|Chapitre 36|
Lorsque Leyra fut totalement dégagée des branches, le spectacle qui se présentait à elle était le pire qu'elle n'ait jamais vu.
L'arbre maison. L'endroit où elle et ses ancêtres étaient nés. Où elle vivait. Où elle avait tout apprit.
L'arbre avait été abattu et gisait désormais sur le sol de Pandora de tout son long, le pied et l'intérieur broyés par les flammes.
Un puissant cri de souffrance s'échappa des lèvres de la jeune na'vi et des larmes vinrent humidifier ses joues, se frayant un passage dans la poussière qui couvrait sa peau.
Après l'arbre des Voix, c'était à leur demeure, au coeur même des Omaticayas que les humains s'étaient attaqués.
Les oreilles basses, Leyra ne sentait presque plus ses doigts tant elle tremblait d'horreur. Son regard glissait le long du tronc gisant et ses oreilles percevaient le craquement des branches qui percutaient le sol. Physiquement, elle n'était pas blessée et pourtant, elle avait l'impression que son corps entier brûlait. Une brûlure si douloureuse qu'elle lui fit pousser d'autres cris d'effrois.
Ses lèvres tremblèrent et alors qu'elle observait les dégâts, toujours installée sur Ozo, son ouïe fut attirée par le ronronnement des hélicoptères qui faisaient demi tour, satisfaits de leur travail. Et aussitôt, son coeur se mit à battre de plus bel, alimenté par un nouveau sentiment: la rage.
Une rage qui sembla remonter le long de son corps jusqu'à son crâne, comme un douloureux frisson. Son visage crispé se durcit aussitôt et sa main agrippa son arc avec colère.
Ses yeux se dirigèrent vers les hélicoptères et son sang se mit à bouillonner.
La tristesse et la douleur étaient si intense que le seul moyen pour son corps de les gérer était de les transformer en colère.
Désormais, une chose obsédait son esprit: la vengeance. Les humains devaient payer.
Et Ozo, toujours connecté à sa cavalière, fut submergé par le même ressentit, hurlant avec force.
Sans qu'un mot ne soit prononcé, il prit alors la direction des hélicoptères avec vitesse et Leyra arma son arc, les crocs déployées, poussant un râle de rage.
Cependant, alors qu'elle avait bien entamé son chemin, un autre ikran lui barra soudainement la route, stoppant net Ozo dans son avancée. Surprise, Leyra dû se cramponner à sa monture pour ne pas perdre l'équilibre.
-Ne fais pas de bêtises!
C'était Ka'ani.
Le na'vi fixait la jeune chasseuse, les yeux troublés par les larmes. Ses oreilles étaient basses et son visage tiré par la peine. Comme les autres, il avait le coeur en miette. Et pourtant, il avait conscience que attaquer les humains seul, l'esprit guidé par la tristesse, n'était pas une bonne idée.
Il appuya son regard sur Leyra et celle-ci sentit la rage s'évaporer, laissant de nouveau place à la peine et la souffrance. Ses oreilles se baissèrent et elle sanglota, tournant la tête vers un autre ikran qui venait d'arriver à leur niveau.
Tsu'tey.
Le guerrier, les traits tirés par la colère, échangea un regard avec son amie d'enfance. Lui aussi voulait que les humains paient. Mais actuellement, il fallait qu'ils se concentrent sur leur peuple. S'assurer qu'ils aillent bien malgré tout, et les mettre à l'abris.
C'est là qu'un prénom retentit dans l'esprit de Leyra...
Nekawn!
Et sans réfléchir d'avantage, elle fit plonger Ozo vers l'arbre couché.
Désormais son coeur battait avec une inquiétude plus grande et toutes les questions ressurgirent: Nekawn avait-elle pu fuir l'arbre avant les explosions? Avait-elle hurlé? Était-elle blessée? Vivante?
Ozo se posa sur l'une des branches de l'arbre et Leyra sauta de son dos. Sans perdre plus de temps elle se faufila entre les branches jusqu'à atteindre le sol.
-Nekawn! Hurla-t-elle en se redressant.
Près du tronc et des branches brisées, l'atmosphère était encore plus effrayante...
La poussière et les cendres de l'incendie flottaient dans l'air, faisant tousser la jeune na'vi qui avait marqué une pause pour observer ce spectacle. Les branches et les feuilles de l'arbre continuaient de tomber vers le sol avec délicatesse et le sol était jonché de débris de bois provenant de l'arbre maison et des arbres environnants, écrasés et réduits en miettes.
Les Omaticayas se redressaient difficilement, horrifiés, hurlant de détresse en réalisant ce qu'il venait de se passer et en essayant de retrouver leurs proches.
Les cris et les pleurs se mêlaient aux crépitements du feu et Leyra peina à reprendre ses esprits.
Alors qu'elle ne cessait de répéter le prénom de sa petite sœur dans sa tête, elle fut témoin d'une horrible vision...
En effet, son regard venait de se poser sur une jambe dépassant sous le tronc géant. Un na'vi s'était fait écraser, comme tant d'autres surement...
Trébuchant, totalement choquée par le cauchemar dans lequel le peuple était plongé, elle reprit son chemin avec difficulté, les yeux écarquillés et la queue battant l'air, totalement perdue.
-NEKAWN! Hurla-t-elle avec terreur. NEKAWN!!
Elle fit plusieurs mètres, regardant tout autour d'elle, le coeur battant douloureusement. Elle ne cessait de crier le prénom de l'enfant, sanglotant en imaginant le pire. Imaginant l'enfant morte, écrasée, ou blessée.
Elle ne faisait presque pas attention aux Omaticayas autour d'elle, ne cherchant que le visage de Nekawn dans la foule.
-Nekawn!
-Leyra!!
Elle se figea. C'était une voix d'enfant qui avait répondu. La voix de sa sœur. Pivotant sur elle même, elle pleura de soulagement en voyant l'enfant à quelques mètres, dans les bras de Grace.
-Nekawn!
La chasseuse couru vers sa cadette qui fit de même et les deux survivantes se sautèrent dans les bras, tombant ensuite à genoux sur le sol.
Leyra entoura l'enfant de ses bras avec force et douceur, glissant ses doigts dans ses cheveux et remerciant la grande mère Eywa de l'avoir épargné.
-Je suis là... Chuchota-t-elle. Je suis là, comme promis.
-J'ai peur Leyra... Sanglota Nekawn en venant se blottir contre le ventre de son aîné.
Moi aussi... songea la plus grande avant de la bercer paisiblement, caressant son dos pour la calmer.
Alors qu'elle s'assurait que Nekawn garde les yeux fermés contre elle, Leyra reposa une fois de plus le regard autour d'elle. Et cette fois, elle vit la peine de son peuple. A genoux, faisant face au tronc abattu, les na'vis hurlaient, pleuraient, les yeux écarquillés, les cheveux couverts de cendre et les mains tremblantes.
-Chut... Murmura Leyra pour rassurer l'enfant avant de tourner la tête vers Grace.
L'avatar se tenait aux côtés de Mo'ät (qui avait certainement dû libérer les deux humains dans l'espoir qu'ils leur viennent en aide). La Tsahik était méconnaissable. Accroupit, se balançant de gauche à droite tant elle tremblait, elle ne cessait d'hurler d'effroi, les joues trempées par les larmes.
Tout son monde venait de s'effondrer et elle venait de voir son peuple se faire littéralement écraser sans qu'elle ne puisse rien faire pour les protéger...
Leyra pensa alors à Neytiri et Eytukan... Où étaient-ils? Allaient-ils bien?
Le peuple avait besoin d'eux pour se relever. Ils avaient besoin de leur chef.
Il fallait les trouver.
Les joues humides et les lèvres tremblantes, Leyra fit signe à sa petite sœur de monter sur son dos, ce qu'elle fit sans se plaindre. S'agrippant aux cheveux de son aînée et callant ses pieds dans les creux de sa taille, elle ferma les yeux pour se calmer, rassurée par la présence de Leyra.
Luttant pour ne plus trébucher, tenant toujours son arc dans sa main, la chasseuse se releva. Elle devait trouver Neytiri. Elle devait trouver Eytukan.
Et c'est en essayant de garder ses pensées clairs qu'elle se mit en route, se rapprochant de l'arbre maison pour commencer ses recherches.
Sur son chemin, elle songea également à Jake. Où pouvait-il être? Était-il avec Neytiri? Surement.
Tout en marchant, la guerrière ne pouvait s'empêcher de sangloter, essayant de se concentrer sur la présence de sa sœur dans son dos. Au moins, elle ne l'avait pas perdu. Sans quoi elle aurait certainement eut du mal à se relever.
-Tiens toi bien Nekawn. Et gardes les yeux fermés. Indiqua-t-elle.
L'enfant acquiesça, glissant son visage dans les tresses de la chasseuse.
Au bout de plusieurs minutes de recherches, s'éloignant peu à peu des Omaticayas et se rapprochant des flammes, Leyra perçu au milieu des crépitements un nouveau hurlement. Un pleur. Et malheureusement, elle savait de qui il s'agissait.
Accélérant le pas, elle dût se faufiler entre diverses branches avant d'apercevoir dans les cendres une silhouette agenouillée dos à elle.
-Neytiri! S'exclama-t-elle en s'approchant de son amie, ravie de la retrouver vivante malgré tout.
Cependant, sa joie fut de courte durée car elle réalisa rapidement que la princesse était agenouillée près d'un corps... Et en s'approchant d'avantage, Leyra laissa à son tour échapper une exclamation de terreur.
Eytukan. Leur chef, leur père, leur guide, était allongé, inerte, le torse transpercé par un éclat de branche.
-Non... Souffla-t-elle en s'agenouillant près de Neytiri, examinant le corps sans vie du guerrier. NON..!
Les larmes coulèrent de plus bel et dans son dos, Nekawn se crispa, se blottissant d'avantage contre son aînée.
Si Eytukan n'était pas son père de sang, il restait son père spirituel. A lui et à tous les siens. Un guide. Celui vers qui ils se tournaient lorsqu'ils étaient perdu. Celui qui l'avait prit dans ses bras lorsque ses parents étaient mort. Celui qui leur donnait l'espoir. Leur protecteur.
Son coeur se serra avec violence et d'autres râles de souffrances glissèrent entre ses lèvres sans même qu'elle ne s'en rende compte.
Agenouillée l'une contre l'autre, Neytiri et Leyra se balançaient doucement, les oreilles basses, l'estomac noué par la perte de leur maison et la disparition d'autant de membres de leur famille.
Autour d'elles, les flammes continuaient de danser et les nuages de fumée s'élevant dans le ciel empêchaient la lumière du soleil de se frayer un chemin jusqu'à elles. Elles étaient dans l'obscurité. Entourées par la destruction et la mort. Et a cet instant, alors que Nekawn sanglotait contre elle, Leyra ne su pas.
Elle ne su pas si ils s'en sortiraient. Si le peuple parviendrait à se relever.
Si la joie ferait un jour de nouveau danser leurs cœurs.
Si un jour, ils connaitraient de nouveau un lieu qu'ils appelleraient "maison".
Un frisson glacial descendit le long du crâne de la chasseuse.
Aujourd'hui, les humains avaient gagné.
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