30. Chapitre 6 : Le 6 et 7 décembre, le parfum enivrant des fleurs (Seiha)

Seiha déposa le bouquet de fleurs dans son vase fétiche. Elle le trouvait tout simplement splendide, il était en porcelaine blanche, des fleurs de cerisiers avaient été peintes d'une couleur bleu marine, quelques touches dorées avaient été ajoutées pour donner de la brillance aux feuilles habituellement roses de l'arbre. C'était le vase que ses grands-parents paternels avaient offert à ses parents pour leur mariage, il était en plus de cela, symbolique pour Seiha. La jeune femme caressa le cadre d'elle et ses parents qu'elle avait soigneusement posé sur sa table bleu japonaise où trônaient aussi des photos de JongIn et TaeMin. Sur ce cliché, Seiha venait d'avoir huit ans, elle et ses parents s'étaient promenés sur l'île d'Awaji, juste à côté de Kobe où elle avait vécu, sa mère, Yumeko, avait voulu immortaliser le moment et avait demandé à un passant de les prendre en photo. Ils étaient rentrés et avaient personnalisé la photo avec des stickers et scotch en forme de cœur.

Quelques années plus tard, Seiha l'avait fait plastifier pour ne pas qu'elle s'abîme avec le temps. Aujourd'hui, cela était l'un des objets le plus précieux à ses yeux, il lui permettait de ne pas oublier le visage de ses parents avec le temps. Seiha toucha le bouquet qu'elle venait d'acheter, comme toujours elle avait pris différentes sortes de fleurs de couleur orange et bleu. Orange, la couleur préférée de sa mère, celle-ci aimait tant regarder les couchés du soleil, à chacune de leurs vacances, le premier soir en arrivant à destination, la famille Onishi se rendait à un point de vue pour observer le soleil se coucher pour entamer ce début de séjour sur une note positive, calme et absolument majestueuse. Le bleu pour son père ... Cet homme était un fou d'astronomie, il adorait voir le coucher de soleil pour ensuite observer la lumière des étoiles pointer le bout de leur nez et admirer leur éclat.

Bien-sûr, il était plus difficile de trouver des fleurs de couleur bleu, parfois Seiha demandait des fleurs blanches, pour accompagner ce bouquet de pureté. Mais JaeJoong était prévoyant, il savait que Seiha venait tous les sept du mois pour acheter un bouquet composé avec soin par lui-même aux couleurs orangées et bleus. JongIn était au courant de ce rituel chez Seiha, car il lui envoyait à chaque fois le même message – à quelques lettres près.

« Le bouquet que JaeJoongie t'a fait est joli ? Il t'a fait un prix ? Tu me le dis, sinon j'irai lui botter les fesses ! »

Seiha accompagnait sa réponse par une photo des fleurs qu'elle avait reçue. Elle avait vu exclusivement JaeJoong en tant que fleuriste, tout simplement car elle l'avait connu par le biais de JongIn, le plus âgé des deux frères s'était lancé depuis peu dans le domaine floral, au départ Seiha voulait l'aider dans cette nouvelle passion et vie professionnelle, mais finalement, maintenant elle ne pouvait plus aimer un seul autre bouquet qui n'avait pas été composé par JaeJoong. JongIn ne lui avait jamais demandé pourquoi elle prenait des fleurs tous les sept du mois ... Ni JaeJoong d'ailleurs. Mais le plus jeune devait sûrement être au courant de l'histoire de Seiha.

Le soir où tout avait déraillé dans sa relation avec TaeMin, le soir où elle s'était procurée son affection, le soir où elle avait parlé pour la première fois de ses parents depuis leur décès, le soir où elle s'était rendue compte que TaeMin et JongIn étaient plus précieux qu'elle ne le pensait à ses yeux ... TaeMin avait sûrement raconté ce qu'il s'était passé ce soir-là, à JongIn. Tout simplement pour ne pas avoir de secrets entre eux, et tout simplement pour ne pas donner la peine à Seiha de parler une seconde fois de ses peurs et tristesses devant quelqu'un d'autre.

Seiha était forte, elle avait un mental d'acier, et parler d'eux ... Des personnes pour qui elle aurait donné chair et âme, ces parents qui lui avaient partagés tant d'amour, ces êtres qui ne vivaient que pour elle, pour son bien-être ... Elle n'arrivait pas à en parler, elle pleurait ... et elle n'aimait pas pleurer. Cela s'était produit avec TaeMin, un peu par hasard ... Cette soirée lui avait fait tellement de bien ... Mais ses yeux avaient été tellement irritées et gonflés qu'elle ne voulait plus recommencer, elle ne pourrait plus parler d'eux avec cette même intensité qu'elle avait faite, ce fameux soir avec TaeMin.

JongIn était sûrement au courant. Mais comme toujours depuis le début de leur amitié, les mauvais souvenirs et passages négatifs de la vie étaient à bannir, aucun des trois n'étaient bon pour discuter, pour rassurer les autres, pour apporter des conseils ... Non, vivre tout simplement était leur maître mot, ils avaient la même manière de vivre, de partager ensemble leur avis, et cela convenait parfaitement à Seiha.

La jeune femme attendait patiemment que la nuit tombe. Pendant ce temps elle prépara un okomiyaki, repas originaire d'Osaka, ville qui se trouvait juste à côté de Kobe. Tous les 7 du mois, Seiha cuisinait un repas originaire de sa région, pour se rappeler sa culture, son passé. La danseuse ne rejoignait pas TaeMin et JongIn ces jours-là pour aller se défouler dans leur garage, elle posait tous ses jours de congés pour ne pas aller travailler au Bottoms Up. Elle allait tout simplement en cours, passait par le parc hyochang pour acheter un bouquet de fleurs et rentrait pour aller cuisiner un bon repas typiquement japonais, elle voulait être totalement libre pour ses parents. Si cette journée tombait un samedi, Seiha prenait quand même la peine d'allumer la télévision, sur cette unique chaîne qu'elle regardait.

Elle avait loupé le début.

— Vos peintures représentent essentiellement la nature morte, pouvez-vous me dire ... Pourquoi ?

La voix grave de JongIn semblait encore plus profonde à travers les micros d'enregistrement du plateau. Le garçon avait les cheveux coiffés en arrière, une tenue des plus séduisantes : costard-cravate, et maquillé pour mettre le charme de son visage en avant, rien à voir avec ce que Seiha voyait tous les jours : ses cheveux jamais coiffés qui tombait sur son front et des vêtements des plus conforts qui ne le mettaient pas en avant. JongIn travaillait dans la presse, il était animateur de « Rencontrez-les », une chaîne qui accueillait des célébrités de tout type, acteur, chanteur, peintre, sculpteur, écrivain, politique ... Il avait une culture incollable depuis qu'il avait commencé à travailler pour cette chaîne.

— Si j'avais rencontré un homme comme vous auparavant, peut-être que ma peinture serait loin d'être ce qu'elle est aujourd'hui.

JongIn resta concentré et Seiha laissa échapper un sourire devant ce contrôle de soi. Cette personne – dont Seiha avait loupé la présentation, était une femme qui frôlait la cinquantaine d'année, plutôt bien conservée par le temps, elle possédait un air malicieux dans le regard.

— Pourquoi cette passion pour la peinture ?

— Pour les belles choses de la vie.

— Donc ... la peinture morte est quelque chose que vous trouvez jolie ? s'intéressa JongIn en plongeant son regard dans celui de la peintre.

— Oui, exactement. Cela équivaut, pour moi, à cette lueur que vous avez actuellement dans vos yeux. Quelque chose de mystérieux, de sombre, que l'on peut voir tous les jours sans s'y attarder pour autant.

— C'est très intéressant, fit JongIn en hochant de la tête. Quelqu'un qui vous aurait amené sur cette voie ? Avez-vous de la famille qui travaille dans le domaine artistique ?

Les questions s'enchaînèrent et les réponses furent tout aussi rapides, la femme avait du répondant et savait comment bien placer ses réponses pour lancer quelques sous-entendus à JongIn. Seiha envoya un message à son ami pour le taquiner « Alors ? Tu as une récente petite-amie à nous présenter ? », quelques secondes plus tard elle reçut un message, l'animateur télé attendait justement la réaction de ses amis « Rah, ça a été tellement compliqué pour moi cette séance ! Elle a été tellement imprévisible, que j'ai des fois oublié mes mots ... La chaîne a tout de même voulu le diffuser car j'étais resté impassible et qu'elle se devait de montrer la personnalité et les pensées de cette femme ».

Un message de TaeMin arriva quelques temps après « Tu as mangé ? As-tu fais des Kitsune ? Un undo-tsuki ? Des takoyaki ? », Seiha afficha un rictus, elle était sûre que TaeMin s'était rendu sur internet pour regarder les plats provenant d'Osaka pour engager la conversation dessus, « On devrait cuisiner ça ensemble la prochaine fois ... J'aimerais connaître un peu plus la nourriture Japonaise. », avait-il enchéri.

Seiha dégusta son okonomiyaki en prenant soin d'y ajouter des aonori que sa mère adorait et eut la main lourde sur la sauce mayonnaise, comme son père en abusait autrefois. Elle dégusta ce parfum du passé. Cette maison à Kobe qui était petite et confortable, les poissons dans l'aquarium qu'elle regardait tous les soirs en rentrant de l'école, les soirées à observer les étoiles dans leur minuscule jardin, les repas succulents que sa mère préparait, les desserts exquis que son père réalisait à l'occasion. Jamais Seiha n'avait pensé que sa vie prendrait ce tournant, jamais elle n'aurait pensé venir vivre en Corée du Sud, jamais elle n'aurait cru perdre ses parents si tôt ... Elle n'aurait jamais imaginé les perdre tout simplement.

Seiha admira la photo d'elle et ses parents. « Les héros de mes rêves » étaient écrit sur le haut du cadre avec un stylo aux couleurs dorées. C'était comme ça qu'elle les appelait à l'époque, « Yume » signifiant rêve en Japonais allait parfaitement avec le nom de Yumeko, sa mère professeure de Coréen, « Héro » pour le « Hiro » de Hiroyuki, son père, qui était tout simplement un homme parfait à ses yeux, c'était aussi pour cette raison qu'elle s'était lancée dans le domaine astronomique.

Et elle, elle avait été tout simplement et innocemment la « protégée des héros de ses rêves », de sa naissance jusqu'à ses vingt-et-un an. Ce n'était pas la majorité qu'elle avait atteinte qui avait enlevé ce titre de « protégée » aux yeux de ses parents. C'était tout simplement cet accident qui avait emporté leur vie.

Seiha se leva de table, enfila son manteau, prit un tapis de gym, son portable et n'oublia pas la photo de ses paternels sur sa table.

La brise sur le toit de l'immeuble était fraîche. Seiha déroula le tapis pour se poser dessus et observer les étoiles légèrement brumeuses à cause de la pollution de la capitale. Elle posa la photo de ses parents afin qu'ils puissent profiter des étoiles avec elle.

— Elles étaient bien plus lumineuses à Kobe ... souffla-t-elle.

« Quand vous étiez encore là », voulait-t-elle ajouter, mais une boule se forma dans le creux de sa gorge et elle se retint de ne pas laisser échapper une larme. Seiha prit son portable dans ses mains, elle lança une playlist de musiques qui étaient dédiées à ses parents. Ces nombreuses musiques Japonaises et internationales qui avaient tournés en boucle dans leur modeste maison, laissant libre court à l'imagination de leur corps. À côté de leur travail passionné, Yumeko et Hiroyuki avait une adoration pour la danse, c'était comme cela qu'ils s'étaient rencontrés, à l'époque, sous une arche fleurie, à un bal dansant, durant les années 90. Ils s'étaient plût, ils avaient dansé ensemble, leur rythme était parfait, tout s'emboîtait tellement bien, ils savaient l'un et l'autre, qu'ils étaient faits pour être ensemble.

S'ils arrivaient à parler avec leur corps, à être en symbiose avec leur danse, alors tout était prévu pour qu'ils se rencontrent, qu'ils se trouvent. Seiha avait voulu, un jour, vivre personnellement cette rencontre ... Mais en grandissant, elle ne voulait plus connaître la même que ses parents. C'était celle de ses prédécesseurs, elle était unique, Seiha devait trouver la sienne par un autre moyen ... Peut-être celle des étoiles ? Les notes du piano que jouait la mélodie de son portable projetait à Seiha les images de son père et sa mère dans leur salon qui tournoyaient avec grâce et bonheur, ça avait toujours été une vision paisible pour la jeune Japonaise. Regarder ses parents danser, les copier, reproduire leur danse, pour un jour les faire avec eux.

Seiha avait réussi, à ses quinze ans, ses seize ans, ses dix-sept ans ... Jusqu'à ses vingt-et-un an, Seiha avait partagé la danse tantôt avec sa mère, tantôt avec son père. Elle avait malgré tout trouvé une voix différente, celle du hip-hop tandis que ses parents restaient dans les danses de salon.

« La constellation de céphée est brillante ce soir » venait d'envoyer TaeMin.

Seiha laissa échapper une larme. Ses parents seraient fiers, elle n'avait pas dérivé de ses objectifs, de ses passions depuis leur départ soudain, et surtout, elle avait trouvé des amis sur qui compter, qui savaient être là quand elle avait besoin. Même sans parler, un moindre regard entre eux et ils savaient comment réagir, comment remonter le moral de l'autre sans échanger de mots. Le nombre de soirées où TaeMin et JongIn avaient observé les étoiles avec Seiha ... C'était premièrement pour lui faire plaisir, puis ils avaient appris son monde, ses envies, ses passions, sa vie ... Depuis ils la partageaient avec beaucoup d'attention. Une attention particulière, certes, mais c'était exactement ce qui convenait à l'étudiante en astronomie et passionnée de danse.


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