2. Chapitre 1 : Le 5 Novembre, 20 Sejong daero 16-gil (Shanai)


Shanai, chinoise d'origine, vivait en Corée depuis maintenant une dizaine d'années. Ses cheveux noirs lui venaient dans les yeux, pourtant elle les avait attaché un demi-chignon décoiffé. Habituellement détachés, leur longueur ne dépassait pas ses épaules. Le reste de ses mèches cuivrées datant de plus d'un an brillèrent au soleil quand elle sortit de l'appartement logé au 20 sejong daero 16-gil.

Elle souffla du mieux qu'elle pût sur la mèche qui venait lui picoter les yeux. Le pantalon large qu'elle portait très souvent lui permettait d'être à l'aise dans sa course qu'elle voulait le plus discrète possible.

Shanai avait un petit visage mais surtout une petite tête ! Elle avait oublié son portable à son travail...

Décidément, elle déconnectait de tout en fin de journée !

Heureusement pour elle, elle se trouvait à vingt minutes à pied de son boulot, c'était très pratique quand elle oubliait sa tête là-bas.

Elle repassa devant les bâtiments qu'elle avait déjà vu dans la matinée et il y avait à peine quinze minutes en rentrant sans son portable.

Elle atteignit assez rapidement la rue assez calme du quartier de Chungmuro qui se trouvait proche du parc Namsan. Elle aperçut la pancarte verte devant la porte principale de son travail et y entra sans réfléchir. Shanai se précipita dans une première pièce d'accueil, poussa une autre porte pour tomber sur un grand et vieux couloir, elle prit la troisième porte à droite : son collègue cria de peur.

— Non mais ça ne va pas d'entrer comme ça ?! J'ai failli louper mon « a », tu as de la chance !

Shanai rigola nerveusement. Son jeune collègue, dépassant tout juste la vingtaine fixa la Chinoise. Cela accentuait son visage fin et déformait ses traits proportionnés et parfaits quand il était concentré à sa tâche habituelle. Ses lunettes habituellement posées sur son nez étaient tombées, heureusement, elles étaient maintenues par une chaîne dorée qu'il portait autour du cou.

— Ah désolée San, je pensais que tu étais parti ! s'excusa la jeune femme en cherchant sur son bureau, l'objet tant désiré.

— Tu sais bien que je dors ici tous les soirs, releva-t-il avec un sourire qu'il voulait cacher.

— Ah oui c'est vrai ... « San toujours au travail : fatigué le matin, motivé le soir, présent la nuit ».

Il fit un clin d'œil à Shanai en exagérant le geste, mais elle ne s'y attarda pas, trop concentrée pour retrouver son téléphone.

Elle leva avec douceur les différentes feuilles et livres posés sur son bureau, elle décala sa plume, ses stylos et ses encres de différentes couleurs avec attention.

En même temps, que ferait son portable caché sous ses stylos ? Elle l'aurait vu du premier coup d'œil. Elle se tapa le front, elle était vraiment idiote. Elle commença à regarder les bibliothèques qui les entourait.

Shanai ne les voyait même plus les trois grosses bibliothèques remplies de centaines voire de milliers de livres, trop habituée à les voir. Chaque jour, elle se concentrait uniquement sur le livre qu'elle restaurait. Ses yeux étaient rivés sur ce bouquin en question toute la journée, elle posait ses lunettes sur le bout de son nez pour ne pas abimer ses jolis yeux, et utilisait sa lampe de bureau qu'elle déplaçait toutes les heures en fonction de la position du soleil.

Shanai aimait l'environnement dans lequel elle passait ses journées, être entourée de livres, ça avait toujours été un rêve pour elle. Quand elle avait su qu'elle était acceptée à ce poste de restauration de vieux livres, elle avait fait la fête avec toutes les personnes de son entourage.

Et pourtant, elle n'était pas comblée par sa profession.

Elle était très heureuse de voir ces vieux livres, ces écritures... mais ce qu'elle avait omis, c'était la langue. Elle savait lire le hangeul, écriture Coréenne de nos jours, elle savait lire les principaux hanja, signes chinois. Mais elle n'avait pas pensé aux hanja Coréens... La plupart des livres qu'elle restaurait étaient écrits avec ces signes, et elle ne comprenait pas un seul mot.

Elle était donc déçue de voir ces pépites littéraires, sans comprendre ce qu'ils pouvaient contenir. Shanai avait voulu ce boulot pour lire différentes œuvres antiques, comprendre certaines choses qui aurait pu lui échapper sur l'histoire de ce pays.

Mais elle n'avait rien appris.

Rares étaient les moments où elle restaurait des livres en hangeul. Dans ces moment, elle était enfin comblée par sa journée.

— Je crois que Shiber veut te dire quelque chose, fit San.

La Chinoise sortit de sa rêverie pour lancer un regard rapide à son collègue, elle ne voulait pas prendre le temps de discuter. Elle voulait rentrer pour lire la suite de son manga qu'elle suivait via internet. Elle avait donc absolument besoin de son portable, son ordinateur l'ayant lâché depuis quelques jours.

Elle ignora son collègue sous l'empressement et parcourut les différentes étagères de la plus grande bibliothèque.

— Non mais je te jure, Shiber a besoin de te parler, insista le garçon.

Shiber était la peluche favorite de San qu'il emmenait tous les jours au boulot.

Shanai trouvait parfois San étrange, mais elle trouvait aussi ça très mignon d'emmener cet animal en coton avec lui.

La Chinoise était elle aussi plongée dans son propre monde : entourée d'histoires de science-fiction, d'amour, de peur, de drames...

Shanai était une très grande lectrice, elle vivait pour le papier imprimé et les idées inimaginables des auteurs qui les mettaient en place. Elle aussi aimerait ramener son livre fétiche au boulot, le seul souci, c'était qu'elle ne savait pas lequel elle choisirait.

Shanai passa à côté de son collègue qui lui fit des chatouilles sans scrupule. La jeune femme cria tout ce qu'elle pût et s'écarta de San.

— « San motivé le soir », ce n'est vraiment pas une blague ! dit-elle entre deux souffles.

— Tu ne m'écoutes pas, alors je demande ton attention, dit-il en la regardant au-dessus de ses lunettes.

— Bon allez, dis-moi, se désista la Chinoise.

— Viens voir Shiber, je te dis.

La jeune femme se rapprocha de la peluche en forme de shiba écrasé : il servait parfois d'oreiller – d'où cette forme étrange. Peut-être qu'il l'emmenait pour ça ? Si San s'endormait le soir, il avait de quoi poser confortablement sa tête dessus.

Shanai s'approcha davantage de Shiber et le caressa avec douceur sous l'œil attentif de San.

— Alors Shiber, il paraît que tu voulais me dire quelque chose ? fit-elle d'un ton mielleux.

— Ah ! Je crois qu'il a fait caca.

— Non mais San ! Tu crois que je n'ai que ça à faire de nettoyer Shiber ?! fit Shanai à moitié irritée.

— Regarde, je te jure, ah attends.

Le garçon sortit son portable de sa poche, composa un numéro à l'écart du regard de Shanai puis attendit en fixant sa collègue.

Shiber se mit à vibrer et un bruit désagréable s'échappait d'en dessous la peluche. Shanai ne réfléchit pas, elle leva l'animal en coton pour y découvrir un appareil électronique bleu : son téléphone portable...

San explosa de rire et un sourire léger se dessina sur les lèvres de la jeune femme qui venait de se faire avoir.

— Eh bah moi je veux bien faire des cacas portables ! déclara Shanai.

— Oh je ne suis pas sûre, ça ne doit pas faire du bien ! fit San avec une grimace.

— En tout cas Shiber me l'a gardé bien au chaud, merci à toi petit Shiba, fit la Chinoise en caressant à nouveau l'animal.

— Allez, va donc lire ton manga, ordonna le garçon en regardant Shanai au-dessus de ses verres correcteurs.

Elle lui donna un petit coup derrière la tête et repartit avec enthousiasme vers son appartement.

Elle aimait bien ce collègue, il était parfois trop excité mais dans ces moments, Shanai se sentait à l'aise avec lui.

Elle était comme lui : enthousiaste, entourée de sa famille et ses frères, mais elle avait beaucoup de mal avec les inconnus. Pourtant cela faisait plusieurs mois qu'elle travaillait avec San, mais Shanai était encore trop timide.

Elle était néanmoins très heureuse d'avoir participé à la démission de son ancien collègue et récupéré San à la place.

Shanai arriva bien vite à la porte de son immeuble, elle monta les escaliers pour atteindre le premier étage. Le couloir était sombre : les murs étaient ornés d'une peinture marron foncé et le sol était recouvert d'une moquette vert bouteille, rien de bien accueillant. Pourtant Shanai appréciait ce bâtiment.

Elle poussa la porte du numéro 7, enleva directement ses chaussures à l'entrée et poussa un soupir quand elle put avancer dans le salon, heureuse d'être revenue au bercail avec son portable.

L'appartement de la Chinoise ne pouvait pas être plus simple ! Les meubles étaient dépareillés, son canapé en cuir noir était vieux comme le monde, sa table basse beige était d'une qualité médiocre et son meuble télé n'était pas mieux. L'écran de la télévision était cependant récent, tout comme le lit de la jeune femme qu'elle quittait rarement le week-end.

Une petite table et deux chaises en ferraille se trouvait près de la grande fenêtre, mais Shanai ne s'était jamais assise dessus. En fait, sa table servait à stocker ses livres. Ses cinq petites bibliothèques n'étaient plus suffisantes pour contenir tous ses bouquins. La table-basse, le bar de la cuisine et sa table chevet étaient utiles pour stocker tous les livres qu'elle ne pouvait pas caser avec les autres.

Ce qu'elle aimait aussi fort que ses livres, c'était l'animal qui se trouvait dans le grand aquarium installé près de la fenêtre.

Elle s'approcha pour saluer la salamandre aquatique.

— Ça va Pado ? Pas trop longue la journée ?

Shanai avait pris une voix douce. Elle avait choisi cet axolote en animalerie car il avait été plus actif que ses copains. Il nageait rapidement, créant de petites vaguelettes à chacun de ses passages - d'où l'origine de son nom.

Même s'il ne faisait pas beaucoup de bruits ou de câlin comme un chien ou un chat, Pado lui portait compagnie. Elle allait le voir plusieurs fois par jour, plongeant son doigt dans l'eau pour le laisser déposer des baisers sur son empreinte digital.

La jeune femme s'étira et entra dans sa cuisine - tout aussi vieille que le couloir de l'immeuble -, pour y prendre un paquet de chips.

Elle fut parcourue d'un frisson de joie en entendant le bruit du paquet s'ouvrir et l'odeur qui s'y échappa.

Elle se dirigea vers sa fenêtre pour regarder au travers, munie de son paquet de chips.

Elle observa les différents passants, leur style vestimentaire, leur coiffure... Shanai aimerait parfois être plus féminine, mais ses pantalons larges étaient si confortables, qu'elle n'osait pas les quitter.

La Chinoise tendit le cou quand elle aperçut une silhouette familière. Une jeune femme du même gabarit qu'elle sortit de l'appartement. Ses cheveux bruns et ondulés étaient fouettés par le vent. Cette voisine portait souvent une salopette en jean. Shanai se souvint soudainement de son nom : HyunAe. Elle habitait au même étage qu'elle, au numéro 3.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top