8- Harry
ILLUSION
Ou pas...
J'aurais voulu m'étirer et gonfler mes poumons de cet air dénué d'odeur infecte de l'hôpital. Mais, même une semaine plus tard, mes côtes sont toujours en mauvais état, ce qui fait que je ne peux pas faire de mouvements trop compliqués, et que je ne peux pas inspirer profondément. Ça me fruste, d'ailleurs. Beaucoup. M'enfin, je vais quand même prendre ce qu'on me donne, et dire que ça fait du bien de dégourdir ses jambes.
Je jette un rapide coup sur mon téléphone : onze heures vingt-trois. Je me dis que Louis doit être à la fac en ce moment, raison pour laquelle il n'est pas là pour ma sortie.
Ah, la fac. J'ai pas envie d'y retourner, mais je dois quand même aller voir le directeur, pour un long entretien d'explications dont j'aurai vraiment voulu être dispensé.
-Harry, Harry attends moi !
Je me tourne vers ma mère, qui accourt vers moi à petites enjambées, en essayant de ranger en même temps je-ne-sais-quoi dans son sac.
-Je n'allais pas partir sans toi, tu sais, je lui réponds. C'est toi qui me ramène, alors...
-Je peux toujours appeler un taxi, si tu insistes. Et lui donner une mauvaise adresse, éventuellement.
-Ah mais je ne me plains pas hein !
-Ouais, enfin ça va pas tarder, te connaissant. Je te rappelle que tu vas passer les prochains jours à la maison.
À cause de mes côtes cassées, je ne peux pas faire grand chose. Je dois me reposer et minimiser mes activités pendant sept jours minimum, ordre du médecin. Alors ma mère m'a forcé à passer ces deux prochaines semaines chez elle, pour qu'elle puisse veiller et s'occuper de moi. En temps normal, ça ne m'aurait pas dérangé plus que ça, mais après ces derniers jours à dormir seul sur le lit de l'hôpital, j'aurais espéré passer une nuit blottit contre mon petit-ami.
Je soupire.
-Tu es toujours sûre ? je demande.
-Harry, c'est la quatrième fois qu'on en discute. Tu viens, un point c'est tout. Tu peux inviter Louis, si tu veux.
Je boude, résigné.
-C'est pas possible, je rajoute. La maison est à une heure de la fac, et sachant qu'il commence tôt, il peut pas dormir sur place. En plus, il a déjà beaucoup séché pour venir me voir à l'hôpital, alors il peut pas se permettre de rater encore plus de cours.
-Hum, je vois. Il peut venir quand il veut en tout cas.
Elle commence à marcher, je la suis.
-Ça se passe bien vous deux ? Elle reprend.
Ma mère aussi est au courant pour notre couple. Ce qui explique, même si aucun de vous ne l'a remarqué, qu'on s'est embrassé devant elle, à l'hôpital.
-Oui oui, je dis vaguement.
Mais ça n'empêche que je veuille mettre de la distance entre sa curiosité et ma vie privée.
On arrive devant sa voiture, qui ne reste pas bien longtemps verrouillée. Malgré son aide, je m'installe avec difficultés côté passager. Une fois plus ou moins assis, elle ferme la portière et vient se placer à son tour. La voiture démarre, et, doucement, elle atteint la lumière, invisible depuis le parking. Elle roule, elle vibre, elle m'apaise... C'est dingue, j'ai pas fait grand chose, pourtant... Pourtant je suis... Tellement fatigué... Oui... Fatigué...
[...]
-Harry, asseyez-vous.
Je pince mes lèvres, et, docile, m'installe sur le siège noir, en face de celui dans lequel est installé le directeur.
-Tout d'abord, comment allez vous ?
-Hé bien, je me racle la gorge, j'ai le bras cassé, et deux côtes aussi. Hum, pas mal de bleus, alors, vous savez, l'humeur suit. Mais je crois que j'ai eu de la chance. Enfin, si on peut appeler ça de la chance. Je veux dire, y aurait pu y avoir pire, quoi..
-Oui, oui j'avais compris. On a du vous prévenir de pourquoi vous êtes ici, n'est ce pas ? J'aimerais savoir ce qui s'est passé ce lundi douze décembre.
-Hé bien, tout d'abord, permettez moi de préciser quelque chose : ce... ce n'est pas la première fois qu'ils... vous savez... me frappent. À vrai dire, ils ont commencé à me différencier des autres quand ils ont appris que j'étais gay. Depuis deux mois maintenant, leur comportement n'a pas arrêté d'empirer, jusqu'à ce qu'il y ai un premier débordement, un peu plus d'une semaine avant l'incident.
-Par un débordement, vous voulez dire..?
-Une agression, oui.
-À cause de votre orientation sexuelle ? Vous êtes sûr ?
-À cause des propos qu'ils tiennent... Hum, oui, plutôt.
-Je... vois. C'est... un comportement inacceptable que nous ne pouvons pas cautionner dans cet établissement. Et dans aucun autre non plus, d'ailleurs. La discrimination, sous toutes ses formes, est, je vous le rappelle, punie par la loi. Soyez sûr qu'ils en seront sanctionnés.
-Merci.
-Ne me remerciez pas. Vraiment. Harry, j'ai besoin de savoir ce qu'il s'est précisément passé ce jour là.
-Alors, je... J'allais rentrer dans l'établissement, quand je les ai vu à quelques mètres. Quand ils m'ont aperçu à leur tour, j'ai compris à leur regard qu'ils allaient agir. Et ça s'est presque confirmé lorsqu'ils se sont approchés. Ça m'a étonné, vous comprenez, ils avaient... Ils avaient toujours été discrets, je suppose que c'est parce qu'ils ne voulaient pas... euh... qu'il y ai des conséquences, ouais. Et, bref, le fait est qu'ils ont commencé à m'insulter, vous savez, à me dire des trucs horribles à propos de mon orientation sexuelle... Puis ils m'ont frappés... Je passe sous silence que c'est moi qui ai commencé... Et, euh... vous aussi, hein ? Rien vu, rien entendu ! Ensuite je me suis évanoui, donc je pourrais pas exactement vous dire, mais... Il paraît que Monsieur Gouret est intervenu, et je me suis retrouvé à l'hôpital peu après. Je suppose que je lui dois beaucoup.
Voilà, la voix qui craque, juste comme ça... Une petite touche de chagrin, et je le tiens. Hum, je suis bon acteur, il faut dire. Rho, ça va, arrêtez avec votre "immoralité"... J'ai juste... tourné les choses à mon avantage..
-J'ai entendu dire que vous étiez tombé dans le coma ?
-C'est vrai, pendant quelques heures. Mais ça a été sans conséquence.
-Dites moi, Harry, avez vous envisagé de.. ma foi, porter plainte ?..
-Porter plainte ? Je suis surpris. N... Non, je... n'y ai pas vraiment réfléchis, à vrai dire.
-Hum, je vois. Sachez en tout cas que vous avez tous les éléments qui plaident en votre faveur, et je ne doute pas que, si ça venait à se faire, vous pourriez aisément remporter un procès. Pensez-y. Même pour vous, c'est peut-être mieux. Bien que, vous vous en doutiez je suppose, leurs scénarios ne collent pas du tout au votre.
Je ne réagis pas, perdu dans mes pensées. Porter plainte ?..
-Très bien. Hurm, euh... Avant de vous laisser partir,
j'aimerais vous dire que je vais personnellement m'occuper de leur renvoie définitif de cet établissement. Soyez tranquille, Harry.
Je soupire de soulagement. Plus de eux. Plus jamais. Marcher la tête haute ne devrait plus être trop difficile.
-Merci, infiniment.
Sans trop savoir comment, j'ai transformé la grosse merde dans laquelle je m'étais plongé, en petit nuage rose avec un supplément paillette. Que demander de plus ?
[...]
-Haz, t'es sûr que c'est une bonne idée ? Tu sais, on peut toujours y aller si t'es fatigué...
Je regarde Louis, qui m'observe sur le siège d'à côté.
-Bébé, arrête, on dirait ma mère... Et je suis pas fatigué, je te dis. En plus, j'ai vraiment envie de me détendre un peu.
-D'accord, si tu le dis... On.. On y va alors ?
J'acquiesce, et il sort de la voiture. J'ouvre la portière avec ma main valide, et à peine je sors un pied dehors que Louis s'est déjà précipité pour m'aider.
-Lou, je suis pas handicapé, je t'assure..
-Arrête, tu vas te faire mal, je te connais.
-N'importe quoi, regarde.
Je me lève du siège en appuyant sur la portière, essayant de prendre de l'impulsion sur mes jambes pour faire travailler le moins possible de muscles, courbaturés et pleins de bleus. Je vacille, Louis s'avance pour m'aider, mais je me rééquilibre avant.
-Tu vois ?
-Mouais, dit-il, pas convaincu.
Je me décale et ferme la portière, puis embrasse Louis sur la joue. Pendant mon geste, je le vois balayer des yeux la rue de long en large. Je mets quelques secondes à comprendre : il cherche si quelqu'un a "surpris" cet marque d'affection, aussi discrète soit elle, qui pourrait possiblement le faire sortir du placard. Je baisse les yeux dans un soupir, à la fois triste et agacé. Je ne sais pas quand il se décoincera sur ce sujet, si même un jour ça arrive. Je pensais que ça changerait petit à petit, mais ça n'a pas bougé du tout pendant nos six mois de relation. Malgré ça, je ne perds pas espoir... et je pratique l'auto-persuasion.
Bientôt, le mouvement de Louis me ramène à la réalité. Il sonne à l'interphone, et quelques secondes plus tard, nous sommes chez Lynn, qui vient nous saluer.
-Hey vous deux ! Harry, ça fait plaisir de te voir !
-Toi aussi ! je lui fais la bise. On a apporté de la vodka.
-C'est gentil ! On aura de quoi s'amuser comme ça ! Mo' est dans la cuisine, vous venez ?
En laissant la porte entrouverte, on entre dans l'atmosphère nébuleuse des lumières et de la musique. On est peut-être une quinzaine, mais je sais que nos hôtes attendent encore du monde. On fait la bise à Mauve, rayonnante dans sa salopette en jean. On discute un peu, et, peu après, cette dernière nous tend à chacun, dans un petit verre, ce qui semble être un simple cocktail, façon de démarrer la soirée. Elle lève son verre et dit :
-Au rétablissement d'Harry !
Je souris, alors que Louis se tourne doucement vers moi en affichant une mine chaleureuse, comme s'il était heureux de se rappeler que je vais effectivement guérir. Il lève son bras en même temps que Lynn, avant de boire. Je les imite.
Le temps passe en même temps que les verres, les gens défilent en même temps que la playlist. Nous sommes peut-être une trentaine désormais, entassés dans ce petit appartement d'étudiant. Je ne connais pas tout le monde, et je ne cherche pas à ce que ce soit le cas. Je danse juste avec Louis sans me préoccuper des autres, la tête tournant et le corps détendu. L'ambiance de fête, à laquelle se mêle des odeurs de cigarettes et de transpiration, imprègne chacun d'entre nous, nous baigne dans l'euphorie de l'ivresse collective. Je pose ma main droite sur les hanches de mon petit-ami, essayant de le rapprocher de moi pour danser collé-serré. Mais c'est sans compter sur lui, qui, même bourré, pense quand même à repousser tout signes d'homosexualités de son image. J'abandonne, et me remet à lever mon bras tout en baissant ma tête, chose que je fais uniquement lorsque j'ai bu. Du coin de l'œil, j'aperçois Lynn, Mauve et Niall s'éloigner de la foule pour visiblement s'isoler dans un coin plus tranquille. Putain, ils vont faire un plan à trois ou quoi ? Amusé de mes propres pensées mais intrigué tout de même, je tire Louis par la main, alors que je pars moi-même à leur poursuite. Quand je rentre dans la chambre, je les vois, assis en triangle, papotant tranquillement. A notre arrivée, Niall se retourne vers nous, avant de se réoccuper de quelque chose sur sa jambe. Sans nous regarder, il lance :
-Ah tiens, pile à l'heure les amoureux.
On s'assoit avec eux, et ils se déplacent vaguement pour nous inclure dans le cercle.
-Lynn... T'as la bouffe alors ? demande Mauve.
-Ouaip, j'ai tout, dit-elle en sortant des chips de sa table de nuit. C'est simple, dans la vie, soit on est grignoteur professionnel, soit on l'est pas.
Je pouffe avec les autres.
-Et voilà ! s'écrit Niall en tendant devant nous un... join.
Je lève les yeux au ciel. C'est pour ça qu'ils sont partis... Pff, petits cachotiers...
Il l'allume aussitôt, et le fais tourner après avoir pris sa taffe. J'ai un goût amers dans la bouche lorsqu'il me le tend. Je recule directement.
-Euh, nan, Niall. Non merci, je secoue la tête. Tu sais bien que je touche pas à ces trucs.
-Ah oui, ha ! J'avais oublié ! Nan mais ça va, c'est pas fort ! M'enfin comme tu veux...
À la place, je sors une clope et me l'allume, tandis que je passe le join à Louis. Évidemment, il plisse sa bouche de dégoût avant de le donner à Lynn, qui prend sa part distraitement. Je me rappelle avoir été surpris la première fois qu'il a refusé. Je pensais qu'il allait suivre le mouvement, faire comme tout le monde... Mais ça n'a jamais eu l'air de l'attirer, autant que moi.
Je tiens quand même à préciser que l'abus d'alcool et dangereux pour la santé. Et la consommation de drogue interdit par la loi.
Ouais, ça va hein ! C'est pas pour ça que j'en prends pas !
Non mais je ne voudrais pas inciter mes lecteurs à faire des bêtises. Et je sais bien, Harry.
Je sais que tu sais.
Je sais que tu sais que je sais.
On peut aller loin comme ça, tu sais ?
Rien à foutre, je veux gagner.
Et après c'est moi qu'on insulte de gamin ! Pff.. Bon, j'ai autre chose à faire hein, tu me pardonnes.
Je sais que tu sais que je sais que je.. que tu... euh... Merde je sais plus.
Ha ! J'ai gagné ! Bon maintenant fais ton boulot de personnage et lis moi ce Texte. Allez !
Quoi ?! Mais...
Tais toi. Et lis.
Hurm, alors.
A ma droite, je sens Louis me caresser la main, pour finalement me piquer la cigarette qui résidait entre mes doigts. Il fume en fermant les yeux, puis s'avachit sur moi en posant sa tête sur mon épaule. Ma main se retrouve sur sa jambe, pendant que les deux fumées différentes s'enchevêtrent dans l'air. Je profite de mon ébriété qui détend tous les muscles de mon corps, et ferme peu à peu les yeux sous mon confort.
-Wow, qu'est ce que vous faites les gars ?! demande Louis, visiblement étonné.
Je rouvre paresseusement les paupières pour voir ce qu'il se passe, et je vois Lynn brandir fièrement un petit sachet, remplie à moitié d'une poudre blanche. Il ne m'en faut pas plus pour bondir sur mes pieds, alors que j'ignore la soudaine douleur dans ma poitrine à cause de mes mouvements brusques. Effaré, effrayé, je suis totalement réveillé face à la vue devant moi. N'allez pas vous imaginer que je suis prude, hein. J'ai déjà vu de la drogue avant. Et même plus que "vu", soyons clair. C-
Tss tss tss, Harry, ne dit rien. Je sens que tu t'apprêtes a réduire en bouilli l'intrigue, alors je préfère t'arrêter tout de suite. Si veux spoiler, tu te casses. Je te jure, tu vas finir gâcher mon livre...
Euh... Mon livre, enfaite.
Pardon ? Qui est-ce qui l'écrit ? C'est pas parce que t'es un des personnage principal qu'il faut que tu prennes la grosse tête hein. C'est mon nom qu'y est inscrit sur la première de couverture, pas le tiens.
Et c'est mon œil qu'y a sur la couverture. De toute façon, tu sais très bien que sans moi y aurait pas de livre.
Tu sais très que sans moi y aurait pas de livre. Retourne à ta lecture, homme, avant que je ne change le casting.
Tu peux pas, et tu le sais.
Mais chuuuut, ma parole ! Je fais croire aux Lecteurs que j'ai un moyen de pression, même si c'est pas vrai. Dire que je vais devoir te supporter jusqu'à la fin des deux tomes.
Dire que je vais devoir te supporter jusqu'à à la fin des deux tomes. Tiens, pour qu'ils passent un peu plus vite, je vais me remettre à lire, hein ?
Je ne cesse de scruter ce minuscule paquet transparent, contenant les millions de grains aussi lumineux que dévastateurs, aussi blanc que l'obscurité. J'oblige mon esprit à s'imposer des barrières mentales, pour éviter de penser autre chose que "Non, non, non...".
-Harry a peur d'un sachet ! Hahaha ! se moque Lynn. Son ton est lent, modifié par l'alcool, comme à nous tous.
-Hey, mec, t'as quoi ? s'inquiète Mauve, plus concernée.
Je ne dis rien, je suis concentré sur ces barrières, dans ma tête. Je les rebâtis sans cesse, alors qu'elles s'effondrent inlassablement. Juste ce maudis et bénis "..non, non, non..." qui m'empêche de penser à autre chose. Et tant mieux, c'est le but.
-Viens, on s'casse amour.
Louis me prends par la main, et je quitte des yeux la drogue pendant que mes barrières s'abaissent.
On sort de la pièce en tanguant à cause de notre précipitation, et on retrouve bientôt l'atmosphère désinvolte que nous avions laissée.
Je n'arrive pas à croire qu'ils vont prendre de la... cocaïne. Je les pensais pas comme ça. J'aimerai dire qu'ils font ce qu'ils veulent et que je ne les juge pas... Mais je n'y arrive pas. C'est plus fort que moi. Vous comprendrez pourquoi, un jour.
Quand de nouvelles images d'eux entrain de sniffer me parviennent, je secoue la tête, pour m'en débarrasser. T'as besoin d'alcool, Harry.
-Tout est ok ?
Je regarde Louis et hoche le menton, puis le conduit vers la cuisine. Rapidement, je trouve une bouteille de vodka, et deux verres à shot dans le placard. J'écarte rapidement les autres boissons pour débarrasser un espace, et une fois que j'ai une partie du plan de travail plus ou moins propre, je dépose mes affaires dessus. Sans plus attendre, je remplis les deux petits récipients, avant d'en tendre un vers Louis. On trinque, et immédiatement, je bascule ma tête et avale tout d'un coup. Ma langue, ma gorge, mon oesophage, subissent tous la même brûlure sur le passage confiant de l'alcool. Ça fait mal, putain. Je reprends un deuxième shot. Ouais, ça fait vraiment mal. J'en bois un troisième, toujours accompagné par mon petit-ami. Aaah, ça brûle, c'est horrible. On arrête là.
Je déglutis pour essayer de faire passer la douleur. Ça me change les idées, au moins. Puis j'observe, en me léchant les lèvres, le petit être qui m'accompagne.
-Louis ?
-Hum ? il me regarde.
Je me penche et l'embrasse en mettant ma main sur sa nuque, pour ne pas qu'il s'échappe, sous simple prétexte que nous sommes en public. Je le sens d'abord plaquer sa main sur mon torse pour me repousser, mais, en même temps, répondre à mon baiser, et finir par abandonner, vaincu. De toute façon, il n'y a personne dans la pièce, donc il n'a pas d'excuse.
Je demande plus, j'approfondie, et enflammé par son écho, je le pousse même contre le mobilier encombré en l'embrassant avec plus de ferveur. Quand je commence à soulever son tee-shirt avec ma main non-plâtrée, il me stoppe et me repousse doucement mais fermement. Haletant, impuissant, je tends ma bouche à la recherche de la sienne, frustré, mais il tourne la tête et refuse implicitement de continuer. Je soupire, mais néanmoins, je suis heureux : j'ai l'impression qu'on a un peu avancé dans notre relation, du côté public en tout cas. Ouais, même si 'y a toujours personne dans la pièce...
En souriant, je le serre contre moi en posant ma pomme d'Adam contre son épaule, et profite de mon apaisement aussi bien dû à l'alcool qu'à ses bras.
Soudain, il gigote, tout excité, et s'extirpe de notre câlin. Je le regarde, surpris, et il se justifie :
-C'est Shape Of You qui passe ! Disolée, c'est un peu mon devoir d'aller danser... T'viens a'ec moi ?
Je refuse gentiment et l'observe s'éloigner. Un peu fatigué, les muscles engourdis, je m'assois difficilement sur une chaise de la cuisine et fixe les tâches sur la table, en laissant mon esprit divaguer.
Quelqu'un rentre, et je lève les yeux pour le voir. C'est un homme d'une vingtaine d'années, mal rasé et la peau mate, qui me rend mon regard. Il ne me semble pas l'avoir vu à la soirée, mais c'est sûrement un retardataire. Oui, je suis persuadé que je ne le connais pas, mais ses cheveux colorés aux pointes me paraissent familiers.
-S'lut mec ! je lance, toujours sous l'effet de ma bonne humeur.
-Salut !
-Tu t'appelles comment ?
-Comme tu veux.
-Tu t'appelles "Comme Tu Veux" ?!
J'éclate de rire. Je me calme très vite, en sentant mes côtes me faire mal.
Mais quand même, avouez que c'était drôle !
-Au faite, "Comme Tu Veux", je glousse, on se s'rait pas d'jà vu ?
-Si je ne savais pas que tu étais casé, j'aurais pu croire que tu me dragues, Harry.
-Mais non, ah ! J'te drague pas, t'inquiète ! J't'aime comme un frère, juré ! Mais j'te promets, ta tête me dis que'que chose...
-Ouais, tu m'as déjà vu..
-Ah, voilà ! C'était où ?
-À la télé.
-Ah ouais ?! Stylé ! Mais m'dit pas que c'était dans de la télé-réalité par contre, c'est tellement à chier ces trucs !
-Nan, pas du tout, t'inquiète.
-Tant mieux, tant mieux...
Il y a une pause, et je fixe mon verre vide. Je devrai peut-être le remplir... Ouais, nan, je suis assez torché comme ça...
-Dis moi, c'est pas trop chiant ? il me dit.
Je le regarde.
-De quoi ?
-De vivre.
De vivre ? J'éclate de rire, surpris.
-Nan, ça va ! Tu trouves ça chiant, toi ?
-Ouais, carrément...
-Bah alors pourquoi tu te tue pas si tu trouves ça "chiant la vie" ?
-Comment veux tu que je me tue si je suis déjà mort ?
Je le regarde de travers.
-Mais mec, t'es pas mort, puisque t'es dans cette cuisine. Oh, ou alors c'est une image... Désolée j'avais pas compris.
-Hurm, non, c'est pas une image. Et je suis pas dans cette cuisine.
-Bah... Si.
-Je ne suis pas ici, pas plus que je ne me trouve devant toi. Enfin, techniquement, si, mais pas vraiment.
Je fronce les sourcils. C'est moi qui suit trop bourré pour comprendre ou lui qui ne dit rien de compréhensible ?
-Mais, je commence avec hésitation, si tu n'est pas dans cette cuisine, alors tu es où ?
-Tu n'as toujours pas compris ?
-Qu'est ce que je devrais comprendre ?
-Je n'existe pas. Je suis dans ta tête.
NDP : Je crois qu'on a mis quelque chose dans mon verre. Putain, je m'étais juré de ne plus jamais être sous l'emprise d'une connerie.. Oui, mais, comme c'est pas volontaire... C'est pas grave, c'est pas ta faute. Tu décuveras demain. Mais là, t'as besoin d'alcool, Harry.
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