis l'arrivée de sa vieille amie dans cette maison, en deux mille treize. Si par malheur quelqu'un venait à les toucher, il n'y avait pas de doutes que ces roses, qui autrefois avaient été splendides, s'effriteraient et ne seraient alors plus que poussière. Personne n'avait jamais plus touché ces roses.
"Alice entrez dont, je ne vous avais pas vu arriver., s'écria doucement une petite voix chevrotante derrière la forte femme. J'étais partie pour une petite promenade mais il n'y a rien à faire ici... oh comme j'aimerais rentrer chez moi, à Los Angeles.
Alice s'assit sur une chaise pendant que la vieille petite femme s'installait confortablement dans un fauteuil. -Tenez, je vous ai apporté des biscuits, comme vous les aimez pour prendre avec votre thé.
-Comme c'est gentil ma belle ! C'est toujours un plaisir d'avoir de la visite, et la votre l'est particulièrement ! , sa main tremblante saisit un biscuit, qu'elle croqua à pleine dents. Ils sont délicieux Alice, comme toujours !
Alice sourit, et s'empressa de demander à son amie, comme si elles s'étaient quittées la veille : -Lors de ma dernière visite, vous m'avez parlé d'une jeune femme qui travaillait pour vous... Vous m'aviez dit qu'elle était tombée amoureuse de son collègue et que tout avait changé à partir de ce moment là.
-Oh je vous ai embêtée avec ça ! Il faut m'excuser, je parle et je parle sans cesse ! Je suis un véritable moulin à parole !
-Vous ne m'embêtez jamais. Mais... j'aimerais savoir ce qui c'est passé.
La vieille femme sourit, heureuse qu'on lui demanda de se replonger dans ses souvenirs : -Et bien voyons... tout a commencé le jour où Kensi a posé ses yeux sur le nouveau lieutenant. Ils se sont tout de suite entendu comme chien et chat ! Ils se chamaillaient sans cesse ces deux là. Mais ils étaient inséparables. Beaucoup de gens côtoient une personne et tombent peu à peu amoureux d'elle sans réellement savoir comment cela est arrivé. Mais Kensi, elle, savait exactement quand ses sentiments ont commencé à devenir plus forts., elle s'arrêta de parler un instant, se remémora la scène. Vous voyez, nous avions eu une journée éprouvante, elle s'était faite enlevée par des malfrats et c'était Marty qui l'avait tirée d'affaire. Il l'avait sortie de cette salle où une bombe était prête à exploser, ils avaient sauté loin de là, et leurs yeux s'étaient rencontrés. Oh il n'y avait jamais rien eu de plus romantique au bureau... Ils se sont regardés longtemps... ou peut-être que ce n'était pas si long finalement, mais ça paraissait avoir duré des minutes entières ! Il venait de lui sauver la vie, et Kensi n'a pas pu résister aux charmes des yeux bleus océans de son partenaire : elle en est tombée follement amoureuse. Vous les auriez vus les jours qui ont suivi... ils n'ont pas cessé d'essayer de s'éviter mutuellement ! Quel spectacle ça a été pour nous tous de les voir comme ça ! Nous étions tous très unis vous savez Alice...
-Que c'est-il passé ?
-Un jour, la direction a appris qu'ils entretenaient une relation amoureuse, c'était contraire au règlement, toute belle que fut leur idylle. Alors pour refroidir les deux tourtereaux, ils ont expédié Kensi en Afghanistan où la guerre faisait des ravages. Son départ nous a tous profondément touché. Mais voir Marty dans cet état était insupportable. Il n'avait plus goût à rien. Sa seule raison de vivre était partie mourir.
-Mais elle aurait pu revenir !, s'indigna la jeune femme.
Son amie esquissa un sourire sans joie : - On ne revient pas comme on veut d'une guerre, ma douce. Si on a de la chance, on revient vivant, mais mort de l'intérieur. Je ne suis pas certaine que ce soit être chanceux ma foi... c'est seulement reculer pour mieux sauter. Cette guerre finira par nous détruire peu à peu. On ne revient jamais vraiment vivant d'une guerre vous savez... Finalement, les plus chanceux sont peut-être ceux qui meurent là-bas, tués sur le terrain, sans avoir trop souffert. Mais Kensi n'a pas eu cette chance...
Une lueur d'espoir anima les yeux bleus d'Alice : -Alors elle est revenue ?!
-Non, bien sûr que non... ils n'avaient pas le droit à leur fin heureuse. Je ne sais pas pourquoi, mais quelqu'un avait décidé que leur histoire devait être tragique. Et elle l'a été... jusqu'au bout. Un Noël, Marty a rejoint son amie. Il ne pouvait plus vivre seul, et attendre chaque jour que l'on vienne annoncer sa mort. Ils se sont retrouvés quelques jours. Pas grand chose, l'affaire de quelques jours. Mais ça a été leur plus beau cadeau je crois... Kensi est partie en mission sur le terrain, et elle n'est jamais revenue. Sa perte a été terrible...
-Elle est morte sur le terrain.. ce n'est pas ce qu'il y a de mieux selon vous ?
La petite femme soupira : -Elle a terriblement souffert... ils ne l'ont pas tuée dès qu'ils l'ont trouvée. Ils ont joué avec elle, longtemps. Sa captivité a duré des semaines. Des semaines de torture, des semaines à avoir faim, soif, froid et peur. Kensi n'aurait jamais pu sortir vivante de cet endroit. Chaque jour, elle recevait ce qu'ils appelaient sa ration quotidienne. Ils se relayaient, un à un, pour venir la battre, et lui faire subir mille et un un maux.
-C'est affreux...
-Oui ça l'a été. Pour elle, ce devait être insupportable. Mais elle a tenu des semaines, sans jamais leur donner satisfaction. Elle n'a versé qu'une seule larme. Une seule. Et n'a jamais crié, jamais bronché. Cette femme était la femme la plus forte, et la plus courageuse que j'ai eu l'honneur de connaître. Et j'aurais donné n'importe quoi pour la sauver, comme tous les autres... Ils ont fini par en avoir assez, de jouer avec cette poupée cassée qui ne répondait jamais. Alors ils ont allumé la caméra, lui ont laissé le temps de prononcer quelques mots. Elle a regardé l'objectif comme si elle avait regardé ses yeux bleus, elle a sourit, a murmuré un petit je t'aime. Et elle n'a pas détourné le regard. Alors qu'un homme masqué pointait l'arme sur sa tête, elle fixait l'objectif. Ce que Kensi voyait, c'étaient ses yeux. Lorsque le coup est parti, elle souriait. Parce qu'elle avait aimé, et qu'elle avait été aimée.
La vielle femme arrêta de parler. Ce n'était pas facile de se rappeler de cette triste journée. Lorsqu'elle regarda son amie, elle vit ses yeux baignés de larmes : -Oh ma jolie, il ne faut pas pleurer. C'est une vieille histoire !
-Mais tellement triste... ils auraient pu être heureux ensemble ! Après tout ce qu'ils avaient traversé, ils avaient droit à leur part de bonheur ! Je ne comprends pas ! Pourquoi les gens qui le méritent le plus ne peuvent pas vivre heureux ?!, s'emporta Alice secouée de larmes. C'est horrible ! Kensi aurait... Kensi n'aurait jamais dû être envoyée là-bas ! Pourquoi lui ont-ils fait ça ?!
-Alice... Alice, nous avons tous été très en colère contre eux. Et le jour où nous avons reçu cette vidéo, ce jour où nous n'avons plus eu aucun espoir de revoir notre amie vivante, nous avons tous été dévastés. Mais rien n'était pire que l'enterrement. L'enterrement, ça a été le moment le plus dur qu'il m'ait été donné de vivre... "
L'horloge sonna. Alice se leva, et dû s'en aller. Elle promit de revenir la semaine suivante. Elle le promit. Elle sortit, le vent s'était levé. Quelques larmes séchaient encore sur ses joues lorsqu'elle s'éloigna de la petite maison de retraite bien tranquille.
Voilà ! Oui, nous avons fait un saut dans le futur ! Cette idée m'a été inspirée par le film, et livre, tous deux géniaux : Beignets de Tomates Vertes. Le titre paraît en effet étrange, mais film comme livre sont formidables. Si vous avez l'occasion, lisez-le, regardez-le. Vous ne regretterez pas !
J'espère que vous avez aimé ce chapitre autant que moi j'ai aimé l'écrire. A bientôt !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top