51. Chapitre 11 : En étudiant le passé, on comprend le présent (Shanai)

23 ans plus tôt

Shanai faisait glisser sa main sur les pierres taillées du jardin, elle faisait vivre ses doigts comme une femme qui s'aventurait dans un monde rempli de dangereux obstacles et de pleins d'autres endroits périlleux.

Le jardin de ses parents était immense et très garni, de nombreuses pierres aux formes somptueuses étaient posées par ci et par là, des bonzaïs de toutes tailles et toutes formes embellissaient l'endroit, sans compter sur toutes les autres plantes qui étaient soigneusement papouillées par les jardiniers qui étaient présent presque tous les jours. La petite sauta d'un pavé chinois à un autre pour faire voler son aventurière sur le prochain obstacle, elle manqua de tomber et comme toujours, cela fit réagir son père.

— Attention ma chérie, ne te blesse pas, ne saute pas.

Shanai leva les yeux vers son paternel. Il était toujours sous cette pergola recouverte de glycine rose, assis sur sa chaise en ferraille blanc, le coude posé sur la petite table ronde où était posé une pile de feuille. Dans une main il tenait un crayon qu'il serrait fermement entre ses doigts et de l'autre une cigarette qu'il porta à sa bouche.

— Oui Papa, cria Shanai.

Elle savait que son père ne supporterait pas qu'elle se blesse, il avait toujours peur pour ça. Dès que Shanai s'égratignait malencontreusement, elle allait voir sa mère qui la soignait en cachette, afin de ne pas mettre son père dans un état de désarroi. La petite menait une belle vie, elle avait de jolies vêtements et robes qui rendaient jalouses ses copines de l'école, elle avait beaucoup de jouets – non dangereux – dans sa chambre, mais des fois ... elle se sentait seule. À l'école elle voyait toujours ses copains et ses copines courir, mais elle, elle savait qu'elle n'avait pas le droit. Alors, soit elle les regardait, soit elle dessinait de son côté.

— Tu ne veux pas aller boire de l'eau ma puce ? Tu dois avoir chaud sous ce soleil, va donc t'hydrater ! ordonna avec douceur le père de Shanai.

La petite Chinoise hocha la tête et rentra dans sa somptueuse maison, elle passa devant le bureau de sa mère qui était actuellement avec une professeure de Coréen, Shanai ne comprenait jamais rien quand elle passait par là. Sa maternelle était femme au foyer, elle occupait ses journées comme elle le pouvait, et en ce moment, elle voulait vraiment apprendre une autre langue asiatique. C'était donc le paternel qui avait sans cesse le nez dans ses écrits et qui ramenait toujours des cadeaux aux deux « femmes de sa vie » comme il les appelait.

Shanai alla dans la cuisine pour prendre un verre, elle but l'eau à petite gorgée pour ne pas s'étouffer et reposa le gobelet pour aller dans la bibliothèque de la maison. C'était l'endroit que préférait Shanai, tout comme ses parents. Cette immense pièce où se trouvait des centaines de livres, peut-être même plus ! La petite Chinoise adorait toucher les couvertures en cuir de certains, feuilleter les pages pour voir les multiples écritures défiler sous ses yeux sans rien y comprendre – elle n'arrivait pas trop à interpréter le vocabulaire adulte. De nombreuses fois, de nombreuses heures dans sa semaine, elle ouvrait les livres de son père et lisait des phrases par ci par là.

L'homme de la maison était écrivain depuis près de dix ans maintenant, il était connu dans le pays et c'était aussi pour cette raison que Shanai ne manquait de rien ... en général. À de multiples reprises, la mère de Shanai lui avait révélé qu'elle était tombée amoureuse des écrits de son père, et encore maintenant, la petite voyait souvent sa maternelle dans la bibliothèque pour lire et relire les livres de son mari.

La Chinoise passa près de deux heures dans la bibliothèque à scruter les couvertures, tourner avec précaution les pages des livres et s'entraîner à lire quelques signes chinois qu'elle avait encore du mal à mémoriser.

Le soir arriva et le repas fut comme toujours, excellent, la cuisinière personnelle de la famille était très forte et Shanai pouvait la regarder faire à manger pendant des heures, en plus elle était super gentille, des fois elle lui donnait des bonbons pour la récompenser d'être aussi mignonne. Durant le repas, son père partagea ses idées d'écritures et sa mère apporta sa pierre à l'édifice en le conseillant de milles et une façon pour la tournure de son histoire. Pendant le dîner Shanai admira ses parents, ne comprenant pas toute la logique de leur conversation, mais elle aimait beaucoup les voir porter autant de réflexion dans un échange si constructif.

Shanai put rejoindre sa chambre après s'être lavée et brossée les dents, elle se posa sur son bureau de « princesse » comme elle l'appelait, avec ce miroir qui faisait office de coiffeuse, ses stylos de toutes les couleurs où elle pouvait dessiner en toute tranquillité, sans avoir la possibilité de se blesser. Parfois, elle jouait à ses poupées, qu'elle avait disposé sur une étagère de sa chambre, et chaque soir elle se demandait laquelle elle allait prendre pour la soirée ... Ça tombait souvent sur la même : une brune, aux cheveux très longs, des yeux bleus et des vêtements masculins. C'était un peu plus une guerrière comparée à ses autres poupées, son père n'aimait pas trop la voir avec, mais au moins, elle ne courrait pas quand elle jouait avec ces personnages.

— Bonne nuit ma chérie, fais de beaux rêves, lui souhaita sa mère en l'accompagnant dans son lit, un bisou sur le front.

Shanai fit en retour un bisou à sa mère et emmena sa couette jusqu'à son visage. Ses yeux devinrent rapidement lourds, elle ne cessa cependant de penser à sa journée d'école : qu'est-ce qu'elle aimerait bien jouer au ballon avec ses copains d'école ... Peut-être demain, si ses parents lui autorisaient.

Shanai se réveilla doucement, elle entendait des bruits dans la maison, elle tendit l'oreille et eut l'impression d'entendre ses parents parler. Elle avala sa salive et se rendit compte qu'elle avait soif, elle décida de se lever, se rappelant les paroles fréquente de son père « Pense à t'hydrater, c'est très important. », puis elle descendit les escaliers pour aller se chercher un nouveau verre d'eau, tout en silence. Plus elle avançait vers la cuisine, plus la discussion avec ses parents étaient clairs. Que faisaient-ils réveillés à cette heure-là ? Était-ce comme cela tous les jours ? Il était pourtant largement le temps de dormir à ce moment de la journée. Elle atteignit le bureau de sa mère où la porte laissait passer un petit jour, la femme avait la voix enrouée et reniflait sans cesse.

— Tu ne te rends pas compte à quel point elle est séparée des autres enfants ...

— Mais non chérie, la maîtresse dit qu'elle arrive très bien à s'occuper pendant la récréation, elle ne s'ennuie pas, essaya de la rassurer son mari.

— Oui, mais elle n'a pas de copines, elle n'en invite jamais à la maison quand on fête son anniversaire, c'est toujours entre nous, lui fit comprendre sa femme.

Ils parlaient d'elle. Shanai avait toujours remarqué que ses parents n'étaient pas toujours d'accord sur sa façon de jouer, tandis que sa mère était plus souple et cachait quelques moments de jeux intenses à son mari, le père de Shanai était sans cesse sur son dos, à la surveiller et à la traiter comme de la porcelaine, ce qu'à huit ans, Shanai ne comprenait pas forcément : qui avait raison ou non.

— Mais si elle a des copines, elle le dit, lui rappela l'homme.

— Parce que pour elle, tout le monde sont ses copains et ses copines, elle ne sait pas forcément qui est vraiment son ami ou non, elle n'a pas ce genre de relation avec les gens de sa classe.

— Et la solution serait tout simplement qu'elle puisse courir ? essaya de se contrôler l'homme dont la voix avait légèrement ripé.

— Oui, s'exclama à moitié la femme. Les enfants jouent tous de cette façon, Shanai ne peut pas jouer avec eux si elle ne court pas ... Si elle ne tombe pas, on apprend de ses erreurs, et c'est à cette âge-là qu'ils doivent forger leur caractère.

— Non, elle ne peut pas tomber ! Tu as vu mon frère ? Il en a perdu la vie ! s'étrangla le père de Shanai.

— Je sais chéri, je sais ... Mais ce n'est pas pareil là, je sais bien que l'épisode avec ton frère a été traumatisante, vraiment ... singulière. Mais ... nous sommes tombées de nombreuses fois petits, tous les deux, et on se porte très bien aujourd'hui.

— C'est ma petite fille, elle vit très bien dans notre monde romanesque, pourquoi le changer ? Je ne te comprends pas ...

Ses parents discutèrent encore longtemps de l'importance d'avoir des amis ou non, il était vrai qu'ils recevaient peu d'invités à la maison ... La famille était plutôt cloisonnée chez eux, entre écritures et couvertures de cuir.

Shanai retourna dans sa chambre sans prendre de verre d'eau.

La jeune Chinoise ne remarqua pas ses parents se prendre la tête les années suivantes, elle sentait simplement qu'un froid s'installait entre ses parents, ils partageaient moins leurs avis sur l'éducation de Shanai, sur les livres de son père, ils parlaient tout simplement, bien moins ... Ce fut quand Shanai atteint l'adolescence qu'elle comprit que sa mère en supportait plus la façon dont son père protégeait Shanai, et pendant près d'un an, ce fut un combat acharné entre les deux parents pour se séparer et récupérer leur enfant. Shanai évita au maximum cette situation, préférant se plonger dans ses livres et les laisser décider de sa vie, comme ils l'avaient toujours fait jusqu'à maintenant.

Au bout du compte, elle ne savait pas par quel moyen, mais sa mère avait eu sa garde, elle l'avait emmené en Corée du Sud et Shanai, à ce moment, découvrit le sentiment profond de vivre : partager des moments avec les gens de son âge, courir, jouer – ses récents frères lui apprirent, principalement le plus jeune –, s'aventurer, puis à rigoler à tout va. Shanai accumula de merveilleux souvenirs avec eux, en un temps si record qu'elle remercia intérieurement sa mère de lui avoir permis de goûter à la vie comme toute personne de son âge.


**

Vous voilà à la moitié de I Seoul U !!

Merci de m'avoir accompagné jusque là ♥ J'espère que la route n'a pas été trop longue pour le moment, mais sachez que s'il elle l'avait été, je rappelle que j'ai fais une alternative de lecture qui est proposée dans l'Avant-Propos :)

À partir de ce chapitre, quelques autres chapitres seront un peu spéciaux comme ça, j'espère pouvoir vous surprendre un peu ~

Bonne continuation et merci pour tous vos encouragements ♥


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